
afin qu’il décidât dans quel vafe on feroît cuire
un turbot d’une grotteur prodigieufe dont on lui
avoir fait préfent. On ajoute qu’un vieux féna-
teur qui n’ y voyoît plus, fe réciia fur la beaute
de ce poitton qui étoit derrière lui.
L’hiftoïre fa t mention d’une fête que Domitien,
à l’occafion de fon triomphe fur les Daces , donna
aux premiers dufénat & de l’ordre des chevaliers.
Cette fête eft une preuve du goût bizarre de ce
prince, qui fe faifoit un1 dlvertiffement des inquiétudes
8c des peines d’autrui. Les fénateurs 8c
les chevaliers s’étant raflemblés pour affifter au
repas où il les avoit invités, il les fit introduire
dans une fille toute'tendue de noir , 8ç éclairée
par quelques lampes fépulçhrajesi qui répandoient
une clarté encore plus effrayante que les ténèbres.
Chaque convive Çe trouva placé vis-à-vis un cercueil
fur lequel il vit avec effroi fon nom écrit.
Dans le moment, une troupe de pefts en fans barbouillés
de noir depuis les pieds jufqu’à la tête ,
pour ceprcfenter les ombres infernales, paroiffent j
autour de la table, 8c exécutent une danfe qui
avait quelque chofe de fimftre 8c de lugubre.
Cette danfe finie, ils fe distribuent chacun auprès
de celui des convives qu’il devoit fervir. Les mets,
furent les mêmes que ceux que l’on ayoit coutume
d’offrir aux morts dans les cérémonies funèbres.
Un filence ftupide régnait dans cette affem-
blée, Domitien feul parloit, 8c il n’ entretenoit fa
compagnie que de’morts 8c- d’aventures fanglàn-
tes. Le dernier ade de cette farce .fut le plus e ffrayant;
les convives fe virent reconduits par des
gens inconnus qui les firent entrer dans différentes
yoitures, mais c’étoit pour les tranfporter chez
eux. Ils commençoient à refpirer lorfqu’on annonça
à chacun d’eux un meffager de la.part de l’empereur;
nouvelle tranfe; mais ce meflager etoit un
erffant, le même qui âvoic fervi-à table. On 1 a-
voit paré de fes ajuffemens ordinaires. Il etoit
chargé de préfins de ïa part de l’empereur, 8c
qui confiftoient en quelques pièces d argenterie \
qui avoient fervi au repas.
Quand ce monftre auroit vécu long-temps , il
auroit été aflez puni par les cruautés 8c Jes noires
foucis qui l’agitoient fans cefle. Il avoit fait revêtir
Une grande gallerie d’une, efpèqe de pièrre
fpéculaire, capable de réfléchir les rayons* afin
de pouvoir, être . averti quand il fe promenoit fi
quelqu’un s’apprôchoit de lui. Toutes les avenues
d’ ailleurs de fes appartenons étoient forgneufe-
ment gardées : mais dans ces murs, dit Pline, où
il crut mettre fa vie en sûreté , il enferma avec lui
la trahifon', les : embûches & un Dieu vengeur.
Ses affranchis les plus chéris, fa femme même ,
fufvant quelques hiftoriens, yqyant wnl étoit
suffi daiigéreux' dans fes amitiés que dans fes
haines,' 8c qu’il ne mertoit aùcunè borne a fss
apojfstions, le firent^affafli.nçt tteps fa chambre.
D O R A T , ( Jean ) mort en 1588, âgé de 80
ans.
Dorât avoit reçu de la nature un extérieur dé-
fagréable, mais qu’il favoit faire oublier par fes
qualités du coeur 8c de l’efprit. Perfonne ne çom-
pofoit avec plus de facilité que lui des vers Grecs t
latins, françois, facilité dont il abufà. On aurait
dit qu’il étoit le poète banal du royaume. Les
moindres événemens échauffoient fa verve , & lui
firent compofer aes vers jufqu’à la fin dé fes jours.
11 fembloit ignorer que les poètes, à l’exemple
des belles, doivent, lorfqu’iis font fur le retour>
fe retirer de la fcène du monde.
Dorât époufa dans un âge fort avancé, une
jeune perfonne de dix-neuf ans. Comme fes amis
lui reprochoient un amour qui paroiflbit hors dé
faifon ; il répondit que cela lui devoit être permis
par licence poétique; mais, lui répliquoient-ils,
fi vous vouliez paffer à un fécond mariage , pourquoi
ne pas époufer une femme d’ un âge plus mur
8c plus convenable au vôtre L C ’eft , dit-il , que
j’ ai mieux aimé qu’une épée nette 8c polie me
1 perçât le coeur, qu’un fer rouillé.
Dorât ayant fait part de fon mariage à un dé fes
amis, la veille de fes noces; &i cet ami, lui té-
• moignant de Pétonnement de ' cette nouvelle , à
cmfe defon grand âge , 8c de la jeunefle de la
.fille; il fe contenta de lui répondre : Elle fera
i demain femme ; ce qui eft un mot de Cicéron.
D O R A T ( Clgude Jofeph ) , né en 1755 >
mort en 1780.
Son poème de la Déclamation. 8c d’autres poe-
fies légères lui ont fait la réputation de poète aimable
8c ingénieux. Il a auffi compôfé des pièces
de théâtre, 8c le même jour il a fait jouer Regu-
lus tragédie , 8c la feinte par amour comédie ; on
a dit à l’occafion des deùx ouvrages.
• Dorât qui veut tout ' effleurer
Tranfporré d’une double délire,
Voulut faire rire & pleurer,
Il ne fit ni pleurer ni rire.
Dorât eut des amis, 8$ futlesconferver;
Il étoit au lit très malade lorfqu’on donna la
première repréfantation de la veuve^du malabare
de M. le Mierre, il chargea quelqu’un de veni»
lui ep annoncer le fuccès , cela me fera, dit- il,»
pajfer upç bopne nui.t. Ce fut la dermere.
\Üne.heure avant que U- Dorât mourût, fon
. médecin vint;,1e vpjr t «.Comment me trouvez-
1 » ; vous, dit le malade ? — On ne peut pas plus
~ Faible , 8c fi j;étois de vous, • • • " " .
„ yous entends interrompit le morioondy. A peine
le doéleuv,fùt-il parti, que çe poçte dit à fon 4°^
rheftique ! « Ils font plaifans ces médecins ! ils
* voient tout de mauvais oeil. Le mien nie trouve
» trèsraffoibli, 8c je me feris fort bien Il répéta
enfuite deux vers qu’il venoit de faire pour
commencer une fatyre contre les médecins, &
en achevant le fécond, il rendit le dernier fou-
pir.
On a fait ces vers pour le portrait de Dorât.
Peintre heureux des plaifirs, fa verve eft dans fon coeur;
Il vole en fe jouant au temple de mémoire ;
Les grâces & Thalie ont le foin de fa gloire,
L’amour & l’amitié celui de fon bonheur.
DOUAN E. Un voyageur anglois, arrivant fur
la frontière de France, fut conduit à la Douane
pour être préfent à la vifite que les employés dévoient
faire de- fes bagages : il avoit dans fa
malle environ trente paires de bas de foie pour
fon ufage ; on le preffa d’en acquitter les droits à
yaifon de trois livres pour chaque paire ; Langlois
demanda aux commis fi ces bas n’étoient pas à
lui , 3c s’il n’étoit pas le maître d’en difpofer à
fon gré? Perfonne ne vous contejlé cette propriété,
lui répondit-on ; à ces mots le voyageur étale fes
bas, 8c les prenant les uns après les autres, les
coupe par le millieu, les jette dans la boue 8c les
foule aux pieds avec le plus grand fang froid. Les
employés eurent beau crier que ce n’étoit pas là
çe qu’ ils demandoient; Langlois continua fon
opération , aimant mieux fe priver de fes bas que
d’acheter le droit de leur faire traverfer la France.
Un théologal de province , qui n’étoit jamais
venu à Paris, s’étoit placé dans un ça-
rofle de voiture pour faire ce voyage.. Pendant
le chemin , comme il n avoit ' rien de
mieux à faire, il fe mit à dormir. Lorfque le
foir ■ on fut arrivé aux ; barrières , les commis
pour les entrées vinrent démander fi l’on n à-
Voit rien a déclarer : quelqu’un répondit aüffi-
tot , nous avons Un théologal qui ne fait que
ronfler y voyez ce qu’il vous faut. Oh ! dit le
commis, qui n’avoit jamais entendu parler de
A jfjflfl là n eft pas fur mon tarir.
-\^ou$n avez qu a percevoir comine1 pour’un
cocnon , lui répondit -on il donne en’ "conféquence
fa quittance, 8c on réveille 'M. le théologal,
qui eft fort fur^ris de ce qu’ iL faut payer
pour entrer a Paris. Mais lorfqu’à là lumière il
eut vu cette quittance, il s’apperçut bien du tour
qu on lui avoit joué, 8c ne s en vanta point/
La princefie de Brunfvick peu de temps après
que f >n mariage* avec le* prince "de Pruffe eyt été
ouvrages de/modes
oe «raace** Les fearèhaddifei payer %n
droit confîderable à Stettin , où elle s’étoit rer
t.'.ree*A comnJls prépofé au recouvrement de
1 impôt , les arrêta, en déclarant qu’il ne le dé-
livreroit qu en recevant les droits qui étoient
dus. La princeflfe les demanda", plufieurs fo is ,
8c reçut toujours la même réponfe ; enfin elle
lui. fit dire un jour de les apporter lui-même ,
8c de venir recevoir l'impôt en perfonne. L ’em-
ploye obéit : il ne fut pas plutôt entré dans
1 appartement de la princefle, qu’elle courut à
lu i, lui arracha la boîte, lui appliqua trois ou
quatre foufflets > le pouffa hors de la chambre,
& ferma fa porte fur lui. Le commis, outré de
ce traitement, fe hâta de dreffer un mémoire
dans lequel il inftruifit le roi de Pruffe de ce
qui s cfoit pafle, de 1 affront qu’il avoit reçu,
8c du deshonneur dont il fe croyoit couvert.
Le monarque ayant lu 1 ec'rit, y répondit ainfi :
«« La perte de l ’impôt eft pour mon compte, les
marchandifes relieront à la prineeffe, les fouf-
3 celui qui, les a reçus. Quant au déshonneur
fuppofé, je l’efface à la requête du plaignant,
il eft nul de fait ; car la belle main d’une jolie
femme ne fauroit imprimer aucun déshonneur
fur la face d un commis des douanes. >»
DOUBLE SENS. Un Allemand qui appre-
noit le françois, vit dans fon dictionnaire que
mfte & équitable étoient fynonymes : il effaya des
bottes qui l.e gênoient : V o ilà , dit-il, des bottes
un peu trop équitables,
uuimc"b a v-- -e-n--a-u-i es *. uu rarraicniiiemens de
toute efpeçe rte manquoient point, on vit un
mafque en domino de taffetas jaune qui vint à
un buffet, ou il demanda une langue fourrée 8c
une bouteille de vin de Champagne , qu’il ex-
pedia avec beaucoup de diligence & de propreté.
Un quart d heure après, arrive le même
domino, & la langue & la bouteille' qui avoien
ete trouvées bonnes, difparoiffent avec une égale
promptitude,. Quelque.- temps après, le même
domino montre encore le même appétit. Cette
cqrpmotjie fe répéta jufqu'à neuf fo is , & il pa-
rut it étrange qu'un f. ul homme pût avoir cette
‘“ fft fK . nrttè fâim dévorante j qu'on le remat-
qua,& qdon. le fuivit..L'énigme fut bientôt expliquée.
On découvrit que ce domino étoit une
compagnie de-cent fuiffes qui fe relevoient l'un
apres 1 autre, a la faveur du domino qu’ils avoient
en commun, pour aller au buffet. On s'amufa
beaucoup, du domino jaune & de fon bon appétit.
' ■ . . r ■
DOUTE. L'homme qui fe refufe au Joute;
dit un auteur moderne, eft fujet à mille er-
’ ï— k ' =* luLmême jrofé la. borne de, fon ef-
prit. On' demindqit un jour à un des plus fa-
vans hommes de la Peife, comment il avoit