
C e traité fut conclu fans autre explication; &
telle eft , dit-on, l’origine du Glolîaire.
Un étranger qui voyageoit en France, cher-
choit à y connoître les favans qui avoient le plus
de réputation & demanda à qui il devoit s’adrefler
pour s’ inftruire de l’ancienne hiftoire de France.
On lui indiqua Ducange, il va le trouver ^ & lui
apprend le lujet de fa vifite. Ducange qui difoit
que pour faire des ouvrages tels que les liens, il
ne falloir que des yeux & des doigts, répondit à
cet étranger : la matière fur laquelle vous venez
me confuîter n’a jamais fait l’objet de mes études.
Je n’en fai que ce' que j’ ai retenu en lifant les
ouvrages dont j’avois befoiri pour compofer mon'
di&ionnaire de la baffe latinité.. Pour trouver ce
que vous cherchez , allez voir Dom Mabillon.
L ’ étranger croit ce qu’on lui dit,~& va chez le
favant bénécf&in, qui lui dit : on vous a trompé
quand on vous a adrefîe à moi; cette matière n’a
point été celle de mes études,-je n’en fai que ce
que j’ en ai appris en lifant les ouvrages dont , j’avois
befoin pour compofer Thiftoire dfe mon ordre.
Pour trouver un homme capable de vous fa-
tisfaire, allez trouver Ducange. C ’ eft lui-même ,
qui m’ envoye à vous, répliqua l’étranger. Il eft
-mon maître, pourfuivït Dom Mabillon, cependant
fî vous m’honorez de vos vifites, je vous
communiquerai le peu que je fai. i
. Ducange quittoit librement & à toute heuere
fes livres pour recevoir fes amis. C ’eft pour mon.
plaifir, difoit J l, que j’ étudie, & non pour faire
peine à perfonne.
D U C A T S . -Des ambafladeurs de-Hollande à la
cour de France étoient invités à dîner par un
minilïre des finances. On fervit au deifert du fro-’
rsà’gè. de Hollande ; & comme on pàrioit de ce
pays-là, & d e ce qu’ il produit, ce miniftre, en
montrant le fromage, dit en s’adrefifant à ces
ainbafladeurs, que ch o it du fruit de leur pays.
C ’étoit une efpèce de raillerie de la Hollande;
les'ambaflTadears s’en appeççurent, & l’un d’eux
prittüiie poignée de ducats , & la jetta au milieu
de la falle , en difant : Eu voilà auß.
- DU C H A T E L E T , ( Paul Hay ) né en Bretagne
Tan 1 5-^1, mort en 16$6.
-Ml- du Châtelet fut le premier qui lut un dif-
cpuvßiä [académie françoife, fuivant le réglement
qu’oft fit alors. Quoiqu’il fût accoutumé à parler
en-pâblft , il aflura1 qu'e jamais aflemblée ne lui
avôiï'-p’ai-a plüs-tédoutable que celle de l’ aca-
àirôifetil & il fe, fervit . de la permiffipn que le
réglement*doimcîrt: à tous les académiciens de lire
leurs harangue#, âtf Heu de les prononcer;
'Lorlqn'éîf'ftt îe pfoèès fc*M. de BouteyiHe »
du Châtelet compofa pour lui lin faétutn qui fut
trouvé également éloquent & hardi. Le cardinal
de Richelieu lui ayant reproché , que c’étoit condamner
la juftice du roi : Pardonnez-moi, dit-il,
c’ eft pour juftifier fa miféricorde , s’il a la bonté
d’en ufer envers un des plus vaillans hommes de
fon royaume.
Un jour qui! étoit avec M. de Saint-Preuil,
qui follicitoit auprès du roi la grâce du duc de
Moiitmorenci, & qu’il témoignoit beaucoup de
chaleur pour cela, le roi lui dit : Je penfe que
M. du Châtelet voudroit avoir perdu un bras
pour fauyer M. de Montmorenci. Il répondit :
Je voudrois, lire , les avoir perdus tous deux ,
car iis font inutiles à votre fervice, & en avoir
fauve un qui vous a gagné des batailles & qui
vous en gagnerolt encore.
Du Châtelet t au fortir de la prifon où il avoit
été mis pour n’avoir pas voulu être un des com-
miflaires du maréchal de Marillac, alla à la
mefle du roi, qui ne le regardoit point* & a£-
. feétoit, ce femble , de tourner la tête d’un autre
côté, comme par quelque efpèce de honte de
voir un homme qu’ il vendit de maltraiter ; il s’approcha
de M. de S.-Simon , & lui dit: Je vous
prie, monfieur , de dire au rpi que je lui pardonne
de bon coeur, & qu’il me fafle l’honneur
de me regarder. M. de S.-Simon le dsit au rdi,
qui en rît & le carefla enfuite.
Lorfque du Châtelet fut forti de prifon, le cardinal
de Richelieu, dont il avoit faitprefqüe toutes
.lès apologies , lui fit quelque excufe fur fa détention:
Je fais lui répondit-il, grande diffé^
rence entre le mal que voire éminence fait, &
celui qu’elle permet, & je n’en ferai pas moins
attaché à fon fervice.
DU CH A T E L E T ( Madame ). Cette danre
favante & très fpirituelle voyant fon ami
Voltaire trifte & ne difant mot depuis' quelques
jours, dit à la compagnie qui lui déman-
doit ce qu’il pouvoir avoir: « Vous ne le devineriez
pas , mais je le fais. Depuis trois fé-
maines on ne s’entretient dans Paris que de
l’exécution d’un fameux voleur mort avec beaucoup
de fermeté ; . cela ennuie M. de Voltaire ,
à qui on ne parle plus de fa belle tragédie. R en
veut au roué, ajouta-t-elle en plaifantant»i
DU CH É DE V Â N C Y ( Jofeph-FrançoisJné
en 16,6%, mort en 1704.
Son pere le fit élever avec foin, mais ce fut tout
: fon héritage. La médiocrité de fa fortune le fit
poète. Là, marquife de Maintepon ayant vu quelques
uns d« fes eflais, le chôifit pour fournir des
poéfiesfacréesàfes demoifelles de.Saînt-Cyr. Cette
dame, le recommanda fi fort a M. de Pont-
chartrain, fecrétaire d’état, que le miniftre, pre-
Kant le poète pour un homme confîdérable > alla
lui rendre vifite. Duché, voyant entrer chez lui un
fecrétaire d’état, crut qu’on alloit le conduire à la
baftille; mais il fut bientôt ralfuré par les politefles
du miniftre. Duché les méritoit : il avoit autant de
douceur dans le caractère, que d’agrément dans
Tefprit; Roufleau & lui faifoierit enfemble les
charmes des fociétés oùils fe trouvoient. Maisl’im-
preflion que faifoit Duché, quoique moins vive d’abord,
étoit plus durable.
"Duché ayoît le talent de déclamer parfaitement,
& toutes les difpofitions néceflaires pour devenir
an excellent aéteur. Plufieurs perfonnes ont affuré
qu’il n’y avoit rien de comparable à la façon dont
il rendoit plufieurs rôles des pièces de Molière,
qu'ils lui ont vu jouer chez quelques particuliers,
avec fon ami Roufleau le poète, qui pofiédoit le
même talent.
D U CLOS , mort en 1771. Il fut fecrétaire perpétuel
de l'académie Françoife. On a recueilli plus
d’une obfervation profonde des-enrretiens de Duclos.
En parlant un jour du caractère de notre
nation, il dit : « les François font le feul peuple qui
puilfe perdre fes moeurs fans fe corrompre. »
Tout le, monde fait que M. Lemière , avant de
travailler pour le théâtre, a gagné plufieurs prix
de fuite à l’académie françoife. Duclos, fecrétaire
perpétuel, en donnant la médaille au vainqueur ,
en *lpjl j lui dit : «Monfieur, elle eft un peu légère
de poids; Tannée prochaine elle fera plus
forte.»
. Duclos étoit à la tête d’une feéte qui avoit conf-
piré contre la poéfie, fous prétexte que les vers n’ é-
toient bons qu’à gâter la penfée. Quand il fe trou-
voit forcé à louer des vers ^ il difoit : «cela eft bon
«omme de la ptofe. »
Duclos a dit plus d’une fois à fes amis : «quand
Je dîne à Verfailles , il me femble que je mange à
l’office. On croît voir des valets qui s’entretiennent
de ce que font leurs maîtres. »
DUEL . Le dueln‘el\ pas une înlHtution d’honneur,
comme le militaire le veut faire accroire,
mais une mode affreufe & barbare, qui a pris
Kaiflance dans la Scandinavie, partie de l’Europe
qui comprenoit le Dannemarck, la Suède & la
iNorwege. ^ Les peuples de ces contrées étoient
autrefois d’une férocité extrême ; ils vivoient fans
lois, fans difcipline, fans aucun efprit de fociété ;
ils mettpient toutes leurs vertus à la pointe de
leur épée, & ne connoiflbient point d’autre juftice
que la force. Cl’étoit par le fer quils fou-
tenoient leurs prétentions, & vuidoient leurs querelles.
Ils faifoient battre les conteftans, & don-
n®^n.c de caufe à celui qui remportoit la
victoire, pes peuples s’étant précipites comme
un torrent, en Italie, en Efpagne & dans les
Gaules, leur fureur naturelle fes y fui vit ; ils y
apportèrent l ufage du duel : la France l’adopta
fous le règne des fuccefièurs de Clovis; on le
regardoit du temps de Charlemagne, comme
un moyen fûr pour diftinguer l’innocent du coupable
: c’eft ce qu’on appelloit Tépreuve du duel.
Le combat de Gui Chabot de Jarnac, & de
François Vivonne de la Châtaigneraie, a été le
dernier duel autorifé. C e combat fe fit dans la
cour du château de Saiut-Germain-en-Laye, le
10 Juillet 1547, fous le règne de Henri II. Jarnac
avoit donné un démenti à la Châtaigneraie.
Celui-ci le défia au combat. Le roi le permit,
& voulut çn être fpedateur ; il fe fiattoit que
la Châtaigneraie, qu’ il aimoit, emporteroit l’avantage
: mais Jarnac, quoiqu’affoibli d’une fièvre
lente qui le çonfumoit, le renverfa par terre d’un
revers qu’il lui donna fur le jarret, & qu’on a
appellé depuis, le coup de Jarnac. On fépara les
combattans; mais le vaincu, inconfolable d’avoir
reçu cette honte à la vile du ro i, ne voulut jamais
que les chirurgiens bandaiïènt fa plaie ; il
mourut quelques jours après. Henri fut fi touché,
qu’il jura folemnellement de ne plus permettre
de femblables combats. Dans les additions aux
mémoires de Caftelnau, on a rapporté les cartels
de la Châtaigneraie & de Jarnac.
Le duc de Chatillon-CoHgny, ayant eu quelque
démêlé avec le duc de Guife, le fit appel-
ler en duel; ce prince l’accepta. Ils fe battirent
à la place Royale, & le duc de Guife ayant eu
de l’avantage fur Chatillon,il lui donna un coup
de revers de fon épée fur le vifage, plus pour
le marquer que pour le bleifer, en lui difant
qu 'i l vouloit lui faire porter des marques d'un prince :
Cet affront entra_ fi avant dans Tefprit du duc
de Chatillon, qu’il réfolut de ne pas y furvivre
& chercha Toccafion de fe faire tuer, qu’il trouva
au fiége de Charenton pendant le blocus de
Paris.
Henri III & les rois fuccefleurs ont publié les
edits les plus févères contre le duel. La France
crut fur-tout cette fanglante coutume abolie fans
retour, à la vue des ordonnances foudroyantes
de Louis X IV contre les duelliftes. L ’abolifTe-
ment du duel fut célébré en profe & en vers dans les
harangues publiques & dans les difcours particuliers.
C’eft dans ces circonftances que le ducdeNavailles
refufa de fe battre contre le comte de Soi fions. La
comtefle époufe de ce dernier, & furintendante de la
maifon de la reine mère, étoit en difpute avec
la ducheflfe de Navailles, dame d’honneur de
cette reine, par rapport à leurs fonctions. Le
roi porta un jugement qui parut favorable à la
ducheffe. La douleur de la comtefle fut fi vive,
que le comte fon mari propofa le duel au duc
G c c »