temps. Le tuteur tyrpris courut après la pouponne
qui l*av«it trompé. Il la trouva mariée, & revint,
dans ' fon défefpoir, offrir fa main à fa confidente.
M A S S IL LO N , ( Jean-Baptlfte ) né en ï 66} ,
mort en 1742.
Quelque temps après que le père Majfillon
fut arrivé de la Provence à Paris, le père de la
T o u r , général de l'Oratoire, lui demanda ce
qu'il penfoic des prédicateurs les plus fuivis :
« Je leur trouve , répondit-il, bien de l'dprit &
» des talens ; mais fi je prêche, je ne prêcherai pas
» comme eux ». Il reprochoit en général aux
prédicareurs de fon flècle de n'avoir pas affez
donétion.
C e qui eft fimplement raifon 8c preuve dans
les autres orateurs, prenoit chez lui la teinte du
fentiment, & ce fentiment fe manifeftoit Couvent
dans fon auditoire par les larmes 8c le fîlence. Sa
diétion > comme on peut le voir dans fes fermons
imprimés, étoit pure, facile, élégante, & cependant
pleine, nombreufe & remplie d'images
d'un coloiis frappant. Où trouver d’ailleurs des
penfées plus juttes, plus délicates, des expref-
fions plus fleuries, plus harmonieufes 8e néanmoins
plus naturelles ? Il paroiffoic en chaire avec
cet air pénétré, ce maintien modefte, ce gefte
fimple, ce ton approprié au genre d’éloquence
qu’il avoit embt affé. il ne tonnoit point,. il n'é-
pouvantoit point fon auditoire : mais il verfoît
dans les coeurs ces fentimens tendres qui touchent,
qui remuent. Cet orateur néanmoins favoit_ faire
ufage des plus grands raouvemens de l'éloquence.
La première fois qu’il prêcha fon fameux ferrnon
du petit nombre des élus, il y eut un endroit où
un tranfport de faifîffement s’empara de tout l’auditoire.
Prefque tout le monde fe leva à moitié
par un mouvement involontaire. Le murmure
d'acclamation & de furprife fut fi fo r t , qu’il
troubla l’orateur } & ce trouble ne fervit qu'à
augmenter le pathétique du morceau.
Lorfqu'il eut prêché fon premier Avent à Ver-
failles , Louis XIV lui dit ces paroles remarquables
: « Mon père, j’ai entendu plufieurs grands
» orateurs dans ma chapelle : j’en ai été fort
content- Pour vous, toutes les fois que je vous
» ai entendu » j’ai été très-mécontent de mon
» même ». Eloge fimple qui honore également
le goût 8c la piété du monarque & le talent du
prédicateur-
Le fameux Baron , atteur de la comédie fran-
çoife, voulut entendre ce prédicateur. Il fut frappé
du vrai qu'il trouva dans toute fon aétion , & dit
à un autre aéteur qui l'avoit accompagné : Mon
» an?i, voilà un orateur > & nous ne fornmes que
» des comédiens ».
On rapporte encore que ce même aéteur Payant
rencontré dans une maifon ouverte aux gens de
lettres le lendemain d'un jour qu'il avoit été l’entendre
, lui fit ce compliment : « Continuez , mon
» père , à débiterfcomme vous faites ; vous avez
« une manière qui vous eft propre , & lailfez aux
» autres les règles ».
On admira fur-tout dans les difeours de cet
orateur ces peintures du monde fi faillantes, fi
fines, fi reffemblantes. Quelqu’un demandoit où
un homme confacré comme lui à la retraire avoir
pu les piendre ? Dans le coeur humain, répondit-il ;
pour peu qu on le fonde , on y découvrira le germe
de toutes les pajjîons.
Les occupations du miniftère n’empêchèrent pas
le père Majfillon de fe livrer à la douce joie de
la fociété. Il oublioit à la campagne qu’il étoit
prédicateur, fans cependant bleffer lâ^écence.
S'y trouvant chez M. Crozat, celui-ci lui dit un
jour : « Mon père , votre morale m'effraye > mais
» votre façon de vivre me raffure»,
Le père Majfillon venoit de prêcher avec le
fuccès qui lui étoit ordinaire : le père la Boiflîère,
autre oratorïen, l’en félicitoit dans les termes les
plus flatteurs : « Eh l laiffez, mon père, lui ré-
» pondit le premier , le diable me l’a déjà dit
» plus éloquemment que vous ne pouvez faire ».
Majfillon, après les éloges délicats de Louis X IV ,
n'entendit peut-être rien qui le flattât davantage
qu'un mot d'une femme du peuple j celle-ci fe
trouvant preffée par la foule, 8c entrant à Notre-
Dame un jour que l’oratorien prêchoit, dit avec
la plus grande vivacité : « Ce diable de Majfillon,
» quand il prêche , remue tout Paris ».
IA. Majfillon, alors évêque de Clermont, manda
un curé pour le réprimander > le curé trouva
l’évêque dans fon carroffe avec une dame : il
s’approche & demande à M. MaJJitlon ce qu'il
vouloit j M. Majfillon lui dit : « On dit que vous
» allez à cheval avec des femmes en croupe ».
Le curé lui répondit : « Monfeigneur , cela feroit
» mieux, il eft vrai, de les mener en carroffe j
» mais je n*ai pas le moyen d’en avoir un comme
» votre grandeur ». ‘
M A T IN E S . Les chanoines de l’églile de
Bayeux avoient une façon fingulîère de punir
celui de leurs membres . qui demeuroît au. lit
pendant les matines des grandes fêtes. Immédiatement
après l’office, les habitués de l’églife avec
la croix , la bannière & le bénitier, alloient au
logis du chanoine abfent , & faifoient, par
cette forte de proceflion, une efpèce de mercuriale
à fa pareffe.
On peut croire que ce vieil ufage, commun
fans doute à d'autres églifes, a donné lieu à la
coutume proverbiale de dke à quelqu'un qui fe
fait
..
M A U
fait attendre long-temps, i l faut aller le chercher .
avec la 1croix & la bannière, f
M AUPERTUIS, ( Pierre-Louis Moreâu de)
né en 16^8, mort en 1759.
Maupertuis, fans avoir étudié les mathématiques
& la phyfique dès fa jeunelfe, fut néanmoins
fe placer àt:ôté des plus grands géomètres & des
plus habiles phyficiens de fon fiècle. Il nous a
fait voir qu'on peut être bon citoyen , 8c ne pas ,
adopter la phyfique de fon pays. Sans perdre
fon eftime pour notre célèbre Defcartes, il ofa
le premier parmi nous fe déclarer ouvertement
Neutomen.
Maupertuis, dans fon Traité du bonheur, repréfente
les hommes comme toujours dans l’abattement
fous le poids de leurs maux. Selon lui, ;
l’exiftence eft un mal j cè qui a fait dite de ce
philofophe : <* Maupertuis en parlant du bonheur,
» par.oît tenté de fe pendre ».
En 173y , auffitôt après le départ des trois académiciens
envoyas fous l ’équateur, pour y mefu-
rer les degrés , il propofa le voyage au cercle
polaire, comme le plus fur moyen d’obtenir, par
la comparaifon des degrés extrêmes du méridien,
un réfui tat que l'erreur, dont les obfervations
font fufceptibles, ne pouvoit altérer fenfiblement.
Il partit en 1736 avec l’illuftre Clairaut & deux
autres académiciens. Le voyage ne dura que dix-
huit mois ; 8c Maupertuis dans l’affemfclée publique
de l'académie du 13 novembre 1 7 3 7 ,prouva
que les dégre's du méridien croiffent en approchant
du Mord , & conféquemment que la terre eft
applatie fous Je pôle. Son portrait, gravé par
Daulé d'après Tournière , le repréfente en lapon
applatiffant les pôles de la terre. On lit au bas du
portrait ces quatre vers faits à fa louange par
M. de Voltaire.
Ce globe mal connu, qu’il a fu mefurer,
Devient un monument ou fa gloire fe fonde.
Son fort eft de fixer la figure du monde,
De lui plaire & de l’éclairer.
Le prince royal de Pruffe, devenu roi 8c grand ,
ro i, délira de s'attacher Maupertuis ; mais cet
habile géomètre ne fe rendit aux ir.ftances de
Frédéric qui'avec l’agrément du roi de France, fon
maître, qui lui conferva tous les droits de regni-
cole en France. Frédéric étoit alors en guerre avec
1 empereur ; Maupertuis en voulut partager les
périls. Il accompagna le roi dé Pruffe à la bataille
de Molwitz, fut pris 8c pillé par les huffards. On
renvoya prifennier à Vienne. L’empereur voulut
le voir, 8t lui fit l ’accueil le plus diftingüé. Il lui
demanda li , dans ce que les huffards lui avoient
enleve,il y avoit quelque chofe qu’il fût particu-
he rement fâché d’avoir perdu. Maupertuis ne Crut
Tncyclopédiana,
M A U
pas devoir fe plaindre de rien, 8c ne fut occupé
que de témoigner au prince fa reconnoifiànce
pour une queftion fi obligeante} enfin, preffé par
1 empereur, il avoua qu’il regrettoit beaucoup une
montre de Greham , qui lui étoit d’ un grand
fecoürs pour fes obfervations aftronomiques.
L’empereur, qui en avoit une du même horloger
anglois, mais enrichie de diamans, dit à Maupertuis
: « C ’eft une plaifanterie que les huffards
» ont voulu vous faire, ils .m'ont rapporté votre
» montre : la voilà j je vous la rends ».
On ajoute que l ’impératrice-reine lui demandant
des nouvelles de Pruffe, lui dit : « Vous
» connoiffez la reine de Suède, foeur du roi de
» Pruffe ; on dit que c’ eft la plus belle priirceffe
» du monde». Madame, répondit Maupertuis,
je l'avois cru jufqua ce jour.
Il avoit été appelé par le roi de Pruffe, principalement
pour donner une nouvelle forme , 8c. /
préfîder à l'académie de Berlin. Mais cet h«mme
illuftre, capable de perfectionner les fciences par
fes travaux, étoit peu propre à régir une fociété
de fayans qui ne reconnoiflent que des égaux. On
l’accufe d’avoir quelquefois mis de la hauteur où
il ne falloit que de la douceur, & d’avoir fubftitué
fouvenc l ’autorité aux raifons. Peut-être apporta-
t-il trop de chaleur dans fa difpute avec le pro-
feffeur Koënig.
M. de la Condamine, Filluftre ami de Maupertuis
, dont il a partagé les travaux & la gloire par
fon voyage^ à l'équateur , tandis que Maupertuis
faifoit celui du cercle polaire, eft le premier qui
ait conçu le deffein de lui ériger le maufolée qui
fe voit dans l’églife de faint Koch. M. d’H uez,
fculpteur du ro i, élève du célèbre Lemoine , a
été chargé de l’exécution. C e monument eft adoffé
à l'un des pilliers de la nef, du côté gauche, près
du choeur. C e ft un tombeau à l'égyptienne, four
tenu par deux confoles, accompagné de guirlandes
de chêne, & ehargé des armoiries de Maupertuis.
Le tombeau fupporte un cippe, c'eft-à-dire,
une colonne tronquée fur laquelle on a gravé !1 inf
■ cription. Le génie des fciences eft appuyé fur
ce cippe , dans une attitude qui exprime l'abattement
& la douleur. Il couvre fon vifage d'une
main , & de l'autre il tient une couronne d’étoiles,
parmi lefquelles on remarque une comète.
Cette couronne fert à rappeller les ouvrages de
Maupertuis fur les figures des aûres & fur les
comètes. De l’autre côté eft un enfant entouré
d’inftrumens de mathématiques, qui appuie une
main fur le globe de la terre, & l’ applatit à l’endroit
du pôle ar&ique. De l'autre main, il montre
Ie^ médaillon de Maupertuis attaché à une pyramide
, & orné d’une guirlande de cyprès. On voit
derrière cet enfant le fe&eur aftronomique qui x
- fervi aux obfervations fous le cercle polaire, & à
fes pieds quelques liyxes qui portent le titre des
O o o o