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L e principal objet des fureurs d'Archiloque , fut
un nommé Lycambe-, également homme de lettres ,
mais ennemi de la fa ty re, & qui refufa au poète de
lui donner fa fille en mariage. Archiloque irrité
K accabla des traits envenimés de fes ïambes, 8c
Ton rapporte que ce t homme trop fenfible 8c
fa fille fe pendirent de défefpoir.
L a fureur de médire l'animoit tellement, qu'il
ne s'eft point épargné lui-même. Il nous apprend
qu'il avoir fervi à l’armée, 8c que pour mieux fe
dérober à l'ennemi, il jctta fon bouclier dont le
poids l'embarraffoit extrêmement Hans la fuite :
|* j'ai perdu mon b o u c lie r , d it- il, mais j'ai con-
»•ferve ma v i e , 8c il ne me fera pas difficile d'en
35 recouvrer un meilleur que le premier ». Les braves
fpartiates qui n'aimoient pas ces fortes de plai-r
fanteries, le bannirent de leur république.
C e fatyrique affaffïn périt par le fer d'un ennemi
qui chercha à venger en lui l'outrage que fes poé-
fies avoient faites aux bonnes moe urs, aux lo ix , à
la juftïce. Cicéron s'eft fervi de fon nom pour
déligner les placards licentieux que le conful Bibu- -
lus faifoit afficher contre C é fa r ; il le s appella Ar- çhilochia édifia.
A R C H IM E D E , n é à S y r a c u fe , mort vers l'an
zo8 ayant J. C .
Il fut le premier reftaurateur des fciences exactes ;
né avec un génie dévorant, l ’étude fut pour lui
en quelque forte un befoin. L'application qu'il-y |
donnoit lui faifoit oublier toute autre fonction.
O n étoit même fouvent obligé de le tirer par force
de fon cabine t, où fon efprit occupé de fpécu-
lations fublimes paroiffoit dédaigner tout autre
objet. Plutarque ajoute que fes efclaves le menoiçnt
par force au bain , 8c que pendant qu'on le frot-
t o i t , il s'occupoit encore à tracer des figures de
géométrie fur fa peau.
Il y a un fait bien connu dans l’hiftofre, qui
p ro u v eqri Archimède découvrit le premier les principes
de l'hydroftatîque qui a pour objet l'équilibre
de l'e a u , 8c fon aétion fur les corps qui y
font plongés. H ié ro n , roi de Syra cufe, vouloit
faire aux dieux l'offrande d'une Couronne d'or.
I l la commanda d'un prix confidérable, & pela
l'or, qu'ii vouloir qu'on y employât. L'orfèvre lui
apporta une couronne précifément du même poids ;
mais on reconnut qu’il y avoit de l'argent mêlé,
avec l 'o r , & par conféquçnt que l'ouvrier ayoit
volé une partie de la quantité de ce deMier métal
qui lui avoit été remis. H ié ro n , frappé de ce
la rc in , voulut cpnvaincre l'orphèvre de fa friponn
erie, 8c comme'la couronne étoit travaillée avec,
beaucoup d 'a r t , il demanda à Archimèdè, s'il ne
feroit pas pofiïble de découvrir la quantité de l ’allia
g e , fans détruire la couronne. L'habile mathématicien
rêva long-temps à ce problème ; 8c quoique
4'unç fagaçité' çxtrapjrdip^irç, jl défefpéroit
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I d'en trouver la folution, lorfqu'un jour en fe bai-
| gn an t, il remarqua qu'à mefure qu'il entroit dans
I le bain, l'eau montoit par deffus les bords. Ce tte
fimple obfervation, fterile pour tout autre , lui
préfent:. la folution de la queftion qu'il cherchoit.
Tranfporté de jo ie , il s'élança du bain; & fans
faire attention à l'é ta t où' il é to it , il courut chez
lui en criant : je l'ai trouvé 3 je l’ai trouvé. Il conclut
avec raifon que les corps de différens vo lumes
dévoient déplacer une quantité d'eau relative
à leur volume. Si la couronne eft d'or p u r ,
elle déplacera, dit-il, un volume d'eau égal à une
pareille quantité d'or. Si au contraire il y a de l'arg
en t, elle déplacera une plus grande quantité d'eau,
parce que l'argent a un plus grand volume que
l'o r. Archimède, en conséquence , ne s'occupa
plus qu'à-déterminer la quantité d'argent que con-
tenoit la couronne d'or. Il fit à cet effet un alliage
d'or 8c d'argent du même poids 8c du. même v o lume
que la couronne ; volume qu'il connut par
le même déplacement d'eau.
O n attribue à ce même mathématicien une machine
ingénieufe formée d’un cylindre autour duquel
tourne , foit .en dedans, foit en d ehors , un
tuyau en vis , 8c qui puife l'eau & l'élève Iorfqu'on
tourne le cylindre. Ce tte machine a été appellée
depuis la vis d’Archimède.
C e t homme illuftre imagina auflï un miroir com-
pofé de plufieurs miroirs, q u i, 'aiuftés fur une
efpèce d e c h a f f is , réuniiïbient p a r réflexion les
rayons du foleil à une-grande diffan.ee. Quelques
hiftoriens ajoutent qu'Archimède avec ces miroirs
brûla plufieurs navires romains à ïa diftance de
trois .mille; ce qui doit paraître prodigieux. Le
miroir que M . de Buffon, fur la defcription de.
celui d3Archimède , a fait exécuter au jardin du
r o i , eft compofç d'environ quatre cens glaces
planes d'un demi-pied en quarré : il fond le plomb
& l’étain à -cent quarante pieds de diftance, 8c
allume le bois beaucoup plus loin.
U n jour ou Archimède expliquoit à Hiéron les
effets prodigieux des le v ie r s , il s’appliqua à lui
démontrer. q u e , par leur multiplication 8c Jeur
combinaifon, il n'étoit point .d'effort dont il ne
fût capable, 8c s'applaudiffant de la force de fes
démonftrations, donnez-moi un point d'appui ,
difoit-il à ce prince, $c je fouïèverai la terre : Dû
mihl punBum & terram fnovebo,
Archimède eut ocçafion de déployer fon génie
contre les romains qui affiégeoient la ville de Sy-?
racufe par mer & par terre. Il inventa plufieurs ma-*
chines qui leur, causèrent, bien du dégât; & peut-
être auroit-il obligé l'armée ennemie de fe reti-r
r e r , fi les Syracufains ceffant d'obferyer les manoeuvres
des affligea ns pour célébrer la fête dp
Diane , ne leur euffent donné la facilité d'entre?
dans la ville par efcalade. U n foldat pénétra dans
rappartement 4 'Archimède, qui méçiffpjt £Yçç
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d'attention, qu’il n'avoit pas entendu le tumulte
que les romains occafionnoient dans la ville. Ce
foldat lui ordonna de le fuivre pour venir parler a
Marcellus fon général. L’ordre etoit précis ; mais
Archimède, fans vouloir fe déranger, continua a
réfoudre fon problème & à en chercher lademonl-'
tration. Le foldat, plus curieux de pillage que de
démonftration & de problème, le tua fur-le-champ.
Marcellus témoigna beaucoup de regret delà perte
de ce grand homme.
A R C Y ( d '). Le fieur d’Arcy, qui avoit été
page de la mufique de Henri IV , 8c qui eft mort ,
dit-on, âgé de cent vingt-trois ans, a joui jufqu'à
fa dernière maladie, d'une grande fanté. Il venoît
fouvent faire fa cour à Louis X I V , qui prenoit
plaifir à l'interroger. C e bon vieillard parloit au
roi très-facilement , quoique perfonne n'eût un
pareil avantage. « J 'ai, lui difoit-il, plus de gloire
» que vous, car j'ai fervi fous votre père 8c fous
» vous 33. Il retranchoit les expreflions de fire 8c
de majefté, comme des ornemens qui embarraf-
foient fes difcours*
Le roi demanda un jour à d3 Arcy fon régime de
vie : « je mange, lui dit-il, quand j'ai faim , & je
93 bois quand j'ai foif ; j'ai mon garde-manger a
33 coté de mon lit ; me fens-je appétit , je prends
-93 ma lampe pour chercher de quoi manger , &
93 puis je me rendors : je me promène dans votre
» parc deux fois par jour. — Mais quel âge avez-
93 vous lui demanda fa majefté.? C'eft ce qui vous
» Tefte à favoir, répondoit d3 Arcy
Louis X I V , déjà vieux, aimoit à voir cet homme
qui avoit pouffé fi loin fa carrière : c étoit un
exemple bien agréable à fa majefté, qui l'eneou-
rageoit & lui donnoit l'efpérance de l'imiter. Je
n'oublierai point de dire que ce bon vieillard avoit
les entrées de la chambre.
ARDSCHIR, roi de perfe, mort l'an 238 de
J. C .
Les maximes de ce monarque étoîent; que le
peuple eft plus obéijfiant quand le roi eft jufte j
Que le plus méchant de tous les princes eft celui
que les gens de bien craignent, & duquel les médians
efpèrent.
Il répétoit fouvent à fes officiers : ri employer pas
l ’épée , quand le bâton fiuffit.
AREOPAGE. aréopage délibéroit fi l'on
accorderoit à Alexandre les honneurs divins qu'il
exigeoit en maître qui veut être obéi. Tous les
fénateurs opinoient pour la négative. Eh! Mef-
fieurs, leur dit Demades, prenez garde, en voulant
conferver le ciel, de perdre la terre.
ARÉ TIN ( Pierre ! ') , fils naturel d'un gentilhomme
d'Arezzo , 8c dépourvu des biens de
la fortune, étoit né, en 1 pjé. Il avoit d'abord
A R Ë ioj
embraffé le métier de relieur qu'il quitta bientôt.
Ayant pris la plume , il prodigua tour à tour l'adulation
la plus baffe 8c la fatyre la plus effrénée ;
il parvint à intéreffer même , les puiffances de îa
terre au fort de fes écrits fatyriques. C e tte audace
lui avoit fait donner de fon vivant le furnom de fléau des princes .
Charles-Quint & François I , craignant les
fbffdres de ce petit Jupite r, n'héfitèrent point
d'acheter fon amitié par des préiens. C h a rle s-
Q u in t , à fon retour de fa malheureufe expédition
d 'A f r iq u e , lui envoya une chaîne d'or , préfent
allégorique qui fembloit devoir enchaîner fa plume
fatyrique. Celui-c i d i t , en la pefant : elle eft bien
légère pour une fi lourde fiottifie.
Arétin partageoit d'-abord fes éloges entre ces
deux monarques qui avoient été en concurrence
’ pour l'empire. Mais la penfion que Charles-
Quint lui aflïgna décida fa plume; il ne chanta
plus que Ton bienfaiteur. LeJaint-père, difo it-il, me donne l’accolade j mais des ba fiers ne fiont point
des lettres-dc-ckange.
Perfonne n'étoit plus importun que l'Arétin',
quand on lui avoit donné quelque efpérance ; ni
plus infolent quand il avoit obtenu ce qu'il deman-
doit. Il répondit à un tréforier de la cour de
France qui venoit de lui payer une gratification :
« N e foyez pas furpris fi je garde le filence. J'ai
33 ufé mes forces à demander, il ne m'en refte plus
»> pour remercier 33;
Pierre S t ro z z i , capitaine au fe rviee de F ran c e ,
ayant enlevé fur Ferdinand , roi de Hongrie , le
château de Murano , Arétin, alors dévoué à la
maifon d 'A u tr ich e , ne put retenir un trait de fatyre.
Stroz zi qui n'entendoit pas raillerie, le menaça
de le faire poignarder dans fon lit. Arétin
qui le fa voit homme à tenir parole , fe barricada
dans fa maifon, n'ofant ni for tir , ni laiffer entrer
perfonne, tant que ce général fut fur les terres de
la république de Venife.
U n e chûte allez fingulière termina la vie de \3Arétin. Laurenzini raconte qu'un jo u r , en écou
tant le récit d'un tour «qu'une de fes foeurs avoit
joué à quelque galant, il lui prit un rire fi
v io len t, qu'il tomba de fon liège , & fe caffa la tête.
La petite pièce fatyrique , en forme d'épitaphe ,
que l'on compofa fur fa m o r t , peut faire connoîtrç
ce que l'on peèfoit alors de cet écrivain.
Le temps , par qui tout fe confume,
Sous cette tombe amis le corps
De l’Arétin, de qui la plume
Blefla les vivans & les morts.
Son encre noircit la mémoire .3
De monarques de qui la gloire
Eft vivante après le trépas :
Et s’il n’a pas centre Dieu même