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» aimoit mieux me fuivre , me la céderiez-
vous ? » O u i , répond Gauvain. Il donne le
choix à fa femme, q u i, fans héfîter, fe déclare
pour 1 inconnu. Gauvain délaiffé de fa belle in-
gratte, pourfuivoitconftamment fon chemin , fuivi
de deux beaux lévriers blancs que fon père, lui
avoit donnés. La dame qui aimoit ces lévriers
exige de l’inconnu qu’il les aille demander à fon.
mari. L’inconnu le rejoint, & lui fait fa demande.
Gauvain lui tient ce propos : « vous m’avez pris
*» ma femme, parce quelle a voulu vous fuivre,
99 il^ eft jufte que la même épreuve décide des
93 févriers : ils feront à celui qu'ils fuivront »..
L inconnu trouva la propofidon rdfonhable 5 chacun
va de fa côté , appelant les chiens; mais ils
fuivent leur ancien maître.
Quand lês^ ambâffadeurs de Jean V , duc de
Bretagne revinrent d’Ecoffe , où il les avoît envoyés
pour traiter, le mariage de François fon
fus avec I f beau 5 il leur demanda comment étoit
faite cette princeffe, & ils lui répondirent: elle
a. beauté fuffifante, & corps pour porter enfans ;
mais elle n a pas grand & fitbtil langage. Voila,
juftcment comme il nous la fa ut, repartit Jean >
& je tiens une femme ajfe^ favante , quand elle
fait mettre de la différence entre le pourpoint & la
chémife de fon mari.
Un auteur qui doit bien connoît.re les femmes
( madime de P.) dit quelque part, qu’on n’amufe
pas long-tems les femmes avec> de Tefprit. Une
dame de qualité qui s’étoit choifi un jeune homme
d’une jolie figure & de beaucoup d’efprit, lui dit
un jour nettement qu’il pouvoit fe retirer, qu’elle
n’aimoit pas long-temps les gens qui partaient
trop.
On a beau avoir des talens , de l’efprit., un
caractère admira'ble, il y a toujours des côtés,
continue le même auteur , par où il eft bon de
n’ être pas regardé. Les femmes entendent, ce me
femble , cette politique mieux que les hommes ;
elles enveloppent foigneufement ce qu’elles ne
peuvent montrer avec avantage. Voyez Madame
de . . . . . qui n’a-pas les dents belles, elle ne rit
jamais, que des yeux. . ,
Un fabulifte allemand » M. Lichtwehr, dans
le deffein de prouver qu’ il n’y a point de femme
qui ne foie bonne à quelque chofe, rapporte-
I niftoriette fuivante. Un pauvre payfan, de fept
enfans qu’il avoiteusde fon mariage, ne put parvenir
à élever qu’une fille ; encore étoit-elle de la figure
la plus hideufe. Vous vous imaginez fans doute
qu’il eut fci.n delà peine à la pourvoir; en effet,
qui auroit voulu fe charger d’un objet fi difforme?
Patience vous allez favoir à quoi vous en tenir. ^Songez
que tous les gens à marier ne fe lailfent
pas prendre par la figure, Un meneur d’ours
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paffa dans le village où elle demeuroit/; il
la vit & la demanda en mariage. Le père étoit
un honnête homme, un. homme de la vieille
: roche, & qui ne voûtait furprendre perfonne.
Monfieur; dit-il au prétendu, je dois vous parler
naturellement-; vous n’avez peut être pas re-
marque que ma fille eft allez mal tournée, &
vous ignorez que je n’ai rien à lui donner en mariage
? —- Beau père, répondit l’autre, ce n'eft
pas ce qui m inquiète. — Mais elle eft boffue par
devant & par derrière. —— Voila juftement ce que
je demande. — Sa peau refifemble à du chagrin;
J en fuis bien aife. On ne lui voit point de
! — Fort bien. — Elle n’a guères que trois
; pieds de haut. — Encore mieux. —■ Elle a les-
jambes en faucilles & les talons en dehors. — Cela
eft bien heureux. Tenez , je vois qu’il ne vous
faut rien cacher; elle eft prefque muette & tous-
à fait fourde. — « Eft-il polfible, s’écria le futur?
35 Mais vous me raviffez p i i y a long-temps que'
» je cherche une femme à-peu-près formée fur
M ce modèle ; mais je n’ofois trop me flatter de la
» trouver, & je fuis plus heureux que je ne m’y
» éiois attendu. Savez vous que votre fille rem-
93 plit 1 idée de perfection que je me fuis mife
■ -33 en tête, & qu’une figure auffi accomplie eft
; 33 très rare au temps préfent ». — Mais je :ne
vous comprends pas, interrompit lé beau-père j
que voulez-vous faire d’une femme fi laide , fi mal,
faite., infirme d’ailleurs, & qui n’a pas le fol f
— « Ce que j ’en veux faire ! Je roule continuelle-
33 ment le pays, & je gagne ma vie à, montrer
» des monftres. Je mettrai celui-ci dans une boëte,
33 je le ferai porter avec moi & je compte bien
33 qu’il fera ma fortune ».
Un vieux mari étant à l’agonie appela fa femme
& lui dit-, qu’il fetoir content fi elle lui donnoit
parole de ne point époufer certain officier qui lui
avoit donné tant de jaloufîe ; a’ayez pas peur,
répondit la femme, j’ai donné parole à un autre.
Une femme galante devenue vieille & dange-
reufement malade, avoit envoyé quérir fon con-
fefieur qui lui difoit : il faut oublier votre vie
paffée ; ;1 faut fonger à n’aimer que Dieu. Hélas !
reprit-elle à l ’âge .où je fuis, comment fonger à
de nouvelles amours ?
Les peuples qui ont eu des moeurs ont toujours
refpe&é les femmes; ce refpeCt, en leur
infpirant une plus grande eftime d’elles-mêmes,
les a fouvent élevées à l’exercice des plus fublimes
vertus.
Une femme dont le mari étoit à l’extrémité l
paroiffoit inconfolable : fes amies vouloiënt la faire
paffer dans une autre chambre. Laiifezmoî, leur
dit-elle, on eft toujours bien aife de voir mourir
fon mari.
Mes furies vieilliffent 3 dit Pluton au mefiager
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■ des dieux , le fervice les a ufées. N ’en pourrois-
je pas avoir de toutes fraîches? Va donc,'Mercure
; vole jufqu’ au monde fupérieur , & tu m’y -
chercheras trois femmes propres à ce miniftèré.
Mercure part. Peu de temps après ; Junon dit ■
à fa fuivante : il me faudroit, Iris, trois filles
parfaitement févères & chàftes ; crois-tu pouvoir
les trouver chez les mortels ? mais parfaitement
chartes, m’entends-tu? Je veux faire honte à V é nus,
qui fe vante d’avoir fournis, fans exception 3
tout le beau fexe. Va donc, & cherche où tu
pourras les rencontrer. Iris part. Quel eft le coin
de la terre qui ne fut pas vifité par la bonne Iris,
peine perdue; elle revint feule. Quoi ! toute feule,
s'écria Junon. Eft-il poffible? O chafteté ! ô vertu!
Dé elfe, dit Iris, j’aurois bien pu vous: amener
trois filles qui toutes les trois ont été parfaitement
févères & chaftes ; qui n’ont jamais fouri
à aucun homme ; qui ont étouffé dans leur coeur
jufqu’ à la plus petite étincelle de l’amour ; mais,
hélas! je fuis arrivé trop tard. — Trop tard,
dit Junon ; comment cela ? Mercure venoit dans
l’inftant de les enlever pour Pluton ; trois filles
qui font la vertu même! — Et qu’eft-ce que
Pluton veut en faire? — Des furies.
Il y a trois chofes, difoit un bel-efprit, que
j’ai toujours -aimées fans jamais y rien comprendre:
la peinture, la mufîque, & 1 es femmes.
Quelqu’un a défini une femme, une créature
humaine qui s’habille, qui babille, qui fe déshabille.
Diogène ayant vu des femmes qui étoient pendues
à des oliviers : quel bonheur3 s’écria-t-il,
fi tous les arbres portoient. des fruits de cette
efpèce ?
Deux efpagnoîs fe difputèrent la conquête d’une
courtifanne à la pointe de l’épée. Le vainqueur
vint revoir cette femme, qui ne trouvant point
fon compte à toutes ces difputes, le renvoya
en lui difant: ce apprenez, Monfieur, une autre
» fois que ce n’eft point avec le fer, mais avec
» l ’or & l’argent que mes faveurs fe gagnent ».
En IJ71 3 les turcs, étant en guerre avec les
Vénitiens, attaquent Curzola- Antoine Balbi,
gouverneur de cette île , prend honteufement la
fuite avec les troupes. Tous les hommes fuivent
un exemple qui devoir naturellement les révolter
& abandonnent leur patrie : il n’y refte que l’évêque
& les femmes. C e refpe&able pafteur ,
nommé Antoine Roffeleo , s’étant mis à leur
tête , elles prennent les cafques, les cuiraffes,
les javelines que les foldats ont abandonnés
en fuyant, & fe préfentent : fur le rempart en
fi grand nombre & avec une contenance fi fière,
que les infidèles perdent l ’efpérance de forcer
«ne garnifon qui leur paroîc fi nombreufe & fi |
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aguerrie : ils vont laiffer ailleurs des traces de leur
férocité & de leur haîne pouf les chrétiens.
Une pauvrefemme étoit allée, avec un de fes en-
fans,’faire du bois dans des taillis} rès de Kaminieck
en. Podolie : tandis qu’elle travailloit un ours:
affamé vint l ’attaquer ; mais elle fe défendit fi
vigoureufemenc avec fa hache, qu’après un combat
affez long elle parvint à tuer fon ennemi. A
peine en fut-elle délivrée, qu’elle craignit que
fon enfant qu’elle n’apperçoit plus n’ait été dévoré
par l’ours ; elle parcourut la forêt en rappel!
an t & elle étoit prête à fuccomber de défef-,
poir , lorfqu’elle le vit fortir du tronc d’un arbre
où il s’étoit caché à la vue de l ’animal terrible.
Cette femme retourna à Kaminieck avec une patte
de l’ours , & ayant raconté fon aventure qui fut
vérifiée , elle reçut une récompenfe pour prix de
fon courage.
En i 57.4, Henri I I I , parti en fugitif de Pologne
Fpour occuper le trône de France après, la,
mort de Charles IX» fait maréchal de France
Roger de Saint-Lary-Bellegarde, un de fes favoris.
Peu après fapromotion, le nouveau général
eft repoufie à trois affauts qu’il donne à Livron,.
petite place huguenote de Dauphiné, quoiqu’il l’attaque
avec une bojine armée, & qu’elle ne foit
défendue que par un petit nombre dhabitabs.:
Les femmes de la ville trouvent fa conduite fi mé-
prifabîe, que, pour l ’infulter , elles filent leur
quenouille fur la brèche.
H enri, qui parte près du camp , s’y arrête
quelques heures pour faire paroître fa valeur. Les
affiégés, inftruits de fon arrivée,'font une décharge
générale de leur artillerie, qu’ ils accompagnent
de grandes huées, & de traits piquans
contre le monarque & contre la reine fa mère.
Ils leur crient: Hau-, majfacreurs, vous ne nous
poignarderez pas dedans nos lits, comme vous avez
fait l amiral. Amenez_-nous un peu vos mignons pay-
fé s , filonés y godronnés & parfumés j quils viennent
voir nos femmes , ils verront f i c-cft proie facile a
emporter. Henri fait donner un nouvel affaut, qui
eft foutenu & repoufie avec vigueur par \es femmes
même. La levée du fiege fuit de près cec
opprobre.
FENÉLON (François de Salignac de la M otfe),
né le 6 août 165.1-9 mort à Cambrai Je 7 janvier
1715.
On agitoit devant la reine de Pologne, époufe
du roi Staniflas, qui de Boffuet ou de Fénélon
avoit rendu de plus grands fervices à la religion :
l'un la prouve , dit cette princeffe, mais l'autre
là fa it aimer.
Il fut exilé dans fon diocèfe au mois de juillet
1697. Lorfqu’on vint lui apporter l’ordre du