
J.
J a c q u e s I , roi de la Grande-Bretagne, né
en 1566, mort à Londres le 8 avril 161 y.
Les factions qui commencèrent de fon temps
& qui continuèrent après lui, n'ont jamais permis
aux efprits de fe concilier fur le compte de ce
monarque- Il faut avouer cependant qu'il eut des
vertus i mais aucune ne fut pure ni exempte des
vices qui en font voifins^
Henri I V , roi de France, intéreffé à fouiller
dans les replis dé Lame de fon allié & de fon
voifin, nous a peint, d’une touche fière & bien
nuancée, le portrait du monarque anglois. « Je
•» ne trouve, dit-il dans une dépêché adreffée à
w M. de Beaumont, fon ambaffadeur à Londres;
» je ne trouve, dans le caractère de Jacques I ,
*» que des fujets de défiance. Je n’y vois, ni
a’ bonne-foi, ni folidité : la légèreté & Tinconfr-
?» dération en font la bafe ; la mauvaife intrigue
3> & l’artifice mal-adroit y paroifferit à leur tour :
» mais lavée l’ènvie de faire des dupes, Jacques 1
>3 finit toujours par l’être lui-même: De-la, je
oa conclus qu’il n’y aura aucun fonds à faire fur
os les paroles & fur les a étions de ce foible
a? prince. Il intrigue fans ctffe à Rome , en Ef-_
» pagne, & par-tout ailleurs, comme*il fait avec
» m oi, fans s’attacher à aucun point fixe-, félon
» qu’il eft pouffé, entraîné ou retenir: les pre-
33 mières efpérances l’élèvent', & l‘excitent au
»a. gré de ceux qui les lui donnent il -fe laiffé
?3 gouverner par tout ce qui l’entoure,-fans^aucun
33 égard ni pour le mérite, ni pour la 'Vérité :■
»> ainfi je prévois qu’il fe laiilera tromper dans
» toutes les occafions >3.
Sitôt que Jacques I fut monté fur le trône, il
abolit la fingulière dureté de l*étique:te de l’ancienne
cour. Le-fecrétairè Cécile, dans les fonctions
de fon miniftère. aup es de la reine Elifab
e th , avoir été obligé de parler & d’écrire à
genoux ; Jacques fupp ima ce cérémonial ; tous
les courtifans en firent au mm'fifre des compl m ns
de félicitation.; mais Cécile, moins aveugle qu’eux,
leur répondit : « Plût à Dieu que je fuite encore
« dans le cas de parler à genoux =’ ! Un minilire
qui ne diffimu'e pas.fes dég'jus, eft bientôt fuivi
ide la nation entière , qui ne fait jamais cacher
)es fiens.
Qui croiroit que ce qui contribua le plus à
tendre Jacques I odieux à fes"peuples, fut fon
mépris manifefte pour le beau- fexe ? Dans fon
voyage d’Ecoffe en Angleterre, il ouïra l’indiffé-
q#’il paroiffoit avoir pour les femmes, &
fouffrit qu’elles fe préfentaffent & fe tinffent à
genoux devant lui. Il ne prenoit pis la peine de
cacher combien la foule qui bordoit fon paffige,
lorfqu’il fortoit, Jui étoit à charge. Continuellement
occupé de la chaffe , elle lui devenoit infi-
pide, s’il y rcmarquoft trop de monde. Lorfqu’il
lut voir la flotte toyale à Chatam, ce fpééhcje,
digne d’un grand prince, ne remua point fon
ame indolente, & l’ennui fe peignit fur fon vifage :
ce qui fit dire aux fpeélateurs., avec cette libefté
qu’on chercheroit inutilement autre parc qu’en,
Angleterre : « Notre roi fait plus de cas d’un cerf
*» que d’un vaiffeau ; il aime mieux lé fon des
>> cors que le bruit du canon ».
Ce prince eut la foibleffe de prétendre à la
réputation d’auteur & de bel efprit; il écrivit
beaucoup, & fur-tout fur la’ théologie & la con-
troverfe. Quelques-uns de fes courtifans lui donnèrent
le nom de Salomon de l’Angleterre ; &
Henri IV l’ayant fu , fit à ce fujet une raillerie
fanglante : « Je ne fais pas pourquoi, dit-il, le
« roi d’Angleterre mérite le titre de Salomon ,
33 fi ce n’eft parce qu’il eft fils de David, joueur
” de violon »». Marie Stuard, mère de Jacques,
avoir eu, dit-on ,%un commerce galant avec David
Rizzo 3. joueur d’inftrument.
Jacques I fuécéda à la fameufe Elifabeth, & il
n’eft pas étonnant que la plupart des. auteurs les
aientcomparés'.enfemble. « Elifabeth , difent-ils ,
”33 égala: les plus grands rois ; Jacquet , par fa
33 foibleffe, ne fit voir fur le trône çju’ut.e femme.
» Ainfi la, nature fe trompa en les-formant tous
deux ». C ’ eft ce qu’expfme ce diftique latin :
Rex fuit Elifabeth, Jed nunc reginajaçcbus,
Errpr natures fie in utroque fuit.
Ce prir.çe fe croyott favanr-, parce qu’il parîoit
facilement latin. Un jotir l’ambàffadair de France,
dans la volubilité du difeours , fie un foiécifme,
qui donna beaucoup à rire au roi , & excita les
huées de tous, : ;les courtifans. ' L’ ambaffa leur,
honteux de ce qui venoit de lui arriver, s’échappa
au plus vice. En defeendaut l’efcalier 3 il rencontra
Bucchanan , précepteur du roi : «Eft i4 poffible«,'
33 lui dit-il , qu’avec les connoiffnues que vous
» avez , vous ne foyez parvenu qu’ a faire un
» pédant de votre-élève ? Un pédant ! lépordit
» le précepteur , en levant les mains au ciel, je
33 bénis Dieu de ce que j’ en ai pu faire au moins
33 quelque xrhofe ».
Jacquet I ne voyoit pas avec plailîr les gentils-
hommes d’Angleterre abandonner leurs terres pputî
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venir fe” ruiner dans'la capitale. Un jour qu’il en
remarqua pluiieurs qui s’empreffoient à lui faire
îaicour : « Me file gts, leur dit-il, vous avez grand
33 tort de préférer 4e féjour de Londre-- à celui
» de vos ti.nquïües provinces. Ici vous êtes
a» comme, des va IL aux en mer qui l ’y paroiffent
33 .lien.; Ima;s dans vos lillages vous re/fciriblez à
33 des vaiffeau* fur une rivière qui ont une fort
» grande apparence ».
Ce monarque fut un jour arrêté dans fon carroffe
au milieu de Londres par les archers de la juft'ce.
S;s gardes voulurent donner fur cétte troupe;'
mais le roi les en empêcha ; & ‘ ayant demandé
la caufe de fon arrêt , il apprf que c’ctoit à l’inf-
tance du Cellier de la cour à qui l’on devoir depuis
quelques mois cinquante livres fterlings. Le.roi
le fit payer à l’inftant, & dit ces paroles remarquables
: « Il n’ eft rien de plus jufte que celui
»3 qui fait les lo ix , les obferve le premier ; c’eft
» ce qui afl'ure le plus leur exécution ».
, He '.ri I V nel’appéloir rama h que maître Jacques,
& fes fujets même ne lui doanoient pas des titres
plus flatteurs.
4 Ce fut fous fon règne qu'eut lieu la fameufe
cqnfpiration des poudres, qui devoit anéantir la
nobleffe & la famille royale dans là falie du parlement.
Cette confpiration ne fut découverte que
par un fentiment d’amitié d’un confpirateur, qui
voulut fauver le lord Monteagle , en le faifant
avertir de ne point Té trouver tel jour au parlement,
où un coup terrible foudain'& invifible devoit
éclater.
JACQUES I I , roi d’Angleterre, né à Londres
en 1 <53 3 , mort en 1710 à Saint-Germain-en*Laye,
«1 France.
Les, guerres civiles qui défoloient le .royaume
d’Angleterre en 1648 , avoient obligé Jacques I I ,
alors' duc d’Yorck , de fortir en fugitif des états
<^e fon malheureux père Charles I. Il fe retira
ep Hollande, de là en France, où il fe fignala
fous le vicomte de Turenne.' Il fervit auffi dans
l’armée d’ Efpagne. en i,6f c , fous don Jean d'Autriche.
Charles I I , fon frère afné,.ayant été rétabli
fur le trô,ne de fes pères-, il le fuivit en
Angleterre, & le féconda par Ion courage & fa,
bravoure. Après la mort de ce monarque, arrivée
3e 16 février ié S j r le duc d’Yorck fut proclamé
roi le même jour à Londres fous le nom de Jacques
I I x & peu de-temps après en Ecoffe fous
le nom de Jacques, VU. fl lut cr-u'onné le 3 de
md fuivant, quoiqu’il tut catholique, & qu’il
eût quitté la communion de l’égbfe, anglicane
quelque temps après fon retour en .Angleterre. Ce;
prince, en montant fut le ;trône, déclara hautement,
dans, fa harangu,e su parlement,, que fa
refolution étoit de, maintenir -le: gouvernement
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établi dans l’éghfe & dans l’état ; il ajouta qu’il
avoit jufqu’alois hafardé fa vie pour la défenfe .de
la nation , & qu’il vouloit maintenant lui montrer
fon zèle pour la confervation de fes droits 8c
le maintien de fes ' franchi fes. Le paiement qui
ne d oui oit point que les intentions du nouveau
monarque ne fuffent alors conformes, à fes expref-
fions, parut oublier que Jacques ne s "'étoit pas
toujours conduit avec un efprit de modération.
Il s’éciia dans l’excès de fa confiance : « Nous
a» avons maintenant la parole d’ un ro i, une pa-
33 rc-le qui n’a point encore été violee De
toutes parts on préfenta au îr.onaïque des adreffps
pleines de refpeift. Celle des Quakers a quelque
chofe de fin gu lier :
' « Nous fornmes venus témoigner notre trif-
» teffe pour la mort de notre bon ami Charles,
33 k. notre joie de te voir gouverner. On nous a
» dit que tu n’étois pas de î’églife anglicane, non
’» plus que nous : ainfi nous espérons que tu nous
,?> accorderas la meme liberté que tu t’accordes à
» toi-même ; 6c fi tu le fais , nous te fouhaitorrs
» toutes fortes ae bonheur ».
Cependant Jacques I I déféroit beaucoup aux
confeils des prêtres , & prenoit volontiers leurs
avis fur les aifairesJes plus importantes, & cette
conduite indifpofoit déjà la nation contre ce prince.
L’Efpagne, qui avoit le plus grand intérêt que
l'Angl;terre fût tranquille, fit infînuer au monarque
anglois, par fon ambaffadeur Ronquille ,
qu’il devoit moins écouter le clergé romain , qui
le jetreroic tôt ou tard dans de grands embarras.
: « Quoi donc ! lui répondît le roi J a cq u e s , le roî
» d’Efpagne ne confulte-t-il pas fon conreffeur?
33 Oui, répliqua Ronquille, & c’eft: ce qui fait
» que nos affaires vont fi mal ».
Ce prince aveugle acheva d’ aigrir les efprits
en „mettant en prifon ïept évêques anglicans qu’ il
eut fallu gagner, en renverfant avec hauteur des
conftituiions qu’il ét< it plus prudent de faper en
fiience. Les anglois craignirent de voir bientôt
le pape maître de l’égl.fe d’Angleterre ; iis appel-
lèreut Guillaume-Henri de Naffau, prince d O-
range & ftathouder de Hcfllinde, qui, quoique
gendre du roi, fe fit chef de- la-révolte . & détrôna
Ion beau-père en 1688.- L’ infortuné Jacques alla
chercher un üfyle en f rance , après avoir reçu
à Londres, & dans fon propre palais, les ordres
du prince: d’Orange. Louis XIV accueillit le monarque
détrôné & toute fa famille avec les plus
nn:bles fentimens de générofité , de refpeét &
d’amitié. « Le roi , dit l.i niarquife de Sévigné1
dans fes lettres , alla au-devant de la reine d’ Angleterre.
avec toute fa mai fon & cent .caipoffcs à
fix chevaux. Quand il apperçut le carroffe du
prince.dé Galles, il defcendit.& l’tmbraffa tendrement,
puis il courut au-devant de la reine qui
étoit àefcendu.e, il la falua * lui parla quelque