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t ir e qui leur defcendoit jufqu’aux pieds. La no-
blelle portoit par-delfus cette foutane un manteau
ou cafaque , dont les manches très-larges
& très-amples, se rattachoient par-devant fur le
pli du bras, & pendoient par-derrière jufqu’aux
genoux. Un chaperon , efpèce de cnpuchon, qui
avoit un bcurlet au haut, & une queue pendante
par-derrière, fervoit à couvr.r la'tête. Ce
chaperon, qui recevoir différentes fourures & divers
ornemens , étoit devenu-, comme Ton fait,
l ’ e'pitoge des prélîdens à mortier, l'au mufle des
chanoines & la chauffe des confeillers , avocats,
doéleurs & proftffcuis de l’univerlïté.
Sous Charles V , on imagina les habits bla~
fonnés ou chamarrés de toutes les pièces armoriales
de Técu. On vit paroître enfuite , fous
Charles V I , l’habit mi-parti , tel qu’eft encore
celui de la plupart des échevins & des bédeaux.
Du temps de François I , on quitta If Ma bit long
pour donner dans l’extrémité oppofée. L ’habillement
de ce temps eft un pourpoint à petites
bafques , & un caleçon tout d’une pièce avec les
'bas. C e t habit ferrait de fi près, & prenoit fl
bien la taille, qu’ il'en étoit indécent. Les gens
graves prirent le large haut de chauffe à la fuiffe,
les jeunes gens imaginèrent les treuffes, efpèce
de haut de chauffe, court & relevé, qui ne
venoit qu’à moitié des cuiffes, & -que l’on couvre
it d’une demi jupe. Cette mode, qui fubfîfia
jufqu’à Louis X I I I , fit place à celle qui règne
aujourd’hui.
Sous François I I , les hommes trouvèrent qu’un
gros ventre donnoit un air de majellé , & les
femmes imaginèrent auffi-tot qu'il en étoit de
même d’un gros cul ; on avoit de gros ventres
& de gros culs pofliches, & ceite ridicule mode
dura trois ou quatre ans. Ce qu’il y eut encore
de fingulier , c’eft que , lorfqu’ elle commença,
les femmes parurent ne plus fe foucier de leur
vifage, & commencèrent à le cacher ; elles prirent
un loup , efpèce de mafque, & n’alloient
plus que mafquées dans les rues , aux promenades
, en vifite & même à l’égüfe.
Au loup a fuccédé une autre efpèce de maf-
que , le rouge & les mouches.
Les femmes étoîent coëffées foiis le règne de
Charles V I , d’un haut bonnet en pain de lucre ;
elles attachoient au haut de ce bonnet, un voile
•qui pendoit plus ou moins , félon la qualité de
la perfonne. Elles prirent, fons le règne de François
I & de Henri II , de petits chapeaux avec
une plume. Demiis Henri II jufqu’à la .fin du
règne d’Henri IV , elles portèrent de petits bonnets
avec une aigrette.
Vers la fin du dernier fiècle, & même au commencement
de celui-ci, nos dames portoient de
hautes coëffures à tuyaux d’orgue , & fi élevées,
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que leur tête fembloit placée au milieu du corps.
C ’eft ce qui faifoît dire au Cauftique la Bruyère,
qu’il falloit juger des femmes depuis la chauflure
jufqu’à la ccëffure exclufivemeut s à peu - piès
comme on melure le poiffon, entre queue
tête.
Les Françoifes ont l’obligation de leurs petites
coëffures à deux angloifes qui vinrent à Vcriailles
en 1714. Elles fe préf ntèrent dans le mois
de juin ou juillet, pour voir fouper le roi Louis
X I V , qui étoit déjà à table. Elles ne furent pas
plutôt entrées, que toutes les peifonnes qui
étoient au. fouper , étonnées de lapetiteffe de leurs
coëffures, qui n'avoient nul rapport à celles des
françoifes > & ne les connoiffant pas pour étrangères
, firent un fi grand brouhaha, que le roi
demanda avec émotion ce qui le caufoit. On lui
répondit que c’étoit l’arrivée de deux dames extraordinairement
ccëffées, qui fe préTentoient
pour avoir l’honneur de voir fouper fa majellé.
Le roi les apperçut alors; & après les avoir considérées
un inllant, il dit aux ducheffes , & aux
damespréfentes à fon fouper que fi toutes les femmes
éioient raifonnables, elles ne fe coëffetoient
jamais autrement que ces deux dames. Il le di*
même d’un ton à faire croire que fi on parôif-
foit autrement devant lu i, on ne lui feroit pas fa
cour. Il ne faudroit pas connoître le génie du fran-
çois, & fon goût pour toutes les modes, pour
douter que celles qui étoient préfentes au.dif*
cours du ro i, héfitèrent un moment à prendre
leur parti. Elles firent travailler toute la nuit à
la diminution de leurs coëffures, qui étoient à
trois étages, foutenus par des fils d’archal..Elles
réprimèrent d’abord lés deux plus hauts , n’en
confervèrent qu’un qu’elles rasèrent encore de
moitié. Les dames, parées de cette nouvelle coëf-
fuie , ne manquèrent pas de fe trouver à la meffe
du roi , mais avec un férieux qui les fatiguoit extrêmement
à garder. Au fortir de la chapelle,
fa majefté leur en fit compliment, & ajouta ex-
preffément qu’elles n’avoient jamais éré mieux
coëffées. Il n’en fallut pas davantage pour faire
paffer cette mode de la cour à la ville, & de la
ville à la province. Mais elle étoit fi fage , qu’on
pouvoit parier, que fans l’approbation expreffe
du r o i, elle ne fe feroit point établie.
Les vertugadins prirent faveur dans le même
temps. Maïs les femmes qui avoient déjà prof-
crit cette mode , fe gardèrent bien, quand elles
la renouvelèrent, de conferver le nom de vertu-
gadin. Il leur auroit femblé qu’elles portoient
une antiquaille , & qu’elles mêmes l’étoient. Elles
l’appelèrent donc panier-, & ce nom prit d’autant
mieux , qu’ il jouoit avec celui d’un magif-
trat mort depuis peu d’années, en repaffant de
la Martinique en France. Elle avoient le plaifir
de dire , apportez-moi mon maître des requêtes.
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Cette mode * originaire de France, & qui a
toujours fubfifté dans ie pays étranger, revint
dans ce royaume avec les deux angoilës, dont
il vient d’êcre parlé. La fcène qu’elles av'oient
efïuyée à-Verfuilles tourna à leur gloire > mais
deux jours après , celle des vertugadins manqua
d’être très-férieufe pour elles. Elles fe promenoienc
un foir dans la grande allée des tuileries, & le
vafte étalage de leurs jupes, qui n’étoit produit
que par des cerceaux de baleine , frappa d'abord
les fpeétateurs. On s’empreffa fi fort pour les voir,
qu’elles faillirent à être étouffées par la foule.
Un des bancs adoffés aux pâli [fades d’ ifs , qui
étoient dans ce temps-là aux deux côtes de la
grande allée, les fauva. Un officier des mouf-
quetaires, qui fe trouva près d'elles, empêcha
qu’elles ne fuffent écrafées par la multitude qui
augmentoit fans celle. Le fenl expédient qu’il put
trouver, fut de les faire paffer au travers de la
paliffade , & de les mener a l’orangerie des tuileries
cù il logeoic. C é ft à cette aventure que
les paniers durent leur retour fur la fcène. Mais
la':modeï\QU revint que par degrés; les femmes
n’osèrent paffer tout d’un coup à ce vaiie étalage
, qui parut d’abord immodefte Ôt très-indécent.
Les aélrices hafardèrent les premières
d’en porter fur le théâtre i’hiver fuivant, & les
femmes élégantes, accoutumées à les imiter d’abord
dé loin, commencèrent par porter des ju~
pons de crin piqués ; elles mirent enfuite cUs
criardes, efpèce de groffe toille bougrannée ,
pbffée autour des hanches. L ’été de 1716 fut extrêmement
chaud ; & c’eft à cette faifon que l’on
peut fixer le renouvellement des vertugadins èn
France. Pendant cet é té , deux dames qualifiées,
fous prétexte de la chaleur & de leur embonpoint,
portèrent des paniers chez elies. Peu-à-
peu elles fe hafardèrent d’en porter aux tuileries,
mais elles n’ y allèrent que le foir j & , pour
éviter l’entrée des portes ordinaires , où il y a
toujours beaucoup de livrée, elles paffèrent par
l’orangerie. On s’accoutuma enfin aux paniers de
ces dames, qui , peu à peu, furent hardies à fe
montrer. Quelques autres femmes les imitèrent,
& la mode devint univerfelle. C e n’eft pas fans
peine, comme l’on v o it, que les françoifes ont
réufiâ à fe défigurer la taille par d’énormes cerceaux
de baleine, après s’être gâté 1« teint par
le fard.
Lorfque le Czar Pierre vint en France, il remarqua
un feigneur de la cour, qui avoit chaque
jour un habit d’ un nouveau goût. Le Czar dit à
ceux qui l’accompagnoient : il me paroît que ce
gentilhomme françois n’eft pas content de fon
tailleur.
MODESTIE. Un lavant à qui on faifoît compliment
fur l’étendue & la profondeur de fa
feience, difoit qu’e lle . ne lui fervoit qu’ à lui
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faire connoître l'étendue & la profondeur de fon.
ignorance.
Le régent fembloit né pour tous les arts. Un
jour il avoit fait repréfenter chez lui, devant une
fociété choifie, un opéra dont il avoit compofé
la mufique, & dont les paroles étoient du marquis
de la Fare. Campra en fortant dit au prince.
» La mufique eft bonne, mais les vers ne valent
» rien ». Le regenc appel'a auffitôt le marquis
de la Fare. « Parles, lui dit-il, à Campra, en
» particulier,, il trouvera les vers bons, & la
» .mufique mauvaife. Sais-tu à quoi il faut s’en
» tenir? c ’eft que le tourne vaut rien ».
Jean-Jacques Rouffeau n’étoit point modefte;
il étoit mieux que cela; il étoit vrai. c< Les gens
» d’e fprit, difoit-il, fe mettent toujours à leur
» place; la modeftie chez-eux eft toujours fauf-
» fêté ».
L ’eftimable abbé de la Caille que l’aftronomie
regrette encore, étoit un favant fort modefie ;
jamais l’amour propre ne lui fit paffer le point où
il crôybit voir les bornes de fon cfprit. Il difoit
avec fimplicité : «■ Je ne fais pas cela ».
Une femme de qualité louoit un de nos plus
fameux généraux : « Je vous regarde , lui difoit-
» elle, comme un de ces hommes rares que le
» ciel fait naître de temps en temps pour la
» gloire des empires qu’il veut favonfer : — —
» Madame, lui répondit modeftement le géné-
» r a l, ceffez dé me prodiguer vos louanges. Si
» vous faviez de combien peu de-chofe dépend
» quelquefois la vi&oire , vous ne me loueriez
»' pas tant ».
On demandoit un jour à un homme de goût,
auffi eçlairé que modeftè : « Pourquoi n’éciivez
» vous pas ? —— C ’eft parce que je voudrois mieux
» faire que je ne puis ».„
MOINE. On conte qu’un moine qu’une trop
longue abllinence impatientoit, s’avifa un jour,
dans fa cellule, de faire cuire un oeuf à la lumière
d’une lampe. L’abbé qui faifoît fa ronde, ayant
v u , par le trou de la ferrure, le moine occupé
de fa petite cuifine, entra brufquemenr, & l’en
reprit avec aigreur : de quoi le ben religieux-
s’exeufant, dit que c’étoit le diable qui l’avoit
tenté, & lui avoit infpiré cette rufe. Tout aufll-
tôt parut le diable lui-même qui étoit caché fous
la table, en difant: « T u en as menti, chien de
moine, ce tour n’eft pas de mon invention &
c’ eft toi qui viens de me l’apprendre ».
Un moine qui demeuroit dans une riche abbaye
, fe plaignoit de ce que le fupérieur faifoit
obferver une trop grande frugalité dans les repas
de fes moines. Le magiftrat lui dit que par cette
fage économie,.ilfaifoit fubfifter l’abbaye. «Comment,
reprit le moine, favez-vous bien, monfieur,