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jouit le prince par plufieurs contes fort plaifansj le
jroi voulut favoir pourquoi il s’ étoit obftiné à
venir manger fa dinde avec un feigneur de la
cou r , devant lefquels les gens de fon état étoient
Couvent d’une -extrême timidité. » A h ! dit celui-
09 ci avec tranfport, c’eft que je n’ ai pu réfifter
>» à l’envie de fouper avec mon roi. Ô u i j lire ,
» dit-il , en fe jettant à fes pieds , je vous ai
•» reconnu. J’ai fervi fous vous : j’ ai combattu
pour mon roi à la journée d’Arques. Eh ! quel
françois ne paieroit de fon fang î’honneur que
» je reçois aujourd’hui ». Le roi attendri. le. rel
è v e , le reconnoît, lui demande quelle eft la
çhofe qu’ il défiroit le plus vivement. » S ir e ,
dit le voifin , je fuppîie votre majefté de m’ en-
’**> noblir. ~ V ous ennoblir, dit le ro i, y penfez-
93 vous ? malgré vos fentimens , votre naiflance
-*> eft obfcure. Vous ennoblir , ventre-fain-gris ,
ajouta-t-il en rian t, & quelles ferpient vos ar-
« mes ? -- Mes armes ! C h , je n’en fuis pas en
» peine. — Eh b ien , dit le r o i , quelles font-
« elles ? ~ M a dinde, S ir e , s’ écria le plaifant »,
Henri ne put s’ empêcher de rire. » La dinde,
« fort, dic-iî 5 je vous accorde ce que vous me
» demandez »1 On affure que la famille de cet
homme fuhfifte & porte encore une dinde dans
Ces arme$.
A R N A U L D . L e célèbre Arnauld, né à Paris
en 1 6 1 2 , régenta un cours de phiîofophie durant
fa licence. O n argumenta contre quelqu’une
d e fes,thèfes} & il avan ça, chofe unique, que
le difputaut avpit nyifon, & qu’a l'avenir ji fui-
yroit fon fentiment.
Moniteur Arnauld, obligé de fe cacher pour
'd e s matières de relig ion , trouva,une retraite à
l ’hôtel de Longueville , à condition qu’ il n’y pa-
roîtroit qu’ en habit féculier, coëfte d’une grande
perru que , & l’ épée .au côté. 11 y fut attaqué
de la fiè v re , & ' madame de Longueville ayant
fait venir le médecin Brayer , ■ lui recommanda
d’ avoir foin d’un gentilhomme qu’elle protégeoit
particulièrement,- & à qui elle avoit donne depuis
peu une chambre dans fon hôtel. Brayer
monte ch ez le malade, q u i , après l’avoir enr
«retenu de fa fièvre , lui demanda des nouvelles..
O n p a rle , dit Brayer, d’un liyre nouveau
de Port-Royal qu’on attribue à M . Arnauld ou
à M . de S a c y : mais je ne le crois pas de M .
de Sacy , il n’ .éerit pas fi bien. A ce mot M ,
Arnauld, oubliant fon habit gris & fa perruque,
lui répond vivement : que voulez - vous dire ?
mon neveu écrit mieux que moi. Brayer envisage
fon malade, fe met à r ire , defçgnd chez
jnadamé de Longu eville, & lui dit : la maladie
de .votre gentilhomme n’eft pas confidérable : je
yous conseille cependant de faire enforte qu’il
pe voie perfonne ; il ne faut pas le laiffer_ parler,
4 ? LpugueyiJie • étonnée des jrépon- ;
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fesjndifcrètes qui échappoient foutent à M. Arnauld
& à M. Nicole, difoît qu’elle- aimeroit
mieux confier fon fecret à un libertin. -
C e doéfc eur craignant d’être recherché même
chez madame de Longueville, s’étoit logé au
fauxbourg Saint-Jacques, dans un taudis ignoré j
il y tomba malade. Ses amis lui envoyèrent un
médecin, qui, dans la converfation-, comprit
bientôt que fon malade étoit un homme de mérite.
Arnauld, curieux de nouvelles, lui demanda
ce qu’on difoit dans Paris. » Rien d’intéreffan^,
» lui répondit ce médecin, fi ce n’eft que M.
» Arnauld eft arrêté ». Oh.\ pour cette nouvelle,
répliqua ce dernier, elle eft un peu difficile à
croire ; ceft moi qui fuis Arnauld.- Le médecin
étonné lui remontra fon imprudence. « Heureu-
» fement, ajoutà-t-il, vous avez affaire à un
» honnête hommej fans cela, voyez à quoi vous
» vous expofiez ». 11 fit avertir la ducheffe de
Longueville, qui, toute alarmée, enybya chercher
Arnauld. Elle lui donne de nouveau un
logement chez elle, & ne veut fe repofer, que
fur elle-même du foin de lui donner à manger.
.cc Demandez , lui difoit elle, tout ce que vous
» voudrez 5 mais ce fera moi qui vous l’appor-
» ferai ».
La retraite de ce fameux do&eur chez madame
de Longueville, finit à la fameufe paix1*
de Clément I X , en i:668. L’ archevêque de Sens
& l’évêque de Çliâlons, médiateurs de cet accommodement,
préfentèrent eux-mêmes le docteur
Arnauld au nonce, qui le reçut avec la
plus, grande diftinétion, ôc rendit un témoignage
éclatant fa foi, en lui difant, qu’il avoit une
plume d’or' pour la défenfe de l’églife de Dieu.
Louis X IV , inftruit de cette vifite,' témoigna
fon defir de voir le favant théologien, & ce
doéteur lui fut préfenté par M. de Pompone,
fon .neveu. Il fit au ,roi .fon compliment, & ce
prince lui dit d’un air obligeant, « qu’il, avoit
» été bien-aife dé voir un homme de fon mé~
» rite, & qu’il fouhaitoit qu’il pût employer les
53 î aJens ciuè Dieu lui avoit donnés^ à défendre
» .l’églife ». Toute la cour, à l’exemple du. prii>
c e , combla de careffes le refpe&abîe doreur 5
& Monfieur, frère du roi, étant-furvenu., s’avança
quelques pas, & dit: » il faut bien faire
n quelqu’ avance pour voir un homme fi rare ôf
» fi extraordinaire ».
L’adverfaire des jéfuites, retiré à Bruxelles,
avoit de Rome la permifïîon de dire la meffe
dans fa chambre. Ses liaifons avec cette cour
étonneront fans doute 3 mais elles n’en font pas
moins véritables. Il entretint toute fa vie des
correspondances avec le facré collège, ij avoit
des inftructions très-fûres concernant les papiers
les plus importans envoyés à la congrégation de
la propagande, Peifonnç ne connolffoit mieux
que
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que lui la bibliothèque du Vatican. Il çitoit les"- il
pièces originales ,■ fendroit ou. on les avoit plac
é e s , & défioit les ijéfuites d’en contefter l’au-
tenticité. Ils ne purent faire mettre à Y index fa
morale pratique, tandis que le livre du pere le
Tellier, fur les chrétiens de la Chine, y fut mis.
Son crédit à Rome étoit au point qu il en plai-
fantoit lui ^ même.' » On me- croit , en France,
» d ifo i t - il le plus grand ennemi des papes, &
» l’on ignore comme j’ ai toujours été avec eux ».
Un .fouverain pontife a permis qu’on fouillât;
dans le Vatican,.& qu’on mît dans une édition
projettée à Venife des oeuvres entières. & Arnauld
3 tout ce qui a rapport aux liaifons dont
il éft ici parlé.
Les applaudiffemens que l’on donnoit à fes
ouvrages, ne l’aveugloient point fur leur imperfection.
Il ;étoit meme le premier à les critiquer.
Allant voir fon frère, l’ évêque d’Angers,
par la voiture publique , ü entendit .parler de
Ion livre de la perpétuité de la fo i : on le van-
toit beaucoup. Le doéteur lui feul le déprécia.
Quelqu’un indigné lui dit : « Il appartient bien
» à vous de vous ériger en cenfeur jdu grand
» Arnauld 3 & que trouvez-vous à blâmer dans
» fon livre ? || Beaucoup de chofes ' répondit
Arnauld.on a manque tel & tel endroit:- on
95 eut dû mettre plus d’ordre, pouffer davantage
» le raifonnement»; II parla de tout en maître,
& cependant perfonne ne fut défabufé. Le car-
roffe dè fbn frère étant venu le prendre à quelques
lieues d’Angers, on reconnut que le cen--
feur d’Arnauld. étoit Arnauld lui-même , & chacun
fe répandit en exçufes.
On demandoit - à M. Arnauld comment il
falloit .s^y prendre^pour fe -former un bon ftile.
Lifez Cicéron, répondit le doCleu.r, mais il ne
s ’agit pas > lui dit-on, d’écrire en latin, mais- en
françois : Eh bien, en ce cas , reprit Arnauld, life%
Cicéront . i
Monfîeur Arnauld ttyaiit fini fes jours allez .
paifiblement dans les pays étrangers, après une
vie fortï agitée j les . religieufes de Port - Royal
des champs , auffi zélées pour fa mémoire après
fa mort, qu’elles l’avoient-été-pour fa perfonne
dqrant fa vie ÿ fouhaitèrent d’ avoir fon coeur
dans leur églife , confolàtion qu’on ne fongea pas
à leur rétufer. Elles le reçurent avec les tranf-
ports qu’on peut s’imaginer y & lé placèrent
dans le lieu le plus honorable qu’elles purent
trouver., •
Le coeur étant placé', il fut queftion d’une
épitaphe. On s’adreffa à Santeuil qui étoit alors
en poffeflion de faire toutes les épitaphes du
monde. Comme l’affaire étoit délicate, les reli*
gieuiès crurent devoir prendre le poète à leur
avantage. ■ Elles l’ invitèrent à venir paffer quelques
jours dans leur folitude ^ oi| ou kii % tant
fÀnpyclgpéçliçin^t
• A R U ttj
dé. careffes qu’ il ne put. fe défendre de faire ce
qu’ on lui demandoit. Il leur livra des vers latins
que M . de la Fémas a traduits ainfï.
Enfin , après un long orage,
Arnauld revient en ces faints lieu x ,
Il eft au port malgré les envieux
Qui croyoient qu’il feroit naufrage»-
Ce martyr de la vérité,
Fut banni, fut perfécuté,
Et mourut en terré étrangère,
Heureufe de fon corps d’être dépositaire..
Mais fon coeur toujours ferme & toujours innocent,
Fut porté par l’amour à qui tout eft poflîble,
Dans cette retraite paifible
D’où jamais il ne fut abfent.
A r n au ld , abbé de Pomponne, fils du miniftre
' mort en .17565 Lou is X I V daigna le confolen
fur la mort de fon p è r e , en lui difant : vous
pleure£ un père que vous retrouveç en moi, &
je perds un ami que je ne retrouverai plus.
A R N A U D ( l’abbé ) mort à P a r is , le 2 D é cembre
1784. L a clarté eft le mérite de la langue
françoife, difoit un homme de lettres à M .
l’abbé Arnaud 5 » dites , répondit-il y que c ’eft
» fon grand befoin ».
U n amateur, au fortir de l’o p é r a d ’Iphigénie
en Tauride , dit qu’ il y trouyoit de très-beaux
morceaux 5 » il n’v en a qu’ un, lui répond l’ab-
» be Arnaud. — ' L e q u e l, demanda le premier ?
» — L ’ ouvrage entier ».
A R N O U L D . Arnould, fils naturel de C a r -
lom an , difputoit, en 888, l’empire à G u i , duc
de Spolete , qui s'étoit déjà rendu maître de
Rome. Arnould, après plufieurs batailles , arriva
devant cette capitale, & fe préparoit à en
faire le fiégè, lorfqu un lièvre effrayé' traverfa le
camp en courant vers la ville. Ses foldats le
pourfuivôient jettant de grands cris. Lés affiégés
ignorant çe qui fe paffoit, crurent que c ’étoit
le fignal pour monter à l’ affauf.1 comme leurs
préparatifs pour la défenfe i f étoient point encore
fa its , la frayeur les faifît, ils abandonnent
leurs remparts : Arnould s’ en apperçoit, profite
du moment , monte à l’ affaut, prend Rome \ s’y fait couronner empereur.
A R R IE . Arrie, dame romaine , morte l’an
! 42 de J. C . , ne -pouvant fauver Poetus , fon
mari, de la mort dont il étoit menacé par l’empereur
C la u d e , elle s’enfonça, fous le fe in , un
poignard qu’elle préfenta tout fanglant en difant:
tiens , ' Poetu s , il ne ma point fait de mal.
A R U S P IC E S . Les *Arufpices étoient ch ez les