
» dit le. roi * je ne faurors tenir contre ceux qui
» s'humilient ; j'ai le coeur trop tendre pour re-
» tufer une courtoifie aux larmes & aux prières
» de ce que j’aime ».
Henri I V déguifoit le reproche avec une aimable
indulgence, & le corrigée» même par une louange
délicate , à l’égard de ceux qui d’ailleurs avoient
un fens droit & des taîens utiles. Il difoit quelquefois
en riant : avec mon connétable qui ne
fait pas écrire, & mon chancelier qui ne lait pas
le latin , il n’y a rien que je ne fois en état d’entreprendre.
Henri I V répétoit fouvent que fa vie dépendoit
de Dieu & non des hommes, & que les crimes
de lèfe-majefté ne demeuroient jamais impunis :
« Les françois, ajoutoit-il, ne me connoiftent
» -pas bien > ils fauront ce que je vaux, quand ils
» m’auront perdu».
Henri I V ayant adreffé au parlement de Dijon
un édit, portant augmentation de deux écus par
chaque minot de fe l , les états de Bourgogne
députèrent aufli-tôt M. l’abbé de Cîteaux , ou le
baron de Senecey, & le députe du tiers - état ,
pour remontrer au roi 1 importance de cet edit,
& le préjudice que fon fervi.ee & la province en
füuffriroient s’ il étoit exécuté. Quoique Labbé de
Cîteaux fût fort habile homme , néanmoins fa harangue
ne fit pas beaucoup d’impreifion fur l’ef-
prïr du roi. C e prince ayant fait fortir de fon cabinet
les députés, y fit demeurer M. de Senecey,
a q >cl il demanda comment alloient fes amours
avec mademoifelle«le Rendan qu'il recherchoit,
& qu'il époufa depuiSl M. Senecey répondit qu’il
lui fercit facile d’y rëuflîr, puisque fa majefté
avoît la bonté de s’en vouloir mêler ; furquoi Je
roi lui ayant demandé s’il n’etoit pas vrai qu il
avoir plus à coeur la recherche de mademoifelle
de Rendan que tout l'intérêt de la province de
Bourgogne, M. de Senecey répondit : « Sire, je
» fupplie- très-humblement votre majefté^de me
„ faire cette juftice de croire que l'intérêt de Ja
» province m’eft infiniment plus fenfible que le
» mien propre ; & fi votre majefté me donne» la
» liberté d’ajouter une raifon a toutes celles qu a
„ dit l'abbé de Cîteaux, je pourrois l ’affurer,
avec vérité, que fi l edit avoir lieu, il arriveront
” infailliblement que la plus grande part des ha-
bitans des villages de votre duché de Bour-
w gogne, limitrophes de la Franche Comté , s’y
retireroient pour y trouver du fel a meilleur
marché , & prefque pour rien : c'eft une vérité
fi confiante , qu’on a déjà reconnu une dimi-
» nution .nctjble ejans les ventes des greniers à
» fel de cette frontière-là». A ces mots les larmes
tombèrent des -yeux du ro i, qui, fe mettant en
colère, s’écria : « Ventre-faint-gris ! je r.e veux
9> pas qu'il foit dit que mes fujets quittent mes
» états pour aller vivre fous un prince meilleur
» que moi ». Et à l'inftant ayant fait appeler
M. de Sully, lors furintendant des finances, il lui
ordonna de faire dreffer un arrêt qui révoquât cet
édit, ce qui fut exécuté le lendemain;
Henri I V defîroit tenir fon empire, de l’amoup
& non de la force. Ferme quand le bien publiç
l’exigeoit; jamais il ne fut enivré de l’abfolu pouvoir
, qui a tant de charmes pour les princes
foibles. Des flatteurs de la cour l’exhortant, dans
une occafîon délicate, à faire un coup d’autorité,
il leur fit cette réponfe digne d'être gravée fur
tous les palais des rois : «« La première loi du
» fouverain eft de les obfervèr toutes ; & il a
» lui-même deux fouverains : Dieu & la loi ».
Cafaubon d it , dans le recueil de fes lettres,
qu ‘Henri I V avoit traduit, les commentaires de
C é fa r , & qu’il avoit commencé d’écrire fes
mémoires avec defiein de les finir, fi les foins
de l’état lui permettoient de refpirer.
L ’agriculture fut chère à Henri I V , ainfi que
ceux qui l’exerçoient. Il fit un jour goûter du
vin de fes vignes à un ambaffadeur d’Efpagne, &
lui dit : « J'ai une vigne , des vaches & autres
» chofes qui me font propres; & je fais fi bien le
» ménage de la campagne que , comme homme
» particulier, je pourrois_encore vivre commo-
» dément ».
Il protégea le conmerce ,- la navigation, les
manufactures, même celles de luxe; il approuva
le projet du canal de Briare ; il fit embellir &
agrandir la capitale ; Saint-Germain-en-Laye,
Mouceaux, Fontainebleau furent augmentés par
fes ordres ; il ferma la Place-Royale, & fit ref-
taurer tous les ponts, fit achever ce beau pont
où les peuples regardent fa ftatue avec atten-
driflfement. Ce fut à cette occafion qu’un poète
fit cës quatre vers :
Ce bronze étant du grand Henri l ’image,
Qui fut fans pair en armes comme en lo ix ,
Reçoit ici de fon peuple l’hommage ,
Et fert lui fèul d’exemple à tous les rois.
Le jour à jamais funèbre qu Henri IV fut
affafliné , jour dont la France ne peut fe fou-
venir fans douleur ; outre tant de prodiges dont
les hift.oriens -ont fait mention , qui fembloient
ptéfager une mort fi déplorable, il arriva à Pau ,
ville capitale du Béarn, qui a eu l'honneur de
le voir naître, des"chofes qu’on auroit de la peine
à croire , fi des procès-verbaux authentiques n’en
faifoient foi. Le tonnerre tomba le matin fur la
porte du château où les armes de ce monarque
étoient arborées en fculpture, & enleva les lettres
de fon nom qui étoient aux deux côtés de l’écu.
L ’après-dînée-, comme le bétail : révenoit. de la .
campagne, un taureau du château, qu'on appe-
io.it !e r o i, pour le diftinguer des taureaux de
Ja ville » fans y être excité, par quoi que ce foit,
fe précipita de lui-même dans, le foffé, & fe tua ;
de forte qu’à la même heure qu’ on difoit a Paris
le roi eft mort, on difoit à Pau.la même chofe
fans.penfer le dire juftement.
H ENRI V I I I , roi d’Angleterre, mort en
1 54? à 57 ans.
Henri V I I I , parvenu fur le trône d’Angleterre
à l’âge de dix-huit ans , chercha à fignaler le
commencement de fon règne par quelqu’exploic
éclatant. Il entra dans la ligue que. Maximilien
& le pape Jules II avoient fait contre la France.
Maximilien avoit reçu de Henri de grandes avances
de fommes d’argent. Cet empereur, qui avoit
obfervé que le caraéfcère du monarque anglois
étoit d’être plus fenfible à la gloire qu’ à l’intér
ê t, s’enrôla lui-même à fon feryiee, dans le
deffein de le flatter, porta la croix de S. George,
&■ reçut la paie de cent écus par jour comme un
des fujets & capitaines de ce-prince. Mais tandis
que Maximilien donnoit à l’Europe l’étrange fpec-
. tacle d’un empereur fervant fous un roi d'Angleterre,
il étoit traité par Henri avec le plus grand
refped, dirigeoit réellement toutes les opérations
de la guerre. •
. Les anglois mirent le fiège devant Térouene,
qu’ils prirent après la Journée des éperons, en 1513,
ainfi appelée, parce que les françois fe fervirent
ce jour-là de leurs éperons plus que de leurs épées.
Henri , après s’être rendu maître de quelques
autres places, retourna ,eh Angleterre avec plusieurs
prifonniers françois. Il marcha contre les
écoflois qui avoient fait une irruption dans fon
royaume, & les défit à la bataille de Fiouden, où'
Jacques IV , leur roi, fut tué.
Les guerres qgi déchiroient l’Europe, ayant
été terminées par une paix générale, Henri V I I I
entra bien-tôt après dans celles qui divifoient
leglife. Les erreurs de Luther venoient d’éclater.
Le monarque anglois, qui avoit perdu à l’étude
de la fcholaftique un temps qui poüvoit être plus
utilement employé à approfondir les principes du
gouvernement, écrivit contre l’héréfiarque Luther
un livre intitulé : Les fept Sacremens. .Quoiqu’il
y ait apparence que Wolfei, Morus & Gardiner,
aient eu beaucoup de part à la compofition de cet
ouvrage, il valut au monarque anglois le titre de
Défenfeur de la Foi.
Fùller rapporte1' à cette occafîon dans fon hif-
toire de l’églife, que Patch, le fou de la cour,
voyant un^jour le prince de bonne humeur, lui
en avoit demandé la raifon, & que le prince lui
avoit répondu, que c ’étoit à caufe du titre de
Défenfeur de la Foi y fur quoi le fou lui répliqua :
« Je t’en prie, mon cher Henri 3 défendons-nous
» nous-mêmes, & laiflons la foi fc défendre feule ».
( Fuller ).
Anne de Boulen, qu Henri V I I I avoît époufée,
ne jouit pas long-temps de fon triomphe. Leroi,
qui lui avoit facrifié Catherine d’Arragon, la fa-
crifia elle-même à Jeanne de Seymour. L’humeur
enjouée de la jeune reine pouvoit fournir des
armes contre lie ; on en profita pour rendre plii-
fieurs de fes actions criminelles. Le roi, épris des
charmes de fa nouvelle maicreffe, écoutoit avidement
tout ce qu’on lui difoit contre fa femme.
Il s’oublia même jufqu’à l’accufer d’adultère dans
la chambre des pairs. La manière dont l’archevêque
de Cantorbéri, Thomas Crammer, s’y
prit pour défendre Anne, dont il avoit reçu des
bienfaits, ne pouvoit être ni plus fine, ni plus
infinuante. « Comme, dit-il au roi d’Angleterre,
» je n’ai jamais eu meilleure opinion d’aucune
» femme que de la vôtre, je ne puis la croire
» coupable. Mais quand je vois la rigueur extrême
» dont votre majefté ufe envers elle, après l’avoir
» fi tendrement aimée, je ne puis imaginer qu’elle
» foit innocente. J’ efpère néanmoins que votre
» majefté ne trouvera pas mauvais qu’ayant de
» grandes obligations à cette princefle,.je prie
»■ Dieu de permettre qu’elle fe juftifie pleinement
» de tout ce dont elle eft accufée. ( Amelot).
Le parlement d’Angleterre, qui ne fut jamais
que l ’inftrument des paflions du roi, condamna
la reine au fupplice fur les dépofitions de quelques
témoins. Ces dépofitions prouvoient qu’elle n’étoit
pas tout-à-fait innocente, ni aufli coupable que
fes délateurs vouloient le perfuaderr Elle avoit
tenu quelques difeours imprudens , mais que l’on
ne devoit attribuer qu’ à fa vivacité naturelle.
Lorfqu’on lui lut fon arrêt, elle fit paroître beaucoup
de coprage & de tranquillité. Avant de monter
fur l’échafaud, elle envoya fon dernier meffage
au roi, pour le remercier ae ce qu’il continuait
toujours de contribuer à fon élévation : De (impie
demoifeV.e, lui difoit-elle, vous me fîtes marquife,
de marquife reine,3 & de reine , vous voulez aujourd'hui
me faire fainte.
Jeanne de Seymour, que l’inconftant monarque
époufa vingt-quatre heures après que cette fan-
glante tragédie venoît d’être jouée, ne jouit de
fon élévation que jufqu’au mois d’oélobre 1537#
Elle mourut en donnant la vie au prince Edouard.
Henri3 quoique fenfible à fa perte, n’en fongea
pas moins à former de nouveaux liens ; il demanda
en mariage à François I la duchefie de Longueville;
mais François l’avoit promifeàu roi d’Ecofle,
& ce monarque donna à Henri le choix des deux
foeurs cadettes de la duchefle, enl’aflurant qu’elles