
S C A
tribu d'indiens qui chaffoient mieux les hommes
qu’eux-mêmes.
S C A L IG E R , ( Jofeph-Jufte ) , né l’an 1540,
mort en 1609.
Scaliger étant appellé par les Hollandois , pour
être profeffeur chez-eux , alla prendre congé de
Henri I V , auquel il expofa , en peu de mots ,
le fujet de fon voyage. Tout le monde s’attendait
à quelque chofe d’important de la part du
r o i } mais on fut bien lurpris, lorfqu’aprés lui
avoir dit : » Eh bien ! monfieur Scaliger 3. les
hollandois vous veulent avoir, 8c vous font une
grolfe penfion i j’en fuis bien aife ».
| Scaliger a paffé une partie confidérable de fa
vie à éclaircir les anciens auteurs. Bayle fait à
ce propos une réflexion fort jufte. Je ne fais ,
dit-il , fi on ne pourroit pas dire que Scaliger
avoit trop d’efprit 8c trop de fcience pour faire
un bon commentaire ; c a r , à force d’avoir de
l ’efprit, il trouvoit, dans les auteurs qu’il com-
inentoit , plus de fineffe & de génie qu’ils
n’en avouent effectivement j 8c fa profonde littérature
étoit caufe qu’il voyoit mille rapports
entre les penfées d’ un auteur & quelque point
rare de l’antiquiié} de forte qu’ il s’imaginoit que
fon auteur, avoit fait quelque allufion à ce point
d’antiquité, & fur ce pié-là, il corrigeoit un
paffage.
Chaque peuple donne au latin la prononciation
de fa langue naturelle i c’eft ce qui fit dire plai-
famment par Scaliger, à un gentilhomme écof-
Fois 5gguf lui faifoit un difcours latiri, dans la prononciation
de fon pays : monfieur, vous me pardonnerez
fi je ne vous réponds point , je n’entends
pas l’écoffois.
SCANDERBEG. (George Caftriot) Il étoit fils
d’un defpote, ou d’un petit roi d’Albanie} lorfque
Je fultan Amurath, s’ étant faifi de l’Albanie, il
éleva cet enfant qui reftoit feul de quatre frères.
Il le chérifloit ; il le faifoit combattre auprès de
fa perfonne. Georges Caflriot fe diftingua tellement,
que le fultan & les janniffaires lui donnèrent
le nom de Scanderbeg, qui fignifie fieigneur
Alexandre.
Enfin, l’amitié prévalut fur la politique. Amurath
lui confia le commandement d’une petite
armée, contre le defpote de Servie, qui s’étoit
rangé du parti des chrétiens, & faifoit la guerre
au fultan fon gendre. C ’étoit avant fon abdication.
Scanderheg, qui n’avoit pas alors vingt ans, conçut
le defifein de n’avoir plus de maître & de !
régner.
Il fut qu’un fecrétaire, qui portoit les fceaux
du fultan, paffoit près de fon camp. Il l’arrête,
le met aux fers, le force de fceller un ordre au
S C A
gouverneur de C ro y e , capitale de l’Epire, de
remettre la ville & la citadelle i Scanderbegr Après
avoir fait expédier cet ordre, il affaffine le fecrétaire
& fa fuite. Il marche à Croye } le gouverneur
lui remet la place fans difficulté. La nuit même il
fait avancer les Aibanois, avec lefquels il étoit
d’intelligenc.e; Il égorge le gouverneur & la gar-
nifon} fon parti lui gagne toute l’Albanie : les
Aibanois palfent pour les meilleurs foldats de ce
pays. Scanderheg les conduifit fi bien , fut tirer
tant d’avantages de l'affiette du terrein âpre &
montagneux, qu’avec peu de troupes il arrêta
toujours de nombreufes armées turques. Les mu-
fulmans le regardoient comme un perfide j mais il
n’avoit trompé que fes ennemis. Il avoit repris la
couronne de fon père, 8c la méritoit par fon
courage.
S C A R R O N , ( Paul) né l ’an 16 10, mort en
i 660.
Voici le portrait que Scarron fait de lui-mêmé.
« Leéfceur qui ne m’as jamais v u , 8c qui peut-être
ne s’en foucie guère, à caufe qu'il n’y a pas beaucoup
à profiter à la vue d’une perfonne faite comr
me moi, fâche que je ne me foucierois pas auffi
que tu me yifles, fi je n’avois appris que quelques
beaux efprits factieux fe rcjouiffent aux dépens du
miférabïe, 8c me dépeignent d’une autre façon
que je ne fuis fait : les uns difent que.je fuis cul-
de-jatte } les autres que je n’ai point de cuilïes,
& que l’on me met fur une table, dans un étui,
où je caufe comme une pie borgne} & les* autres
que mon chapeau tient à une corde qui palfe dans
une poulie, 8c que je le hauffe 8c baiffe pour
faluer ceux qui me vifitent. Je penfe être obligé
ea confcience demies empêcher de mentir plus
long-temps. J ’ai trente ans paffés : fi je vais juf-
-qu’^^quarante, j’ajouterai bien des maux à ceux
que j’ai déjà foufferts depuis huit ou neuf ans. J’ai
eu la taille bien faite, quoique petite} ma maladie
l’a racourcie d’un bon pied. Ma tête eft un peu
groffe pour ma taille. J’ai le vifage allez plein pour
avoir le corps décharné} des cheveux affez pour
ne point porter perruque. J’en ai beaucoup de
blancs en dépit du proverbe. J’ai la vue allez
bonne, quoique les yeux gros ; je les ai bleus : j’ en
ai un plus enfoncé que l’ autre, du côté que je
penche la tête : j ’ai le nez d’affez bonne prife. Mes
dents autrefois perles quarrées font de couleur de
bois, 8c feront bientôt de couleur d’ardoife ; j’en
ai perdu une & demie du côté gauche , & deux &
demie du côté droit, 8c deux un peu égrignées.
Mes jambes & mes cuiffes ont fait premièrement
un angle obtus, & puis un angle égal, 8c enfin
un aigu. Mes cuiffes 8c mon corps en font un autre
, & ma tête fe penchant fur mon ellomach »
je ne reffemble pas mal à un Z . J’ai les bras ra?
courcis auffi bien que les jambes, & les doigts
auffi bien que les bras : enfin, je fuis un raccourci
de
S C A
le làmîsère humaine. Voilà à-peu-près comme je
fuis fait. Puifque jë fuis en fi beau chemin, je te
vais apprendre quelque chôfe de mon humeur ;
j’ai toujours été un peu colère, un peu gourmand,
& un peu pareffeux. J’appelle fouvënt mon valet
fot, 8c un peu après, monlïeur- Je ne hais perfonne,
Dieu veui le qu’on me traite de même. Je fuis biën
aife quand j’ai de l’argent, je ferois encore plus
aife fi j’avois de la fauté. Je me réjouis allez en
compagnie ; je fuis affez content quand je fuis
feul, 8c je fupporte mes maux affez patiemment
».
La reine-mère de Louis XIV. lui fit:une penfion
de quinze cents livres : c’eft pour cela qu’il pre-
aoit toujours la qualité de malade de la reine.
. Scarron avoit Fait donation à fes parehs du peu
de bien qu’il avoit} mais fes parens -le lui rendirent.
Il le vendit à M. Nublé, qui lui en donna
fix mille éeus, fans favoir' précifément ce qu’il
"valoit ; 8c Scarron fut content du marché. Nublé
vifita ce bien qui étoit près d’Amboife, 8c à fon
retour à Paris , étant allé voir Scarrort, il lui dit -:
vous avez cru que- votre domaine 'ne valoit que
dix-huit mille francs, il en vaut vingt-quatre par
l’effimation que j’en ai fait faire } & M. Nublé
l’obligea de prendre encore deux mille écus qu’il
lui donna pour achever cette fomme.
Quelques jours avant fon maiiage avec made-
moifelle d’Aubigné, il dit à un de fes amis : « Je
ne ferai pas de Jottifes. à ma femme 5 mais je lui en
apprendrai beaucoup^. Il n’avqit alors de mouvement
libre que celui des }teux, delà langue■ &,
de la main.
Lorfqu’il fut queffion de dreffer le contrat de
mariage, Scarron dit qu’il recpnnoiffoit à l’accordée
deux grands yeux fort mutins, un très-beau
corfage, une paire de belles mains, 8c beaucoup
d’efprit. Le notaire demanda quel douaire il lui
affuroit : « L’immortalité, répondit Scarron. Le
nom des femmes des rois meurt avec elles': celui
de la femme de Scarron vivra éternellement ».
Cette épotife y-par fa modeftie J réforma les faillies
indécentes de fon mari î 8c ne rendit fa maifon
que plus agréable. >•
Lorfque la reine'Chnfline vint à Paris-, elle
defira de voir Scari-on; Ménage lé lui préfentài
« Je vous permets , lui dit? cette prin'ceife,. d’êt.r.é
amoureux de rhoi ; la reine de France vous a fait
fon malade ; moi je vous crée mon Roland ».
Vous faites h i en 3 madame 3 lui dit le poète, de
me donner ce' titre : puifquf autrement je ïaurois pris.
Chriftine, en voyant-madame Scarron, dont1 la
beauté étoit alors dans tout fon éclat, dit alors
a la comtefie de Bregy :<-«■ Ne le favpis-je pas,
qu il ne falloir pas moins qu’une ■ reinè'de Suède
pour rendre ut\ homme infidèle à certc femme-
là»? Elle ordonna au mari de lui écrire ,- 8c lui
Encyclopédiang,
S C A è f f
dit qu’elle n’ étoit pas furprifé qu’avec la plus ai-T
mable femme de'Paris, il"fût', malgré fes maux,
l’hompie de Paris le plnsxgai.
Dans fa dédicace de dom japhet d’Arménie
Scarron parle ainfi au roi : « Je tâcherai de per-
fuader à votre m'a je lié, qu’ellg ne fe feioit pas
grand tort fi elle me faifoit un peu de bien, je.
ferois plus gai que je ne fuis; li j’étois.plus gai
que je ne fuis, je ferois des comédies enjouées : fi
je faifois des comédies enjouées, votre majefté en
feroit divertie : fi elle en étoit divertie, fon argent
ne feroit pas perdu. Tout cela conclut fi néceffai-
rement, qu’il nié femble que j ’en ferois perfua-
dé, fi j’étois aufli bien un grand fo i, comme je
ne fuis qu’un pauvre malheureux.
Scarron aimoit à lire fes ouvragés à fes amis à
mefure qu’il les compofoit} il appelloit cela ejfayer-
fes livres.
• Scarron dit que la plus ancienne de toutes les*
plaintes,- c’eft celle des poètes, fur le malheur du
temps 8c fur .l’ingratitude de leur fiècle.
Scarron fut un. jour furpris d’un hoquet fi violent
, que ceux qui étoieut auprès de lui craignirent
qu’il n’expiràt : cependant ce fymptôme diminua.
Le fort du mal étant paffé, fijamais, dit il,
j ‘en reviens, je ferai une belle fatyne contre le hoquet.
Ses amis s’attendôicnt à toute autre réfolu-
tion que celle-là ; mais il fut dilpenfé de tenir
parole : il ne revint point de cette maladie , 8c le
public a perdu la fatyre qu’il fe propofoit de com-
pofer. Peu avant que de mourir, comme fes parens
8c fes àomefhqiies éroient touchés de foa
état, 8c fondoient en larmes,, il ne s'attendrit
point de ce fpeéiacle, comme mi le autres feroient
en pareil cas. Mes enfahs, leur dit-il, vous ne
pleurerez jamais tant pour moi, que je vous ai
fait ri e.
Louis X IV regrettant Poiffon comme un très-
grand a#eur : qui, dit brufquement Defpréaux ;
qui fe trouva là par h a fard avec Racine , ' il jouoit
très-bien dans dô;m Japhet, & telles autres comédies
de Scarron3 oubliées même.de la province.
Comme cela s’écoit dit devant madame de Main-
tenon ; Racine jugea en devoir avertir Def-
préaiix, qui répondit tout franchement ; Hé ï
quel eft l’homme qui ne fait point de fautes.
Defpréaux méprifoit extrêmement Scarron :
votre père , dit il un jour à M. Racine le fils,
avoit lu foiblçffe de lire quelquefpis le Virg le
travefti, 8c de rire} mais il' fe çachqit bien de
moi.
Scarron avoir G fort mis le burlefque à la mode ,
que les; libraires né vouloient plus imprimer que
des ouvrages de cette nature : d’où vient qu’ eu
1.64.9., on imprima une pièce mauvaife , mais
férieife pourtanf, avec ce titre qui fit juffémênt
Q q q q q