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" Gentille Agnès , plus d’honneur tu mérite *
- caufe étant de France recouvrer,
Que ce que peut dedans un cloître ouvrer
Clofe nonain, ou bien dévot hermite. •
Charles ne s'éloigna point d’Orléans $ mais
cette ville dénuée de tout étoit prête à fe rendre
, il n’y avoit plus qu’un prodige qui put
fauver cette place : & ce prodige fut Jeanne-
d’Arc j dont on connoît l’hiftoire.
Charles reprit fucceffivement les conquêtes des
anglois. Devenu paifible poflêffeur de Ton trône
il rendit fon peuple heureux j mais lui-même con-
Peu le bonheur. La rébellion de fon fils
aine 3 depuis Louis X I , lui fit palier fes dernières
années dans l’amertume & le chagrin. Louis
s etoit retiré auprès du duc de Bourgogne : « Le
■91 3 difoit Charles à cette occafîon , ne cori-
» noîtpas le dauphin j il nourrit un renard qui.,
» dans la fuite, mangera fes poules ».
C eft fous^ le règne de ce prince , vers l’an
T44° » que l’on découvrit en Allemagne l’ art de
l ’imprimerie.
Il eftJe premier roi de France ;qui ait. corn- |
mencé à faire rédiger par écrit les diverfes coutu- j
mes locales de la France, & qui ait preferit les
formalités qui doivent être obfervées à leur rédaction,
C harles V I I I , roi de France , furnommé
l ’affable & le courtois , né à Amboife le .30 juin
1470, mort dans la même ville, le 7 avril 1498,
à 27 ans.
Charles V I I I , dit Confines, ne fut jamais que
petit homme de corps , & peu entendu 5 mai's il
etoit fi bon , qu’il n’eft pas poflible de voir
meilleure créature. Louis X I , fon p ère, prince
foupçonneux & jaloux , le tint toujours 4ans
l’obfcurité & l’ignorance. Il voulut qu’ on ne lui
apprît- que ces mots latins : Qui nefeit diftmula-
re , nefeit regnare , celui qui ne fait pas diffimu-
ler , eft incapable de régner. Charles goûta
apparemment cette leçon j car il avoit coutume
de dire : « Si je croyais que ma chemife fût
» mon fêoret, je la brûlerois fur le champ ».
C e prince, flatté de conquérir le royaume de
Naples , conquête qui avoit pour fondement les
droits de la maifon d’Anjou cédés à Louis X I ,
fit fa paix avec fes- ennemis -3 & leur accorda
plufieurs de fes provinces, « fans faire attention
tf. dit un hiftorien, que douze villages qui joi-
» ,gnent un état , valent mieux qu’un royaume
»? à quatre cents lieues de chez foi ». Les fuc- ;
cès du jeune monarque femblèrent juftifier d’abord
.fon imprudence. Ils furent fi rapides , fi
bfjlîans , que le pape Alexarndre V I , en par-
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lant de cette expédition , difoit que les fran*
çois étoient venus en Italie, la craie à la main
pour marquer leurs logemens. Charles entra en
vainqueur, dans Rome, en 1494 , à la Jueur
des flambeaux. Le pape, retiré dans le château
de Saint-Ange , capitula avec ce prince , l’invef-
tit du royaume de Naples , & le couronna etn-
pereur dé Conftantinople. L ’éclat de fes victoires
& la terreur du nom françois, lui ouvrirent
les portes de Capoue & de Naples. Il fit f©»
entrée dans cette ville , vêtu en habit impérial,
d un grand manteau d'écarlate , . avec fon grand
collet renverfé, fourré de fines hermines mouchetées
3 tenant la pomme d’or ronde & orbi--
culaire en fa main droite, & en la féneftre, fon:
grand feeptre impérial, & fur fa tête une riche
couronne d’or fermée à l’impériale , garnie de
force pierreries -, contrefaifant ainfi bravement'.
1 empereur de Conftantinople , félon que le pape
1 avoit ainfi créé, & tout le peuple d’une voix
le crioit empereur très-augufte. (Brantôme)..
Cette efpèce de triomphe ne fut qu’un beau
fonge pour Charles. La conquête de Naples faite
en fix mois, fut perdue avec la" même fapi-'
tfite y & les François ne remportèrent de leur
’ expédition que cette maladie cruelle qui empoi?
fonne les fources même de la vie.
Charles avoit un goût v if pour lés femmes. Il
fut vaincre néanmoins fon penchant, dans une
çirconftance remarquable. Après la prife de la
ville d’Afti par les françois, fe retirant un foir
dans fon appartement, il y trouva une jeune italienne
d’une beauté touchante qui étoit à genoux
devant une image delà fainté vierge qu’elle in-
voquoit, en verfant beaucoup de larmes. De
lâches courtifans l’aVoient achetée pour gagner
. l.çs bonnçs grâces du r o i, en favonfant fes paf-
fîons. La jeune fille conjura le monarque de lui
fauver fon honneur, en confidération de celle
qui étoit repréfentée dans ce tableau. Le roi tom-?-:
| ché , fit venir les parens de cette fille , & leur
donna une dot pour la marier. Il ne dit point
comme Scipion , qui donnoft l’exemple à fes
troupes : Je la retiendrais, fi je n’ étois pas général
î mais il la renvoya, parce que., malgré fes
paffions, la vertu avoit toujours des droits lur
fon coeur.
Ce bon prince, peu de tems avant fa mort,
av.oitprojette d e .fupprimer les épices des juges,
& d’obliger les évêques à réfidet dans leurs dio-
cèfes, fous peine d’être privés du fruit de leur
évêché.
Son intention étoit aufïi de donner chaque jour
une audience ,• où les moindres de fes fujets fuf-
fent, admis librement. Ce delfein fut même exécuté.
a Ce n’eft pas , dit Comines', qu’il fît de
« grandes expéditions en cette audience ; mais
» au moins étoit-ce tenir les gens en crainte,
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s i par efpécial fes officiers , dont il avoit fuf-
» ‘pendu aucuns pour pillerie.
C harles IX , roi de France, fils de Henri
I I , né, à Saint -Germain - en- Laye lé 27 juin
11 y /o, mort au château de Vincennes , le 30 mai
.11/74 , âgé de 24 ans. , . .
Le brave 3 le vertueux Cypierre, gouverneur
de Charles IX ,j travailla, à infpirer à fon jeune
élève des fentimens d’honneur, de vertu & d’hu-
mâftitéj mais il eft;peut-'être des naturels que
l ’éducation- peut'bièh adoucir, mais qu’elle ne
change 'jamais.' Charles ^ excité par les conféils
perfides de' Catherine de Médicis , 1 confpira
coritre fës propres fujets, &■ trempa fes mains
dans leur fang. P. Mathieu & Papire Maifon,
nous le repréfentent, ayant la taille haute, maigre
& droite, les épaules courbées, les jambes
grêles, le vifage pale, les*-yeux hagards & la
phyûonomie fatôuché. ILétoit, ajoutent-ils, facile
a s’irritèr, & grand jureur. Cependant, comme '
il aimoit. les' lettres, il fe plaifoit dans la compagnie
des favans. On pouvoit efpérer que ,
s ’il eût vécu , il auroit pris des moeurs plus
douces.
Charles faîfoit paraître. fon inclination fanguinaire
jufques dans fes divertiffemens.î & différens traits
de ce prince, pouvoient dès--lors annoncer a des
efprits inquieK. c,lairvoyans , le maflacre de
la faint-Barthelemi. Ce prince , s’amufant un jour
à chaffer dès lapins dans un clapier j « faites-les
moi tous fortir , dit-il, afin que j’aie le plaifir
de lès tuer tous
Son aéfivité lui.faifoit haïr le repos, au point
du’ il appelloit les maifons , les tombeaux des
vivans.; ;
Il fouffroit impatiemment qu’on le détournât
de fes exercices! Yilleroi , lui ayant préfenté
. plufieurs, fois .des dépêches à figner , dans le
tems qu’il âlloit jouer à la paume : « Signez, 'mon
»s père, lui dit-il, fignjz pour moi». Hé bien,'
mon maître, reprit Villeroi, puifque vous me
le commandez', ; je figner ai. "C e n’eft que depuis
Charles IX que les fecretaires d’état ont ligné
pour le roi.
Quelques hiftorie.ns out voulu rejetter- entiè-
j'ement fur les Guifes & fur Catherine de Médicis
l’horreur du maflacre de la faint-Barthelemi ;
mais il eft certain que fi Charles IX refufa d’ abord
de. s’y prêter', il devint bientôt le plus
cruel perfécuteur de fes fujets proteftans. Lorf-
au’il.fut jour, &. qu’il mit la fête à la fenêtre
de fa chambre , voyant aucuns dans ' le faux-
bourg Saint-Germain qui fe remuoient , & ;fe
fauvoient, il prit une grande arquebufe de chafie
qu’il avoit , Sç en. .tira tout plein .de" coups à
epx > mais inutilement, car l’arquébiife ne' tiroir
£ncyc!&p édi&na.
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de fi loin ; incèflamment crioit : Tuez , tuez ,
& n’en voulut jamais fauver aucun, finon Am-
brçife Paré, fon chirurgien , & fa nourrice,-
( Brantôme. )
Charles joignoit la diffimulation à la cruauté.
Il s’ étoit vanté auprès de-Catherine de Médicis,
fa mère, qu’il mettroit tous les proteftans dans
les filets. L ’amiral Goligni s’étoit laifle éblouir
de la faveur apparente dont il jouiflbit à la cour ,
& fe moquoit de ceux qui vouloient lui infpirer
dé la défiance. Un capitaine huguenot, nommé
Langoiran, vint lui dire un jour qu’il s’et*
alloit dans fa province j l’amira! en demande la
caufe : » C ’eft, répond le gentilhomme qu’on
as nous fait trop de careffes , & j’aime mieux
J» me fauver avec les fou x , que de périr avec
» ceux qui fe croient fages ».
Notre bon roi Henri IV , alors prince de
Navarre , n'échappa au maflacre , qu’ en promettant
d’aller à la méfié. Il fut réveillé avec le
prince de Condé deux heures avant le .jour ,
par iine multitude d’archers de la garde, qui entrèrent
effrontément dans la chambre du Louvre
où ils couchoient, & lui ordonnèrent avec in*
folence de s’habiller & de venir trouven le roi.
Oh leur défendit de prendre leurs épées ;
& en fortant , ils virent mafîaerer devant
eux , une partie dè leurs gentilshommes.
Charles les attendoit, & les reçut avec un
vifage où la fureur étoit peinte. Il leur commanda,
avec les juremens & les blafphêmes qui
lui étoient familiers , de quitter la religion qu’ils
n’avoi-ent prife , difoit - i l , que pour fervir de
prétexte à leur rébellion. L ’ état où l’on rédui-
îbit ces princes, n’ayant-pu les empêcher de témoigner
la peine qu’ils auroient à obéir , la
colère du roi devint exceffive. Il leur dit d’un
ton altéré & plein d’emportement : qu’il ne pré-
tendoit plus être contredit dans fes volontés,
par des fujet-s 5 qu’ils euflent à 1 apprendre aux
autres par leur exemple , à le révérer comme
étant l’image de dieu 5 ■ & à n’être plus les ennemis
des images de fa mère.
Charles demandoit alors de Ja foumifiion \ ce
n’étoitplus ce roi qui, fe trouvant quelques années
auparavant avec le prince de Navarre , à hjar-
feille, voulut bien le difpenfer d’aller ..à l ’eglife
avec lui. Un jour cependant que Henri l’avoit
accompagné jufqu’ â la porte de l’ églife , & réfu-
: foit d’avancer, le roi lui p r it, en riant, fon
bonnet de velours noir , bordé en or"& parfemé
de pierres précieufes, & Te jetta dans l’églife,
afin d’obliger le princé à y entrer , ne fût. - ce-
que pour réprèndre fon bonnet.
On avoit demandé à Charles qu’ il abandonnât
au fer des afla'ffins , Ambroife Paré, fon, chirur-
’ gien, qui . étoit pioteftaht j mais i! ne'voulut jamais
y confentir ,1 &: répondit : « Eft-il raifon-
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