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die celui-ci, en les repouffant fur la table, je ne
les reprends plus »». Louis X IV s’écrie : Quel
homme » ! Le monarque aufli-tôt jette les lettres
de grâce au feu. <* Je reprends lés fceaiix, dit
alors le chancelier, le feu purifie tout ».
U n . de nos généraux demandoît, dans le fort
d’une bataille , une prife de tabac à un de fes
lieutenans ; & voyant celui-ci emporté par un
boulet de canon dans le moment qu’il lui présentoir
fa tabatière, il Te tourna froidement ’de
l’autre cô té , & dit à un autre officier: « Ce
•»» fera donc vous qui m’en donnerez , .puifqu’il
» a, emporté la tabatière avec lui »»« Tous- ces
traits, rapportés par différens auteurs modernes,
doivent nous rendre plus vraifemblables ces exem-
pies de fermeté ftoïque , fi fort loués par les anciens.
Pendant que Louis X V étoit malade à Metz v
un des médecins qui le Tervoit lui préfenta une
potion pour laquelle il montroir beaucoup de
répugnance ; le doéfceur infifioit fur la néceffité
de la prendre: le prince repouffoit toujours le
vafe. Le médecin, défeüpéré de cette réfiftance,
lui dit courageufement : Je le veux. Cette ex-,
preffion hardie tira le monarque de fa léthargie.
II tourna les yeux vers lui avec étonnement, &
dit î Vous le \ voule£. — Oui , je U veux , fire3 ~ib
faut que je fois, votre maître aujourd’hui , pour que
dans quatre jours vous foye^ le nôtre*
FÊTES. Alphonfe V I , Roi de Portugal, vint
à Paris ; Louis X I lui fit rendre de grands honneurs
& tâcha de lui procurer tous lés amufe-
inens pofliblès. On le logea dans la rue des Prouvâmes
, chez Laurent Herbelot, épicier : on le
mena au palais, où il eut le plaifir d’ entendre
plaider une, caufe , & le lendemain il alla à l’évêché
, où l’on procéda en fa préfence à la réception
d’un do&eur en Théologie, & le dimanche
fuivant on ordonna une proceffion de
l’univerfité qui pafTa fous fes fenêtres. Voilà un
roi bien honorablement logé} & Lien fêté !j
Dans la plupart 4 es grandes villes, on accorde
des récompenses au bel efprit ; dans le
village de Salency, près de Noyon en Picardie,
on couronne la vertu ; on n’y applaudit point à-
de beaux difeours, mais; on y honore la bonne
conduite. Depuis un tems. immémorial on célébré
dans ce village, tous les ans lé 8 Juin, la
Fête de la Rofe, ainfi nommée parce qu’en effet
on y couronne de rofes la fille du lieu la plus
vertùeufe. L ’inftitution de ' cette fête eft attribuée
à S. Medard, évêque de Noyon & feigneur
de Salency , qui vivoit au commencement du
fixième fiècle. Un tableau dëvla plus haute antiquité
, placé au-deffus de l’autel de la chapelle
de S. Medard, qui eft à u n e b ï extrémités du
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village de Salency , repréfentè ce faint prélat eft
habits pontificaux, & mettant une couronne de
rofes fur la tête de fa foeur qui la reçoit à genoux.
Les feigneurs de Salency qui dans cèt établiffe-
ment ont fuccédéà S. Medard, & qui même dans
la fuite en ont fait un droit.de vaffalité, célèbrent
la même cérémonie. Les habitans, après s’ être af-
femblés? en corps de communauté , choififfent
dans le village trois-filles qu’ils, préfentent à leur-
feigneur un mois avant la cérémonie, & le feigneur
dëfigne pour Référé, celle des trois qu’il
juge à propos. Ces filles doivent être nées dans le
lieu, de parens d’une conduite irréprochable. La
tache la plus légère, le moindre foupçonferoit un
motif d’exclufion. Le choix du feigneur eft annoncé
d’avance, afin que les autres filles afpirantes
puiffent le contefter s’ il y a lieu. Le jour de ligné
pour la cérémonie, la fille Rofisere} vêtue de blanc,
fe rend vers les deux heures après midi au château
de Salency, au fon des tambours , des violons,
dès mufettes. Elle eft accompagnée de fa famille
& de douze filles aufli vêtues de blanc , avec un
large ruban bleu , , en-baudrier, auxquelles douze
garçons du lieu donnent la main. Le feigneur ou
fon prépofé va la recevoir lui - même. Elle lui
fait un petit complinient pour le remercier de la
préférence qu’il lui a donnée; enfuite le feigneur
ou celui qui le répréfente & fon bailli, lui donnent
chacun la main; & précédés des inihu.mens,
ils la mènent à la paroiffe, où elle entend les vêpres
fur un prie-Dieu placé au milieu du choeur.
Les vêpres finies, le clergé, fort proceffionnelle-
ment avec le peuple pour aller à la chapelle de S.
Médard. C ’eft-là que le curé ou le célébrant bénit
la couronne ou le chapeau de rofes qui eft
fur l’autel. C e chapeau eft entouré d’un ruban
bleu & garni fur le devant d’un anneau d’argent.
Apres la bénédiction & un difeours relatif à la
fête, le célébrant pofe la couronne fur la tête
de la Rofiêre , qui eft à genoux, &■ il lui remet
en même temps, en préfence du feigneur & des
officiers de fa juftice, la fomme de vingt-cinq
livres annexées par le titre de la fondation à cette
cérémonie. La Rofiere ainfi courronnée eft reconduite
de nouveau par le feigneur ou fon repréfen-
tànt & toute fa fuite jufqu’à la paroiffe, où l’on
chante le Te Deum & une antienne à faint Médard
, au bruit de la moufqueterie des jeunes
gens du village. Au fortir de l’églife, le feigneur
ou fon repréfentant mène la Rofiere jufqu’au milieu
de la grande rue de Salency, où des cenfî-
tàires de la feigneurie ont fait drefier une table
garnie, « d’une nappe, de fix ferviettes, de fix
afliettes, de deux couteaux, d’une falière pleine
de fe l, d’un lot de vin clairet en deux pots ( environ
deux pintes & demie de Paris ) de deux
verres , d’un demi lot d’èau fraîche , de deux
pains blancs d’un fol, d’un demi cent de noix &
d’un fromage'de trois fols. »» Ils lui donnent encore
par forme d’hommage, un bouquet de fleurs,
une
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une flèche, deux balles de paume & un fiflet avec
lequel l’un des cenfitairés fifle trois fois avant
que deToffriri Ils. font obligés de fatisfaire exactement
à toutes ces fervitudes, fous peine de
foixante fols d’amende. De - là , toute l’affemblée
fe rend dans la cour du château fous un gros
arbre , où le feigneur danfe le premier branle
avec la Rofiere ; ce bal champêtre finit au cou- .
cher du foleil. Le lendemain dans l’après-midi,
la Rofiere invite chez elle toutes les^filles du village
, & leur donne une grande collation. Louis
XIII fe trouvant au château de Varenes, près
de Salency, dans le tems de la fête de la rofe,
le feigneur de Salency fupplia Sa Majefté de vouloir
bien faire célébrer en Ton nom la cérémonie de
la rofe. Ce Monarque y confentit & envoya le
marquis de Gordes, Ton premier capitaine des
Gardes, qui par fes ordres ajoûta aux fleurs une
bague d’argent & un cordon bleu.'C’eft depuis
cette époque que la Rofiere reçoit cette bague &
qu’ elle & fes compagnes Tmt décorées de ce ruban.
Cette fête fi capable d’encourager les moeurs
& dont on n’ a peut-être point d’exemple nulle
part,-étoit bien digne d’intereffer une ame honnête
& fenfible. M. le Pelletier de Morfohtâine.,
nouvel intendant de Soiffons , qui fe trouvoît proche
Salency au mois de Juin; 1766, s’eft offert,
à la prière juridique du bailli, d’être le parrein
de la Rofiere en l’abfenee du Éigneur. Il ne s’eft'
point borné à cette marque extérieur & paffagère
de fa fenfibilité, il a doté la Rofiere de quarante
ecus de rente , & y a ajouté une fomme qui
doit être employée aux frais des noces & à l’aç-
quifition d’une maifon pour les nouveaux mariés.
Après la mort de cette fille, la rente eft reverfible
aux filles Rofieres , qui en jouiront fucceffivement
pendant une année.
FÊTES CÉRÉALES. Un excellent citoyen,
qui pofféde des terres considérables dans le
comté d’Aufch, y a inftituë des fêtes céréales*
qui fe célébreront tous les cinq ans, au tems
de la moiffon. Ce feigneur pendant ces fêtes
fera confondu avec fes vaffaux, habillé comme
eux, ,& au retour des champs tous les laboureurs
prendront leur repas au château avec, lui & fa
famille. Les céréales dureront huit jours, & fe
termineront par le mariage de fix jeunes filles les
plus fages avec fix jeunes agriculteurs les plus
laborieux. Le Seigneur en fera lés frais, donnera
à chaque nouveau ménage cent écus avec tout
les outils du labourage, & les exemptera de toutes
redevances pendant les premières années. Une
pareille inrtitution rappelle ce qu’étoit l’homme
dans le premier âge du monde.
FEUILLADE. V , A ubusson. De la Feuïllade.
ayant été- bleffe a la tere , d’un coup de moufquet
en ipy. y ; au fiége de Landreci, les chirurgiens
qui lut' mirent: le premier appareil, lui dirent que
L ncyclopediana*
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le coup étoit dangereux, & qu'on voyoit fa cervelle.
Ah ! parbleu, dit - i l , meflîeurs, prenez*
en un peu , & l’envoyez dans un linge au cardinal
de Mazarin, qui me dit cent fois le jour
que je n’en ai point.
FEDQUIERES. En 1688 , FeuqUieres part
d’Heilbroii à la tête de mille chevaux ; parcourt
un pays très-étendu , baf plufieurs partis
fort confidérables;, paffe plufieurs rivières,
évite beaucoup de préges, établit d’énormes contributions;
& , après trente-cinq jours.de courfe,
retourne triomphant au lieu d’où il eft parti.
Vous aveï£ beaucoup rifqué, lui dit un de fes
amis. Pas tant qu on fe l'efi imaginé, répond Feu-
quièies. On étoit ignorant, comme on l ‘efi toujours
lorfque la guerre commence. Je f f àyois a qui
f avois a faire ; les ennemis étaient épouvantés ;
ils me croy oient plus fort que je nétois ; & je me
confervois toujours des moyens de retraite.
Louvois veut fçavoir les détails d’une expédition
qui eft trouvée admirable. Après que Feu-
quières a contenté fa curioficë , il ajoute : On
vous aura fans doute dit que f ai beaucoup gagné
dans la courfe que j ai faite. Qu’efi -ce que cela,
fait ? répond le miniftre. T en fais bien aife. A
quoi cela. monte-t-il ? A cent mille francs, répart
Feiiquières. Je voudrais q uil y en eût davantage ,
répliqué Louvois. Quand ces bonnes gens, continue
Feuquières, avaient compté fur la table les fom-•.
mes auxquelles ils avoient été impofés, ils mettoient
une fomme a- part. Cefi'pour monfieur, me difoîent-
i!s ; je Vai mife dans ma poche. Vous aveç bien
fa i t , dit le m.niftre. Cette courfe rapporta trois
: ou quatre millions au roi.
FIDÉLITÉ. Dans les tems de troubles, le
préfîdent de Blancmeml fut emprifonné au Louvre
; on l’accufoic d’avoir une correfpondancé
fecrette avec Henri IV . Les juges lui firent Ton
procès dans les formes, afin de mettre de leur
coté les apparences de la juftice, & de ne plus
effaroucher îs peuple par les exécutions ptécipi-
tees , que l’on regardoit comme des affafiînats ;
enfin comme Blancmenii alloit être condamné à
être pendu , le Duc de Mayenne vint à Paris :
ce prince avoit toujours eu pour ce magiftrat
une vénération qu’ on ne pouvoir refufer à fa
vertu , il alla lui-même le tirer de prifon. Le
prifonnier fe j.etta à fes pieds & lui dit : monseigneur
, je vous ai obligation de la v ie , mais
j’ofe vous demander un plus grand bienfait ; c’eft
de me permettre de me retirer auprès d’Henri I V ,
mon légitime roi : je voiis reconnoîtrai toute ma
vie pour mon libérateur, mais je ne puis vous
fervir comme mon maître. » Le duc^e Mayenne
touché de 'ce difeours, le releva, l’embraffa
& le renvoya vers fa majefté.
K kk