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à fes amis quô le roi Louis XITI lui c'ôûtoit plus à
gouverner que tout le royaume.
L e cardinal dè Richelieu venoit d’afliftef ,à une
cérémonie où un cordelier avoit prêché. Surpris
ide n’en avoir point impofé au prédicateur -, pour
l ’intimider un peu, il lui,demanda comment iLavojt
pu parler avec tant d’affurànce ? « Ah ! raenfei-
gneur, répond le cordelier , c’eft que j’ai appris
mon férmon devant un carré de choux , aUtfuiieu
duquel, il y en avoit un .rouge^ & cçla m’a ac.covb
tumé à parferjdevant vous;»;: s. >. M f è
Le cardinal de Richelieu difoit, çju’ il y avoit
deux fortes de perfonnes qui ne dévoient jàniârs
pardonner, les prêtres & les femmes, parc&quau
lieu d’imputer à géné^ofité cepàrdop qui ils ferbiéqt
à leufs ennemis , on i’imputeroit à foibleffeV : !
C e minière, avide de toutes fortes de.gloire,
Rechercha celle du bel efprit jûfque dàhs’ la Çrife
des affaires publiques-& des fiennes. Boifrobert,
l’un de fes favoris, lui ayant parlé d’une affem-
blée de gens de lettres qui fe tenoit chez Valentin
Conrârd, le cardinal propofa de hïr-même'.de réh-;
tiir cet meffieurs en un feül corps , (qui pourroit
s’affembler régulièrement fous une autorité publique
, & qu’il honorerôit de fa prbteéfion. Daris
les' premières' délibérations qui fe firent en côhfé-
qüencè des ordres du miniitre, on agita quel nom
devoit porter l’académie, & quel feroit le genre
de fes occupations. La décifîon en fut remife au
cardinal, ce La valeur des françois, difoit-on à ce
iminiftlre, & leurs grandes aftions font demeurées
dans une efpèce d’oubli, parce que les françois
n’avoient pas poffédé l’art de les rendre illuftres
par leurs écrits ; mais aujourd’hui il fe rencontre j
heureùfement pour la France, des, hommes car
pables de faire lire avec plaifir ce que nous avons
vu exécuter avec étonnement L’académie, par
cet article, s’engagea à tirer de. cet oubli, honteux
à la;nation , les grands hommes quelle avoit produits,
8c les chofés mémorables qu’ils avoient
faites.
- Lorfque la belle tragédie du Cid3 de Pierre Corneille,
parut, Rièkelieu, que toute gloire étrangère
chagrinoit, enjoignit à la nouvelle académie
de donner des obfervations critiques fur cette
pièce. Mais ces obfervations en firent voir les défauts
fàns ternir fon éclat. Le public continua de
l ’admirer en dépit de Richelieu. ,
: C e miniftre donnoit dans fon palais dés pièces
3 e théâtre auxquelles il travailloit quelquefois. La
première pièce qu’ils fit reprçfenter, fut la tragédie
de Mirame 3 de Defmarets. Il avoit pour cette
pièce une tendreffe qui marquoit affez qu’il pou-
voit en être le père. Mais l’énorme dépenfe qu’il
fit pour ce fpeélacle; 8c tout fon pouvoir, ne purent
empêcher que ce drame ne tombât. Après-la
première repréfentation, le cardinal s’étoit retiré
à Rueï. Defmarets & Petit coururent l’y joindrez
Il leur dit en les voyant entrer : « Eh bien ! les
françois n’auront jamais du goût pour les belles
chofes:.* Ils n'ont point été charmés de Mirame »,
La ‘cômédîe des Tl h u ile r ie sattribuée aux cinq
auteuts, qui trâvâilloient fous les ordres du cardinal,^
fut rçpréfentée en 163 y dans le palais de ce
minîfire. Il en avoit arrangé' lui-même toutes fes
fc'èries'.; Corneille, un dés cinq auteurs, plus docile*
à; fon génie que Toupie]'aux volontés du pre-
Itiièr miniftre, crut devoir changer quelque chofe
dans le'troifième aéfce qui lui'fut confié. Cette liberté
ellimable déplut beaucoup au cardinal qui
lui dit," qu’/7 falloit avoir, un efprit de fuite. Il entendait'.
par .efprit. de fuite la foumifiion qui fuit
aveuglément les ordres d’un fûperietir.
; Ces ridicules dans le cardinal furent en quelque
forte effacés pirJa grandeur, de l’homme: d’état.
Indépendamment de l’extinélion des petits tyrans
qui défoloient là France, de i ’abailïement de la
maifon d’Autriche &.du parti protettant, on lui
doit les; progrès que les françois de ce fiècle firent
dans» lés fciences & dànsles arrspàr ia protection
fignàlée qu’il leur donna. L ’établiffemént de l’académie
françoife, d e i’imprimerie royale, du jardin
du rpi, font autant de trophées élevés à fa
mémoire. .
Richelieu paffa les derniers jours de fa vie dans
les Souffrances & les douleurs d’une maladie aiguë.
Lorfqu’enfin il vit fon dernier moment arrivé,
|L parut- attendre, la mort àvec ]beaucoup, de fermeté
& découragé. Il, preffa fes médecins dé fui
dire.fincèrement ce qu’ils penfoient de fon état,
& combien il avoit encore à vivre. Tous lui répon:
dirent qu’üne vie fi précieufe & fi néceffaire au
monde intéreffoit le ciel, & que Dieu fera un
miracle pour le guérir. Peu fatisfait de ce galima-
thias, Richelieu appelle Chicot, médecin du fo i,
& lé conjuré de lui dire en ami, s’il doit efpérer
de vivre ou fe- préparer à la mort. Dans vingt-qua<
tre heures3 lûi'répond ce médecin en homme d’ef-
p r i t ,ÿtq&s fereç mort ou guéri. Lé cardinal parut
très-fatisfâit de cette fîricéritéil remercia Chicot,
& lui dit, fans fe montrer ému, qu’ il entendoit
bien ce que cela vouloit dire. Dès ce moment,
Richelieu ne s’occupa plus que de fa fin prochaine#
Il reçut le , faïn t viatique avec les fentimens de la
piété la plus vive. O mônjdgèidii le prélat en
regardant lé faint ciboire , condamne^-moi‘f fi'fai
eu. d'autre intention que ,de bien fervir le roi & l'état.
Lorfqü’ il eut rendu les derniers Soupirs, ohVem-
preffa d’aller porter cette nouvelle au roi : Voila y
dit-il froidement, un grand politique dé mort.
Le cardinal de Richelieu, Iaiffa en mourant â fà
fuçceffion, recueillie .'par ma dame, d’Aiguillon, fa
feule 8c unique héritière, environ Vingt millions#
Mais, peu de temps après la mort de ce cardinal,
on lui fit plus de quatre-vingt procès , pour
réparations
n 1 D
réparation« 8c autres fuites de tous les grands &
nombreux bénéfices qu’il avoit eus j lefquels procès,
faute par madame d’Aiguillon de s'être accommodée
à des conditions même onéreufes pour
elle, ont caufé par la fuite la perte totale de cette
fucceflion. \
RICHESSES. Un financier avoit amafle de
très-grands biens aux dépens de l'état, & il
difoit à un fage : Il faut, je crois, bien de la
force d’efprit pour méprifer les richeffes ? Vous
vous trompez, lui répondit le fage, il fuffit de
regarder entre les mains de qui elles paffent.
On demandoit à un arabe ce qu’il lui fembloit
des richeffes. Ii répond.t : « C ’eft un jeu d’enfant;
©n les donne , on les reprend ».
Philoxène de Cythère, poëte fameux, ayant
acquis de grandes richeffes en Sicile, s’apperçut que
le luxe & la molleffe, qui en font inféparables ,
commençoient à le gagner : Par tous les dieux ,
dit - i l ,. perdons nos richeffes, plutôt qu’ elles ne
nous perdent. ». Aufli tôt il renonça à tout ce
qu’il poffédoit ; quitta la Sicile, & alla dans une .
agréable retraite mettre fes moeurs en sûreté, fous
les aufpices d’une pauvreté volontaire.
RIDICULES. La comédie nous repréfente les
caractères ridicules, afin que le fpeétateur s’y
corrige de fes défauts , comme on ôte de devant
un miroir les taches de fon vifage. I! y a bien des
originaux que la comédie n’a point encore expofé
â la rifée du public. Nous en citerons quelques-
uns qui retiennent leurs places j c’ert l’hi.itoire &
les mémoires du temps qui nous les fourniront.
L’abbé de Marolles nous rapporte dans fes
mémoires, que fon père , très bon gentilhomme,
s’étonnoit qu’ un homme comme lu i, qui avoit
tant couru de périls à la guerre, fût réduit 2 mourir
dans Ton lit. Quoi, difoit-ii, ce n’eft pas les armes
l i a main qu’il faut que je quitte la lumière ? Il fe
faifoit alors apporter fa pertuifane, & s’en fervoit
pour fe fou tenir au lieu de bâton. 11 obfervoit là
même cérémonie toutes les fois qu’il fe faifoit fai-
gner, fous prétexte qu’un homme de guerre ne
devoit répandre fon fang que les armes à la
main.
Milord Lanesbrouw, dont parle Pope daqs fes
épîtres morales, étoit fi paflionné pour la danfe,
que l’âge & la goutte ne purent lui ôter ce plaifir.
Il danfoit même au milieu des accès les plus
cruels de la goutte, & comme on le penfe bien,
il n’alloit pas beaucoup de mefure. A la mort du
prince de Daunemarck, époux de la reine Anne,
il demanda à cette reine audience particulière :
c'étoit pour lui repréfenter qu’elle feroit très>-
bien de danfer, afin de confexver fa fanté & dilfi-
per fon chagrin.
£ nçyçlopédiana«
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Un médecin écoffois, nommé Douglas, étoit
fi paffionné pour Horace, que ce poëte multiplié
dans prés de quatre cents éditions de tout âge fie
de tout pays, compofoit fa bibliothèque.
Un marchand, qui avoit paffé d’Angleterre
dans une des ifles de l’Amérique , y acquit une
fortune affez confidérable; mars il crut qu’il ne
pourroit pas être heureux, s’il ne la partageoit
avec une femme de mérite : & comme il n’en
trouvoit dans l’ i/le aucune qui lui convînt, il prit
le parti d'écrire à un de fes correfpondans à Londres,
dont il connoifloit l’exaélitude & la probité.
Comme il n’avoit d’autre ftyle que celui du
commerce, il écrivit a fon ami une lettre, dans
laquelle, après avoir parlé de plufieurs affaires, il
vint à l’article de fon mariage. Voici la teneur de
cet article. « Item3 voyant que j'ai pris la réfolu-»
tion de me marier, & que je ne trouve pas ici un
parti convenable pour moi, ne manquez pas de
m’envoyer par le premier vaiffeau chargé pour
cette place, une jeune femme des qualités & de
la forme fuivantes. Quant à la d o t, je n’en demande
point; qu’elle foit dune honnête famille,
entre vingt & vingt-cinq ans, d’une taille moyenne
& bien proportionnée, d’un vifage agréable,
d’ un caractère doux, d'une réputation fans tache,
d’une bonne fanté, & d’une conilitution affez
forte pour fupporter le changement de climat,
afin de n’être pas obligé d’en chercher une autre
par le défaut fubit de celle-ci ; ce qu’il faut prévenir
autant que faire fe pourra, vu la grande
diftance & le danger des mers. Si elle arrive conditionnée
comme ci-deffus, avec la préfente lettre,
endoffée par vous, ou du moins avec une
copie bien atteftée, crainte de méprife ou de
tromperie, je m’engage à faire honneur à ladite
lettre, & à époufer la porteufe à quinze jours de
vue. En fohde quoi j’ai figné celle-ci, &c. ». Le
correfpondant de Londres lut & relut cet article
extraordinaire , qui traitoit la future époufe fur le
même pied que les balles de marchandifes qu’il
devoit envoyer à fon ami ; il admira la prudente
exa&itude & le ftyle laconique de cet américain ,
8c il fongea à le fervir félon fon goût. Après plufieurs
recherches, il crut avoir trouvé la femme
qu’on demandoit, dans une demoifelle aimable,
mais fans fortune, & qui accepta la propofition.
Elle s’embarqua fur un vaiffeau avec les marchandifes,
& bien pourvue de certificats en bonne
, forme, endoffés par le correfpondant. Elle étoit
comprife dans Lenvoi, en ces termes : a Item,
une fille de vingt-un ans, de la qualité, forme &
condition comme par ordre, ainfi qu’il confie par
les atteftations qu elle produira ». Avant le départ
de la demoifelle jf le correfpondant avoit fait partir
des lettres d’avis par d’autres vaiffeaux, pour informer
fon ami qu’ il lui envoyoit, par tel bâtiment,
une jeune perfonne telle qu’il l’ avoit deman-
j dée. Les lettres d’avis, les marchandifes, la de«
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