
être connu, 8c par-tout cet homme cherchoit à
être libre ; il ne négligeoit lien pour féconder fes
efforts. C'eft ain'fi qu3il envoya beaucoup de livres
rares & finguliers aux bibliothèques publiques
de Hollande, pour faire connoître aux hollandois
leurs véritables droits, & les exciter à la liberté.
Il dépenfa beaucoup pour les intérêts de la caufe
des anglo-américains.
II a voit fept portraits de Milton, & pîufièu-s
de fes meubles, qu'il gardoit comme des reliques,
& qui lui a voient coûté fort cher. Ce ifétoit pas
comme poète qü'il eftimoit Milton, mais c'étoit
polir avoir écrit contre Charles I , qu'il le re-
gardoit comme une divinité. On trouve dans les
mémoires de fa vie , les portraits de plufieurs
hommes obfcurs, mais zélés défenf-urs de la liberté
: au-deITous on voit toujours le bonnet de
la liberté, & le plus fouvent çe bonnet eft• entre
deux poignards.
Il paya l’abbé Venuti , célèbre antiquake italien
, pour compofer une difleitàtion de Pileo
libertatis, fur le, bonnet de la liberté. Il vouait
que ce livre fût dédié à la nation angloife •; il en
avoit compo-fé Tinfcription en ityle^ lapidaire ;
niais je ne fais pourquoi ce defir ne fut pas accompli.
Thomas Hollis eft mort en 17S4 : il
voulut être enterré dans-un champ, 8c que rien
n’indiquât .le lieu de fa fépulture.
On a publié à Londres des mémoires de Thomas
Hollis , en 2 vol. in-40. avec de fuperbes figurés,
gravées par Cypriani. Comme Hollis avoir beaucoup
voyagé5 & qu'il avoit une cotrefpondance
très-étendue, 'on trouve dans ces mémoires une
foule de détails curieux , mais fans aucun ordre.
. H OM E R E , poète grec , le chantre de l’Iliade
te de l'Qdyflee.
Le génie créateur d’Homère le place d'un aveu
univerfel à la tête de tous les poètes. C ’eft aux
brûlans tranfports de ce puiiTant génie, dit fqn
traduChur anglois, qu'un homme qui a une étincelle
de feu poétique, eft redevable de ce trouble ,
de ce ravilfement qu’il éprouve à la JeCture de
l ’Iliade. Tout refpire, tout- fent, tout agit dans
ce poë ne.
C ’eft le feuLpoëte, fuivant Ariftote, qui ait créé
des paroles vivantes.
C ’étoit le fentiment des anciens, que tous leurs
auteurs tragiques n'étoient oue les copiftes & les
imitateurs d Homère. Quelqu'un difoit des tragédies
d Eurjpi le : Ce font les refies des fefiins d'Homère
qu’un convive emporte che[ lui.
Les poèmes d’Homère parurent d'abord en pièces
détachées, & demeurèrent long-temps en cet état,
fuivant Eiien , fous divers, titres, comme la bataille
proche des vaijfeaux , la mort de Do Ion la 1
vaillance d Agamemhon, la Patroclêe, la grotte de
Calipfo 3 le majfacre des Amans, 8CC. On les appe-
loit les rapfodies , & ceux qui les chantoient, des
rapfodiftes. La Grèce marqua d'autant plus d’ardeur
& d'empieflement à tranferire ces poèmes &
à les chanter, qu'elle y voyoit éternifer la gloire
de fes héros.
Pififtrate, tyran d’Athènes, celui-là même dont
Cicéron admiroff l'éloquence 8c le favoir, fut le
premier qui rafltmbla les poèmes d’Homère y 8c
qui les mit dans l'état où nous les avons. 11 divifa
l’ Iliade 8c l’Odyflee conformément au deflein de
l'auteur , 8c partagea ces- différens. poèmes en
vingt-quatre livres , qui dans la fuite furent désignés
par les caractères de l'alphabet.
Du temps d’Alexandre, l'ignorance ou la mau-
vaife foi des copiftes avoit furchargé Lllrade
d‘Homère d'un grand nombre de foutes. Ce
monarque, en fit faire, une édition exacte par
Anaxa< que* 8c Callffthène. Il y travailla lui-même
avec d'autant plus d'empreflement, qu'il regardoit
cet ouvrage comme une exhortation à la bravoure
8c comme une école de routes les vertus militaires.
Peut-être au fil 3 8c c'eft la penfee d’un auteur
moderne, l'ambition de pafler pour fils de Jupiter
le déter mincit à rendre au fil commun qu’il lui
feroit pofilble, un livre où régnait un commerce
familier entre les dieux 8c les mortels1. La
correction achevée , il voulut avoir toujours fon
Homère avec lui. Il l'enfermoit dans une riche
cafiette qui s'étoit trouvée parmi les dépouilles
du- roi Darius., origine du nom de l’édition
de Fa Cajfette , que l’on a donné à cette édition
‘ d'Alexandre.
L’Egypte rendit le même hommage aux écrits
d’Homère. Les Ptolomées , protecteurs déclarés
des fciences 8c des arts, chargèrent plufieurs favâns
de revoir avec la plus grande exactitude l’Iliade &
l'Odylfée. Ariftarque fe diftingiia le plus dans ce
travail. Sa critique fut fi judicieufe 8c fi f-.ge, que
malgré fes cenfciirs, toute l'antiquité s'en eft rapportée
à lui j 8c l'a confidéré au point de bon fa ci er
fon nom pour défigner tout critique impartial &
favaht, comme celui de Zoïle, qui s'avifa d'écrire
en ce temps-là ^centre Homère,, fert à marquer
tout cenfeur envieux 8c faux.
Le chantre de l’Iliade 8c de l'Odylfée a toujours
été regardé comme le père 8c même comme
le dieu de la poéfie. Il s’èft néanmoins,trouvé dans
ces derniers temps plufieurs infidèles qui ont ofé
fe moquer de fa divinité. Ils lui ont reproché des
comparaifons trop longues, un trop fréquent
uhge des mêmes épithètes, 8c la baflefle de'quel-
ques-unesde fes defciiprior.s. Sans avoir égard au
fiècle où il vivoit, ils ont été choqués de ce que
la princelfe Naufica lavoit elle-même fes robes.
Ils ont ri de voir Patrocle , au neuvième livre de
l'Iliade, mettre trois gigots de mouton dans une
m a r m i t e , a l l u m e r 8 c f o u f f l e r l e f e u , 8 c p r é p a r e r
le d î n e r a v e c A c h i l l e .
Le premier en France qui ofa s’élever contre
Homère y fut l’abbé Boifrobcrt, fi célébré par fa
faveur auprès du cardinal de Richelieu. Il com-
paroit le divin Homère à ces chanteurs de carrefours
qui ne débitent leurs vers qu’à la canaille.
Defmarets de Saint Soilin , enfuite Charles Perrault
, Fauteur du Parallèle des anciens & des
modernes, parurent fur les rangs. Le redoutable
Defpréaux demeuroit dans le filence. Cette indifférence
dans un homme dont la. bile étoit fi
facile à émouvoir à la moindre atteinte contre
le bon goût & la raifon, étonna finguhèrement
le prince de C onti, qui dit un jour qu’il iroit à
l’académie françoife écrire fur la place de Def-
préaux : Tu dors , Brutus. Le fatyrique fe réveilla
enfin. Mais , fans vouloir s'anuifer à détendre
Homère contre les critiques, fuperficielles de l'auteur
du Parallèle y il s’attacha uniquement à
relever les bévues de ce ridicule antigonîfte,
8c la difpute fut terminée par rire aux dépens de
Perrault.
Houdart de la Mothe a depuis renouvelle la
querelle. Il traiuifit Homère en vers françois,
8c en fit une critique raifon née. La marquise
Lambert,' l’abbé Terraffon 8c l'abbé de Pons fe
rangèient de fon côté contre les défenfeurs du
poète grec, à la tète defquels étoit la favante
madame Dacier. Les differtations de la Mothé
font bien écrites , 8c contiennent des obfcrvations
utiles. Mais on lui reprocha malignement qu'il
avoit pris un moyen plus fur de déprimer le pcëre
g re c , qui étoit de le traveftir en vers françois.
En effet, la Mothe n'a fait d’un corps plein
d’embonpoint 8c de v ie, qu'un lquelette aride &
défagréable. Toutes les fleuis du poète grec fe
fannent entre fes mains. L'exprefîion *mêrae du
fentiment qu'il a heureufement manié dans fon
Inès , s'eft refufée à lui dans fon Iliade. D ’autres
écrivains ne parurent dans cette difpute que pour
rire aux dépens des deux partis. On en fit* même
des farces. Les aCteurs de la foire repréfentèrent
Arlequin défenfeur d’Homère. Dans cette pièce
atiqquin t iroit refpèChieufemént X Iliade d'une
ch'àfle , prenoit fucceflivement par le menton les
atteins 8c les aCtrices, 8c la leur donnoit à baifer
en réparation de tous les outrages faits à. Homère.
Il y eut .aulfi une.eftampe dans laquel’e on repré-
fenvoit un âne qui broutoit l’Iliade , avec ce vers
au bas contre la traduction de la Mothe qui avoit
réduit l’Iiiade en douze chants :
Douze livret mangés, Sc douze eftropiés.
Ces- plaifanterieSv ne cefsèrent que par l’entre-
mife du fage V.alin c o u r tq u i défilla les yeux des
parties intérefiféc-s, & leut fit voir enfin le. ridicule
dont; elles fe cotivroient. La paix fe fit dans
un repas que Valiftcourt leur donna, & dont étoit
madame de Staal. « J ’y repréfentoîs, dit elle, la
» neutralité. On but à la fanté d’Homère > 8c tout
« fe pafla bien w. ( Mém. de madame Staal ).
I! pourra encore s'élever des difputes au fujet
"d’Homère, qui a bien des Cotés qui prêtent à la
critique j mais les beautés quf brillent dans fes
poèmes, font fi frappantes, que toutes ces critiques,
ainlî que celles qui ont déjà été faites,
pafferonc, 6t lui feul reliera.
HOMMES.
Les hommes font comme les -ftatues, il faut les
voir en place.
La nature eft auffi variée dans les hommes que
dans,fes autres produétjons ; 8c il y a autant de
caraCtères différens qu’il y a de tê:es- C ’eft de
ce mélange varié à l’infini, que la fociéré tire
l'avantage précieux d’aveir de tout5 ainfi ii faut
prendre le bon des uns 8c des aunes5 mais, pour
favoir le prendre, il faut' un difearnement jufte.
Un jour un ambafladeur d'Efpagne caufarit avec
Henri IV , lui.difoit qu’il eût bien voulu connoître
fes miniftrés pour s’ad'refler à chacun d'eux, fuivant
fon caraCtère. Je m'en vais -, lui dit le roi,
vous les faire connoître tout-à-l’heure. Ils étoient
dans l ’anti-chambre, en attendant l ’heure du con-
feil. Il fit entrer le chancelier de Sillery, 8c lui
ditv M. le chancelier, je fuis fort en peine de
voir fur nia tête un plancher qui ne vaut rien , 8c
qui menace ruine. Sire, dit le chancelier, il faut
confuiter les architectes, bien examiner toutes
chofes, & y faire travailler, s'il en eft befoins
mais il ne faut pas aller fi vite.
Le roi fit enfuite entrer M. de Villeroî, 8c lui
tint le même difeours : il répondit, fans regarder
feulement le plancher, vous avez'grande raifon,
lire , cela fait peur. Après qu’il furent fortis, entra
le préfident Jeannin , qui-1, à la même queftion,
répondit : Je ne fais pas, lire, ce que vous voulez
dire j voilà un plancher qui eft fort bon $ mais ,
reprît le roi, ne vois je pas là haut dès crevafler,
ou j’ ai la berlue? A lle z , alle z, lire, dormez en
repos 5 le plancher durera plus que vous. Quand
les trois miniftrés furent fortis , le roi dit à l’am-
bafladeur : Vous les connoiflèz à préfent. Le
chancelier ne fait jamais ce qu'il veut faire; Vil-
leroi dit toujours que j'ai raifon; Jeannin dit tout
ce,qu’il pe.rife, 8c penfe toujours bien; il ne me
flatte pas, comme vous voyez.
Un archevêque de Reims difoit qu'un homme
lie pouvoit être honnête homme à moins de dix
mille livrés de rente. Comme on parloit d’une
perfônne , il demanda fi c'étoir un honnête
homme. .Non , monfeigneur, répondît-on, il s’en
faut de quatre mille livres détente qu'il ne le foit*