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La police prit connoiffance de cette affaire , &
obligea Dufrefne de faire des excufes au public.
C et acteur obéiffant à regret à ce jugement & s'avan-
çant fur le bord du théâtre, commença ainfi fa harangue
: ce Meffieurs , je n'ai jamais mieux fend la
» bafleffe de mon état que par la démarche que je
» fais aujourd'hui ». Il parut fi pénétré que le public
^'interrompit par fes applaudiflemens, & mit
fin à cet aCfce d'humiliation.
Cuvillier, atteur de l’opéra, a mérite qu'on dit
de lui.
Ta v o ix , ton gefte & ta figure,
En t o i , tout plaît auxfpeétateurs,
L’art.d’accord avec la nature,
A formé le chantre & Y acteur.
Dans une des villes méridionales de la France,
certain chanteur, déteftablé de tout point, mais
engagé avec cette claufe ridicule, en chef b fans
partage, fut vainement follicité par fon directeur,
de fe départir de fes droits en faveur d'un chanteur
en fécond, moins mauvais que lui. Un jour que
le public lui marquoit fon mécontentement d'une"
manière plus énergique qu'à l'ordinaire, il s'avança
effrontément fur le bord de la fcène & dit : Meffieurs
t j e fuis honnête homme , on me paie pour
chanter y je chante & je chanterai , ou en jargon
provençal , my pagoun per canta | io canti e can-,
terf î-' On trouva ce genre de probité tout auffi
opiniâtre qu'original.
Voltaire difoit de Vafteur Paulin. à qui il def-
tinoit les rôles de tyran : c'efi un tyran que j'élève
a la brochette.
Voltaire envoyant dès la pointe du jour les
corrections qu'il avoit faites dans le rôle de Poly-
phonte, fon domeftique lui repréfenta qu'il étoit
trop matin , & que Valeur devoit être encore
endormi. Vas toujours , dit Voltaire, les tyrans
ne dorment point.
Dans la tragédie de Childeric, un aéteur chargé
d’apporter une lettre , & ne pouvant pafler facilement
fur le théâtre à caufe des fpeCtateurs ;
Dumont, vieux plaifant qui s'étoit arrogé le droit
d'avoir une chaife au parterre, cria : place au
faéleur ; on rit , & la tragédie tomba.
Feu Delèffarts , célèbre aéteur à La Haye, fut un
jour furpris à la chaffe fur les plaifirs du Stathouder.
Un des principaux gardes qui n’avoit'jamais vu ce
comédien que dans des rôles de princes, l'ayant
abordé en lui demandant de quel droit i l venoit
chaffer en ce lieu -L'a ? L'autre fans fe démonter lui
répondit, avec l’air & le ton de la fierté la plus
héroïque : de quel droite dites-vous?
Du droit qu’un efprit vafte & ferme en fes defleins
A fur l’efprit groffier des vulgaires humains.
Trag„ de Mahomet.
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C e qui en impofa tellement au garde q u e , tout
etoudi du ton & de la rép on le , il fe retira en di~
fan t: A h ! c‘eft autre ckoje, excufe^ Monfeur,je
ne favois pas cela.
La mémoire ayant fait faux-bon à un de ces
débutans qui ne doutent de rien, & ne veulent
pas même avoir l’air de jamais manquer, il prit
le parti de faire taire tout uniment le fouffleur *
en lui difant à haute voix : paix , taifeç . yous ,
laijfe^ - moi rêver un peu feulement.........à la fin
voyant que rien ne venoit : mon dieu ! s'écria-t-il,
en frappant du pied , je ie favois f i bien ce matin!
Thomas Betterton a paffe pour le plus fameux
aHeur qui ait paru fur le théâtre anglois , avant
celui qui en a fait la gloire, le célèbre Garrik. C e
comédien naquit à Weftminfter en 163 r. Son père
qui étoit cuifînier de Charles I , voulut en faire
un libraire ; mais la nature avoit décidé qu'il ferôit
l'ornement de la fcène angloife. En effet, il s'y
diftingua bientôt avec éclat, & enleva tous les
fuffra^es dès l'âge de vingt-deux ans. 11 joua d’abord
les rôles de femmes avec applaudifTement dans la
troupe* du roi , mais lorfque Charles I. perdit & le
trône & la v ie , les comédiens furent renverfés
de leur trône imaginaire, & la plupart prirent parti
dans les armées. Le calme étant revenu, Betterton
entra dans la troupe que Charles II. permit au
chevalier Davenant de raffembler, & qui prit le
nom de comédiens du duc d'Yorck. Betterton en
fut le héros. On croit que ce fut lui qui intro-
duifit le premier les changemens de décorations en
Angleterre. Il époufa mademoifelle Sanderfon, qui
joignoit aux talens naturels requis pour faire une
excellente aCtrice , la beauté , 4 es grâces & les
vertus.
« Batterton, dit l'auteur du Tatler , étoit un
» homme étonnant, qui, par fon aCtion , faifoit
» fentir ce qu'il y a de plus grand dans la nature
» humaine, & bien plus vivement que les plus
» fublimes raifonnemens des philofophes, & les
» plus charmantes deferiptions des poètes ». Cet
■ atteur réuffilfoit également dans le tragique & dans
le comique.
Quelques années après fa retraite du théâtre,"
on repréfenta pour fon compte la pièce intitulée :
L ‘amour payé par l'amour. Cette repréfentation lui
valut cinq cens livres fterlings. L'affluence du monde
qui y vint juftifia la reconnoiffance qu'on lui por-
toit, & ce grand afteur eut lieu d'être content des
fpeClateurs & des comédiens. L'épilogue compofé
par M. Row , finit d'une manière pathétique,
« Ç 'eft, dit-il, le fouvenir des plaifirs qu'il vous a
» procurés , qui vous engage à confacrer avec
» gloire le cothurne de ce grand maître, & vous
» ne voulez pas permettre qu’un homme qui
»vous a tant de fois touché par de feintes dou-
» leurs, vous foit enlevé par des fouffrances
» réelles ? v
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I Le théâtre anglois perdit, en 1748 ,u n célébré
'a L r nommé Quin. Cet habJe comedten ayant
eu une fcène fort vive avec le direéleur Rich, fe
retira àBath; mais ennuye bientôt de la vie uniforme
qu’il ymenoit, il tenta de fë raccommoder
avec Rich, & lui écrivit la lettre fuivante : Je fûts
àBath, Q uin. R ich, moins difpofé a fe recon-
xilier, lui répofidit ainfi : Refteq-y jujqu a ce que le
diable vous emporte. Ri CH.
M Quin, né en 1(593 , deftiné au barreau par fon
-père, obligé, à fa mort, de difeontinuer 1 etude
■ des loix par néceffité, monté fur le theatre par
g oû t, acquit la réputation la mieux méritée , & y
jrefta fans rival, jufqu'à ce que le célèbre Garrik
vînt partager avec lui les fuffragès du public.
Brouillé avec le Diredeur Rich, Quin fut choifi
pour maître de langue angloife par le feu prince
de Galles , père du roi régnant, qui lui avoit fait
% Un atteur anglois , après avoir , pendant trente
•années , joué la comédie avec fuccés, eut le malheur
de s'eftropier & de refter boiteux. Malgré
cette difgrace, il ne voulut poiut abandonner le
théâtre ,qu'il aimoit paffionnemènt , & fur-tout
;Iès rôles tragiques ; il prit, pour remonter fur la
fcène, le rôle de Richard I I I , que Shakefpear z
jugé à propos de repréfenter boiteux 5 rôle qu'il
fuppofa capable de faire oublier fa défeéiuofité.
Le jour arrivé, notre aéteur fe préfente avec une
noble confiance , & la certitude du plus grand fuc-
cès j mais lorfqu'il vint à déclamer ces paroles :
« Les chiens aboient en me voyant boiter » 5 il y
.eut un telle rumeur dans 'la falle , que lé pauvre
héros , hué & baffoué, fut obligé de quitter la
ifcène pour n'y plus reparoître.
. Après l'étonnant fuccès du fingulier opéra des
gueux, M. Cibber, fameux a é le u r a voulu donner
au public une pièce à-peu-près dans le même
genre ; mais elle fut très-mal reçue. Le poème
de M. Cibber étoit précifément l'oppofé de celui
de M. Gay : celui-ci avoit préfenté la grandeur &
l'autorité fous le jour le plus méprifable , & s'étoit
attaché à donner de l'agrément aux vices les plus
bas; au lieu que Cibber s'étoit plu à faire triompher
la vertu & l’innocence ; aufli ne fe trouva-t-il
que l'héritier de la couronne , le prince de Galles ,
qui osât entreprendre de protéger la pièce.
La première repréfentation avoit été fi tumul-
tueufe que perfonne ne l'avoit entendue : le prince
fetrouva à la fécondé; & Cibber s'appèreevant
squ'elk ne feroit pas mieux écoutée, s'avança fur
•le bord du théâtre & dit aux fpeélateurs : « Mef-
» fieurs , -puifque je vous vois peu dilpofés à per-
> mettre que ce drame, aille plus loin, je vous
^ donne ma parole que, paffé ce foir , on ne le
, » r-eprefentera plus 5 mais j'efpère en même-temps
<Pe vous daignerez refpeéfer le prince qui ho-
|î? nore cette repréfentation de fapréfence , Ôc que
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» Vous voudrez bien fufpendre, pour ce moment,
» les témoignages de mécontentement que vous
» m'avez donnés hier, & que vous penfez que
» j’ai mérités ». On applaudit cette harangue , la
pièce fut jouée fans trouble; mais elle ne reparut
pas une troifième fois. Quelque tems après , Cib-
ber, au moyen de quelques changemens & d'un
nouveau titre , & fur-tout de l'attention de cachey
le nom de l’auteur , redonna fa pièce, qui fut
reçue avec les plus grands applâudiflfemens. On
la joue fouventfous le titre deDamon & Philis.
Les théâtres de Paris pourroient fournir de pareilles
anecdotes.
Le plaifir qui, dans une femme de théâtre , fait
naître les talens, les détruit bientôt. Il en eft de
même d'une comédienne galante , comme d'un
recueil d'hiftoriettes ;on fe l'envoie, on fe le prête,
on s'en amufe un moment. A la fin le livre fe délabre
, il ne refte aux curieux que 'terrâta.
Un amateur de fpe&acle fe plaignoit de ce que
les acteurs dirigeoient tout , brouilloieiit tou t,
commandoient en defpotes dans le fpe&acle : un
homme fenfé lui tint ce propos : « Voulez-vous
» que ce foit les hommes qui diftribuent les rôles
» & qui régnent fur le théâtre ? nommez les
» femmes directrices ; car tant que les hommes
» feront directeurs, ils feront eux-mêmes dirigés
» par les femmes ».
A C TR IC E . Mademoifelle Duclos, dans Inès
de Caitro , voyant rire le public à l'arrivée des
enfans au cinquième aCte, eut la hardiefïe dê
l'apoftropher en ces termes : Ris donc, fot de
.» parterre, à l'endroit le plus touchant de la tra-
» gédie»! C e qui, par un hafard inconcevable ,
loin d'indifpofer les fpeCtateurs, fut fort applaudi.
Dancourt , annonçant au public le IpeCtacIe
qu'on devoit jouer, on lui demanda Arianey de
Th. Corneille, dans laquelle excelloit mademoifelle
Duclos ; mais cette aftràce étoit enceinte, &
l'aCteur fit ligne , par un gefte adroit, de fon embarras.
Cependant mademoifelle Duclos , qui
l'obfërvoit de la coulilfe, s’avance avec fureur,
lui donne un foufflèt, & dit enfuite tranquillement
au parterre : Meffieurs 3 à demain.
Madame Favart fut la première qui obferva le
coftume, & qui ofa facriner ies agrémens de la
figure à la vérité des caractères. Dans Bafticnne y
elle mit un habit de ferge, tel que les villageoifes-
le portent, une chevelure plate, une fimpîe croix
d'or,, les bras nuds & des fabots. Cette nouveauté
déplut à quelques critiques du parterre. Mais
un homme d'efprit, l'abbé de Voifenon, les fit
faire en difant : meffieurs, ces fabats donneront des
fouiiers aux comédiens.
Mademoifelle Çhampmêlé, célèbre attricc ?