
& termina heureufement le fiège de Veïes , qui,
depuis dix ans 3 occupoit les principales ror|
ees de la république Les Falifques 3 dont Ca- !
mille afliégeoit la capitale 3 fe rendirent amis des
romains, en confédération des vertus de Camille.
Pendant ce liège 3 un maître d'école lui amena
toute la jeunefie dont il étoit chargé 3 efpérant recevoir
de lui le prix de fa trahifon. Camille en eut
horreur 3 & lui dit : Apprends , perfide 3 que fi
nous avons les armes à la main 3 ce n’eft pas pour
nous en fervir contre un âge qu'on épargne ,
même dans le- faccagement des villes. Aufli-tôt 3
il le fit .dépouiller, <k ordonna à fes élèves de
le battre de verges jufqu'àla ville.
Rome fut ingrate envers ce grand homme, qui
ayant été accufé d'avoir détourné une partie du
butin fait à Veïes, s'exila volontairement. Bientôt
les malheurs de la répnblique remirent à Camille
les armes à la main 5 il ne ceffa de rendre. '
4 fa patrie , des fervices fignalés. A l’âge de 80 j
ans a ce héros chaffa des terres de la république
, l’armée des gaulois, qui s’y étoit avancée.
Il mourut de la pefte , l’an 365, avant Jefus-Chrift.
C AM P AN U S . Jean-Antoine Camp anus naquit
en 1427 , près de Capoue. Il étoit fils d’une
payfane, qui accoucha de lui fous un laurier. Il
fut d’abord berger , & devint enfuite valet d’un
curé. Il apprit un peu de latin, & fe mit précepteur
à Naples. 11 acquit de la capacité l &
obtint d’être employé dans des affaires importantes
, & fut nommé, par Pie I I , évêque de
Crotone. Sixte IV , croyant avoir à fe plaindre
de lu i, le bannit de toute la campagne de Rome.
Il voyagea en Allemagne , & ce pays lui déplut
fi fo r t, qu’ à fon retour, fe trouvant fur les Alpes,
il abaiffa fes culottes, & dit, en tournant le derrière
à l’Allemagne : ,
Afpice nudatas , barbara terra, nates.
Camp anus eut pour ami, le cardinal Beffarion.
Campanus fit un jour vingt vers à fa louange , qu’il
fit chanter au carnaval, par des mufic'iens maf-
qués ; ils plurent fi fort à Beffarion, qu’il donna
aux muficiens autant dé ducats qu’il y avoir de
vers j & comme Campanus feignit d’en ignorer l’auteur
, Beffarion lui d it , en lui prenant la main : ou
font ces doigts, qui ont écrit de moi tant d’agréables
menfonges ? & lui mit, en même tems, au
rdoigt, une bague de foixante ducats. Campanus
mourut à Sienne en 1477. -
C AM P IS TR O N ( Jean Galbert de ) , né à
Touloufe ,• en 1656 3 mort en 1723.
M. de Vendôme avoit prié Racine, de fe char- t
ger des vers qu’il vouloit mêler dans le divertif-
fement qui fe préparoit à Annet, pour M. le Dau- ,
phin. Racine s’en excufa & offrit en même tems, 1
Campiftron, qui juftifiâ le choix qu’on avoit fait I
de lu i , par l’opéra d’Acis ôc de Galathée. M. del
j Vendôme en fut fi content, qu’il envoya cent
louis à l’auteur. Une pareille''fomme étoit alors
très - capable de remplir fes defirs, & il l'auroit
acceptée avec bien de le reconnoiffance , fi les
deux célèbres a&eurs Ghampmêlé & Raifin, ne
l’en euffent empêché , en lui difant que cette
fomme n’ëtoit pas affez pour M. de Vendôme,
qu'il pourroit en efpérer une récompenfe plus
confidérable. Campiftron trouva ce facrifice un
peu douloureux. Il ne fe rendit qu’avec bien de la
peine à ce confeil : mais au bout de quelque tems ,
il fe fut bon gré de l’avoir fuivi. Ce prince encore
plus touché du défintéreffement de l'auteur ,
que du mérite de l’ouvrage, le prit chez lui en
qualité de fecrétaire de fes commandemens , lui
donna peu à peu toute fa confiance, & fe l'attacha
pour toujours, en lui conférant quelque tems après,
la charge de fecrétaire général des galères.
Campiftron avoir tout ce qu’il falloir pour remplir
les devoirs des différentes places que lui donna
M. dé Vendôme. Sa négligence à répondre aux
lettres qu'on lui écrivoit, eft la feule cilofe qu'on
eût pu lui reprocher, & Palaprat noqs apprend
que Campiftron avoit là - deffus une réputation fi
bien établie , qu’ un jour qu’il brûloit un tas im-
menfe de lettres , M. de Vendôme qui lui voyoit
faire cette expédition avec un foin infini, dit à
ceux qui fe trouvèrent preTens : Le voilà tout occupé
a faire fes réponfes.
Campiftron alla dîner un jour à la maifon de
plaifance de M- l’ archevêque de Touloufe. A fon
retour, il voulut prendre fur la place , des porteurs
pour le reconduire chez lui. Ils firent quelques
difficultés, à caufe de fa pefanteur, & de
l’ éloignement de fâ maifon. Campiftron les menaça
& leur donna même des coups de bâton. La
colère où il fe mit, jointe à la grande réplction
que lui caufoit le repas qu’il avoit fait chez M.
l’archevêque, le fit aulfi-tôt tomber en apoplexie.
On le porta promptement chez un chirurgien
qui le faigna , & de là chez lui, où il mourut au
bout de quelques heures.
L’Alcide ou le triomphe d’H ercuîe, opéra de
Campiftron , ayant échoué immédiatement après
la chute de fon opéra d’Achille, on fit le quatrain
fuivant.
A force de forger , on devient forgeron,
Il n’en eft pas ainfi du pauvre Campiftron,
Au lieu d’avancer il recule ,
Voyez Hercule.
M. l’abbé Delifle, a dit plaifamment en parlant
de Campiftron
Toujours des feu x , toujours des beaux yeux ; c’eft
toujours
Ou de charroans appas, ou de tendres amours.
C AM O E N S , poète portugais, d’ une ancienne
famille dé Portugal, originaire d’Efpagne ; né en
1579 3 âgé de $"3 ans.r
Le Camoens , pauvre, exilé de la cour de fon
prince comme un autre Ovide, errant fur les mers,
eft une preuve frappante que les infortunes, les
dïfgraces & même les climats les plus barbares,
ne font pas capables d'étouffer le feu du vrai
génie. Ce poète a chanté la conquête des Indes
orientales par les portugais. Son poème, fans avoir
tous les cara&ères de l’épopée, eft revêtu de fes
plus grands charmes. Les images en font variées,
fie d’un coloris vif & frappant, les paffions maniées
avec art 5 les récits agréables. Avec quelle
facilité fa plume paffe du fublime au gracieux !...
Son épifode d'Inès de Caftro eft d’une beauté
touchante. La defeription du géant Adamaftor,
gardien du promontoire des tempêtes, eft une fiction
neuve & fublime , & comparable peut-être,
à tout ce que l’imagination des poètes a enfanté
de plus grand. C ’eft en faveur de ces beautés,
qu’on a pardonné au Camoens , le peu de liai-
fon qu'il y a dans fon ouvrage, & ce mélange des
dieux du paganifme avec les- faints de la religion
chrétienne. Ce poète fut joindre les lauriers de
Mars à ceux d’ Apollon ; mais fa bravoure n’étoit
pas le fruit d'un tempéramment impétueux, ou
d’une fureur brutale ; elle de voit fon origine à
fa grandeur d’ame, fentimentde la véritable gloire,
à fon amour pour la patrie. Il apporta dans la fo-
ciété un air affable, des moeurs douces, un caractère
enjoué , mais trop porté à la fatyre ; - fon in-
(diferétion dans fes amours acheva de le perdre.
Après avoir voyagé comme Homère, il mourut
pauvre comme lui , & n'eut de réputation
qu’après fa mort. Il étoit d’une taille au-deffous
de l ’ordinaire, mais bien proportionnée. Il avoit
le vifage plein , le teint blanc & relevé d’un vermillon
qui répandoit fur fa phyfionomie une fleur
de fante. Ses yeux étoient grands^ animés , fes
cheveux blonas, fon nez<aquilin, fon front élevé.
Il s’annonçoit par un air riant & ouvert; en un
mot toute fa perfonne , ajoute l’hiftorien de fa
vie , ( Manuel de Faria ) étoit fi agréable, qu’elle
prévenoit avantageufemenf en fa faveur.
Les galanteries indiferetes du Camoens à la cour
de Lisbonne , un defir vague de faire fortune,
& peut-être encore le befoin qu’avoit fon imagination
ardente, d’être nourri par de nouveaux
objets, le portèrent à s’embarquer pour les Indes.
Il fervit d’abord volontaire fur un vaiffeau , &
perdit un oeil dans un combat naval, donné'au
détroit de Gibraltar. Sa bravoure fe fignala encore
dans d’ autres occafions ; mais ce poète guerrier
étoit fi modefte fur cet article , qu’il n’en
parle qu'en paffant, dans fes écrits.
quelques vers fatyriques, qu’il compofa contre le
vice-roi, le firent exiler d'un lieu , qui pouvoit
lui-même être regardé comme un exil, & il fut
envoyé fur les frontières de la Chine, où les portugais
Il fe rendit à Goa , le principal comptoir des
portugais dans les Indes, & fit dans cette ville
fon occupation & fes délices de la poéfie. Mai«
faifoient bâtir la ville de Macao. C e fut dans
cette terre éloignée que le Camoens compofa fon
poème de la découverte des Indes ; Vafco de-
Gama en eft le héros. Il l'intitula la Luftade, mot
portugais , qui répond à celui de Portugade, &
qui avoit peu de rapport au fujet. C e fruit de
tant, de veilles faillit périr dans un naufrage ; mais
le Camoens , à l'exemple de Céfar , fauva fes écrits
en les tenant d'une main au-deffus des eaux, &
nageant de l'autre.
De retour dans fa patrie , après une abfence-
de feize ans , & n’ayant pour tout bien que fon
poème épique , il fongea à le publier. Il le dédia
au roi Sébaftien, encore adolefcent, & l’ouvrage j
parut en 1 $72. On accorda des éloges à l’auteur ,
récompenfe ftérile, qui ne l’empêcha pas de mourir
de faim.
Dans le cinquième chant de la Luftade, le Camoens
déplore de la manière la plus touchante,
fa mauvaife fortune , & le peu d’encouragement
que les grands de Portugal donnoient '•au mérite.
Mais à peine fut-il mort, qu’on s’empreffa
de lui compofer dés épitaphes honorables , & de
le placer parmi le petit nombre d’hommes qui
ont fait honneur à leur patrie; & pour que fon
fort fut en tout femblable à celui d’Homère , plu-
fieurs villes, qui peut-être l’avoient vu mendier
l’hofpitalité, fe difputèrent après fa mort l ’honneur
de lui avoir donné naiffance.
Outre la Luftade, le Camoens a compofé beaucoup
d’autres poéfies , que les portugais fe faifoient
un plaifir d’apprendre par coeur. Ce poète,
paffant un jour dans une des rues de Lisbonne ,
devant un magafin de porcelaines , &c entendant
le marchand qui , èn chantant quelques-
unes de fes ftrophes , les eftropioit, il entra tout
d’un coup dans la boutique , & après avoir brifé
quelques porcelaines, il dit au maître : ce mon
*> ami, tu eftropies mon ouvrage , & je brife ta
» marchandife, c’ eft la loi du talion » ,• il paya
cependant le dégât qu’il avoit fait. On attribue la
même anecdote à l’Ariofte.
C AM U S ( Jean-Pierre) , évêque de Bellay,
né à Paris l’ an 1^82, mort en 16^1.
M. de Bellay prêchoit un lundi de pâques, au*
incurables.'M. le duc d’Orléans entra, fuivi d’un
cortège confidérable, & entr’autres de l’abbé de la
Rivière infigne flatteur, & de M. Tubeuf, intendant
des finances. Après que Monfeigneur eut pris fa place
, il fit prier M. de Bellay de recommencer fon fer-
mon. L’ évêque obéit, &r après l’avoir falué fort humblement
, lui dit : Monfeigneur, dimanche dernier
3 je prêchai le triomphe de Jefus - Chrift à
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