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S AD.
5 A D I * poëte & philofophe, fié à Schiras,
ville de Perte , l’an de l’Egire J71, & qui revient
à l'année 1193 de Père chrétienne.
Sadi fut un fage q u i, parafes- allions & fes
écrits, excita fes compatriotes à chercher Leur
bonheur dans la pratique de la vertu.
Un homme avoit quitté la foeiété des derviches
s'ctoit retiré dans celle des fages: Quelle
différence , demandoit-oii à Sadi, trouvez-vous
entre un fage & un derviche ? « Tous deux, répondit
il, traverfent un grand fleuve à la nage
avec plulîeurs de leurs frères ; le derviche s'écarte
dé j à troupe pour nager plus commodément, &
arrive feul au rivage; le fage au contraire nage
avec la troupe, & tend,quelquefois la main à fes
frères ».
Un homme opulent difoit par dérilîon devant le
philofophe Sadi3 que l’èn vôyoit fouvent Phomme
d’efprit à la porte de l’homme riche, & jamais
le riche à la. porte de Phomme d’efprit : a Ç ’ eft ,
répondit le philofophe, parce que Phomme d’ef-
piit fait le prix des richeffes, & que le riche
ignore le piix des lumières ».
C e n’efl point, répétoit-il fouvent, la voix timide
des miniftres qui doit porter à l’oreille des
rois les plaintes des malheureux} il faut que le
cri du peuple puiffe directement percer jufqu’ au
trône. \
Il quitta fa patrie que les turcs défoloient, &
voyagea pendant quarante ans. Les corfaires de
Tripoli le firent prifonnier, & il fut condamné à
travailler aux retranchemens, & à fouiller la terre.
Il fut racheté par un marchand d’Alep , qui lui
donna fa fille en mariage avec une dot de cent fe-
quins. Cette fille étoit d’un mauvais caractère,
6 lui caufoit des chagrins continuels.. Comme il
s’en plaignoit, elle lui dit un jour : « N'es tu pas
celui que mon père a racheté pour dix pièces d’or»?
Oui 3 lui répondit-il, mais i l ma vendu pour cent
fequins.
C e fage avoit un ami qui fut tout-à-coup élevé
à une grande place. Tout le monde alloit faire
compliment à fon ami ; il n’y alla points Comme
©n en paroiffoit furpris, il dit : « La foule va chez
lui-à caufe de fa dignité; moi, j’ irai quand il ne
l’aura plus, & je crois que j’irai feul ».
Je me promenois avec mon ami (c ’ eft Sadi qui
parle) pendant la plus grande chaleur du jour,
fous un berceau d’arbres élevés qui formoient une
T©ûte de verdure impénétrable aux rayons du foleil
Un ruiffeau ferpentoit entre ces arbres, 8c
entretcnoit la f r a î c h e u r d’un gazon épais qui invr-
toir à feiepofer. Je vis l’injuite fur ce gazon ; il
dormoit. Grand Dieu ! difois je , le fi uvenir des
-malheureux qu’ il a faits ne trouble donc pas le
repos de l’inj ufte;.? Mon a m i m’enterrdoit & me
dit : « Dieu accorde le fommeil aux méthans, afiji
que lès bons foient tranquilles ».
S A G E , (Alain René le) né en 1677, mort
en 1747/
Il fe fit connoître par des traductions, enfuice
par des romans de caractère, tels que le Diable
Boiteux, Gilblas, Gufman d’Alfarache, le Bachelier
de Salamanque, & c . Il eil ie premier qui
ait-bien fiifi le genre des pièces de l’opéra-comique;
& il en a compofé un grand nombre, feul
©u en foeiété. Il fit auffi des comédies, entr’au-
trés Turcaret, qui eft une fatyre fanglante contre
les traitans dont il avoit à fe plaindre.
Le Sage étoit devenu abfolument feurd dans fa
vieilleffe ; cependant il ne difcontinuoit.point d’aller
à la repréfentation de fes comédies, & n’en
perdoit prefqüe pas un mot. Il difoit même qu’il
n'avo t jamais mieux jugé ni du jeu, ni de fes pièces,
que depuis qu’il n’entendoit plus les aâeurs.
Sage ou, philofophe. Fontenelle a dit : «Le fage
tient peu de place & en change peu ».
Il y a trois fortes de fages qui doivent paroître
bien différens. '
Les premiers font des hommes divins qui, dès
leur, jeuneffe, fe conduifent bien par leur feule
réflexion.
Les féconds, font ceux qui deviennent fages
aux dépens des autres, & à qui les fautes d’autrui
donnent matière à réflexion, pour ne pas'tomber
dans les mêmes erreurs : à ceux-là Le raifonnement
n’a pas fuffi, il leur a fallu l’expérience du malheur
des autres, f
Les troifièmes, incapables de fe conduire par
eux - mêmes, & manquant de raifon pour profiter
des égaremens d’aiu rui, ne deviennent fages,
qu’ à leurs propres dépens. La fageffe coûte fouvent
à ceux-là le repos & leur fortune.
• Un homme fage fe doit reconnoître à la conduite
: celui qui m’exhorte me doit montrer l’exemple;
je ne crois point à la morale qui n’efl: point
perfuadée par la pratique de la vertu.
On confciüoit à un père d’attendre que fon fils
s a 1
fût plus fage pour le marier. <* Votre eonfeil,
répondit-il, ne doit point être fuivi ; car fi mon
fiis devient fage, il ne fe mariera pas.
Alexandre le Grand envoya cerit talens en pré-
fent à Phocion. Celui-ci demanda à ceux qui les
apportoieht pourquoi Alexandre adreffoit ce pré-
ftnt à lui feui entre tant de perfonnes qui étoient
i Athènes. C ’eft, lui répondirent-ils, parce que
les Athéniens reftiment être le plus fage d’entre
eux. — Que ne me laifïe t-il donc, répliqua-
t-il, conferver cette qualité, & pourquoi .veut-il
qu’en acceptant Tes préfens, je ceffe d’ être fage ?
On demandoit à un fage lequel de tous les animaux
étoit le plus redoutable à l'homme ? Entre
les fauvac-.es, dit-il, c’eft le calomniateur ; entre
les domeftiques , c ’eft le flatteur.
Simonide interrogé, ce qui étoit le plus à
fouhaiter , les richeffes ou la fagefle ? « Je fuis,
répondit-il, fort en doute là-defluî, je vois beaucoup
de fages venir faire la cour aux riches ».
SAIGNEE. L ’imbécillité défigna, pendant plus
de fix cens ans, fous le nom burlefque de minu-•
tion, la faignée périodique que chaque religieux
effuyoit forcement, aux quatre faifons de l'année^
Malade ou fain , aucun n’étoit à l’abri du coup
de lancette; le fang devoitmême couler, jufqu’à
ce que le fupérieuc fît appliquer la compreffe.
C ’eft ainfi que du temps de Saint Louis les fai-
gnêes e'toiént très-fréquentes, au point que ce prince
fut obligé d ’impofer des loix aux reügieufes de
l’Hôtel-Dieu de Pontoife, par lefquelles il ne leur
fut permis de fe faire faigner dorénavant que fix
fois par an ; favoir : à N o ë l, au commencement ■
du carême', à Pâques, à la faint Pierre, dans
le mois d’août & à laTouffaint. On trouve les |
mêmes Ordonnances, dans les ftatuts des chartreux
, faits par le vénérable Guigne, leur cinquième
prieur.
Il y avoit encore des ordres religieux, dans
lefquels c’étoit une règle & une difeipline du
cloître de fe faire faigner tous les ans au moins
une fois; c’ étoit une fête pour le couvent, lorf-
que l’époque de la faignée arrivoit. La faignée eft
•encore une règle de pratfque dans les couvens
cloîtrés des religièufes. Envain leur a-t-on fa it,
à ce fujet, des repré Tentations ; elles font en pure
perte : les reügieufes regardent les faignées comme
un befoin indifpenfable de leur état.
U n e . femme trouvoit mauvais qu’on faignât
plufîeurs fois de fuite fon mari ; comme à la troi-
fième faignée, le médecin lui dit qu’elle voyoic
pourtant bien que fon mari étoit fouiagé, elle
répondit naïvement : eh 1 monfîeur, il ne falloit
faire qye certe troifième faignée.
Un payfan , condamné à être pendu , envoya
quérir un, chirurgien > pour fe faire faigner. » Je
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n’ ai jamais été fiigné, lui. ditril: on dit que la
première faignée l'auve la vie ».
Lç maréchal d e ..., étant en voyage , fe trouva
mal , & fut obligé de s’arrêter dans le village pour
fe faire faigner : on avertit le chirurgien du Jieu j
fon air n'infpiroit pas bqgucoup de confiance-
cependant le maréchal confentit de s’en fervir.
Gomme le chirurgien étoit prêt de le piquer, le
maréchal retira un peu le bras : il me femble ,
. monfeigneur, dit le cadédis, que vous craignez
la faignée ?' C e n’eft pas la faignée que je crains,
répondit-il, c’eft le faîgneur.
Un chirurgien , après avoir foigné pendant
; plus de deux mois, & guéri la femme d’un
'berger, qui avoit une maladie très-dangereufé,
n’exigea rien pour fes foins, ni même pour les
; -remèdes qu’ il avoit fournis, parce qu’il connoiffoic
. l’état de misère où étoit réduite cette famille :
cependant le berger defiroit bien exprimer fà
reconnoiffance ; il fe rappella que fon bienfaiteur
ufoit du tabac. Il acheta une tabatière de buis ,
& grava fur le couvercle la figure d’ une demoi-
■ Telle aflife, qu’ un chirurgien faignoit, avec cette
légende autour : Je te bleffe pour te guérir. Il offrit
enfuite la tabatière à fon Efculape ; qui la reçut
avec beaucoup de piaifir. Plufîeurs perfonnes qui
l’ont v a , ont jugé cet ouvrage digne de nos
. meilleurs artiftes. ( Affiches de Montpellier , 1774,. )
Beautru étant tombé malade, de. la maladie dont
il mourut, & fes médecins ayant opiné pour la
faignée , il ne voulut jamais la laiftèr faire. Le
roi, qui l’aimoit, ayant appris fa réfiftance, lui
fit dije qu’il Tehxortoit très-fort à fe Iaiffer fai-
gner^ Beautru répondit à celui qui étoit envoyé
par le roi : Je naime pas les faignées de par le roi.
/ » Il eft d’ufage, en Savoye , dit Menage^ue
celui qui eft faigné reçoit des préfens. Un jeune
homme qui s’étoit fait faigner,, en ayant reçu un
de fa maîtreffe, lui écrivit .* Je vous remercie de
votrepréfent pour la plaie de mon bras.... mais celle
du coeur / »
SAILLIE. C e mot, qui vient du latin falire
fauter, fignifie le paffage brufque d’une idée à une
autre , dont le rapport trop éloigné n’étoit pas
d’abord apperçu. Les faillies tiennent le même rang
dans les opérations de l’efprit, que l’humeur oa
la boutade dans l'es affëéfions du coeur. Ces tran-
fitipns fubites & inattendues, ne fuppofent pas
toujours une grande étendue de lumières ; mais
elles cara&érifent l’efprit. Les gens gais ont des
faillies de plaifanteries ; les méchans , de méchancetés
; les perfonnes naïves, de naïvetés.
M. le préfident de la M*** joignoit aux manières
les plus douces & les plus flatteùfes, une
forte d’efprit que cet extérieur rendoit plus pi-
piqaant ; il était fort gros. Un jour , au parte«©
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