
Il fe fit à Londres , le 29 juin 1700, un. mariage
d’un homme âgé de cent' trois ans , avec
une femme âgée de cent.
On a imprimé, il y a quelques années , à’
Copenhague, l’hiftoire d’un payfan de Norwege,
qui a vécu cent quarante-fix ans, & qui parôît
toujours avoir joui d’une fanté vigoureufe. Les
remèdes qu’il ufoit dans fes incommodités pàffa-
gères, n’étoient pas moins étranges que la force
de fa conftitution. On affure que, pour fé purger,
il avaloit une balle de moufquet.
C é r é m o n i e s s i n g u l i è r e s .
On fait que tous les ans, un certain jour, le
doge de Venife, accompagné des fénateurs, &
dans fa plus grande pompe, monte fur le bu-
centaure & époufe la mer. Ceux qui ne connoif-
fent point la fageffe des loix vénitiennes , & qui
ne jugent des inftitutions que par ce qui lesfrappe,
regardent cette cérémonie comme une vanité &
une extravagance indécente. Ils penfent que les
vénitiens ne folemnifent cette fête , que parce
qu’ils fe croyent maîtres de la mer : ils comparent
le doge au roi de Perfe , qui fit battre de verges
le Pont.- Euxin , qui ne lui avoit pas été favorable.
Le mariage du doge avec la mer renferme
des vues plus nobles : la mer eft le fymbole de
la république 3 il époufe l’une" fans pouvoir la
pofleaer, il eft à la tête de l’autre fans avoir droit
a la puiffance fouvëraine. Il eft le premier ma-
giftrat ; mais il n’eft pas le maître : on ne veut
pas qu’il le devienne, & on met, entr’autres
barrières à fa domination , une coutume qui l’avertit
qu’il n’ a pas plus d’autorité fur la république,
qu’il gouverne avec le fénat, que fur la mer,
malgré le mariage qu’il eft obligé de célébrer
avec elle. En donnant cette.explication naturelle
& prife de l’ efprit des loix vénitiennes, à l’ ufage
dont il s’agit ic i, il, n’y a plus de vanité ni de
motif d’orgueil, comme dans la vengeance du
Roi de Perfe. Le doge ne commet plus d’indécence
, en fuivant une loi qui lui montre les limites
de fon pouvoir & la nature de fes obligations.
Pierre Candian , fécond du nom, étant doge
de Venife en 932, une troupe de jeunes gens ,
des côtes d’Iftrie vint aborder la côte vénitienne 1
avec plufieurs barques légères j & ayant épié
le moment que les demoifelles vénitiennes fe-
roient affemblees * pour être .mariées le dernier
janvier , fuivant la coutume, ils les enlevèrent
avec tout leur butin, les mirent dans leurs barques
, & à force de rames traverfèrent le golfe,
pour aller débarquer fur leurs côtes» Ils étoient-
occupés à partager leur butin, lorfque le lendemain
premier février, les vénitiens , que le doge
avoit envoyés à leur pourfuite le plus promptement
pofïible , les ayant découverts, les inveftirent,
les paflerent tous au fil de l’épée , rame-*
nèrent les nouvelles mariées, & tout ce <jui leur
appartenoit. Les vainqueurs entrèrent en triomphe
dans Venife 3 & c ’éft en mémoire de cette victoire
, que tous les ans à pareil jour ( qui eft la
veille de la purification de la Vierge ) , le doge,
accompagné de toute la feigneurie , va vifiter
l’églife de Sanfta Maria formofa , pour remercier
Dieu d’un événement fi fingulier. On nomme
ce jour-là, h fête des maries. C ?eft enreconnoif-
fance des foins que le doge prit autrefois de procurer
à ces nouveaux mariés la reftiiçudon des
époufes qu’on leur avoit enlevées > que les jeunes
filles préfentent un chapeau de paille au doge,
comme fi on eût voulu p'ar-là défigner l’emblème
de la pureté, de la fimplicité, de la foibleffe de
ces jeunes filles. Les jeunes garçons préfentent
de leur part deux bouteilles de vin au doge, en
figne de la vigoureufe expédition que firent leurs
ancêtres, pour punirde rapt que les Iftriens avoient
fait de leurs futures époufes.
’ Canut, roi d’Angleterre, à l’exemple de fes
prédéceffeurs , & fur-tcut d’Egbar, qui toute
fa vie s/étoit fait appeller le maître & le domi-
: nateur des mers } Canut, dis-je, ambitieux du
même titre, réfolut d’en prendre poffeflion fo-
lemnellement, afin qu’à l’avenir cette qualité ne
lui pût être conteftée : &: parce que l’a&e de
cette prife de poffeflion ne pouvoit être çlus authentique
qu’en obligeant la mer elle-meme de
lui rendre hommage comme à fon fouverain 3 au
tems de la marée, il fit dreffer un trôné fur la
grève de Southampton 5 & là en habit royal la
couronne en tê te , il tint ce langage à la mer,
lorfqu’ elle commença à approcher de lui : Sache
que tu es ma fujette , que la terre oh je fuis eft a
moi , & que jufquici peffonne n a été rébelle a mes
volontés. Je te commande donc de demeurer oh tu,
es , fans pajfer outre , ni être fi hardie que d ap~
procher ton feigneur & gâter fes habits. A peine
achevoit-il ces paroles, qu’une vague vint fe
brifèr contre fon trône 3 & fans refpeâer fa qualité
, le mouilla fi bien, qu’il etoit prefque tout
trempé. En même tems il fe lève j & prenant ceci
pour un avertiffement du ciel qui vouloit abaiffer
fon orgueil, & lui donner à connoître fa fottife ,
il témoigna devant fa cour, qu’il n’appartenoit
qu’à Dieu de porter le nom de roî, lui qui, au
moindre figne , fait trembler le ciel & la terre ,
. & à qui la mer les autres élémens font fi fournis ,
qu’en lui obéiffant ils adorent fon pouvoir. Et
afin que fon repentir fût public aufli-bien que fa
faute , il protefta de ne porter couronne de fa
vie., '& à l’heure même alla mettre la fienne fur
la tête du Crucifix.
On traitoit anciennement les lépreux avec beau*
coup de rigueur. Dès qu’ un homme portoit fur -
lui des marques de la lèpre, . on avertiffoit le
curé. Celui - ci raflembloit auffi-tôt fon clergé,
alloit en proceflion à la maifon du lépreux, qui
l’attendoit à fa porte, couvert d’ iin voile noir
ou d’ une nappe, telle qu’on en met fur les cercueils.
Le prêtre faifoit fur lui auelques prières 3
enfuite la proceflion retournoit a l’Eglife. Le lépreux
fuivoit le célébrant à quelque diftance.
Arrivé à l ’églife, il entroit dans le choeur, &
fe plaçoit au milieu d’une chapelle ardente qu’on
lui avoit pr> parée comme à un corps mort. On
chantoit une meffe de requiem j & à l'iffue de l’o ffice,
on faifoit autour du lépreux des encenfemens
& des afperfions 3 on lifoit les recommandâtes , &
on entonnoir le libéra. Il fortoit pour lors de fa
chapelle ardente 3 la proceflion qui l'avoit amené,
le conduifoit hors de 'l’églife, au milieu des chants
lügubres , juXqu’à la porte du cimetière, où le
prêtre lui adreffoit des exhortations à la patience
& à la réfignation : enfuite il lui faifoit défenfes
d approcher perfonne, de ne rien .toucher-dé ce
qu’ il marchanderoit pour acheter, avant que cela
lui appaitînt3 de fe tenir toujours au-deflous du
vent, quand, par hafard y quelqu’un lui parlerait.
Je te défends , difoit encore le prêtre , que tu
n habites a autre' femme qk‘a la tienne. 5
Du tems du fameux Bertand Duguefclin , la
noblefle s’affembloit ‘.auvent pour donner des fêtes
aux dames» Le pere de Duguefclin & plufieurs
autres gentilshommes bretons publièrent un tournois
, où fut invité tout ce qu’il y avoit de plus
brave en France^ & en Angleterre. Duguefclin
avoit vu les préparatifs de l’équipage de fon
pere, & il fe promettoit bien de l ’accompagner
dans cette fête brillante : mais Renault , avant
que de fe rendre à Rennes, lui défendit de fortir
de chez lu i, fous prétexte que fa ieuneffe le
inettoit hors d’état de combattre contre des cavaliers
robuftes & aguerris. Le jeune Bertrand,
mécontent de l’ordre qu il avoit reçu, ne fongea
qu’aux moyens de l’enfreindre 3 & s’étant échappé
fecrètement, il fe rendit à Rennes. L à , il fuivit
la foule qui le conduifit à llendroit où fe célé-
broit le tournois. Duguefclin contemploit avec1
une envie, chagrine ces chevaux fi richement enharnachés
, ces chevaliers tout brûlai.s d’or & de
pierreries. Le bruit des tronùettes qui animoient
les corr.battan's , & les acclamations que l’on
donnoit aux vainqueurs, le mettoient hors de
iuf-même. Il pouflbit, il prefloit de tous côtés,
pour s’approcher de la barrière : fa mauvaife
mine lui attiroit des injures dé la part de ceux
qu’il déplaçoit. Enfin, après bien des efforts, il
fe trouva dans une place d’où il pouvoit tout
voir commodément 3 mais il n’en fut pas plus
tranquille. Après avoir été long-tems fpeélateur,
il découvrit un chevalier de fes parens, qui,
fatigué de plufieurs courfes, fe retiroit. Il quitte
alors fi place , court & arrive en même tems
que le chevalier dans l’hôtellerie où il logeoit.
S’étant approché de lui, il fe jetta à fes genoux,
& le coniurajpar la gloire qu’il venoit d’acquérir,
de lui prêter fis armes & fon cheval.^ Le chevalier
, qui reconnut fon émotion au feu de fes
yeux , charmé de trouver tant d’ ardeur & de
courage dans "un jeune homme, accorda à Duguefclin
ce qu’il lui dcmandoit. 11 l’arma lui-même'*
& lui fit donner un cheval frais. Duguefclin,
dans cet équipage , 's’avance vers la place du
tournois, fe fait ouvrir la barrière & demande
à combattre. Un des tenans ne fe préfcnta que
pour être vaincu'. Duguefclin le heurta avec tant
de violence , que le chevalier fut reuverfé de
deffus fon cheval. Il fe releva, & fut terraffé une
fécondé fois 3 mais cette nouvelle chute lui fut
plus fuhefte que la première : il en refta dange-
reufement bleffé. Duguefclin appella alors. Il vint
un autre chevalier : fon père même fe prefenta
pour courir contre lui. Bertrand, qui le reconnut
à fes armes, accepta le défi 5 mais les trompettes
ayant fonné la charge, au lieu de s’avancer pour
combattre, il baiffa la lance & lui fit une révérence
profonde. Tout le monde fut étonné de
cette a&ion : quelques-uns crurent que c’étoit par
crainte pour Renault 3 d’autres , que le vainqueur
étoit las de fes premières courfes. Mais Duguefclin
recommença à courir & à vaincre. Un chevalier
normand, dont la force & l’adrefle étoient
reconnues de toute l’Europe, s ’étoit préfenté au
tournois , moins pour y • acquérir de la gloire ,
que pour rappeller le fouvenir de celle qu’il avoit
fi fouvent acquife dans ces fortes de jeux. Après
avoir terraffé deux .ou trois chevaliers , il s’étoit
retiré au bout de la carrière, où il s’entretenoit
avec les dames, comme, un homme qui en avoit
affez fait. Les exploits du jeune inconnu attirèrent
fes regards 5 & les dames l’ayant prié de
le combattre, pour favoir fon nom, il 'demanda
à courir contre lui. Duguefclin accepta le défit :
on les vit partir avec une vîteffe incroyable. Le
chevalier normand exécuta fon deffein, & enleva
le cafque du breton ; mais celui-ci, outré de fe
voir découvert-, faifit fon adverfaire avec tant
d’adreffe & de force, qu’il l’enleva de deffus fon
cheval, & le mit au nombre des vaincus. Renault
reconnoiffant fon fils, accourt & l’embraffe, tranf-
porté de tendreffe & de joie. Duguefclin, charmé
de fe voir applaudi par fon père, qui auparavant
faifoit peu de cas de lui , en goûta mieux fa
viéloire. Il alla recevoir le prix deftiné aux vainqueurs
5 & fuivi de toute la noblefle qui l’accom-
pagnoit, il courut offrir fur le champ, au chevalier
qui lui avoit prêté fon cheval & fes armes,
le fruit de fa bravouLe. On vit*avec admiration,
qu il allioit au courage & à l’adreffe un coeurgé-
néreux & reconnoiffant.
Voici quelques cérémonies de coutumes fort
fingulières. Par exemple, les jéfuites avoient un
bèau collège à Rennes 5 & ce qui avoit contribué
a fon établiffement c’eft qu’on y avoit réuni le