
» la vôtre plus de reconnoiffance ». Il donna enfuite
à Cinna le confulat pour Tannée fuivante.
Il fe commettait à Madrid une infinité d’abus
dans la perception des droits d'entrées ; les marchands
faifoient pafTer leurs ballots fous le nom
des pçincipaux feigneurs , & s’accommodoient
enfuite avec leurs officiers. Philippe V ,- averti
de ce défordre, fit un édit ^ par lequel il étoit
défendu aux commis de laiffer paffer rien, fans
être vifité. Le fils d'un des plus ilîuftres feigneurs ,
comptant cet édit pour rien, entreprit de faire entrer
quelques ballots fans vifite. Le commis, alléguant
les ordres, tint ferme ; voulut les exécuter
à la rigueur, 8c fut tué. Le roi en fut d'abord
informé, 8c faifant appeler le père du jeune fei-
gneur, lui conta le fait fans nommer perfonne.
Le duc dit auffi-tôt que cette adion méritoit la
mort, 8c qu'il.Falloir, faire un exemple. Vous
ignorez fans doute, reprit fa majefté, qui eft celui
dont vous prononcez l'arrêt fi facilement: Si c’é-
fo.it'votre fils? Quand ce feroit moi-même, dit
le' trifte père, je n'ai rien dit que de jufte, 8c ne
change point de fentimpnt. Eh bien t répliqua le
r o i, puifque Vous ave^jugé en roi, c efi donc a moi
a juger en père. Votre .fils a befoin de grâce ;
je la lui donne; mais à condition que vous1 dé*
domm.agerez la famille de l'homme qu'il a tué ,
8c que vous envèrrez le marquis voyager quel-,
ques années hors du royaume, jufqu’à ce qu'il
ait appris à avoir plus de refpeét 8c de foumif-
fion pour les loix.
Caraman - Ogli y prince de Caramanïe , voyant
Mahomet éloigné, avoir pris les armes contre
lui > mais, effrayé par fa promptitude, il n'ofa pas
hafarder une bataille, préférant l’amour de la vie
à fa gloire, il vintfe jetter aux pieds de l’empereur
j qui, touché de ce fpeétacle , lui pardonna.
Mais l'ingrat, bientôt après, recommença fes hof-
tilités. Le fultan, indigné, l’attaqua , le mit en
fuite, après un combat affez opiniâtre. Caraman
fut fait prifonnier avec fon fils. Mahomet lui reprocha
fa perfidie, «c Je fuis ton vainqueur , lui
•a dit-il, tu es vaincu 8c injufte ; cependant je veux
• que tu vives : ce feroit ternir ma gloire que de
».punir un infâme comme toi. Ton ame perfide
•» tfa porté à trahir ta foi ; je trouve dans la mienne
•» des fentîmens plus magnanimes 8c plus confor-
»• mes à la majefté de mon nom ».
C et empereur eut la gloire de rétablir l’empire
Ottoman, .ébranlé par les ravages de Tamerfan,
& par de longues guerres civiles, 8c le laiffa dans
(à pleine vigueur à Amurat I I , fon fils aîné.
| Un étranger ayant vendu à une impératrice romaine
de faiiffes pierreries, elle en demanda â fon
tnari une juftice éclatante. L'empereur, plein de
çlcmence 8cde bonté, mais ne pouvant la calmer ,
Condamna , pour la fatisfaire, le jouailler à; être
Êxpofé dans Taxe ne. L'impératrice s 'y pendit, avec
toute fa cou r, pour jouir de fa vengeance. Aulieü
d'une bête féroce, il ne fortit contre le malheureux
, qui s'attendent à périr, qu’ un agneau qui
vint le carelfer. N L'impératrice , outrée de fe voir
jouer , s'en plaignit amèrement à l’empereur. Madame
, répondit-il, j aai puni le criminel fuivant
la loi de Talion j i l vous a trompé, il a etc
trompé.
TJn aéteur de province paffant à Ferney, joua
la comédie chez Voltaire, C e grand homme avoit
appris que ce comédien n'étoit pas tout-à-fait de
fes amis, 8c ne l'en reçut que mieux. « Vous
» voyez bien ce jeune homme à qui je fais, tant'
» d’accueil, dit - il à quelqu'un, hé bien, i l . a»
»’ dans ’ fa poche une fatyre contre moi ; mais je
» n'ai garde de le lui dire, car je le ferois mourir
» d e chagrin».
Un foldat de l’armée américaine fut condamné
à être fufîllé. C e t infortuné, par fes épargnes ,
ayoit été, depuis plufieurs années, le foutien d'un
ère 8c d'une mère très-âgés. Le général Waf-
ington, inftruit de la piété filiale de ce coupab
le , commua la peine, 8c le fit feulement chaffer
du régiment. «; Si nous le faifions mourir , dit-il ,
» nous courrions rifquedétuer trois perfonnés au
» lieu d'une ».
Lorfque le prince Henri de Prulfe fit fa première
entrée en Bohême, un grand nombre de
payfans de ce royaume , qui s'ëtoient attroupés
8c avoient commis des excès fur les frontières
de la Saxe,! furent pris par les huflàrds pruffiens,
8c conduits au camp de S. A . R . avec leurs
beftiaux. Ce grand général ordonna qu'on les renvoyât
fans leur faire aucun tort. « C ’eft aux trou-
» pes impériales, dit-il, que je fais la guerre, 8c
» non aux malheureux payfans de la Bohême ».
Une maîtreffe du duc d'Orléans / rég en t, loi
avoit été enlevée par un gentilhomme. Le prince
étoit piqué, 8c fes favoris Texcitoiènt à la vengeance.
« Puniffez, lui dit-on, un téméraire | ‘ là
» chofe vous eft facile. — Je le fais, répondit-il ;
» un mot fuffit pour me défaire d'un rival, 8e
» c’eft ce qui m'empêche de le prononcer».
On dit à Frédéric le Grand, que quelqu'un
avoit mal parlé de lui. Il demanda fi cette perfonne
avoit cent mille hommes ; on lui répondit
que.non. «Lh bien, reprit le roi de Prude, je
» ne puis lui rien faire ; s'il avait cerit mille hem-
» mes , je lui déclarerois la guerre ».
L ’empereur Charles I V , inftruit qu'un de fes
officiers, féduit par l'argent des ennemis, méds-
toit de Taffaffiner ou de Tempoifonner, le fit venir,
8c lui dit : c* J'ai appris avec peine que vous n’ a-
» viez pas le moyen de marier votre fille , qui eft
»déjà grande; tenez, voilà mille ducats pout
» là dot ». On peut juger de là furprile de • ce
traître#
traître, qui alla auffi-tôt fe dégager de fa pro-
mefte criminelle.
L ’empereur Auréiien, arrive devant la ville de
Tyannè , 8c en ayant trouvé les portes fermées ,
jura, dans fà colère, qu’il ne laifleroit pas feulement
un chien en vie dans cette cité rebelle. Les
foldats fe réjouiffoient d’avance, dans T'efpoir de
faire un grand butin. La ville ayant été prife ,
Auréiien dit à fes troupes ', qui le conjuroient de
tenir fon ferment : » J ’ai juré de ne pas laiffer un
» chien dans cette ville ; tuez donc, fi vous
» voulez, tous les chiens ; mais je défends qu’ on
»• falfe aucun mal aux habitans ».
Les habitans de Vendôme , vaflaux de Henri
I V , s’étoient foulevéf contre, ce prince , avec
les autres ligueurs : ils portèrent Tinfolence juf-
vju’ à lui refufer l’entrée de cette ville, 8c, pour
ainfi dire , de fa maifon. 11 fut obligé d’en former
le fiège, 8c d’approcher quelques pièces d’artillerie
: mais le courage des affiégés ne répondit pas
à leur audace ; Henri rentra dans le château 8c
dans la ville. La félonie de ces bourgeois fédi-
tieux méritoit les plus grands fupplices. La première
nouvelle qu’ ils apprirent, fut que le fei-
gneur, leur fouverain, leur pardonnoit; qu’ il étoit
rentré chez lui; que chacun rentrât chez foi. Il
n’ en coûta la vie qu’à un cordelier, dont les
prédications foutenoient les rebelles , 8c au gouverneur,
qui furent pendus. Tous les autres ,
furent traités comme des enfans à qui un bon
père pardonne, après les avoir menacés de fa
colère. Le principe de Henri - le - Grand étoit
» qu’on prenoit plus de mouches avec une cuil-
» lerée ae miel, qu’avec vingt tonnes de vi-
» naigre ».
A la prife de Nerva , en 1704, Pierre-le-
Grand, empereur & légiflateur de Ruffie, courut,
•l’épée à la main, fur fes fujets, pour arrêter le
pillage 8c le maffacre. Il arracha les femmes des
mains de fes foldats. Il tua deux de ces emportés*
, qui refufoient d’obéir à fes ordres. Enfin
ce vainqueur généreux entra dans l’hôtel-de-ville,
où les citoyens. tremblans fe réfiigioiènt en foule.
L à , pofant fon épée fanglahte fur la table :
» C e n’eft point, leur dit-il , du fang des habi-
» tans que cette épée eft teinte, mais de celui de
» mes foldats , que j’ ai verfé pour vous fauver
» la vie »v Ce prince fit enfermer le général Horn,
lui reprochant d’avoir été la caüfe de la mort d’un
grand nombre de citoyens, par fa trop grande
réfiftance.
Après qu’Antigonus ; capitaine d’Alexandre,
eut été proclamé roi d’une partie de l’A fie , des
foldats , qui ne le croyoient pas fi près d’eux,
difoient de lui beaucoup de mal. « Eloignez-vous,
» leur dit - il , de peur que le roi ne vous en-
» tende ». Une nuit, qu’il conduifoit fon armée
par un chemin fangeux, dont oa avoit peine à
Encyciopédiana.
fe retirer , il entendit quelques foldats embourbés
qui murmuroient contre lui. S’en étant approché
fans qu’ils le reconnu.ffent, il leur prêta la main
pour fortir du bourbier ; puis il leur adreffa ces
paroles pleines de bonté : « Dites du mal d’An-
» tigonus, pour vous avoir conduits par des routes
» fi difficiles ; mais auffi, fouhaitez - lui du bien
» pour vous en avoir retirés ».
Un juif, appelé Simon, citoyen de Jérufa-
lem, ne ceftoit de déclamer contre le roi Hé-
rode Agrippa, qu’il qualifioït publiquement de
deftrudeur aës loix. Le monarque Tapprend. Par
fon ordre, on arrête ce téméraire cenfeur ; on
l’amène au prince, en prélence de tout le peuple.
Tout le monde s’attendoit à voir périr ce mifé-
rable dans les plus affreux fupplices : l’opinion générale
fut trompée. Agrippa tend au coupable
une main bienfaifante ; il le fait {îffeoir avec lui
fur fon trône, 8c le prie, avec un ton plein de
douceur, de lui dire quelles étoient les loix qu’il
avoit détruites ? Simon, effrayé , fe profterne à fes
pieds, & lui demande pardon. Le roi le relève
avec bonté, lui fait de grands préfèns, & le
renvoyé.
Un poète fatyrique ayant compofé des vers fort
injurieux contre le vizir & contre le fecrétaire des
commandemens du Khalife Aziz-Billah, dans lef-
quels la malheureufe verve du frondeur n’ avoit
point épargné le prince lui-même, les deux officiers
lui en portèrent leurs plaintes, &c lui de-,
mandèrent avec inftance' le châtiment du téméraire.
A z i z , après avoir lu les vers -, leur dit ;
» Comme j’ai part avec vous à l’injure, je de-
» fire que vous preniez part avec moi au mérite
» du pardon que je lui accorde ».
C LÉMENT X IV . Jean Vincent Antoine Gan-
ganelli, né en 170? , aü bourg de Saint-Arcangélo ,
près de Rimini, étoit fils d’un médecin. Il fit fes
études à Rimini, & n’avoit encore que douze ans
lorfqu’ il adreffa à l’évêque de cette v ille, un1'compliment
de fa compofition. Le prélat en futenchanté
& ne ceffoit de répéter : Voilà un enfant qui fer-
vira quelques jours utilement la religion. Une
étude opiniâtre penfa précipiter au tombeau celui
qui donnoit de fi brillâmes efpérances : ma plus
grande peiné, difoit-il, après ^voir recouvré la
fanté , étoit de mourir fans avoir vu Rome. Il
ne prévoÿoit pas alors qu’il en feroit un jour le
maîtrev
On confeilla vivement au jeune Ganganelli d’em-
braffer Tétât eccléfîaftique, & de renoncer au
projet qu?il avoit formé de fe faire religieux, lorf-
: qu’il répondit : Si c‘efl la piété qui vous fait parler *
vous ' conviendrez qu-elle brille éminemment cher 'les
difciples de Saint-Franfois où je veux me retirer :
f i c efi l'ambition , où puis-je être mieux que dans un
ordre qui fit la fortune de Sixte I V & de Sixte V l