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prédicateurs » pour prêcher devant le parlement, i
lorfqu’ileft aflemble. Ledo&eurSiri/è fut chargé
de cette fonction, & prêchant un jour fur la
vanité ; il remarqua que l’homme en général, à
quatre chofes dont il peut s'enorgueillir, i° . de
fa naifiance , & de fon rang , de fa fortune,
5°. de fa figure, 4 ? . de fon efpric.
Il partagea fon fermon en quatre parties, &
après avoir expliqué les trois premières, il finit par
dire : nous devrions palfer à préfent à l’examen de
notre quatrième point > mais comme dans cette
affemblée chrétienne, il n’y a perfonne qui foit
dans le cas de pouvoir tirer vanité des avantages de
fon efprit j il feroit inutile pour votre édification,
mes très-chers frères, de vous y arrêter, &nous
terminerons le difcours par une courte application
«
C e trait, dont la caufticité n’étoit pas enveloppée
du voile de la polirefle, fit perdre au doyen
de feint Patrice , fa place.
Les poëfies de Swift confident en fatyres, épi-
tres, lettres, contes, &c. Elles font d’ un gouc
fingulier & affaifonnées, ainfi que fes autres
écrits, du fel d’une plarfanterie vive & piquante ,
mais qui ne fe fait pas toujours bien fenrir aux
étrangers. Il a écrit des ouvrages de politique &
d'hiftoire, & des romans allégoriques & faty-
riques. On connote fes voyages de Gulliver, où’
règne une critiqueingénieufe de l’efpècc humaine,
& fon conte du ttmntau qui eft une fatyre amère,
contre la cour de Rome, le Luthéranifme & le
faux zèle des Presbytériens.
La mifantropie de Swift l’avoit porté à démontrer
la fauffèté de cette définition de l’homme,
animal rationale. Il faifoit voir qu i! falloir direfin-
plement raticmis capax. Il lai fia par fon teftament
une fournie confidérable , pour la fondation d’un
hôpital idê foux de toute efpèce, fondation ,
qu’il regardoit d’une grande utilité pour les trois
royaumes de la Grande-Bretagne. '
S YL LA , diéhteùr romain , mortl’an 78 avant
Jefus-Chrift, à Page de 60 ans.
Sylla, fit fes premières campagnes en Afrique,
fous Marius, qui trouva dans ce jeune ambitieux un
compagnon de fa gloire, & bientôt un rival.
Sylla termina la guerre des R'omains contre Ju-
gurtha , & marcha contre les autres ennemis de la
république. Il mit lui-même un prix à fes ferviees ;
il demanda la préture : il eut foin d’accompagner
fes follicitations de large fies envers le peuple. C ’eft
ce que lui reprocha malignement Céiar Strabon ,
homme d’ efprit, & loué par Cicéron pour lès
bonnes plaifanteries. Syliait menaçoit d’ ufer contre
lu i, du pouvoir de-fa charge : vous parle^jufte,
s Y t
lui répliqua-t-il en riant: votre charge eft bien «
vous , puifque vous Caveç achetée•
Sy/Ai,pour fe rendre agréable au peuple, lui donna
en fpeétacle, un combat de cent lions, qui
lui avoient été envoyés d’Afrique, avec des gens
du pays exercés à combattre contre ces terribles
animaux. Et comme dans ces foi tes de fpeélacles
le péril des combattans accroît l’intérêt des Spectateurs,
Sylla fit combattre des lions déchaînés ,
ce qui n’avoit point encore été pratiqué avant lui.
Sylla , après avoir pafle à Rome la première
annee de fe préture , obtint le gouvernement de
la province d’Afie, & eut la glorieufe commiflion
de placer fur le trône deCappadoce Ariobirzane,
élu roi de la nation, du conl'entement des Romains.
Avant que de quitter fon gouvernement, il
reçut une ambaflade du roi des Parihes , qui de-
mandoit à faire alliance avec la république : Il fe
comporta en cette occ fion avec tant de hauteur,
& en même-temps avec tant de nobiefte, qu’un
des afiiilans s’ écria : Quel homme J c eft fans doute
le maître de C univers , ou il le fera bientôt.
Sylla pourfuivit le cours de fes victoires, &
marcha à la 1 encontre des généraux de Mithridate.
Il lemporta fur eux une célèbre bataille à Chéro-
née. Après la vrétoire il érigea, dit Plutarque,
fur le champ même de bataille , un crophée*ou
etoient écrits en lettres grecques : alavuleurd’Ho-
moloïcus & d'Anaximadus', deux capitaines aux-
, queis :1 dévoit ce grand fuccès. Ce qu’il y a de plus
magnanime dans cette action , c’ eft que ces deux
guerriers etoient Grecs & non Romains.
Cneius Pcmpeius, connu depuis fous le nom
de grand Pompée, étoit venu trouver ce général
avec trois légions de la marche d’Ancône. Comme
malgré ces fecours, les ennemis de Sylla lui
etoient encore fupérieurs en forces , il eut recours
à Padreffe & aux intrigues. Il les fit confentir à
une fufpenfion d’armes, à la faveur de laquelle il
; gagna , par des émiflahes fecrets , un grand nombre
de foidats ennemis. C ’eft à cette occafion que
le eonful Car bon , qui marchoit contre lui, diftvt :
que dans le feul Sylla il avoit à combattre un lion ,
& un renard ; mais qu’il cra gneit bien plus le renard
que le lion.
L’armée qui lui étoit oppofée , avoit été divi-
fse en plufieurs corps, qui lui livrèrent plufieurs
combats. Mais la fortune de Sylla le fit partout
triompher. Une dernière bataille quM gagna proche
Les portes de Rome, décida du fort des par-
tifans de Marius. Il entra dans Rome en conquérant.
Ce jour-là même, il fit maftacrer dans le
Cirque, fix mille prifonniers qui s’étaient rendus
à lu i, & auxquê.'s il avoir promis la vie. Les Sénateurs
étobïît alors alfemblés dans le temple de
Bellone,
S Y L
Bellonne, qui donnoitfur le Cirque. Tout le fénat 1
s’e’tant troublé aux cris effroyables que jettoient
ces malheureux qu’ on égorgeoic, Sylla, fans
changer de vifage , & avec un fang froid qu’on
n’attendroit point d’un tyran endurci dans lé crime
dès l’enfance, dit aux fénateurs : »N e détournez
point votre attention , pères confcripts : c’eft
un petit nombre de féditieux que l’on châtie par
mon ordre. »
Ce carnage fut le lignai des meurtres, dpnt la
ville fut remplie Us jours fuivans. Dans cette dé-
folation générale , un jeune fénateur nommé Caïus
Métellus , fut allez hardi pour ofer demander à
Sylla en plein fénat, quel terme il mettrait à la
mifère de fes concitoyens : » Nous ne demandons
point, lui dit-il, que tu pardonnes à ceux que tu
as réfolu de faire mourir ; mais délivre nous d’une
incertitude pire que la mort, rsg du moins apprends-
nous ceux que tu veux fauver ». Sylla , fans paraître
s’offenfer de ce difcours> répondit qu’ // na-
voit point encore déterminé le nombre de ceux a qui
il devoit faire grâce : Fais nous connoître du
moins, ajouta un autre fénateur, qui font ceux
que tu as condamnés ». Sylla repartit froidement
qu’il le feroit ; & c’eft ainfi que fut annoncée
cette horrible profcriprion, qui fait encore aujourd’hui
frémir l’humanité après tant de fiècles.
Sylla fit afficher dans la place publique les noms
de quarante fénateurs, & de feize cens chevaliers
qu’il proferivoit. Deux jours après , il proferivit
encore quarante autres fénateurs , & un nombre
infini de citoyens. L ’édit de profeription puniffoit
la compaflion de l’humanité comme' un crime j il
y avoit peine de mort contre tout citoyen qui re-
cevroit un proferit, & lui donnerait un aiyie,
fans excepter ni frère , ni père , ni fils. Le meurtre
au contraire étoit récompenfé , & le prix de
chaque tête étoit fixé à deux talens. Le même
édit déclarait infâmes & déchus du droit de
bourgeoifie les fils & les petits fils des prqfcrits.
» Sylla , s’écrie à cette occafion Sallufte, eft le -
feul, depuis que le genre huma:n fabfifte , qui ait
préparé des fupplices à ceux mêmes qui 11e font pas
encore nés, enforte qu’avant que leur vie leur (oit
affurée, la vexation eft déjà toute prête, & les attend
par avance.
Toutes les provinces d’Italie furent également
en proie au meurtre & au carnage. On vit des en-
fans dénaturés , les mains encore Cinglantes du
m.urt.e de leur père, demander Le prix de la profeription.
Catilina fe diftingua dans cette boucherie.
Ce fèélérat , qui, pour s’emparer du bien
de fon, frère, l’a voit fait mourir depu's long-temps,
demanda comme une grâce à Sylla, auquel il
étoît attaché, de mettre ce frère au nombre des
proferits , afin de couvrir par cetre voie , l’énormité
de fon crime. Sylla lui ayant accordé fa demande,
Catilina, pour lui en marquer fa recon-
Encyclopédiana.
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noiftance, alla afîafïiner à l’inftant Marius G^ra-
tianus, un des profents, & lui en apporta la tête.
Les grands biens etoient devenus les plus
grands crimes. Quinuis Aurélius, citoyen paifible,
& qui fe félicitoit de n’être connu , ni de Marius,
ni de Sylla , appercevant fon nom fur les tables
fatales : Ah l malheureux 3 s’écria- r—il > c'eft ma
terre d'Albe qui me proferit, & à quelques pas de-là
il fut maffacré.
Sylla ne régnoit que par la force,; il voulut colorer
fa tyrannie de quelque nom refpeélé II fit
déclarer de fa part au peuple , qu’il étoit à propos
de nommer un dictateur , & que fi on vouloir le
charger lui même de ce fardeau, il çonfentiroic
encore à rendre ce fervice à la république. Il fut
nommé diélateur par le peuple, pour un temps
indéterminé. Auparavant on avoit toujours limité
à fix mois la durée de cette magiftrature.
Ce nouveau diélateur parut dans la place publique
, avec l’appareil le plus capable d’infpirer la
terreur. Il étoit précédé de vingt-quatre liôteurs,
qui portoient la hache au milieu des faifeeaux.
Une garde nombreufe l’entouroit, & répandoit
par tout la crainte. Il voulut que l’on créât des con-
fuls. Lucrétius Ofella fe mit fiir les rangs. Le
dictateur lui défendit de prétendre à cette charge.
Ofella, fier des ferviees qu’il avoit rendus à la
république , & fe voyant un grand nombre d'amis
qui le foutenoient de leur crédit, crut pouvoir
méprifer impunément cette défenfe. Mais pendant
qu’ il continuoit fes pourfuites auprès des citoyens
dans la place, le diéhteur , qui de deftus fon tribunal
voyoit ce qui fe palToit, envoya vers lui un
centurion qui le tua fut le champ. A ce meurtre fe
foule s’émeut j on arrête le centurion, & on l’amène
aux pieds de Sylla. Laijfe\~le aller en liberté,
dit le dictateur : il n a fa it qu exécuter mes ordres,
Un homme qui fe jouoit ainfi de la vie de fes
concitoyens , ne dévoie pas ménager,leurs biens.
Sylla de deftus fon tribunal, faifoit vendre les dépouilles
des prolcnts ; mais le plus feuvent il les
diftribuoit à fes affranchis, à des femmes perdues,
à des hiftrions. Un jour que ce dictateur préfidoit
aux ventes , un mauvais poète s’avifa de lui pré -
fenter une pièce de fa façon. Sylla lut la pièce,
& prenant auftîtôt une partie des effets qu’il faifoit
vendre , il les donna au vérificateur, mais,
fous la condition exprtflè qu’ il ne feroit plus de
vers , plaifanterié a fiez fine, 8c dont on riroit dans
toute autre circonftance. Elle eft rapportée par
Cicéron dans fon plaidoyer pour le poète Archias.
Sylla pendant fa di&ature augmenta l'autorité
du iénat, tempéra le pouvoir du peuple, & régla
celui des tribuns. On doit encore lui rendre
cette juftice , que fes autres réglant ns , quoique
tyranniquement exécutés , menèrent les Romains
à-la liberté. Lorfqu’il yit fon ouvrage achevé, il