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Jules I I I , le pontife le plus fier qui fe foit placé
fur la chaire de Saint-Pierre; Jules III faifoit af-
feoirMichel-Ange auprès de lui, afin de l'entendre
rai former fur les arts qu'il profeffoit.
Paul III , entr'autres marques de diftinétion
dont il combla Buonarroti, lui rendit une.vifite
d’éclat, accompagné de dix-cardinaux.
Le grand-duc Côme de Médicis , qui chériffot
fingulièrement Michel-Ange, donna même après
la mort de cet artifte a jamais célèbre , une
preuve éclatante de l’eftime qu'il avoit pour lui.
I l fit exhumer fon corps fecrettement , pendant
la nuit, & le fit tranfporter de Rome à Florence
, où on lui éleva un magnifique tombeau
de marbre.
Des auteurs affurent qu’un feul tableau de
Michel-Ange , fut cédé à Louis X IV , un peu
avant la pa x d'Utrecht, pour la fomme prodi-
gieufe de éoopoo liv.
M IG N A R D , (Pierre) hé l'an 161©, mort
en 16pj.
On ne fauroit. paffer fous filence l'origine du
nom de Mignard. Henri I V , voyant fe grand-
père de ce peintre, qui s'appelloit More , entouré
de fix enfans, tous officiers, bienfaits & d’une
figure intéreffante : s'écria 3 « ce ne. font pas-là
des Mores-, ce font des Mignards ». Le nom,
depuis ce temps-là , en ell refté à cette famille.
‘ Mignard excelloît à copier exaftement les tableaux
des plus célèbres peintres Italiens. Il imita
un jour la manière du Guide, en repréfentant
une Madeleinè , & fit vendre ce tableau comme
un ouvrage qui venoit d'arriver d'Jtalie. Un amateur
y fut trompé, & l’acheta 2000. livres; cependant
Mignard le fit avertir fecrettement, par
des voies indirectes , qu’on avoit abufé de fa confiance
, & que le, tableau étoit de Mignard. L ’ac-
quércur prit le parti de s’adreffer à l’artille même ;
Mignard fit l'étonné, fé défendit d'être l'auteur
du tableau , & ajouta que le Brun pouvoit décider
la queftion. Afin d'achever de s’éclaircir, !
l’acquéreur les invita tous les deux à dîner; &
le Brun , après un long examen, âffura que cette,
Madeleine étoic du Guide. Alors Mignard 3 pour
le confondre , déclara hautement' qu'il étoit le
père de cet ouvrage, & que fous les cheveux de
la Madeleine il y avoit la barette d’un cardinal.
Afin de le prouver, il prit un pinceau détrempé !
d’huile , frotta les cheveux , & l’on vit la barette
qu’ il avoit annoncée. Pour confoler l’acquéreur,
Mignard voulut lui rendre fon argent,, & fit emporter
le rableau, en difant que celui qui l'avoit
peint fauroit bien le raccommoder. :
Oo prétend que le Brun i piqué d’avoir été
pris pour dupe par Mignard 3 s'écria : « eh bien !
qu'il fafie des Guides, & non pas des Mignards».
Louis X IV voulut un jour fa voir du duc de
Montaufier, quelle idee il avoit de le Brun &
de Mignard : — « Sire > (répondit ce feigneur,
qui parloit toujours félon fa penfée , même à la
cour), je ne me connois point en peinture; mais
il me paroît que ces deux hommes - là peignent
comme leur nom m.
Pendant fon féjour à Rome, Mignard fe lia
de la plus tendre amitié avec du Frcfnoy > l'auteur
d’un fameux poème latin fur la peinture.
L ’envie ni les différens fuccès ne troublèrent jamais
une fi belle union; tout étoic commun en-
tr'eux, les lumières de l'efprit comme les biens
de la fortune ; & ils n'étoient jamais plus con-
tens que lorfqu’ils fe rendoient de mutuels fer-
\ices. Toujours charmés d'être enfemble , à peine
fe quittoient-ils un feul inftant ; aulfi les appel-
loit-t-on dans Rome, les inséparables*
Marguerite de Médicis, ducheffe douairière
de Parme, & qui venoit de perdre le prince
fon époux., inftruite de l’arrivée de Mignard dans
fa ville capitale, lui manda de fe rendre au pa-
la!s. On introduifit l’artifte dans un vafte appartement,
ou tout étoit tendu de boîl : nulle fenêtre
ne dormoit entrée au jour, chaque pièce
n’étoît éclairée que par une feule bougie jaune,
dont la lumière lugubre répandoit une fombie
horreur. Mignard parvint enfin à la chambre de
la duchefle ; deux hommes en grand manteau
noir, en ouvrirent la porte, dans un1 profond
filence: — « je vous-fais-, lui dit-èlle, un honneur
fingulier 5 mon veuvage, ne me permet de voir
que les princes de ma maifon 5 mais votre réputation
m'a donné de la curiofité ». — Après
diverfes queilions fur l’âge du peintre , fon pays,
fes voyages, fa fortune , la princeffe lui demanda
s'il croyoit, en la peignant, pouvoir faire un
beau portrait : Mignard avoit eu le temps ; de
^examiner ; elle n'avoit ni jeuneffe ni beauté ,
& fon deuil n'étoit pas de ceux qui fervent de
parure : cependant, par égard , ou par une po-
liteiTe de cour , fi l'on veut, il répondit comme
elle le fouhairoit, fans doute, — ce Cette fatîs-
; faction m'eft interdite, reprit la princeffe ; allez ,
dites par-tout que la ducheffe de Parme a voulu
vous, voir, malgré les obfiacles qui l’en empê-
choient ».-
L’amour des napolitains pour le duc de Guife,
qu’ils regardoient, en 1648, comme devant être
leur libérateur , éclata d’une manière étonnante,
à la vue d'un portait de ce prince, peint par
Mignard. Les napolitains rendirent une cfpèce
de culte à ce tableau ; les femmes fur-tout ne
le regardoient qu'avec la plus grande admiration:
il y en eut même qui y firent toucher leurs chapelets.
Mignard
, M:gnard peignit le cardinal Mazarîn , &r pendant
qu’il travailloit, le minière lui faifoit diverfes
queilions.------« Vous avez peint le pape,
lui demanda t - i l , ( c ’étoit Alexandre V I I , que
fon éminence n'aimoit pas J en quelle polhire
étiez-vous ? — A genoux, tmonfeigneur , répandit
Mignard ». — Le cardinal, fe tournant alors
vers l'évêque de Fréjus, fon favori, lui dit en
parlant du pape : queflo fa tirar la quintejfen^a del
fao meftiere, ( Il fait tirer la quinceffence de fon
métier).
On fait tdus les difeours qu’on a tenus fur la
prodigieûfe fortune de madame de Maintenon.
Mignard, peignant, devant Louis X IV , cette
dame en fainte Françoifc romaine, demanda au
roi, en fouriant, fi pourorner le portrait, il ne
pourroit pas l'habiller d’un manteau d'hermine.'
— « Oui »dit le ro i, fainte Françoife le mérite
bien ». —— Mignard a fenaé ce manteau de fleurs
de lys d’or.
.Louis XIV faifant faire fon portrait à- Mignard
pour la fécondé fois, lui dit : —— « vous me
trouvez vieilli? — Il eft vrai, fire, lui répondit
i l , que-je vois quelques campagnes de plus fur
le front de votre majefté». —
M IL T O N , ( Jean ) poète épique anglois , né
à Londres en 160$ , mort àBrunhilîe le 1 y novembre
1^74.
Ses moeurs furent pures & fa vie frugale. I
ne buvait prtfque pas de vin , & n’uffit que d'a-
limens fort fimples. I! aima toujouis les exercices
du corps, particulièrement les armes. Ayant , fur
la fin de les- jours , perdu la vue , il fit confti u:re
une machine dans laquelle il fe faifoit balaocrr.
11 fe levoit très-matin, étudioit jufqu’à fon dîner,
après lequel il s'amufoit à jouer de quel?
qu’inflrument ou à chanter ; il avoic la voix belle,
& étoit babiie dans la mufique. Le foir il man-
geoit quelques olives , buvoic un verre d'eau, fu-
moit une pipe & fe .couch.oit. C ’éto-t pendant
la nuit qu'il compofoit fes vers, qu'il précen-
doit lui être infpirés par une intelligence divine.
Quand il en avoit fait un certain nombre , il
fop.noit ; fa femme ou une de fes filles defeen-
doit; il diéteie les vers; & fouvent* lorfqn'il en
avoit di&é quarante ,1e lendemain i! les réduîfoit à
vingt, malgré les influences de fa mufe toute ;
célelle. ( Vie de Milton par Racine) .
Il avoit été marié trois fois. Il voulut répudier
fi-première femme qui l’avoit qui:té un mois
après fon mariage > fous prétexte, que <a famille
étoit du p.itii du ro i, & que fon mari étoit
républicain. Il c-unpofa un traité fur le prorGÉ:,
dans lequel il avança que l’ union conjugile devant
être un état de douceur & de paix, la
feule contrariété d’humeur doit faire rompre cette
union, 11 qu’il eft inutile de crier en public U
Ency ctopédiana,
berté3 fi l’homme eft dans fa maifon J'efclave du
fexe le plus foible 3 que par conféquent tout
mari peut répudier une femme , dont le caractère
ne s'accorde pas avec le lien. Il adreffa la
fécondé édition de ce traité au parlement, convoqué
par Cromveilj il lui repréfenta que, puif-
qu'il étoit affemblé pour la réformation du royaume,
il de voit aufli veiller à la réforme des troubles
domeftiques, à ja liberté particulière comme
à la générale. En conféquence de ces principes,
Milton rechercha en mariage une jeune perfonne
qui avoit beaucoup d’efpric & de beauté. Cette
nouvelle allarma fa femme qui fe rendit dans la
maifon d'un ami où Milton devoit fe trouver. Il
la vit forcir tout-à-coup d’une chambre voifine ;
elle fe précipita dans fes bras 3 fon premier mouvement
fut de la repeuffer ; elle fe jetta à fes
genoux ; & fondant en larmes, elle le conjura
de lui pardonner & de la reprendre. Il fur attendri,
oc pleura de fon côté. La réconciliuion fe
fir & fut fincère. Il a décrit cette même fcène
touchante entre Adam & Eve dans le dixième
livre de fon Paradis perdu.
Voici ce qui fit naître à Milton l'idée de ce
poème épique. Voyageant en Italie, dans fa jeu-
r.effe il’ vit repréfenter à Milan une comédie dont
le fujec étoit Adam ou le péché originel. C'étoit
le comble de l’extravagance par la manière dont
i! étoit traité j mais Milton découvrit à tra\ ers
'abfurdité de l'ouvrage, la fubÜmité cachée du
fui et. I! y a fouvent dans des thaïes, où tout
parcît ridicule au vulgaire, dit un auteur illuf-
tre , un corn de grandeur qui ne fe fait apper-
cevoir qu'aux hommes de génie. L'univers rendu
malheureux par la foibleffe d ’un homme , les
bontés & les vengeances du créateur, la fource
de nos malheurs & de nos crimes, font des objets
dignes du pinceau le plus hardi. 11 y a fur-
tout dars ce fujet, je ne fais quelle horreur té-
nébreufe, unTubiime fombrè & trifte qui ne convient
pas mal à l'imagination angloife. ( Ejfai fur
la poéfie épique par M. de Voltaire ).
Milton conçut d'abord le projet de faire de la
farce italienne d’ Adam , une tragédie qu’il exécuta
à moitié ,. & enfuite un poème épique qu'il
finit après neuf ans de travail. Lntfqu~.il travailla
à ce poème, il étoit déjà d'un âge avancé, avoit
perdu la vue , & vivoit dans l'infortune & au
milieu tles inquiétudes fous Charles I I , qui pouvait
fe reffouvenir de la défehfe du peuple anglois
. & autres écrits féditieux de cet elpric républicain.
C e fut dans cet état de pauvreté, d’aveuglement,
de difgrace, de danger & de vieille fie
que Milton compofa ce poème merveilleux , qui
furpaffe non-feulement tous les ouvrages de tes
contemporains , mais ceux mêmes qui étoient for-
. tis de fa plume dans la vigueur de fon âge &
dans la profpérité de fa fortune ; circonftance,
ajoute M, Hume, qui n'eft pas la moins remas:-