
joignirent j lui firent concevoir des projets de révolte
5 mais ces projets ayant été découverts , il fut
condamné à mort. Il auroit encore .pu obtenir fa
Urace s’il eût voulu implorer la clémence à'Elifa-
beth y démarche qu’à toute heure cette princeffe
attendoit de fon malheureux favori. Elle confentit ï
enfin à fon exécution«
Elifabeth^tombaLquelquetempsava'nt de mourir,
dans une noire mélancolie; cette fombre douleur,
ajoute le nouvel hiftorien d’Angleterre, avoit un
principe fecret, qu’on a long-temps regardé comme
iomanefque, & dont les négociations de Birck ,
nouvellement imprimées, femblent avoir confirmé
le foupçon. Le comte d’Effex, après fon retour
de l’heüreufe expédition de Cadix, remarquant à
quel point les feritimens qti’il avoit infpirés à E lifabetk
étoient augmentés ., avoit faifi cefte oecafion
de fe plaindre de ce que la néceffité du fervice de
la reine le forçoit à fe féparer d’elle fi fouvent. Il
avoit même montré une inquiétude délicate fur les
■ mauvais offices que Tes ennemis, plus affidusàfaire ;
leur cour, pouVoient lui rendre auprès de fa <tna-
jjeftë. Elifabetk émue de cette tendre jaloufie,
avoit donné une bague au comte d’Effex, en lui
"ordonnant de la garder comme un gage de fa ten-
•dreffe; elle l’avoit affuré que dans quelque difgrace ;
qu’il pût tomber, quelques prévenrions qu’on eût j
l ’adreffe de lui inïpirer, le feiil afpeét de cette
bague, s’il la reprefentoit alors àTes yeux., lui re-
traceroit Tes premiers fentimens} & que quelque
motif qui Yirritât contre lui, elle confentiroit à le
voir, & à, prêter une oreille favorable à fa juftifica-
’tion. D ’Eflex,malgré toutes fes infortunes, confer-
■ voitcedon précieux pournes’èn fervir qu'à la dernière
extrémité ; torfqu’il fe vit jugé & condamné,
infortune'® princeffe, livrée au défespoîr, rejettî
toute efpèce de confolation , & nouriffant fa douleur
i l réfolut enfin d’en effayer l’effet. Il confia cet
•anneau à la comteffe de Notringham, en la priant
de le remettre à la reine. Le comte de Nottingham
exigea de fa'femme, pour Te venger d’Effex dont il
étoit l’ennemi déclaré, qu’elle n’exécutât pointla
commiffion dont elle s’étoit chargée. Cependant,
Elisabeth s’attendoit toujours que fon favori tâche-
roit de la fléchir, en lui rappèlknt fes promeffes
ar ce dernier moyen deTémouyoir en Ta faveur.
lie fut indignée de ce qu’il ne s’en fervoit pas,
6 attribua cette négligence à fon indomptable
obftinatiom Préoccupée de cette idée, après.plu-
fieufs combats intérieurs., le reffentimefit & la
politique rexcitèrerîtà ligner l’ordre de l’exécution.
La comteffe de Nottingham tomba malade, & , fe
Tentant approcher de Ta-fin fies remords d’une fi
grande infidélité la troublèrent.^ Elle Tupplia la
reine de venir la voir, &»lui révè!a ce fatal fecret
fen implorant fa clémence. Elifabetk, également
Taifie de furprife & de fu r .u r , traita la mourante
•comteffe avec l’emportement le plus extrême, ; elle
7 s’ écria que Dieu pouvoit lui pardonner, mais qu elle
ntt lui pardonneront jamais : elle 1 accabla de re-
g>ïôches* •:& foitit la rage dans le coeur. Cette
des réflexions les plus cruelles, elle conçut un
dégoût de la vie qui la conduifit bientôt au tombeau.
L ’auteur du Cataïoguedes rois & des noblesd’Angleterre
qui.ont écrit, a mis Elifabetk au rang de ces
auteurs diftingués. Elle traduifoit Euripide, Ifo*-
crate, Horace, & commentoit Platon. Elle écri-'
voie en vers & en profe „ & ce qui n’ eft pas moins
fingulier, c ’ eft qu’elle réufliflbit à compofer des
logogryphes & des rebus. Elle répondoit fur-le-
champ avec beaucoup de facilité en grec ou en latin.
Il eft certain du moins qu’elle s’expliqua en
latin dans une audience qu’elle donna à l’ambaffa-
deur de Pologne. Sa réponfe fut un peu v ive ,
parce que l’ambaffadeur lui avoit manqué de ref-
peâ: en quelque chofe. Lorfqu’elle eut fini de parle
r , elle fe retourna vers fes courtifans, & dits
« Mort dieu, milords, j ’ai été forcée aujourd’hui
» de décraffer mon vieux latin que j ’ avois laiffé
» rouiller depui#long-temps l »
Philippe II lui ayant envoyé par fon àmbaffadeuf
le meffage fuivant-:
Te veto nepergas bello defendere Belgas.
‘Quce Dracus enpv.it, nunc rêfiituctntur oportet*
Quas pater evertit, jubeo te condere cellas :
Religio papa fac teJlitüatUT ad unguem.
Elifabetk indignée, répondit avec une vivacité
merveilleufe^
Ad Gracas, bone 'rex, fient mandata-Calendas.
La réponfe qui lui fut faîte par un homme auquel
elle venoit de refufer l’aumône, dut, fi le
fait eft tel qu’ on le dit , lui caufer une Turprife
agréable. Elifabetk alloit entendre l’office dans
■ l’églifé de Saint Paul de Londres; un homme fe
prefente_& lui demande l’aumone. L* princeffe qui
l’avoit déjà apperçu à la porte de fa chapelle, dit
à ceux qui l’accompagnoient : Pauper ubique jaceu
Cet homme entendant ce reproche, répondit auf-
fitôt par ces deux «vers-:
In thalamis, regma , tuis hâc no3e jacerem,
'Si foret hoc verum, paiipèr ■ubique jacet.
Sixte V la mettoit au nombre des trois perfonnes
qui, fuivant Juio mériroient feules de-régner : les
deux autres c’ étoient lu\-même & Henri IV .
•Ce pape appelloit Elfabeth, ungrancervello de
pnncipejfa; & difoit qu'il eût bien voulu coucher
feulement une-nuit avec elle pour donner naiffance
à .un nouvel Alexandre le ,grand.
UL1XFR. Un empereur fle la Chine, nommé
iTou-ti, reçut un jour d’un impofieur, un élixir
dont celui-ci l’exhortoit à boire, lui promettant
que ce breuvage le rendroit immortel. Un mandarin
préfent, après avoir tenté inutilement de défa-
bufer l’empereur, prit la coupe & but la liqueur.
Le prince irrité de cet-te hardieffe vouloit fur le
»champ condamner à mort Je mandarin qui lui dit
d’un air tranquile : « Si cet élixir donne réellement
» l’immortalité, vous ferez de vains efforts pour me
» faire mourir ; s’il ne la donne pas, auriez-vous
», l’injufiice de me ravir la vie pour un fi frivole.
» larcin. »» Ce difeours calma la colère de l’empereur
& l’ hiftoire ajoute que l’effet de Xélixir fur le
mandarin fut de mettre fa vie dans le plus grand
danger-«
, ELOGE. Monfîeur, pendant fon féjour à Avignon,
logea à l’hôtel du duc de Crillon. Le frère
du roi refufa la garde bourgeoife/qui lui étoit offerte,
en difant : «c Un fils de France logé chez un
» Crillon n’a pas befoin de garde. »
Sifigambis, mère de Darius, apprenant la mort
d’Alexandre qui l’avoit traitée avec beaucoup
d ’humanité, & avoit eu de grands égards pour
telle ,, fe jetta par terre, fondant en larmes & s’arrachant
les cheveux, elle renonça à la vie. Quinte-
Curce dit qu’ayant eu la force de vivre après Darius,
elle eut honte de fürvivre à Alexandre. Voilà
iiin bel éloge de ce he'ros.
^ Les Lacédémoniens, grands eftimateurs du mérite
, faifoient confîfler principalement celui d’une
femme-, à vivre ignorée & retirée dans le fein de
Ta famille. Un Spartiate entendant faire de magni-
^fiques éloges d’une dame de fa connoiffance, interrompit
en colère lepanégyriffe: « f îe cefferas-
w tu point, lui d i t - f l , de médire d’une femme
« de bien ? »
Le maréchal d*Eftrées fit, en .parlant à M.pde
Louvois, ce bel éloge du prince d’Orange qui a
joué un fi grand rôle dans le dernier fiècle : « Mon-
» fieur, vous ne connoiffez point encore le prince
w .d!Orange.', fouvenez- vous de ce que j’avance
» aujourd’hui, Guillaume le Taciturne, Maurice
» & Frédéric -Henri , ces trois grands hommes \
» revivent en fa perfonne, & fon amitié n’ell
® pas à négliger. Le cardinal de Richdieu^tchzxcha
celle de Frédéric-Henri, & s’en trouva bien,
» vous .vous trouverez encore mieux de celle du
% prince d!Orange, qui eft plus aélif & plus vigi- .
33 iant que fon grand-père, & plus propre à (e-
» conder vos deffeins. »» M. de Louvois fit peu de
xas de l’avis-du maréchal ;,il raconnut Ta faute.,
•»3 mais trop tard.
v O* hit à l’académie françoife, une
•cpître adreifee à Fontenelle. Elle finiffoit par ce
^ers, qui excita de grands applaudiffemens :
’Æt Je /KUiûoT des grecs Tut .encor le jplus fage.
Fontenelle qui étoit fourd, demanda à Marivaux
placé à côté de lui : « De quoi eft—il donc quef-
»3 tion ? Que lit-on là ? — Monfieur, lui cria Ma-
»3 rivaux dans les oreilles, on fait votre éloge ,
». cela ne vous regarde pas. »
. ELOQUENCE. Il eft une éloquence naturelle
qui xonfifte dans les faits mêmes ou dans les
chofes ce font des traits émanés du génie ou
des paffions émues : traits fublimes, qui femblent
indépendans de toute connoiffance, & dont
les plus grands maîtres de l ’art n’ont jamais ei>
feigné les préceptes.
On demandoit à Ifocrate, célèbre orateur grec,
ce que c ’étoit que l ‘éloquence ? « C ’e ft, répon-
» dit-il, l’ art d’élever les petites chofes, & d ’a-
33 baiffer les grandes. ».
Démofthène», interrogé ,pat quels moyens il
avoit fait tant de progrès dans Y éloquence ? « En
» dépenfant plus d’huile que de v in , répon-
.» dit-ihjo
Au commencement du règne dé Henri IV.,
lorfque ce -prince, avec très - peu de troupes,
étoit preffé auprès de Dieppe par une armée de
30000 hommes, & qu’on lui confeilloit de fe retirer
en Angleterre, le maréchal de.Biron lui tint ce
difeours.: « Quoi, fire, on vous xonfeüle de mon-
» ter fur mer, comme s’il n’y .avoit.pas d’autre
» moyen de conferver votre royaume que de le
33 quitter- Si vous .n’étiez, pas en France, il fau-
» droit percer au travers de tous les hafards de
>3 .de tous les obftacles pour y venir; & main-
m tenant que vous y êtes, on voudroit que vous
sa en .fortifiiez ; & vos amis feroient d’avis que
»3 vous fiffiez de .votre bon gré, ce que le plus
» grand effort de vos ennemis né fauroit vous
3? contraindre de faire ? En l’état ou vous êtes,
pfpiiti'r feulemêiît de la France pour 24 heures,
33 .c’eft s’en bannir pour jamais. Le péril, .au
33 î-éfte, n’eft pas fi grand qu’on vo.us le dé-
33 peint : ceux qui nous penfent envelopper font*
»3 ou ceux - mêmes que b o u s avons tenus errfer-
33 més fi lâchement dans Paris., ou gens qui ne
33 valent pas mieuxa & qui auront plus d’a.f-
33 faires entre eux-mêmes , que contre nous. En-
33 fin.., lire, nous Tommes en France, il nous y
» faut enterrer : il s’agit d’un royaume, il faut
-•>3 l'emporter,-ou y perdre la v ie,.& quand même
» il n’y auro't point d’autre fureté pour votre
-»3 facrée perfonne que la fuite, je fais -bien que
33 vous âîmeriéz mieux mille fois mourir de pied-
-33 ferme, "que de vous fauver par cc moyen-
>3 Votre majefté né fouffriroit jamais, qu’ on diCe
3>--qu’un-cadet de k mai fon de Lorraine lui au-
x> roit fait perdre terre, encore .moins^qü’on k
33 vit mendier à la porte d’un prince étranger-
» N o n , ü r e j il .n y a ni couronne ni hc.'Jiaut