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eaux. Le prodigieux fiiccès de ce tableau dut
enorgueillir la belle. Phryné ; puifque Vénus
n’étoit que fon image * & qu'elle fervoit ordinairement
de modèle lorfqu'on vouloit repréfenter la
mère de l'amour.
- Apelle fit le portrait d'Alexandre , 8c Ton di-
foit dans la Grece , « qu'il y avoir deux Alexan-
» dres, l'un invincible , fils de Philippe ; l'autre
» inimitable 3 celui d'Apelle ».
Il paroît cependant qu'Alexandre ne trouva
pas toujours qu Apelle eût l'art de bien faifir fa
reffemblance. Le monarque ne louoit que foible-
ment un de Tes portraits , fait de la main de fon
peintre chéri , lorfqu'un cheval 3 comme frappé à
l'afpeél de celui qui étoit repréfenté , fe mit à
hennir auffi-tôt : Apelle dit alors 3 en riant , au
vainqueur de l'Afie : « — Seigneur, ce cheval
?? paroît mieux fe connoître en peinture que
» vous ».
Alexandre fut inconfolable de la mort de Bucéhale.
Apelle réu/îit tellement à rendre la reffemlaiice
de ce fameux cheval qu'Alexandre
ordonna pendant long-temps qu'on portât à manger
à cette fimple repréfentation.
Alexandre étoit vivement épris d’une jeune
beauté nommé Campafpe, & voulut qu Apelle en
immortalifàt les traits. S'appercevant que le
peintre devenoit très-fenfible aux charmes de fon
modèle, à mefure qu'il cherchoit à les rendre, il eut
la générofité de le lui céder.
Apelle vint trouver Protogène à Rhodes , & ne
le rencontrant point la première fois, il deïïina fur
iin tableau où l'on ne voyoit encore rien de tracé,
les premiers linéamens d'une figure : après quoi, il
s'en alla. Protogène, . étant de retour', ne fut pas
long-temps à deviner leur auteur. -- ce C'eft
» Apelle y s'écria-t-il, car il n’y a que lui au
t» monde qui foit capable d’un deflîn de cette
» finefle & de cette légéreté». Protogène ef-
faya de l'emporter fur ce nouveau rival, en décrivant
d'autres contours.
Apelle revint, & ne voulant pas qu'il fut dit
qu'il eût été furpafle dans les premiers principes
de la peinture, il reprit le pinceau, & ,
avec une couleur différente des deux autres, il
conduifit des traits fi favans & fi merveilleux,
parmi ceux qui avoient été tracés , qu'il épuifa
toute la fubtilité de Part. Protogène étant rentré
chez lu i, n'eut pas plutôt diftingué ces derniers ■
traits, qu'il s’écria: ~ ce Je fuis vaincu, & je
» cours embraffer mon maître ». — Il vole au port,
en difant ces mots , où ayant rencontré fon rival,
il lia avec lui une amitié fincère qui ne fe démentit
jamais.
Apelle demanda un jour à Protogène combien
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il retiroit de les ouvrages : étonné du prix' fhé-
diocre qu'en recevoit un fi habile homme, & du
peu de confidération dont il jouiffoit dans fa patrie,
il lui dit : — ce & moi, je vous offre cinq
» talens pour chacun de vos tableaux ». ;^ L a générofité
d'Apelle fit ouvrir les ,yeux aux rhodiens
fur le mérite de leur peintre} 8c depuis ce temps-
là , Protogène eut tout ce qu'ii nféritoit. -
Dès qu3Apelle avoit achevé un tableau, il l'ex-
pofoit fur la galerie de fa maifon , aux regards
des paffans 3 8c caché lui-même derrière fon ou-
• vrage, il écoutoit la critique des fpeétateurs , afin
de corriger les défauts qu'on lui reprochoit jufte-
ment. Un cordonnier palfant un jour devant la
maifon d'Apelle , 8c y trouvant un tableau expofé
de la forte, obferva que le peintre avoit mis une
courroie de moins aux fandales d’une figure ;
Apelle fit auffi-tôt difparoître cette petite négligence.
Le cordonnier , tout fier du fuccès de fa
remarque, s'avifa le lendemain de cenfurer mal-à-
4 propos une jambe : Apelle , indigné de l’ignorance
de ce prétendu connoifieur, fortit alors de fa cachette
, & , le regardant avec mépris : — « Ar-
» r ê te , lui dit-il, 8c ne t'avife pas de paflfer la
» fandale ». — Cet avis judicieux fut reçu en proverbe
dans toute la Grèce : ne futor ultra crepidam
(cordonnier, ne paffe pas la chauflure) , y di-
foit-on aux ignorans, qui vouloient s'ingérer de
parler de chofes qu'ils n'entendoient point.
Apelle avoit commencé à peindre une Vénus ,
lorfque la mort le furprit au milieu de fon ouvrage •:
ce tableau refta toujours imparfait ; aucun peintre
n'ayant jamais ofé entreprendre de l'achever.
Long-temps après la mort de ce premier des
peintres grecs, les habitans de Pergame ache?
tèrent , des deniers publics , un palais antique &_
ruiné , dans lequel il y avoit quelques peintures
d'Apelle : « Non feulement, dit un hiftorien la-
» tin, pour empêcher les araignées de tendre
» leurs toiles dans une maifon que les ouvrages
» d'Apelle rendoient refpeérable 5 mais encore pour
» garantir ces mêmes' ouvrages des ordures des
» oifeaux ». Les habitans de Pergame firent plus,
ils fufpendirent dans ce vieux palais , qu’ils réparèrent
entièrement, le corps d'Apelle dans un ré-
feau de fils d’of. 4
APIS. Apis étoit, chez les égyptiens , une divinité
célèbre. C ’étoit un boeuf dans lequel l’ame
du grand Offris s’étoit retirée. Il lui avoit donné.
la préférence fur les autres animaux, parce que
le boeuf eft le fymbole de l'agriculture dont cè
prince avoit tant defiré la perfection. Le boeuf
Apis dévoit avoir de certaines marques extérieures
, qui quelquefois le rendoient afifez rare. Au
furplüs , les prêtres y pourvoyoient.
Quand on avoit trouvé A p i s ^ z u t de le conduire
à Memphis, on le nourriifoit pendant quarante
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..fours dans-1* ville, du.. Nil. Des femthes-avoient |
feules l'honneur de .le v ifit« & de lefervir . Elles,
.fe préfentoient dans un déshabille dont tout autre .
qu’un taureau auroit fend le prix. Apres la quarantaine
, on lui faifoit une:niche dores: dans une |
barque, on l y placoit, & il defcendoit a Mem- :
■ phis. Les .prêtres le peuple alloienfcen pompe j
fe recevoir. Les enfans âfifez heureux pour rece-
voir .fon haleine en obtenoient le don de prédiction.
Ôn le conduifoit dans le temple d Ofiris ,
où il avoit deux fuperbes étables. Son féjour
dans l'une annonçoit le bonheur de l Egypte , oc
.c'étoit un préfage fâcheux quand il habitoit
l’autre.
' Apis n'avoit qu’un certain . temps^ à vivte, &
lorfque fa dernière heure étoit cenfee venue , les
prêtres le noyoient avec de grandes cérémonies ,
enfuite on l'embaumoit, 8c fes funérailles occa-
fionnoient des dépenfes confiderables.
Lés égyptiens confultoient Apis comme un ora- .
cle. Eri le confultant, on fe mettoit les mains fur ;
.les oreilles; on les'tenoiént bouchées jiifqu à cè ;
'qu’on fut forti de l’enceinte du temple alors on \
prenoit pour réponfe du dieu îa première chofe ;
qu’on entendoit.
APPLAUDISSEMENS. Lorfqu’on donna au :
théâtre françois la ' comédie de l E'goifme, le public
s’appèrçüt, dès la première reprefentation,
qu’un homme du parterre appîaudiflqit de toutes
'fes forces. Il fut remarqué encore à la fécondé ,
ainfî. qu’ aux fui vantes. Ses claquemens de mains
redoubloient à mefure que les^ repréfentatiohs fe
(uccédoient. Un des amis de l auteur 1 avertit de
la bonite volonté du perfonnage, & lui dit en
riant que cela méritoit bien un remerciement'de
-fa part. M. de Cailhava fut affez heureux pour
apprendre le nom & découvrir la demeure de
l’original : il fe rendit un matin chez cet amateur fi
zélé : « mon cher monfieur , lui dit-il , je viens
» vous rendre grâce de la bonne volonté que vous
» avez témoignée pour ma comédie, & de toute
» la chaleur que vous avez mife pour la faire
» réùfiir. — Trêve de remerciemens 3 dit notre ;
» homme, j’avois parié pour dix repréfentations -, ;
» & je me fuis arrangé pour ne pas perdre le |
» pari ».
APOLLON- Apollon , fils de Jupiter &d^La-
toneétoi t l’inventeur de la poëfie, de la mu-
fiqus, le chef, des mufes, le père de la lumière.
Les aventures de ce dieu font en très-grand nombre,
& f i connues, que nous nous croyons dif-
penfés d’en faire Le détail. Nous nous bornerons
à dire qu’on le repréfèntoit de plufieurs manières
, fuivant fes différens attributs, lantot il
* étoit peint fous la forme d’ un jeune^ homme fans
barbe, une lyre à! La-main,. 8c des inftrumens de
mufique à fes cotés. Tantôt on le plaçoit au fom-
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met du parnafie, au milieu des neuf mufes, ayant
fur fa tete une couronne de laurier. Quelquefois
il conduifoit le char du foleil j traîné par quatre
chevaux bjancs,,. Souvent if portoit un carquois
fur les épaules , [§c un. arc -& des fléchés dans fes
mains. Ç ’étoit principalement à ÇLaros , à Délos
& à 'Delphes que cë dieu rëndoit.‘fes principaux
oracles.
APOLLONIUS. Apollonius , fufnommé " de
Tyanes , d’un bourg 'de Cappadoce ^dùil naquit
quelque temps avant J. G- , cultiva des fon enfance
la philofophiê de Pythagoie. Il ne; fe nour-
rifloit que de légumes, s’ abftenoic du vin ôs des
femmes y donnôit fon bien ' aux pàuVrés, vivoit
dans les temples-y :& ;par cette vie fingulière , at-
! tira fur lui tous les regards. Il parut dans plufieurs.
villes delà Grèce comme un prédicateur du
genre, humain. Il vint à Rome , pour voir , di-
foit-il, quel animal c'étoit qu'un tyran. Il fe -.mita
. faire des miracles. Il y eut une.éclipfe de folei'l. ,
accompagnée de 1 tonnerre. Apollonius regarda le
ciel i & dit d’un ton prophétique; : quelque, chofe
de grand arrivera ,& n'arrivêra pas.- Trois jours
après, la foudre tomba fur la table de Néron, 8c
fit tomber fa coupe qu'il portoit^ à la bouche. Le
peuple appliqua la prophétie d Apollonius a cet
événement.
Néron ayant chanté, en plein théâtre , T-igellin
demanda à Apoiloniâs■ ' ce qu il penfoit de 1 empereur
J en penfe plus honorablement que vous 3 jx~
pondit-ii , vous le, troyè%> digne de chanter, & moi ^
de fe taire'.
Le roi de Babylone lui demanda un moyen pour
régner fûrement. Ayez , dit Apollonius , beaucoup
: d'amis , & peu de confidens,
Un eunuque ayant été furpris ayec une belle
efclave du roi, .on vouloir le faire mourir, Apollonius
dit : au contraire 3 pouf le p u n ir, laijjè^-lui la
vie , fon amour fera fonfüpptice.
L'empereur Domitien le fit jetter dans les fe rs ,
comme magicien. Un efpion vint lui demander
comment il füpportoit les entraves qui lui fer-
roientles pieds. Je n eh fa is rien 3 répondit Ap'ol-
lonius, car mon efprit efi ailleurs. Il ^ mourut
avec beaucoup de coürâge., peu d années avant
J. C .
A pollonius , philofophe ftoïcien, de la ville'
de Chalcis. L'empereur Antonin le fit venir à
Rome pour être l'inftituteur de MârC-Aurele , fon
fils adoptif. C e pédant étant arrivé, fit dire qu'il
attendoit fon difciple, & que c etoit a lui de venir
trouver fon maître. L'empereur le lui envoya , eh
lui obfervant « qu'il étoit bien étrange qu*Apollo-
» nius trouvât le chemin de fon logis au palais
» plus long, qu© celui de Chalcis . a, Rom© ...