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Un abbé de cour fe vantoit d'avoir converti un
é:alvinifte. Vous l'avez converti, lui répondit quelqu’un
; mais par qui 1’ayez-voùs fait inlhuire ?
En 1668 » M. d’Humières venoit d’ être élevé à
îa dignité de maréchal, à la follidcation du vicomte
de Tureinne, qui nê put réfiller aux charmes
& à jL’ efprit de la marquife d’Humières. Le
jour même j Louis X IV demandant au chevalier
de (pgÆmmont s’il favoit bien qui il venoit.de faire
maréchal de France : oui, lire, lui dit-il, c’eft ,
madame d’Humières.
Une fille qui fe piquoit d'être belle, quoiqu’elle
eût les yeux un peu louches & affez rudes, fe
vantoit avec*brguei1 .dans une compagnie, qu’un
duc & pair lui avoit fait long-temps les yeux doux.
Quelqu’un lui dit : Avouez , mademoiselle, qu’il
y a fort mal réufli.
Un jour qu’on donnoit l’Alcefte du chevalier
Glu ck , une perfonne s’écria au fécond aéle :
« A h ! mademoifelle le Vaffeur, vous m’arrachez
les oreilles ». Son voifin lui répliqua : « Ah !
monfieur, quelle fortune i li c’eft pour vous en
donner d’autres ! »
Une vieille coquette qui ? faifoit l’agréable ,
quoiqu’elle fût effroyablement laide , difoit devant
fa nièce, qui étoit une fille de douze ans,
& fort avancée pour fon âge : fi le roi vouloit me
faire enfermer dans un couvent, & qu’il m’en
laifsât le choix, je dirois qu’on me mène aux C * * * .
« N o n , ma bonne, lui dit fa nièce, je crois que
-vous feriez mieux de vous mettre aux Quinze-
Vingts ».
SA UM A IS E , ( Claude de ) né l’an ij88 ?
mort en 16^3.
La reine de Suède parlant de Saumaïfe difoit,
qu’ elle admiroit encore plus fa patience que fon
érudition, par rapport à ce qu’ il avoit à fouffrir ;
de l’humeur imperieufe de fa femme, Anne ;
Mercier.
Malgré l ’emportement qui règne dans les ouvrages
de Saumaïfe , c’ étoit un homme facile , communicatif
& tout-à-fait doux dans le commerce.
Il fe laiffoit dominer par une femme hautaine &
chagrine, qui fe vantoit d’avoir pour mari ; non
pas pour maître, le plus Javant de tous les nobles,
le plus noble de tous les favons.
Saumaïfe fut cholfi pour défendre Charles I-
toi d'Angleterre contre fes ennemis. Voici confine
il commence cette apologie : Anglois qui vous renvoyez
les têtes des rois comme des balles de paume,j
. qui jouez à la boole avec des couronnes, & qui-
2 vous vous fervez desfceptrest.commedes marotes.;
S A U T DE- L A P U C E L L E . Un
jeune h@mm* , d'une naiffunce inférieure au
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comte de Gowrie, grand feigneur d’Ecoffe, fréquentant
habituellement cette maifon, ne put
s’empêcher de fe prendre de paflion pour fa fille,
& de la lui donner à connoître, en lui faifant une
cour afïidue ; mais celle-ci fe gardoit bien de lui
laiffer, par fa conduite, aucun fujet d’encouragement.
Cet amant logeoit précifément dans 1*
tour oppofée à celle de fa maitreffe : o r , un
jour que celle-ci fe trouva, fans doute , intérieurement
preliée des mêmes feux que fon amant,
elle trouva moyen, peu avant la fermeture des
portes, de fe gliffer dans fon appartement. Une
de ces vieilles fureteufes de duegnes, dont l'office,
dans ces temps-là étoit d’être aux aguets des intrigues
amoureufes dans les châteaux, s’eri apper-
çut, & , comme elle n’avoit pas été consultée
ni mife du complot, par dés préfens, elle ne manqua
pas d’en aller avertir la comtefle, qui, pour
couper tout efpoir & toute poflibilité de retraite
aux amans, fe hâta d’aller les furprendre ; mais
les oreilles de la jeune fille étoient preftes. Elle
entendit les pas de la vieille comtefle , courut
au fommet de la tour, & prit un élan défefpéré
de neuf pieds quatre pouces d’efpace , au deffus
d’une profondeur de foixante pieds , ayant par ce
moyen, attrapé les créneaux de l’autre tour, el]^
redefeendit auflitôt & fe fourra dans fon l i t , ou
la mère fut bien furprife de la trouver, & ne
manqua pas de lui faire réparation pour fon injufte
foupçon. On imagine bien que la belle enfant ne
jugea pas à propos de répéter davantage le même
faut : ainfî, pour éviter d’être tentée de s’y ex-
pofer, dès la nuit fuivante, elle prit le parti
de décamper avec fon amant, & ils fe marièrent.
Une des tours de l’ançien manoir de Ruthuen,
dans la haute Ecoffe , jadis l'habitation des
Gowrie , eft appellée le faut de la pucelle , .nom
qui lui vient de l’aventure précédente.
SA U V AGE. Voici quelques particularitésqu’on
a recueillies, concernant le fauvage d’Otahiti ,
amené en Angleterre.
Il y a trois ordres de citoyens à Otahiti} les
nobles, la bourgeoifîe & le peuple. Le fauvage
qui eft i c i , eft de cette dernière clafle s’appelle
Omiha. Sa taille eft un peu au-d-fltis de la
médiocre. D ’ailleurs, il eft affez bien fa it, &
doué d’une mémoire lï facile, qu’on n’a jamais
befoin de lui dire deux fois les noms & les ufages»
des chofes. L’hôtel du lord Sandwich eft la première
grande maifon qu’on lui a fait voir. 11 fe
trouvoit dans le cabinet d’affemblèe deux ou trois
perfonnes, lorfqu’il y entrai niais à peine les regarda
t-il , tant il étoit occupé à confidérer les
meubles. Lorfqu’on le préfenta au dofteur Solan-
der, .qu’il avoit vu dans fon pays, il courut à
lui dé la maniéré la p!uS*affe6tueufe , & l ’embraffa
fl, étroitement, qu'il le Toulevoit de terre. Le I doéteur l’ayaat repris doucement, il mit fin à ces
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démonftrations, & fe contenta de répéter plufieurs
fois, How d'ye do ; ( Comment vous portez-vous ? )
C ’étoient les feuls mots anglois qu il fût alors. 11
a fait quelque difficulté pour fe mettre à genoux
devant le roi. Quand je ferai à genoux, dit - i l ,
s'il alloit me manger ? Comme il étoit chez le
roi, un des feigneurs de la cour tira fa montre,
que le fauvage parut obferver avec beaucoup
deplaifir. C e feigneur lui ayant dit de la garder,
il s en défendit long-tems. A la fin il y confentit :
mai's il dit d’un air embarraffé, en regardant tous
ceux qui l’entouroient : Je ne l'ai pas volée au moins.
Les premiers jours, lorfqu’on lui difoit de s’affeoir,
il alloit fe coucher tout de fon long fur un fopha.
On eut beaucoup de peine à lui apprendre l’ufage
d’une chaife. Il mange de la foupe & des légumes
, tant qu’on veut; il paroît aimer fur-tout
le vin & les liqueurs j il préfère celui de Madère.
Son corps & fes membres font toujours en mouvement,
ce qui fait croire qu’il a befoin d’exercice.
On compte lui abandonner un parc où il .
pourra fe promener & chaffer à la manière de
fon pays. Quant à fes facultés intellectuelles,
elles font très-bornées j on ne le voit jamais occupé
que des plaifirs des fens. Le roi a bien voulu
fe charger de pourvoir à la dépenfe de cet indien ,
pendant tout le tems qu’ il reliera en Angleterre. Uy
a quelques jours qu’il aflifta à un enterrement dans
la ville d’Oxford. Il ne lui fut pas poflible de
refter à cette trifte cérémonie jufqu’à la fin. Il
fondoit en larmes, comme fi le mort eût été fon
plus proche parent, ou fon meilleur ami. Lorfqu’il
vît le cimetière, & qu’on lui eut dit que
c’étoit en cet endroit-là qu’on enterroit les morts,
il demanda fi tous ceux qui étoient enterrés étoient
morts de l’inoculation. Sur la réponfe qu’on lui
fit que cette opération, au contraire, étoit un
préfervatif contre une maladie dangereufe: J*au.- \
rois cru , reprit-il, a la peur quon en a , que 'tout
le monde enmouroit. ^ \
Le premier coup-d’oeil jetté fur la focie'té civile, 1
ne laiffe aucun doute que la femme ne foit inférieure
à l’homme pour la force \ mais cette foi-
bleffe de la femme ne vient-elle pas de la tranquillité
de fes occupations, & dans l’état de nature ,
ayant les mêmes bêfoins que l’homme , n’auroit-
efle pas aufli la même force & la même a&ivité
pour y fatisfaire ? L’hilloire d’une fille fauvage,
publiée en,17^5, autorife cette queftion. Cette
fille, âgée pour lors de neuf à dix ans, étoit entrée
fur la brune dans le village de Songi en Champagne,
au mois de feptembre 173 1. Elle avoit les
pieds nuds, le corps couvert de haillons & de
peau, les cheveux fous une calotte de caîlebaffe,
le vifage & les mains noirs comme une' négreffe >
elle étoit armée d’un bâton court & gros par le
bout en forme de- maffue. Un payfan effrayé de
cette figure, lâcha fur elle un dogue armé d’un
collier à pointe de fer. La fauvage le voyant appro-
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cher en fureur, l ’attendit de pied ferme, tenant
fa petite maflè d’armes à deux mains, clans U
pofture de ceux qui, pour donner plus d’étendue
aux coups de leur coignée, la lèvent de côté,
& voyant le chien à fa portée, elle lui déchargea
un fi terrible coup fur la tête, qu’elle l’étendit
mort a fes pieds.. . Qn remarqua qu’elle avo:t les
doigts des mains, fur-tout les pouces, extrêmement
gros par proportion aü refte de la main j elle
a dit elle-même depuis, que ces pouces plus gros
& plus forts lui étoient bien néceffaîres pendant
fa vie errante dans les bois, parce que lorfqu’ elle
étoit fur un arbre, & qu’elle en vouloit changer
fans defeendre, elle' appuyoit fes deux pouces
fur une branche, & s’ élançoit fur l’arbre voifin
comme un écureuil.... Cette fauvage, quelques
jours avant qu’elle fût prife, fut apperçue nageant
& plongeant dans la rivière, d’où elle fortit quelque
temps après, tenant un poiffon dans chacune
de fes mains, & une anguille entre fes dents. Rendue
à b fociété civile, elle a néanmoins toujours
confervé une forte inclination pour fe jetter dans
l’eau , où elle pêchoit à la main & nagëoit comme
un poiffon malgré le froid & la gelée.
Un petit fauvage avoit été amené de l’Amérique
en France. Son maître qui le croyoit bien content,
lui demanda : hé bien ! aimes-tu mieux à préfent
ton pays que le nôtre ? Oui. — E h , pourquoi ?
— C ’ eft que je ne puis manger que quand tu manges
, & je ne puis dormir que quand tu dors.
Un fauvage de l’Amérique, à qui Louis X IV
fit montrer toutes les curiofités de Verfailles, avoit
tout examiné en gardant un profond filence ; mais
à peine eut-il apperçu le tableau de .Raphaël, ou
faint Michel terraffe le diable, qu’il s’écria : « Ah!
le beau fauvage ! »
Sauvages du Canada,
On lit dans les gazettes angloifes de 1761, que
deux partis d’indiens, de tribus différentes du C a nada,
fe rencontrèrent par hafard fur les bords
d’une rivière : l’un d’eux demanda à ceux du parti
oppofé qui ils étoient, & ce qu’ils faifoient.Ceux-
ci fe nommèrent, dirent qu’ils alloient à la chaffe
des caftors, & firent à leur tour la même queftion
aux autres, qui répondirent que leur nom étoit
une chofe indifférente, mais qu’ils étoient chafr
feurs d’hommes. Eh bien ! leur répliqua l’autre
parti » nous fommes des hommes j n’allez pas en
chercher plus loin. Les deux partis convinrent de
defeendre dans une petite ifle de la rivière j ils
détruifirent leurs canots pour s’ôter les moyens de
retraite, & fe mirent à combattre, jufqu’à ce
qu’enfin jl ne refta plus qu’un petit nombre -des
chaffeurs de caftors , & un feul chaffeur d’hommes
, à qui on laiffa la vie, pour qu’il allât apprendre
à ceux de fa nation qu’il avoit rencontré une