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Sophocle remporta dix-huit fois le prix de la
tr agédie, fur tous fes cqncurrens. On ajoute que
le dernier qui lui fut adjuge pour fa dernière tragédie
, le fit mourjr de joie. 11 avoit compofé cent
vingt drames > mais il ne nous en eft parvenu que
fep t, parmi lefquels 1’ OEdipe eft regardé comme
fon chef d'oeuvre , <U un modèle du vrai tragique.
Les autres pièces qui ont aufli de grandes beautés,
font Ajax , Eletitre , Antigone , Clolon , les Trachi-
nes & Pkilocîete.
On rapporte un beau trait, aufli honorable à
la mémoire de Sophocle, qu’à celle d'Euripide.
Celui-ci étant mort, Sophocle parut fur le théâtre
en habit de deuil , & voulut que fes aéleurs jouaf-
fent fans couronne.
SO T . C e mot a différentes lignifications en
françois., qu'il n'eft pas befoin d'expliquer , &
que la réponfe fuivante fera connoître. Une
jeune princeffe avoit vu un,très beau tableau chez
un ambaffadeur d'Angleterre , &c f avoit fort loué.
Cet ambaffadeur qui paffoit pour être très-galant,
Te faifit auflitôt de cette occafion pour faire fa
cour à la princeffe, lui envoya le tableau, & la
piia inftamment de le^ garder. Elle Je montra au
prince fon mari, qui l’examina avec beaucoup
d'attention : qu’en dites vous, moniteur, lui dit-
elle, de ce préfent, que M. l’ambaffadeur m’a
fait ? » Tout ce que je puis dire là-deffus, madame
, lui répondit-il, en admirant la beauté de
ce tableau, c'eft qu’il faut que cet ambaffadeur
foit un grand fo t , ou que je le fois.
Fontenelle à d:t plus d’une fois » que de bonnes
chofes vont tous les jours mourir dans l’oreille
d’un fot ! »
M . de Turenne difoit, en parlant des généraux
auxquels il avoit affaire, qu’un Soc l’embarraffoit
quelquefois plus qu’un habile homme.
Certain jeune marquis, las de voler de conquête
en conquête , Voulut faire une fin ^ & fe maria* En
fortant de I’églife, fa nouvelle époufe lui dit,
qu’elle efpéro:t qu’il étoit revenu de toute fes erreurs,
& qu’il feroit déformais fige. » Oui, ma-
dame^lui répond?t-il, je vous affure que voilà la
dernière fottife que je ferai. »
SOUFFLET. Un chapelier préfentoit fa re-
quête_ à un duc & pair, pour erre payé de fes
fournitures ». Eft-ce que vous n’avez rien reçu ,
mon ami, fur votre partie »? — Je vous demande
pardon, monfiigneur, j’ai reçu un foujfet de mon-
«eur votre intendant ».
Un prélat prenoit par mégarde un bouillon
gras un vendredi j après qu’il en eut avalé une
gorgée, un de fes domeftrques lui dit : monfei-
gneur , c’eft aujourd’hui maigre : le prélat-lui donna
un fovffet, en lui difant, vous m’avertiffez ou
teop tôt ou trop tard.
s P i
Une jeune femme difoit à fon mari, toutes Ut
fois qu’elle foi toit , qu’elle alloit au fermon :
quand elle revenoit, elle imag'noit un texte, &
faifoit l’analyfe d’un dïfcours. Mais le mari foup?
çonneux » la. fui vit un jour, & s’affura quelle le
trompoit. 11 lui en fit des reproches, & finit par
lui donner un foufilet. La femme furieufe, menace
fon mari, & va trouver un avocat, qui lui conf
i e de ne point pourfuivre cette affaire, n’ayant
pas de témoins pour la foutenir. Elle rentré donc
chez elle : fon mari la plaifante fur fa confulra-
t:on •, & lui demande fi elle a tiré bon parti de fou
fc-ufflet ? Comme je rien ai pu rien faire , répondit-
elle avec un gefte expreflif, je vous le.rends ? -
SPECTRE. Un homme cauftique,aigre, mé-
difant, étoit tourmenté de la goutte? il foufftoit
beaucoup, mais fon mal ne l’empêchoit pas de médire
des autres. Un de fes voifîns , qu’aparemment
il avoit peu ménagé, réfoîu.de fe venger de fis
farcafmes, fe mafqua en nègre , & \n t le trouver
unfoir qu’ il étoit feul : il monte, pouffe la
porte, & entre précipitament dans fa chambre,
s’approche du lit en grinçant des dents , & ne difant
mot. Le malade épouvanté, & plus que fur-
pris de cette vifite , demande ,^crie, qui va Ja>? qui
_eft-ce ; & dans le moment, il fe fent enlever par
celui qu’il croit un fpeclre venu de l'autre monde,
pour le faire mourir plutôt. Il eft vrai que le pré-
tendu fpeftre ne le ménaga guères : il le prend par
les bras, par les jambes, & l’emporte tout tranfi
au milieu de la cour, donnant en defeendant les
degrés , les parties malades de part & d’autre
contre les murs. Quand il Leut jeté fur le pavé,
non, fans l’avoir beaucoup fait crier , il fe mit à
le regarder, & à lui faire peur ? mais ne l'épouvanta
pas long-temps j car, le moment d’après
qu’il s’apprétoit à s’én recharger pour recommencer
fa promenade, il le vit Te relever & s’enfuir
aufli promptement que s’il n’avoit jamais eu de
goutte : en effet, il ne Lavoit déjà plus alors , &
il ne l’eut jamais depuis.
SPINOLA, ( Ambroife ) , général efpagnel»
de l ’illuftre maifon de Spinola , mort en 1630*
Spinola, né grand capitaine , ainfi que les Ln-
culjus & les Condé, dut tout à la nature & rien à
l’expérience. On demandoit au prince Mauria quel
étoit le premier capitaine de l'Europe ; il répondit
que Spinola étoit le fécond.
Ce général partant en 1604 par Paris , y fut
reçu avec les diftin&ion dues à un grand général,
qui venoit de montrer la plus grande capacité au
fiége d’Oftende. Henri IV lui demanda quelles
•feroient fes occupations durant la campagne qu’il
alloit ouvrir dans les Pays-Bas. Quoique Spinola
fût parfaitement inftruit de l’éloignement de ce
prinGe pour l’Efpagne, & du vif intérêt qu’il
prenoit aux Hollandois, il fe décida à lui dire
s T A
Franchement fes projets, très-convaincu qu’ il tte
feroit pas cru. En effet, Henri écrivit fecrètement,
& fans perdre un inftant, au prince Maurice,
ce qu’il favoit de Spinola , en lui confeillant de fe
préparer à des entreprises diamétralement opposées
? ce qui fut au grand détriment des provinces
unies. Spinola exécuta de point en point ce qu’il
avoit d it , & tout lui réuflit. Henri fut également
furpris & fâché. » Les autres, dit-il à cet occafion,
trompent en,difant des menfonges > mais Spinola
m’a trompé, en difant la vérité ».
Spinola, dans fon voyage d’Anvers à Madrid,
en 1617 y voulut voir le fiége de la Rochelle , qui
fixoit l’at;entiôii de l'Europe entière. Louis XIII
le reçut avec la diftmûtion due à un fi grand capitaine
, & lai montra lui-même les travaux. Le
cardinal de Richelieu le pria d’ indiquer les moyens
qu’il croyoit les plus piopres pour affurer & hâter
la reddition de la place. Il répondit qn’il fal-
loit fermer le port $ ce que l’on fit peu de temps
après, par ceite digue devenue fi célébré fj & ouvrir
la main , c’eft-à-dire , donner libéralement
de l’ argent aux foldats pour leur faire fupporter
les rigueurs de l’ hiver. Il ajouta, en fe tournant
vers le roi que la préfence de fa majefté rendoit
la nobleffe de France infatigable & invincible.
» Un de mes grands chagrins, continua-t-il,
c’eft que le roi mon maîtte n'a pu être témoin de
ce que j’ar fait pour fon fervice ? je mourrois content,
fi j’avois eu cet honneur une feulé fois ».
La cour d’Efpagne qui vit avec chagrin, que la
France délivrée dés^guerres civiles, feroit très-
redoutable à fes voifins, médita d’envoyer une
flotte au fecôurs des afliégés. On propofa à Spinola
le commandement dés troupes de débarquement.
» J’ai vu les opérations , répondit cet homme il-
luftre , & j’ai donné mes avis fur ce qu’ il y avoit
à faire j ainfi je ne puis me charger dé ce qu’on
defire de moi ».
| C e grand général avoit très-heureufement fervi
l’Efpagne en' Allemagne & en Flandre. Il fut envoyé
en Italie en 1630 , pour former le fiége de
Cafal. Des ordres imprudens qui lui venoient régulièrement
de Madrid, &: dont il ne lui.étoit
pas permis de s’écarter | fous quelque prétexte
que ce pût être , le firent éehouer devant .cette
place. 11 en mourut comme défefpéré ,' répétant
jufqu’au dernier foupir ces paroles espagnoles :
Me han quiiado la honra , ils m’ont ravi l'honneur.
Spinola penfoit, que pour que l’Efpagnol eût
une.hardielfe , & une fermeté digne de fon pays , f
il falloit, qu’ft fût copfondu dans un efeadron -ou
dans un bataillon.'Aufli difoit-il fouvent, qiî’«/z!
Efpagnol feul, quoiqu'il fû t bon foldat, ri étoit*
propre qrià faire fentinelle.
STANISLAS, roi de Pologne, grand due de
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Lithuanie , duc de Lorraine & de B a r , né à Léopold
le 20 octobre 16773 mort en Lorraine le
13 février 1766.
Stanifas avoit coutume de dire qu’une feule
vertu , vaut mieux qu’un fiècle d’aïeux. C e feroit
mal répondre à un Sentiment fi fublime, que de
s’occuper à prouver-l’ancienneté de fa maifon. Ce
grand prince ne fe rappelloit la gloire de fes ancêtres
, qtte pour s’exciter à l’héroïfme. Son édu-
cation fut pleine & laborieufe. Convaincu par
les évènemens pénibles de fa vie, que l’on change
plutôt fis defirs que l’ordre des chofes, il n’en
chaîna jamais Ton bonheur à la fortune, & l’attendit
du plaifir feul à faire du bien. Rendre les
hommes heureux étoit le principe de toutes fes
actions. Son peuple ne l’appelloit pas autrement
que Stanifas le bïenfaifant, titre qui ne peut être
compare qu’à celui de bien-aimè. C e prince,
apres nous avoir donné pendant fa vie l’exemple
de toutes les vertus, nous inftruit encore après fa
mort dans les écrits qu’il a laiffés , & qui ont été
raffemblés en quatre volumes in~%° êt in-11, fous
le titre d (OEuvres du philofopke bïenfaifant. C et
ami des hommes avait une phyfionomie des plus.
heureufes, & qui annonçait toute la candeur ae
fon ame. Comme il avoit beaucoup d’elprit &
de lumières, il protégea d’une manière particulière
les fciences & les. arts , qu’il cultivoit lui-
même avec fuccès. § il n’ avoit été qu’un fimple
particulier , on le louerait ici de fes talens pour ja
mécanique.
En 1704» Stanislas fut député par I’affemblée
de VVarfovie , auprès de Charles X I I , roi de
Suède, qui venoit de conquérir la Pologne, &
de détrôner Frédéric Augufte. Stanifas étoit, alors
âgé de vingt-fept ans, Palatin de Pofnanie, &
avoit été ambaffadeur extraordinaire auprès du
grand -feigneur en 1699. Charles témoigna plu-
fieurs fois la fathfaftion & l'étonnement que lui
cauloient l’air plein de nobleffe * & le mérite fu-
perieur du jeune député. Il dit un jour en fortaru:
d’une longue conférence avec Stanifas, qu’il
ri avoir jamais vu d’komme f i propre a concilier
tous-les partis- $ & il ajouta 1 Voila celui qui fera
toujours- mon ami. On s’apperçut bientôt, après que
ces paroles fignifioient : » Voilà celui que je
donnerai pour roi à la Pologne.
Le primat de Pologne étoit accouru pour faire
tomber le choix du conquérant, fur un Lubo-
mirski. Il repréfenra que Stanifas Lefzczynski
ctjO!t trop, jeune j mais i l bJI u-peu.-pris de mon ùge
répliqua féchèmeut Charles XII ; & auflitôt il
envoya le comte de Hoorn , lignifier à l'affemble'e
de Wgr,fovie ,qu 'tl falloit élire un roi dans cinq
jours . -& qu'il fallait élire Stanijlas Lefzczynski,
Le cardinal Primat, nje voulut point fe trouver à
laffemblée. L'évêque de Pofnanie vint préfider à
(a p l a c e & proclama, le 1 juillet 1704, Sca.