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un .foir à la foire St.-Ovide, tandis qu*on jouoit
en-dehors des parades. Tout occupé des lazis
qui fe faifoient à celles d’un jeu de marionettes *
il heurta pa; mégarde un petit boffu* qui fe re-
drelfant fur la pointe du pied * apoftropha très-
incivilement ce grand homme* ou plutôt cet homme
grand. Celui-ci *fans témoigner la moindre colère*
affeôfca de fe courber & de dire* en élevant la
voix: Quefi-ce qui eft ta-b as ? L’Efope *' furieux
de ce farcafme* mit la main fur la garde de fon
épée * & en demanda raifon à fon adverfaire. Mais
l ’homme de haute ftature * toujours de l’air le plus
tranquille , prit le mirmidon par le milieu du corps *
& le pofa fur le balcon de la parade * en difant
froidement : Tenez , ferrez votre polichinele * qui
s ’avife de faire ici du tapage.
Un officier * devenu borgne à la guerre * portoit
un oeil de verre * qu’il avoit foin d’ôter lorfqu’il
fe couchoit. Se trouvant dans une auberge *. il appelle
la fervante * & lui donne cet oeil pour qu’elle
le pofe fur une table ; cependant la fervante ne
fcougeoit point. L ’officier perdant patience * lui
dit : Eh bien* qu’attends-tu là ? J’ attends * Moniteur
* que vous me donniez l’autre.
Un borgne gageoit contre un homme qui avoit
bonne vue qu’il voyoit plus que lui. Le pari accepté
j vous avez perdu* dit le borgne * car je
vous vois deux yeux* & vous ne m’en voyez
qu’un.
Pé Foürnier étoit borgne ; plaidant un jour, il
mit fes lunettes pour lire une pièce * & dit : « Mef-
fieurs* je ne produirai rien qui ne foit néceffaire ».
— L’ avocat adverfe lui répliqua : « Commencez
donc par retrancher un des verres de vos lunettes ».
Cette plaifanterie déconcerta Pé Fournier.
On demandoit à un boiteux qui alloit à l’armée
comme fantaffin * pourquoi il ne s’étoit pas mis
plutôt dans laçavalerie ; c’eft, répondit-il* que je
ne vais pas à 1? guerrç pour fuir,
BOSSUET ( Jacques Benigne ) * né à Dijon,
le 27 Septembre 1627^ mort à Paris le 12 Avril
1704* âgé de 77 ans,
Louis X IV l’avoit nommé à l’évêché de Condom
le 13 Septembre 1669 * précepteur de M. le
dauphin le 11 Septembre de l’année fuivânte *
premier aumônier de la dauphine en 1680 * évêque
de Meaux en 1681* conseiller d’état en 1697,
& premier aumônier de madame la ducheffe de
Bourgogne l’année fuivânte; il avoit été reçu de
l'académie françoife en 1671.
Bojfuet encore enfant donna d'heureux préfages
de ce. qu’ il ferait un jour. 11 récitait * dès l’âge
de fept à huit ans , des fermons qu’il apprenoit
par coeur * & qu’il prononçoit de fort bonne
grâce. La marquife de Rambouillet en ayant oui
parler * fouhaita de l’entendre* & fit naître Je
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même defîr aux perfonnes d’efprit & de qualité qui
s afiémbloient chez elle les foirs. Le jeune Bojfuet
y fut conduit entre onze heures & minuit * &
prêcha avec beaucoup d’agrément & d’ affurance.
Toute l’afiemblée en parut très-fatisfaite. Voiture
s’y étoit trouvé. Cet auteur * qui dans la conver-
fation comme dans fes lettres* douroit toujours
après l’efprit, dit au fujet de l’âge du prédicateur
* & de l’heure de la prédication : En vérité ,
je n ai jamais entendu prêcher f i tôt ni f i tard.
Louis X IV fut lî content la première fois qu’il
l’entendit, qu’ il fit écrire en fon nom au père
du jeune orateur * pour le féliciter d’avoir un tel
fils..
Bojfuet excelloit fur-tout dans les oraifons fu-»
nèbres * genre d’éloquence où il faut de l’imagination
& une grandeur majeftûeufe^qui tient un
peu de la Poéfie. Celle de la reine d’Angleterre
parut un chef-d’oeuvre* & celle çle Madame^
enlevée à la fleur de fon âge * & morte entre fe$
bras, eut le plus grand tk le plus rare des fuccès ,.
celui de faire verfer des larmes à la cour. Il fut
obligé de s’ arrêter après ces paroles : « O nuit
» défaftreufe ! nuit effroyable ! où retentit, tout-
» à-coup * comme un, éclat de tonnerre * cette
•» étonnante nouvelle : |Madame fe meurt * Madame
eft morte ». L’auditoire éclata en fanglots ^
& la voix de l’orateur fût interrompue par les
foupirs ;& par les pleurs.
Lorfque M. Bofluet alla prêter ferment de fidélité
entre les mains de madame la^duchefle de
Bourgogne * pour la charge, de fon premier aumônier
* cette princeffe ne put s’empêcher de dire,
dans une de fes faillies ordinaires : Ah l ta bonne
téfe que j ’ai la a mes pieds.
Ce prélat jouififoit d’une grande confidêration
à la cour _* & Louis X IV recevoit volontiers fes
confeils. ,Un jour ce prince le voyant entrer* lui
dit : « Nous parlions des fpedacles * qu’en pen-
» fez-vous ? Sire* il y a de grands exemples pour.,
»répondit le prélat * mais il y a des raifonnemens
» invincibles contre ».
Ce monarque * qui heureufement faVorifoit le
bon parti dans i’ affaire du quiétifme * n’ignor.oit
pas que M. de Meaux s’étoit fort élevé contre
les maximes de fpiritijaiité de M. de Cambrai/
il lui demanda : « Qu’auriez-vous fait * fi j’ avais
» protégé M, de Cambrai ».Sire* répondit M, Bof-
» fuet * j’en aurois crié vingt fois plus haut 5
v quand on défend Ta vérité an eft affuré d’avoir
» tôt pu tard la vi&oire ».
Tout le temps que M. Bojfuet n’employoit
point aux fondrions de fon miniftère * il le donnoit
à l’étude ; rarement fe permettoit-il la promenade ;
c ’eft ce que fon jardinier lui repréfenta un jour
allez naïvement. C e prélat l’ayant trouvé fur font
chemin * s’informa comment alloit les arbres fruitiers:
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tiers : « Eh 1 Monfeigneur, vous vous fouciez
bien de vos arbres; fi je plantois dans votre
jardin des faint Auguftin & des faint Chryfoftôme*
vous les viendriez voir ; mais pour vos arbres *
vous ne vous en mettez guère en peine ».
Toutes les fois que le fublime Bojfuet avoit une
oçaifon funèbre à compofer * il lifoit Homère en
grec. Cette Iedriire élevoitTon ftyle à la hauteur
du fujet : «J’allume, difoit ce grand homme,
mon' flambeau aux rayons du foleil.
Il y eut * dit-on * un contrat de mariage fecret !
entre Bojfuet * encore très-jeune * & mademoifelle :
Des-Vieux ; mais cette demoifelle fit le facrifice
de fa paffion & de fon état* à la fortune que
l ’éloquence de fon amant devoit lui procurer dans
l ’églife : elle confentit à ne jamais fe prévaloir
du contrat * qui ne fut point fuivi de la célébration.
Bojfuet ceffant ainn d’être fon mari * entra
dans les ordres. Après la mort du prélat* ce fut
la famille de M. Secoufie * avocat & homme
de lettres * dont on tient cette anecdote * qui régla
les réprifes & les conventions matrimoniales. Jamais
cette demoifelle n’abufa du fecret dangereux
qu’elle avoit entre les mains. Elle vécut toujours,
l’amie de l ’évêque de Meaux, dans une union
févère & refpe&ée. Il lui donna de quoi acheter
la petite terre de Mauléon * à cinq lieues de
Paris. Elle prit alors le nom de Mauléon * & a
vécu près de cent années..
On raconte que mademoifelle Des-Vieux de \
■ Mauléon ayant dit un jour au jéfuite la. Chaife * -
confeffeur de Louis X IV * on fait que je ne fuis
pas janfénifte ; le père la Chaife répondit * on fait
que vous n’ êtes que mauléonifte.
BOUCHARDON . Edme Bouchardôh} fculpteur
du roi* naquit en 1698 , à Chaumont en BaflL-
gny * d’un père qui profeflbit la Sculpture &
P Architecture. Les moeurs de Bouchardon fe con-
fervèrent * dans un fiècle de frivolité * auffi Amples
& auffi pures , que fon talent devint fublime.
C ’eft lui qui difoit fouvent * quand je lis l'Iliade >
je crois avoir vingt pieds de haut. Ses ouvrages
fe reffentent bien de l’ élévation d’ame que lui
caufoit la leéture du poète grec.
BOUCHER C François ) * premier peintre du
roi* né à Paris 6^1704* mort en 1770; il fut
furnommé à jufte titre* le peintre des grâces. Il
refpeétoit les tableaux des grands maîtres * au
point qu’il n’ofoit en approcner fon pinceau pour
corriger quelques taches *. en s’écriant : ils
font facrés pour moi.
Quand il vouloit donner des leçons à un élève *
il prenoit fon ouvrage & repeignoit les endroits
qui étoient foibles ; je ne fais , difoit-il * confeiller
gu avec le pinceau.
Encyclopidiana.
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BO U C IC A U T . Jean le ‘Meingre * dit Boucicaut
, maréchal de France * & lieutenant pour
le roi Charles VI à Gênes * fe promenant à cheval
par la ville * rencontra deux courtifannes vêtues
à la mode du pays * qui lui firent la révérence :
il la leur rendit avec la plus refpeélueufe civilité.
Un gentilhomme qui étoit devant lui s’arrêta &
lui dit : ce Monfeigneur * favez-vous quelles font
» ce s deux dames qui vous ont falué? — — Non*
» répondit le maréchal. —— Ce font des filles
» de mauvaife vie* — —Je ne les connois pas *
» répartit Boucicaut* mais j’aime mieux avoir
» fait la révérence à ces filles perdues * que
» d’avoir manqué à faluer une femme de bien ».
A la bataille de Rofebecque * Boucicaut * depuis
maréchal de France * très-jeune encore * &
nouvellement armé chevalier, çombattoit où le péril
étoit le plus grand* ne prenant confeil que de
fon courage. Il remarqua un chevalier flamand
qui * à coups de fabre * abattoit tout ce qui fe
trouvoit devant lui : rien ne pouvoit réfifter aux
efforts de fon bras victorieux. Boucicaut court à
lui * l’attaque la hache à la main * & le menace
d’un ton intrépide. Le flamand* remarquant fa
jèuneffe * le méprife * & d’un coup violent * lui
fait tomber fa hache, ce Va tetter * enfant » * lui
dit-il ; & tournant d’un autre côté * il ne daignoit
pas achever fa viétoire. Boucicaut, outré de colère*
tire fon épée * s’ élance fur lui* & vient à
bout* après quelques momens de combat * de
la lui pafier.au travers du corps.
Le maréchal de Boucicaut ne laifla qu’ un fils ,
âgé de trois ou quatre ans * qui fut depuis maréchal
de France & gouverneur de Genes. C e
grand homme ne s’étoit pas foucié d’accumuler
a’immenfes richefiès fur la tête de cet héritier
de fon nom & de fa gloir,e * & n’avoit. longé qu’à
lui laiffer de grands modèles de vertu. Ses amis
le blâmèrent de n’avoir point profité de la faveur
du roi Jean fon maître, ce Je n’ai rien vendu de
l’héritage de mes pères *. leur répondit-il, & je
n’y ai rien non plus augmenté. Si mon fils eft homme
de bien * il aura allez ; mais s’il ne vaut rien ,
il aura trop* & ce fera grand dommage ».
BOUFFON. Les bouffons ont éu en différent
temps une efpèce de vogue ; on leur permettait,
de dire à-peu-près tout ce qui leur veneit dans
l’idée. Quelquefois ils préfentoient aux princes des
leçons de fagefTe. Quelquefois ils abufoient de leurs
privilèges *. en forte que plufieurs ont eu lieu de
fe louer * plufieurs de fe repentir d’avoir exercé
cette efpèce de profeffion.
Un bouffon * qui vivoit du temps de Tibère,
voyant palier un convoi* fit arrêter tous' ceux
qui le compofoient * & s’adrefiant enfuite au mort *
il lui dit : ce Je t’ ordonne de dire à Àugüftè que
les legs qu’il ayoit faits en faveur du peuple ne*
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