
Sous Louis X I I I , les augmentations fe multiplièrent
3 8c la bibliothèque du roi fut transférée
dans une autre maifoii' appartenant aux Cordeliers,
rue de la Harpe.
M. Bignon 8c M. Colbert: ( frères du- minif-,
tre ) en eurent fucceflivement la direction.
Sous Louis X I V , les acquifitions furent im-
raenfes. En 1666 3 M. Colbert fit raffembler la'
bibliothèque dans deux maifons qui lui apparte-
noient dans la rue Vivienne. C e miniftre , 8c
après lui M.de Louvois, fe montrèrent zèles pro-
te&eurs des lettres par les richeffes qu’ils ont
fait acquérir au roi dans cette partie. A la mort
de Louis X IV fa bibliothèque , qu'il avoit reçue,
compofée d'environ cinq mille volumes ,-fe mon-
toit à plus de foiXante dix mille.
L’heureufe inclination de Louis X V à protéger
les lettres & les’ fciences, contribua infiniment
à la perfection d'un ouvrage commencé depuis
plufîeurs'fieclés j en effet le nombre des livres de
la bibliothèque du roi devint trop confidérable pour
être-contenu avec l'ordre néceffaire dans les deux
maifons de là rue Vivienne. En 1721, M. l'abbé Bignon
, profitant de la décadence du fyftêtne de Law,
obtint du régent un ordre pour faire placer la
bibliothèque dü roi à l'hôtel de Nevers, rue de
Richelieu, où avoit été la banque, & ce monument
qu'on peut regarder comme le temple des
mufes 8c le fanétuaîre des arts , offre tout ce que
l'ordre , la majefté Sc la magnificence ont de
plus impofant. Cependant, que répondre à celui
qui, après avoir parcouru cette enceinte qu'on
pourroit appeller lacrée, s'écrioit : Quant multis
non indigeo ! que de chofes dont je n'ai pas
befoin !
B O IN D IN , ( Nicolas. ) né en 1676, mort en
1751. Il eft l'auteur avec Lamotte de la petite
comédie intitulée le Port de mer 3 & reftée au
théâtre françois; Boindin étoit l'orateur du café
Procope ' où il paffa la plus grande partie de fa
vie. Il prêcha, en quelque forte, l'athéifine, ce
qui lui fit refufer les honneurs dé la fépulture.
On lui a fait cette épitaphe epigrammatique :
Sans murmurer contre la parque
Dont il connoiffoit. le pouvoir,
.Boindin vient de pafler la. barque ,
Et nous a dit à tous bon foir.
Il l’a fait fans cérémonie.
On fait qu’en'ces derniers momens
On fuit volontiers fon génie :
Il n’aimoit pas les cojnplimens.
BOISROBERT, ( François le Metel de ) de
l’académie françoife, né à Caen en 15-92, mort
#11 1661.
Qn fe fouvient à peine aujourd'hui que l’à’pbé
de Bois-Robert a compofé des pièces de théâtre ,
des poéfies diverfes, des chanfons , 8cc. Ses ou-'
vrages cependant eurent quelque fuccès dans leur
nouveauté, parce que plufieurs dateurs étoient
intéreffés à les faire v a lo ir8 c paree que l'abbé de
' Bois-Robert favoit en impofer par l'agrément de
fa déclamation j aufli difoit-il à fon ami Conrard :
En récitant des v ers, je fais merveilles$
Je fuis' Conrard , un grand dupeur d’oreilles»
Le jour de la première rêpréfert ration de fa pièce
des Apparences Trompeuses , l’abbé de Bois-Robert
etoitaux Minimes de la-place Royale, où il enten-
doit la meffe à genoux fur un prie-dieu fort propre :
il fe faifoit autant remarquer par & bonne mine , que
par un bréviaire en grand volume qui étoit ouvert
devant lui. Quelqu'un demanda à M . de Cou-
peauville,~abbé de la victoire,. qui étoit cet abbé ?
M. de Coupéauville répondit : à c'-eft l'abbé Mon-
» d©ry ( âCteur ) qui doit prêcher cet après-midi à
« l'hôtei de Bourgogne «. Quelques jours après
M. de Coupeauville rencontra Bois - Robert qui
s'en revenoit de la comédie à pied. Il lui demanda
. où étoit fon carroffe. « On me l’a faifi 8c enlevé ,
>» dit Bois-Robert}'pendant que j'étois à la comédie.
» Quoi ! répliqua M. de Coupeauville ƒ & la porte
» de votre Cathédrale ? L'affront n'eft pas fup-
» portable
Bois-Robert paffoit dansla rue Saint-Anaftafe, à
côté d’un homme qui étoit bleffé à mort; on l'ap-
pella pour le confeffer. Bois-Robert s'approcha ;
8c comme il étoit preffé d'aller dîner, il dit au
mourant : « Camarade, penfez à Dieu j dites votre
» bénédicité as.
Bois-Robert., par les. agrémens de fon efprit &
de fon humeur, fa converfation, & lé' talent qu'il
avoit de railler agréablement, s'acquit la faveur
du cardinal de Richelieu , qui le combla de bienfaits.
Son plus grand foin étoit de .délaffer l'efprit
du cardinal, après les grandes occupations dé ce
miniftre,. tantôt par fes contes agréables , tantôt
en lui rapportant toutes les nouvelles de la tour 8c
de la ville. Cet amufement étoit devenu fi nécef-
faire à cette eminence, que. Citois , fon premier
i médecin , avoit coutume de lui dire : « Monfei-
» gneur, nous ferons tout ce que nous pourrons
» pour votrefantéj mais toutes nos drogues font
» inutiles, fi vous n'y mêlez un peu de Bois-
n Robert ». Sa faveur auprès du cardinal fut interrompue
par une accufation de débauche, dont
1 il a toujours été fort foupçonné. Pour, rentrer dans
les bonnes grâces du miniftre, il employa M. Beau-,
tru qui avoit beaucoup de crédit auprès , de fon
1 éminence. Bois-Robert n'oublia rien pour fe jufti-
I fier dans l’efprit de M. de Beautru. ce Si vpus!aviez
» vu, lui dit-il, la-perfonne au fujet de qui l'on
» m'aecufe, vous en feriez furpris. Il ne faut que
» la v o ir , pour cpnnoître mon innocence. Bon!
I lui
* lui répliqua Beautru, fa laideur vous,excufe-t-
»> elle? Vous n’en êtes que plus coupable, allez,
» allez, je ferai votre paix ». Beautru ne reuflit
pas entièrement à le réconcilier avec le cardinal.
Il fallut que Citois s’en mêlât, 8c profitât d une
indifpofîtion du miniftre } car eonnoiffant qu elle
ne yenoit que de quelque chagrin , il lui donna
pour toute ordonnance , Recipe Bois-Robert 3 pour
lui faire comprendre que rien ne pouyoit contribuer
davantage au rétabliffement dé là fante , que
les contes plaifans de cet abbé. L ordonnance eut,
l’effet qu'il defiroit.
faifance, 8c c*eft à cette divinité qu'il adreffe lés
vers fuivans :
La nature prudente & fage
Unit tous les hommes entr’eux :
Ta main, confirmant fon ouvrage ,
Reflèrre ces utiles noeuds
C’eft to i dont le charme nous lie
A nos maîtres, à la patrie ,
Aux auteurs même de nos jours
C’eft toi » .dont la vertu féconde
Réunit l’un à l’autre monde
L'abbé de Bois-Robert aimoit le jeu avec paf-
fion. Il perdit une fois dix mille écus contre M. le
duc de Roquelaure. Ce duc, qui aimoit l'argent,
voulut être payé } & ce fut: Beautru qui fit 1 accommodement.
L'abbé vendit ce qü il avbit, 8c
en fit quatorze mille francs. Beautru dit au duc ,
en lui donnant cette fômme, qu il fallôit qù il
remît le furplus, 8c que l'abbé de Bois-Robert
feroit une ode à fa louange 5 mais la plus méchante
qu’il pourroit. " Quand on faura dans le monde,
» ajouta-t-il, que M. le duc de Roqüelâurp a fait
» préfent de feize mille francs pour uné méchante
»5 pièce, que ne préfumeroit-on pas qu'il eut fait
*j pour une bonne
BIENS, richeffe. Quelqu’un demandoit à Thé-
miftocle à qui il valoit mieux donner fa fille en
mariage, ou à un homme de mérité (ans bien 3
ou à un homme de bien farfs mérite} Themiftoclv
répondit qu'il préféroit un homme fans bien a
un bien fans homme.
B IE N , adverbe. M. S. archidiacre d'Auxerre
crioit toujours en chaire } quelqu un le comparant
au père Bourûaloue, difoit Le père Bour-
daloue proche fort bien, & 1 archidiacre bien
fort.
BIENFAISANCE, vertu qui naît de l’amour,
& nous fait contribuer ,! autant qu’il eft en nous,
au bonheur de nos femblables. La bietifaifame.
eft à la bienveillance ce que l’adfe eft au defir.
BIENFAISANT. Un miniftre, dit le fage Sadi,:
/-toit bienfaifant. Un jour , il déplut à fon maître ,
& il fut mis en prifon ; mais le peuple follicita
fa délivrance. Les gardes lui rendoieqt fa prifon
agréable s lés courtifans parlaient au roi de fes
vertus; le monarque lui pardonna.A" Vendez le
jardin de votre père, pour en acheter un feul
coe u r : brûlez les meubles de votre maifon fi
vous manquez de bois pour préparer le repas
de votre ami. Faite* du bien à Vos ennemis ,
faites-leur des préfens. Ne menacez pas le chien
qui aboie : jettez-lui un morceau de pain ».
U n de nos poètes modernes, a célébré la bien-
Encyclopediana«
Par un commerce de .feeours.
Géfar- difoit que rien ne le flattoit davantage
que ;les idemandes & les Iprieres, & que ce
n,'é:toit qu'alors, qu'il fe trouvoit véritablement
grand..,1
Marc - Antoine frappé par les revers de la
fortune, difoit en pénfant au bien qu’il avoit
fait : - j'ai encore tout ce que j'ai donné.
Chelonie , fille & femme de roi, voyant l'inimitié
qui régnoit entre fon père 8c fon mari,
. fui vit fon pèrë dans l'adverfîte , & tâcha de lui
faire oublier fes mâlhéurs. La fortune changea,
fon époux devint malheureux , elle alla le rejoindre
& le confôla de là rigueur dè fon fort. Cette
princeffe fuivoit en cela fon penchant à la bien-
faifance.
Le roi de.Pologne, duc de Lorraine & de
Bar, furnommé le bienfâïfaht , eut l'art dè régler
fii bienfaifance par une économie fage 8c
raifonriée. Cè prince dpnha aux màgiftrats de
la ville de Bar dix mille ecus qui doivent être
employés a acheter du bled lorfqu’il eft à bas
prix, pour le,revendre aux pauvres à bas prix
quand il eft monté à un certain point de cherté ;
par cet arrangement la fômme augmente toujours
8c on peut efpérer de pouvoir la répartir fur d’autres
objets utiles au bonheur du peuple. ,•
L'empereur Charles inftruit qu'un de fes
officièrs, féduit par l’ argent des ennemis médi-
toit de lui ôter la vie, le fit venir. J'ai appris, lui
dit le prince, que vous n'aviez pas de quoi marier
l'aînée de vos filles , recevez ces mille du-
cats pour fa dot. Par ce trait d'une bienfaifance
; 8c. d’une générofîté vraiment royale, il prévint
■ un crime 8c fit un heureux.
i Ori vint dire à Philippe que Nicanor difoit
toujours du mal de lui, il fit prendre fur cet
homme des informations, 8c faenant qu'il avoit
i rendu à l'état des fervices dont il n'avoit point
j été récompenfé, il lui envoya une fomme confi-
} dérable. Nicanor enchanté de la bienfaifance de
; Philippe fe répandit en éloges. Vous v o y e z , dit
I ce prince , combien il eft facile aux rois de faire
i f parler d’eux en bien où en mal.
A z