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de ces pérfonrfes venant à mourir ne laiffa qu’un
jeune fils, à qui on propofa, dès qu'il fut de-
yenu grand , d’époufer la fille d’un des ennemis
de fon père, pour faire finir ces querelles, &
pour rétablir là paix entre les deux familles. Il
agréa la propofitiôn après plnfieurs follicitations >
©n fit le contrat de mariage, & ils fe marièrent
avec de grandes marques de joye ; mais peu de
temps après ayant conduit la nouvelle mariée
dans fa maifon, & ayant invité à un fouper fes
père & mère , fes foeurs , fes frères , & fes
autres parens, il les obligea de paffer la nuit
chez lu i, & les maffacra tous impitoyablement,
fans ménager fa propre femme.
Un frahçois de Xaintonge appelle Roubias ,
paffant par Damas en revenant de Jerufalem ,
rencontra un jiigè du lieu , qui lui donna fans
fujet un foüfflet fi violent, qu’il l’abattit^ fes pies.
Le françois diflimulant cet affront , réfolut de'
s’en véngèr. Pour cela il s’abfenta trois ans de
cette v ille, 8r ayant bien appris la langue Turq
ue, il fe déguifa en Dervis. Ces religieux portent
une cimeterre au côté*, avec un couieau à
la ceinture, difant que c’eft pour faire obfervér
les eommandemens de leur grand prophète. Ce
faux Dervis revint donc à Damas*, où il af-
fiftoit tous les jours à l’audience du jug e , ce
qu’il fit pendant trois ans, attendant une occa-,
fion propre pour faire fon coup, jufqu’ à ce
qu’un jour entendant une fentence de ce juge
contre un orphelin, à qui l’on demandoit quelque
héritage, il s’approcha de lu i, & lui donna
un fi grand coup de couteau au front, qu’il le
jetta mort à fes pieds ^ puis fe m;t froidement
fur fon fiége, difant que le jugement qu’il avoit
prononcé étoit injufte, & qu’il falloir revoir le
procès. Tout le monde y confentit par le ref-
peCt qu’on lui portoit, & l’arrêt fut donné en
faveur de l’ orphelin. Le corps du juge fut porté 1
en fa maifon, & on loua beaucoup l'afTaflin. Cet
homme croyant s’ê-re fuffifamment vengé fe retira
fans bruit, & s’en alla à Tripoli, où un
François lui reprocha qu’il l ’avoit vu en habit
de Dervis, ce qu’il.confeffa, & en ^dit la rai-
fon inconfidérément. La chofe ayant été rapportée
à quelques Turcs , on le prit, on le vi-
fita, pour voir s’ il étoit circoncis ; comme on
vit qu’il ne l’étoit point, on le remena à Damas,
où Vincent le Blanc, qui rapporte ceci,
le vit exécuter à mort. v
Deux familles nobles & pulffantes de la ville
de Terni dans la marché d’Ancone, fe pôrtoient
une haine irréconciliable , qui paffoît des pères
aux enfans , & caufoit -fou vent des meurtres.
Une de ces deux familles, réfohie à faire périr
l ’autre tout d’un coup , fit affembler fecrétement |
plufieurs de: ces braves, qui, font toujours prêts J
à fe défaire ,’de ceux que l’on veut. Quand leur I
monde fut prêt, ils allèrent tous une nuit trou- J
ver le gouverneur, dont i's fe faifirent, aufiî
bien que de fes gardes, puis le conduifant par
force à la maifon de leurs ennemis , ils Fobh-
gerent le poignard fur la go*ge\,. d'ordonns*
qu’on lui ouvrît , v-cc qu’on ne fit point 4*®*
culté de faites-Entrant alors dans ces marfons,
ils égorgerenc tout le monde, jufqu’aux femmes
& aux enfans , & même aux chevaux j ils contraignirent
enfuite le gouverneur de leur faire
ouvrir les portes de la ville , & fe retireront
chacun de leur côté. Quelques-uns cependant
furent arrêtés & mis à mort.
Après • la conquête du 'pays de Galles par
! les Anglois , ce courageux peuple fe révolta.
Dans fyn combat où la viCloire le favorifa, les
femmes firent cruellement éclater leur rage con-^
; tre leurs ennemis , ce trait ne peut être rapporté
qu’en latin : quorum genitalia mulïeres Wal-
lenjîum poji confiiBum / absciderunt , & membrum
pudendum mort cujuslibetinteremptipofuerunt3. tejli-
culusque a ment6 dependere fecerunt.
Le fanatique Telton qui tua fe duc de Buckingham,
favori de Charles II roi d’Angleterre »,
étoit fi vindicatif, qu’ayant un jour appellé en
duel un gentilhomme qui l’àvoit offenfé , &
croyant que la qualité de fon ennemi lui feroit
peut-être refufer le cartel, il lui envoya un de
fes doigts qu’il fe coupa lui-même. Je veux ,
' difoît-.il, qu’il fâche de quoi eft capable , pour
venger une injure , unhomme qui peut ife met-
, tre lui-même par morceaux.
Borife Godotmove , grand duc de Mofcovre ,
étant tourmenté de ïa goutte, invita , par de
grandes promeffes > ceux qui y fauroient quelques
remèdes, de les lui déclarer. La femme
d’un Boïard, irritée des mauvais traitemens de
fon mari, & délirant de s’en venger, ufa du
ftratagême de la femme de Sganarelle. Elle publia
que fon mari avo t un fpécifique excellent
pour la goutte j mais qu’il n’aimoit point affez fa
majefté pour le lui donner. On envoya querii?
cet homme. II eut beau protefter fon ignorance,
on le fouetta jufqu’au fang, & on le mit en
prifpn. Les plaintes qu’il fit contre fa femme ,
ne fervirent qu’à le faire maltraiter plus rudement.
Enfin, on lui fit dire qu’il envoyât fon
remède ou qu’il fe préparât à mourir* C e malheureux
, voyant fa- perte inévitable , feignit
d’avouer qu’il favoit quelques remèdes , mais
qu’il n’avoit ofé Jes employer pour fa majefté ,
& que fi on vouloir lui donner quinze jours
pour les préparer , il s’en ferviroit. Les ayant
obtenus , il envoya à Czirback à deux journées
de Mofcou, fur la rivière d’Occa , d’où
il fe fit amener un chariot de toutes fortes d’herbes,
bonnes & mauvaifes , & en prépara un
bain pour ie grand duc, qui y recouvra la fanté.
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On fe confirma alors dans la penfée, que le
refus du Boïare ne provenoit que de fa malice,
c’eft pourquoi on le fouetta encore plus fort
que' les deux premières fois. Le prince lui fit en-
fuite préfent de quatre cens écus, & de dix-
huit payfans pour les pofféder en propre, avec
des défenfes très rigoureufes d’ en avoir du ref-
fentiment contre fa femme. Il fe fournit à cet
ordre, car on rapporte qu’ils vécurent depuis
dans une amitié parfaite ( Olearius. )
Un Seigneur Romain qui avoit un fort beau :
parc où il entretenoit plufieurs cerfs, avoit défendu
à fes domeftiques d’en tuer. Un d’ eux
eut le malheur de contrevenir à cet ordre ,
en tirant quelqu’autrepièce de gibier qu’il man- "
qua , il tua par mégarde un de ces cerfs
qui étoit caché dans des broffailles > ce pauvre
garçon appréhendant la colère de fon maître !
s’enfuit à Gênes , où s’étant embarqué il fut j
pris par les Algériens $ le Seigneur Italien inf-
truit quelque temps après , que fon domeftique
eft efclave à A lg e r , va trouver le cardinal Jan-
fon qui étoit pour lors à Rome, & le prie inf-
tamment d’écrire au conful François de racheter
ce malheureux, quelque fomme que dût coûter
fa rançon : le cardinal touché de cette généro-
lïté ne put s’empêcher de le louer , il écrivit
au conful qui racheta en effet l’efclave & le
renvoya à Rome. Le gentilhomme vint remercier
fon éminence, rembourfa fa rançon, & quelques
jours après fit afl'aftîner ce pauvre domeftique
qu’il n’avoit voulu ravoir que pour fe venger
de fa défobéiffance , quelque involontaire
qu’elle fût.
Un Italien, qui venoit d’avoir utie querelle
contre un de fes voifîns, tomba malade fi dan-
gereufement qu’on n’en efp’éroit plus .rien. Son
ennemi l’apprend, va chez lui , demande à le
voir ; & fur ce qu’on lui dit qu’ il eft à l'extrémité
, court vite dans fa chambre , en difant
tout bas : il ne mourra que de ma main. Ar-
rjvé près de fon lit , il lui donne un coup de
poignard , '3c fe fauve. Le malade perdit une
grande quantité de fang ,* mais cette perte lui
fut falutaire , & lui rendit la. yie & la fanté.
Tref. Chron.
Murat rapporte, dans fes lettres, qu’ une An-
gloife, étant au lit de la mort, fit appeller fon
mari, & qu’après avoir ému fa fenfibilité par
le détail de Tes fouffrances , elle le conjura de
lui pardonner, dans ce dernier moment, une
faute dont elle étoit coupable envers lui. Le mari
lui ayant promis ce qu’elle défiroit , elle lui ,
avoua qu’ elle lui avoit fait infidélité. Je vous le |
pardonne, dit le mari, mais j’ attends pareillement
de vous le pardon du mal que je vous ai
fait.' L ’Angloife le lui ayant promis de tout fon
coeur : c'eft, lui dit cet époux, que m’ étant ap-
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perçu de ce que vous vénez de m’avouer, je
vous ai empoifonnée, ce qui eft la caufe de votre
mort.
Une jeune fille , dont Tufurpateur Cromwel
avoit tué l’amant dans une bataille , médita de
le facrifier à Tes mânes. Pendant deux ans, elle
s’exerça à percer le portrait de Cromv/el à coups
de piftolet, bien réfolüe d’eflayer fur lui même
à la première occafion. Lorfqu’il fut proclamé
protecteur, il fit une entrée fuperbe dans Londres
j cette fille fe trouva fur fon palfage, &
lacha fon coup , qui alla porter fur le cheval du
fils de Cromwel. Tout le monde s’arrêta, & le
proteCteur étonné, jetta des regards menaçans
fur le balcon d’où le coup étoit parti : mais cette
fille ne broncha pas, & d’ un air ferme & intrépide
lui cria : c ’elTà t o i , tyrap , que s’adref-
fent mes coups, & je ' ferois inconfolable que
mon bras eût mal fervi mon jufte reffentiment,
fi je n’ étois 'bien perfuadée que d’autres frapperont
plus fûrement que moi. Cromwel reprenant
tout d’ un coup un vifage tranquille, & affectant
un fouris méprifant-, la traita de folle *
& ordonna froidement qu’on continuât la marche.
(L e tt.)
VÉN ITIEN S. Il n’y a peut-être pas de pays
au monde ou l’on foit plus libre qu’à Venife ,
pourvu qu’on ne fe mêle point des affaires du gouvernement,
fur lequel il faut obferver un filence
refpeCtueux. On rifque même à lé louer, pref-
que autant qu’ à le blâmer. Un fcul^teur Génois ,
s’entretenant avec deux François, ceux-ci fe ré-
pandoient en invectives contre le fénat & la république
, & le titre de pantalons fut donné plu-
fi.-urs fois aux fénateurs. Le Génois-défendit les
Vénitiens le mieux qu’il lui fut pofiible. Le lendemain
il eut ordre de la part du confeil dé fe
préfenter. Il arriva tout tremblant. On lui den
manda s’il reconnoîtroit les deux perfonnes avec
qui il avoit eu converfation fur le gouvernement
de la république. A ce difeours , fa ,peur redoubla
, il répondit qu’il n’avo/t rien dit qui
me fût en faveur du fénat. On lui ordonna de
paffer dans une chambre voifine, où il vit les-
deux François morts & pendus au plancher. Il
crut fa perte affurée., mais, on le ramena devant
les fénateurs ; celui qui préfidoit lui d it:
taifez-vous une autrefois , mon ami , notre république
n’a pas befoin d’un défenfeur de votre
efpèce.,
Un François fe promenant un jour à Venife
dans la place de Saint Marc , heurta, par mégarde
un de ces nobles dont Venife eft remplie.
Le noble le prit gravement par le bras, &
le pria de lui apprendre quelle bête il croyoic
la plus lourde & la plus péfante. Le François
étonné d’une pareille queftion , refia quelque
temps fans répondre : mais le Vénitien, fans rien
perdre de fa gravité, lui ayant redemandé h