
DU GU AY-TROUIN 7 ( R en é ) né à Sainl-
Malo le io juin 1*75 , d’une famille de négocians,
mort à Paris le 17 feptembré 1736.
Duguay-Trouin avoit une de ces phylionomies
qui annoncent ce que font les hommes , 8c la
tienne n’avoit rien que de grand a annoncer. Il
étoit d'une taille avantageufe 8c bien proportionnée
, & il avoit pour tous les exercices du
corps un goût & une adretie qui l avoient fervi
dans plüfieurs occafions.
Duguay-Trouin a laiffé des mémoires utiles ,
où Ton peut voir le détail de tous les combats
auxquels il eut part. La plus importante de fes
expéditions , & cellefcqui eft la plus connue > eft
la prife de Rio-Janeiro en 1711. Elle fit grand
bruit en Europe, tant par la haraiefle de 1 en-
treprife que par la vigueur de l'exécution. Lorfque
cet officier revint ea*France, chacun s'empreffoit
de le voir , & le long des routes le peuple s’at-
troupoit autour de lui. Un jour qu une grande
foule étoit ainfi affemblée, une dame de diftinc-
tion vint à paffer ; elle demanda ce quon regardait
j on lui dit que c'étoit Duguay-Trouin; alors
elle s'approcha, & perça elle-même la foule pour
mieux voir. Duguay-Trouin parut étonné : Mon-
fieur j lui dit-elle, ne foyeç pas furpris y je fuis >
bien aife fa voir un héros en vie.
C e t illullre guerrier regardoit la difcipline militaire
comme l'ame de la guerre, & Je gage af
furé des viéloires. Jamais il ne ^fouffrit,^ fous
quelque prétexte que ce fû t, qu'on éludât les
ordres qu'il avoit donnés.
C et homme qui paroiffoit fi févère, fi dur
même envers ceux qui fervoient fous lui, étoit
néanmoins leur meilleur ami. Ayant obtenu en
iy©7 une penfion de Louis X IV pour une aélion
d'éclat, il écrivit au miniftre pour le prier de
faire tomber Cette penfion à fon capitaine en fécond
, qui avoit eu une cuiffe emportée dans
l'aétion. Je fuis trop récompenfé , ajoutat-il, f i
j f obtiens Vavancement de mes officiers.
Le roi lui avoit accordé des lettres de nobleffe
en 1709, 8c dans ces lettres il lui rend ce témoig
n é e , que depuis qu’ il fervoit dans la marine
il avoit pris plus de trois cens navires marchands,
& vingt vaiffeaux de guerre ou corfaires ennemis.
Ses armoiries avoient pour devife : Dédit
h&c infignia virtus.
Louis X IV fe plaifoit à entendre de la propre
bouche de Duguay-Trouin, le récit do fes actions.
Un jour cet officier faifoit à ce monarque
le récit d’un combat où il commandait un vaif-
feau nommé la Glaire. J'ordonnai, dit-il, a la
Gloire de me fuivre» Elle vous fut f d e l e reprit
Louis X IV .
DU GUESCL IN. ( Bertrand ) Dès fon en*
fance, le fameux Bertrand Du-Guefclin montroit
tant d’ardeur pour les combats, qu’oubliant fon
rang & fa naiffance, il en venoit quelquefois aux
mains avec les enfans^de la.lie du peuple, qui
avoient la réputation d’ être les plus courageux &C
les plus robuftes. Paffant, Un jour , avec fon oncle
dans une place publique, ils s’amusèrent lun
& l’autre à regarder de jeunes garçons de la ville,
.qui s’exerçpient à la lutte. Un d'entr’eux, plus
adroit & plus robufte, les avoit tous vaincus. Les
fpe&ateurs lé louoient à l’envi ; & il fe promenoit
fièrement dans la carrière, en défiant ceux de fon
âge. Du Guefçlin regardoit le jeune lutteur avec
des yeux jaloux. Par malheur il échappa à fon
oncle quelque chofe de favorable pour lui. Du-
Guefclin alors le quitte} & fon oncle, qui le croyait
à fes côtés, le voit aux mains avec le jeune homme
qu’il terraffa dan&le moment.
Le connétable Du Guefçlin, a qui fes belles ,ac-
i tions ont mérité les faveurs des trois rois Jean I ,
i Charles V & Charles V I , avoit un fouverain
mépris pour l’argent : il n’en recevoit de la libéralité
du roi, que pour le diftribuer a fqs foldats.
Quoiqu’ il fe fut trouvé dans des occafions fréquentes
d’accumuler de grands biens, il eri IaifTa
moins à fa famille qu’il n’en avoit reçus d’elle.
La ville de Rennes étoit affiégée par le dac de
Lancaftre; & fans un prompt fecours, cette place
importante âlloit fuccomber fans les efforts des
anglois. Le fameux Du Guefçlin^ réfolut de la
fauver ; une foule d’obftacles s oppofoit a fon
courage, il en triompha par l’ accélération qu’il
mit dans fa marche. Il prend cent hommes 'déterminés
, qui ne refpiroient que le fang 8c les
combats. Il fait, en moins de douze heures, dix-
huit lieues de chemin, arrive, à la pointe du jour
à l’ entrée du camp des anglois, 8c fe difpofe à
le traverfer. Tout y étoit encore enfeveli dans le
fommeil : la garde avancée veilloit feule. Du Guef-
clin fond fur ces foldats, les preffe, lés pouffe &
entre avec eux dans le camp. Une partie de fa
troupe égorge ceux qui accourent aux cris
des bleffés. En même temps ils mettent le feu
aux tentes : l’incendie fe lépand ; & l’ennemi
, nû en chemîfe-, fuit à la fois le fer
& la flamme. Enfin, le vainqueur fe voit aux
portes de Rennes; qui lui font ouvertes à l’inf-
tant. Mais appercevant à quelque difiance deux
cent charettes chargées de vivres pour larmee
ennemie, il attaque les anglois qui les defen-
doient, les met en fuite, & entre dans la ville a
la tête de ce convoi, prefqu auffi utile a la place ,
que cette vi&oire inattendue 8c rapide*
Le 19 mai 1364, trois jours avant le facre de
Charles V , Du Guefçlin qui commandoit une armée
envoyée en Normandie contre les anglois >
voulant attirer l'ennemi au combat, & lui faire
quitter un pofte avantageux, feignit de décamper;
les anglois fe croyoient sûrs de la vi&oire, malgré
les repréfêntations d’un vieux capitaine qui leur
difoit: « n’avoir jamais oui dire que Du Guefçlin
» eut daigné décamper, & que c’étoit une rufe ».
Les frânçois reviennent fur leurs pas; Du Guef-
clin 1 rs animoit par ces paroles: «Pour Dieu!
aruis, fou.venez-vous que nous avons un nouveau
roi de France, que fa couronne fôit aujourd’hui
étrennée par vous: pour moi* j ’efpère donner au
roi je général anglois pour étrenne de fa noble royauté
» . .L ’événement fut conforme à fes voeux,
8c le héros eut le plâifir fingiûier de faire à fon
fouverain un prefent digne de fa bravoure.
DUMOULIN ( Charles ) , né à Paris l'an
1500, mort eh 1566.
L'affiduité de Dumoulin aü travail étoit fi extraordinaire,
qu’il comptoit pour perdus tous les
moraens qu’il étoit obligé de donner aux befoins
de la vie. C ’étoit alors la coutume de porter la
barbe ; mais quelques infiances que fes amis lui
fiffent de fe conformer à l’ufage, il aima mieux
fê la faire rafer, perfuadé 1 que cela lui emporte-
roit moins de temps que la peine qu’il auroit'de
la peigner, 8c de la rajufter tous les jours.
Un jour. Chriftophe de Thou, qui étoit aloj-s
préfident au parlement, ayant dit à l ’audience à
Dumoulin quelques paroles dures & fâcheufes;
les avocats l’allèrent trouver, & .fe plaignirent ^
lui parla bouche de François de la Porte, leur
doyen, de ce qu’il avoit offenfé un de leurs collègues,
qui étoit 3 dirent-ils, plus favant qu’il ne
le feroit jamais. M. de Th ou , bien loin d’être
choqué d’une plainte fi hardie, .la prit en bonne,
part, & dit le lendemain .à raüdhnce, que les
paroles désobligeantes qu’il avoit dites à Dumoulin
, lui étoient échappées dans la chaleur du
difcours.
Dumoulin avoit une fi grande opinion de fon
efprit, qu’il avoit coutume de mettre à la tête
de fes confultations : Moi qui ne cède aperfonne,
& a qui perforine ne peut rien apprendre.
Dumoulin, en i f f i , compofa fon commentaire
fur les petites dates.' C e livre ayant été
prefente au roi par Anne de Montmorenci, alors
maréchal, depuis connétable de France, il lui
dir: Sire, ce que votre majefté. n’a pu faire &
exécuter avec trente mille hommes, de contraindre
k pape à lui demander la paix, ce petit homme
l'a achevé avec un petit livre.
DUM OU L IN. Ce fameux médecin aîmoit beau-
coupj’a.rgent, & en récevoit beaucoup-. Il fortoit un
jour de voir un de fes malades qui l’avoit payé en
monnoie blanche ; coiûnlè la fomme étoit un peu !
forte, il l'avoit mife dans fes poches. Il n’eut
rien de plus preffé en rentrant chez lui, & en
montant fes efcaliers, que de compter les écus
qu’il avoit reçus ; d’attention qu’il prêtoit à ce
compte l’empêcha de voir un particulier qui fe
trouva fur le même efcalier, & qui le connoif-
foit. C e particulier lui dit en plailantant : Attendez
, monfieur Dumoulin, je vais vous chercher
une chaife. Dumoulin le regarde, & lui
répond d’un ris moqueur : Apprends, nigaud ,
qu’on eft toujours à fon aife, quand on compte
fon argent,
Il vôyoit un jour avec M. Sylva, médecin
non moins fameux que lui, mais plus inftruit 8c
moins intérefte , il voyoit, dis-je , un grand fei-
gneur qm étoit très-dangereufement malade, au
point qu’à la dernière vifite qu’ils lui firent tous
ies deux , il mourut entre leurs mains. Comme
*on ne s’attendoit nullement à une mort auffi
prompte, elk donna lieu à beaucoup de murmures
dans l’appartement, & fur tout dans l’anri-
chambre, où. les domeftiques fe peimettoient
contre 'les deux médecins des propos, qui pou-
voient avoir pour eux des fuites très-fâcheufes.
M. Sylva f . qui naturellement étoit. timide, eut
peur,. & fit p a r t ie fes craintes à M. Dumoulin,
8c finit par lui dire : Par quelle porte fortirons~-
nous ?',■ Dumoulin, qui ne craignoit rien, pourvu
qu’il fût payé, lui répondit : Par U porte oit
Von paye, & fortit avec intrépidité de l'appartement
, fuivi î dé Sylva, qui étoit tout trempant.
Voila ce qui s’appelle un trait de caractère
; le fuivant vaut bien celui-là,
Quand M. Dumoulin, qui avoit été protef-
tant, fe fut coivfeffé, un religionnaire dit à un
autre qui lui demandoit d^s nouvelles : «« Que
33 fa religion étoit bien malade, puifqu’ elle étoit
33 abandonnée du plus grand médecin. »
Dumoulin étant à l'agonie entouré de piiifieurs
de fes confrères qui déploroient fa perte, il leur
die : Mefficurs je laiffe après moi trois grands
médecins. Ces doéteurs crurent qu’il àlloit les
nommer, mais ils furent bien détrompés lorfque
Dumoulin leur apprit que ces trois grands médecins
de l’homme étoient Veau, l’exercice & la
diète.
DUNOIS. ( comte de ) Marie d’Enguren>
femme d’Aubert de Cany, chevalier picard, &
chambellan du duc d’Orléans , étant au lit de
la mort, & ayant appelle cinq enfans qu’elle
avait J pour leur^ donner fa dernière bénédiction
, elle leur déclara que l’un d’ entr’eux étoit
fils.du duc d’Orléans^ elle ne voulut pas le nommer
: mais curieux d’apprendre cette vérité de
la bouché de leur mèrej ils la prefsèrent fi vivement,
qu'elle leur dît que le bâtard adultérin