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«les caprices qui ne la rendoient que fingu-
iicre.
Elle accueillit tous les favans $ elle n’étoit pas
fâchée de leur faire parade de fes études. Ménage^
qu'elle connoiffoit déjà de réputation, étoit l’in-
troduéleur des perfonnes de quelque confidération
qui venoient la faluêr. Il ne manquoit pas, en les
préfentant, d’ajouter : C’ejl monfieur un tel, homme
de mérite. Un jour la reine, fatiguée de ces vilïtes,
dit d’ un air chagrin : Ce monfieur Ménage connoît
bien des gens de mérite 1
Comme elle aimoit à fe trouver aux affemblées
des favans 8e des gens de lettres, elle fe rendit
dans une de ces affemblées qui fe tenoit chez le
duc de Guife. Gilbert, fon refident en France, y
lut une comédie en vers de fa composition , dont
les plaifanteries étoient un peu libres. Chapelain,
auteur du poëme de la Pucelle, Se alors en confidé-^
ration, confulté fur cette pièce, en blâma la licence.
Chriftine fe retourna aufli-tôt vers Ménage
qui avoit. affilié à cette leCture, & IuLdemanda ce
qu’il en penfoit. C e favant, qui avoit pénétré les
fentimens de la princeffe, loua le drame fans ref-
triétion. *> Je fuis bien aife, lui répartit auflitôt
» Chriftine, que cette comédie foit de'votre goût.
» On peut s’en rapporter à vous. M ais, pour votre
» Monfieur Chapelain ; que c’ eft un pauvre hom-
» me! il voudroit que tout fût pucelle. «
L ’illuftre Suédoife, après avoir vu tout ce qu’il
y avoit de curieux à Paris, & mêmeinflruit des
amateiirs domiciliés de ce qu’ils ignoroient, die
quitta la capitale. El!e voulut voir, en paffant par
Senlis, la célèbre Ninon qui y demeuroit. Ce fut
la feule femme pour qui elle témoigna de l’eftime ,
c’ eft peut-être parce que cette femme s’étoit aufli
fait homme, 8e fembloit juftifier le goût de Chriftine,
L ’accueil que cette princefîè avoit reçu en France,
lui fit naître l’envie d’y venir une fécondé fois en
1 6 f7» C e fut dans ce voyage qu’elle fit affafliner
fon grand écuyer Monaldefchi dans la galerie de
Fontainebleau. Ce meurtre , qu’ elle voulut faire
paffer pour la punition d’un coupable r é v o l t a
tout le monde.
Elle voulut aflifter à une affemblée de l’académie
françoife qui fe tenoit pour lors chez le chancelier
Seguier fon proteéleur. Il s’agiffoit auparavant de
favoir fi les académiciens feroient devant la reine ou
aflis ou debout. Un académicien, confulté là-deffus,
d it” que le roi Charles IX venoit Souvent du temps
» de Ronfard à des conférences de gens de lettres, 8e
» que tout le monde étoit aflis en fapréfence. «Cette
réponfe décida la queftion. Le directeur fit un
compliment à la reine. On lut enfuite quelques
pièces de vers. Chriftine demanda , à voir quelques
eflais du dictionnaire auquel l'académie travailloit
pour lors. Le hafard préfenta cette phjafe : Jeux
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de princes , qui'ne'plai fient qua ceux qui lesfiont. La.
princeffe plaifanta la première fur ce proverbe-
qui pouvoit la regarder.
Chriftine quitta la France, qui commençoit déjà
à perdre de fa confidération pour elle. Cette princeffe
, après avoir fait plufieurs voyages en Allemagne
& même en Suède, pour folliciter fes pen-
fions 8e charmer fon efpntinquiet, mourut à Rome,
non fans avoir éprouve la vérité de la prédiction du
grand chancelier Oxenftiern. C e chancelier étant
à l’article de la mort, demanda des nouvelles
de Chriftine, 8e expira en difant : sc Je lui ai pré-
« dit qu’elle fe repentiroit de ce qu’elle faifoit...........
M a is .. . . . c’ eft pourtant la fille du'
» grand Guftave ».
Chriftine ayoit un aumônier dont le ventre étoit
fi gros , qu’ à peine pouvoit-il voir fes pieds.
Monfieur l’aumônier, lui demanda-t-elle un jour,
en préfence de beaucoup de monde, quand accoucherez
vous ? Madame, lui dit-il, quand j’aurai
trouvé une fage femme.
Chriftine difoit que le cardinal François Bar-
berin étoit tout chifire.
La reine de Suède étant en France, fut le fujet
de la converfation des ducheffes dans le cercle
qu’elles tinrent chez la reine. On n’ épargna, pas
fa perruque , fes habits , fes geftes ,• fes expr.ef-
fions : on tourna tout cela en ridicule. Elle apprit
qu’ elle avoit été l’objet de la critique maligne
des dames à tabouret : elle chercha à s’en
venger. Elle fçut qu’ elles avoient agité la queftion
fi, à caufe de l’inconftance delà faifon,
où il faifoit fouvent beau le matin 8e froid le foir,
elles porteraient un manchon 8e un éventail tout
à la rois. A la pluralité des voix , on décida
que , fans être ridicules , elles fe muniroient de.
l’un & de l’autre tout enfemble. La reine de
Suède vint à la. cour un jour de cercle, & elle
dit aux Ducheffes : Mefdames, j’ai appris la dé-
eifion de la célèbre queftion fur le manchon 8e
l’éventail. Voici comme je l ’aurois terminée : j’au-
rois défendu l’éventail à la plupart de vous autres
, qui êtes déjà affez éventées, & le manchon à
un très-grand nombre , qui font d’une complexion
très-ardente.
C H R Y S I P P E , m o r t l ’ a n 2 0 7 a v a n t J. C .
Chryfippe , philofophe ftoïcien , étoit fi fubtii
raifonneur, qu’on difoit de lui que fi les dieux
faifoient ufage de la .logique, ils ne pourraient
fe fervir que de celle de Chryfippe.^C e philofophe
avoit encore plus d’amour-propre que. de fciènce.
Quelqu’ un lui demanda à qui il confieroit l’éducation
de fon fils : à moi, répondit-il j car fi je
favois que quelqu’ un me furpaffat en fçavoir, j’irpis
dès ce moment étudier à fon école.
C H U T E yU j ifo ld a t romain, nommé Artorius*
c 1 c
fe Tentant preffé du feu qui bruloit une partie du
temple de Jérufalem , où il étoit enferme , monta
:fur le haut de ce temple, 8e de là il cria à un
nommé Lucius fon camarade, qu’il ledaiffoit héritier
de tous fes biens, s’il le vouloit recevoir,
parce qu’il s’alloit jetter en bas pour éviter les
n àmmes. Lucius lui ayant crié de fon côté qu’il
le vouloit bien , lui tendit les bras. Artorius V êtant
précipité du haut en bas du temple, fut affez
heureux pour tomber entre les bras de Lucius ,
mais avec cette fâcheufe circonftance, qu’en même-
tems qu’il fe confefva la vie, il accabla de fon poids
fon. camarade, 8c le tua.
Le mot C hute , pris dans un fens plus étroit,
lignifie le mauvais fuccès d’une pièce de théâtre;
& cet article feroit un des plus nombreux, fi
nous voulions rendre compte des chûtes même
des plus célèbres des ouvrages dramatiques. Ce
qui doit confoler les auteurs des pièces dont la
chute a été fans appel, c^eft que les meilleures
pièces que nous admirons aujourd’hui, ont fou-
vent éprouvé des chûtes dont elles ne fe font .relevées
que par des circonftances inattendues.
Cahufac entendoit fort bien la coupe d’un ouvrage
lyrique; mais il lui manquoit, ainfî qu’à
bien d’autres, du ftyle 8e du goût. Ses pièces
étoient le plus fouvent affez mal reçues du public
: il fe mit dans la tête que c’étoit une pré- ,
vention, il fie courir le bruit de fa mort, 8e donna
un opéra fous le nom d’un de fes amrs. Tout cela
fut fait danré le plus grand fecret. Cahufac alla au
parterre, où il croyoit jouir de fon triomphe
incognito._ Le poemè déplut à tout le monde ; 8e
plufieurs des fpeélateurs fe tournant de fon côté,
dirent : ce Voilà le défunt ».
Dans une comédie intitulée la Créole, par le
chevalier de la#Morliere, un valet, après avoir
. fait à fon maître le détail d’une fête, lui demande
ce qu’il en penfe : « Que tout cela ne vaut pas
» le diable, lui répondit le maître Le parterre
en chorus répéta ces mots, 8e la pièce eut une
chûte complette. ,
C IC E R O N ( Marcus-Tulli'uS ) , célèbre orateur
8e conful romain , né dans la ville d’Ârpinum en
Tofcane, l’an 647 de la fondation de Rome, c’eft-
à-dire, environ 107 ans avant Jéfus-Chrift, mort
dans fa foixante-troifîème année, viélime delà haine
du triumvir Antoine, qui le fit égorger.
En raffemblant les principaux traits fous lefquels
Cicéron nous eft préfenté par les anciens, on
trouve qu’il 'avoit là taille haute mais mince, le
cou d’une longueur extraordinaire , le vifage mâle
jpe les traits réguliers, l’air fi ouvert Se fi ferein,
qu’ il infpiroit tout à la fois la tendreffe 8e le ref-
peéfc. Son tempérament étoit foible ; mais il l’avoit
fortifié fi heureufementpar fa frugalité, qu’ il l’avoit
rendu fufceptible de toutes lès fatigues d’une vie
laboxieufe, & de la plus confiante application à
<3 I C ’iÇ't
Fétude. Dans les habits & la parute què les fages
ont toujours regardés comme les indices de l’ame,
il obfervoit ce qu’il a prelcrit dans fon traité des
offices , c ’eft-à-dire , toute la modeftie 8é la décence
qui convenoient à fon rang & à fon caractère.
Il aimoit la proprété fans affectation, il évitoit
avec foin les fingularités, également éloigné de
la négligence groffière & de la délicateffe excef-
fîve. Rien n’étoit plus aimable que fa conduite 8c
fes manières dans fa vie domeflique 8e dans la
fociété de fes amis : c’étoit un père indulgent,
un ami zélé 8e fincère, un maître fenfîbïe 8e gé--
néreux. Son humeur étoit naturellement enjouée „
8e fon efpric tourné à la raillerie. L’ ufage qu’il
en fit dans les affaires publiques , fut toujours
affez mefuré pour ne lui attirer aucun reproche ;
mais dans les conventions particulières , il fut
quelquefois accufé de s’être trop abandonné à lit
vivacité de fon efprit , fans faire attention au
chagrin que fes bons mots étoient capables de
caufer. il cultiva la poéfiej mais elle ne fut pour
lui qu’un amufement, 8c comme le délaffement
de fes autres études. Son talent diftinétif, fen
fouverain attribut étoit l’éloquence. Il lui avoit
confacrë toutes les facultés de fon ame , 8e jamais
mortel ne s’eft élevé à la même perfection. Rome ,
obferve un hiftorien élégant, avoit peu d’orateurs
avant lui qui méritaffent de lui plaire ; mais elle
n’en avoit aucun qu’elle pût admirer. Démof-
thènes fut fon modèle. S’il eft vrai, comme quelques
uns l’ont écrit, que Cicéron n’ait ni le nerf,
ni l’énergie, n i , comme il l’appelle lui-même,
le tonnerre de Démofthènes , il le furpaffe par l’a-*
bondance 8c l’agrément de la diélion, par la variété
des fentimens,. 8c fur-tout par là vivacité de
l’efprit. Les expreflions,. en pallant par fon imagination
féconde 8c brillante, prenoient cette couleur
d’urbanité, romaine dont il eft le modèle le
plus parfait. Si cet homme illuftre eut des défauts,
ils venoient moins de fa volonté que de là conf-
titution naturelle. On a remarqué qu’il s’enfloit
trop dans la profpérité*; qu’il s’abattoit .trop dans
là aifgrace , 8c que dans l’une ou l’autre de ces
deux fituations, il fe perfuadoit trop aifément
qu’elles ne dévoient jamais finir. La plus vive 8c
la plus éclatante paflion de fon coeur fut fon amour
pour la gloire, 8c cette foif de louanges que rien
n’étoit capable de latisfàire. Il la confeffoit lui-
même; ilia nourriffoît avec indulgence, 8c la por-
toit fouvent jufqu’ à la vanité. On a quelquefois
tourné en ridicule la vivacité avec laquelle
on lui voyoit célébrer perpétuellement,le mérite
de fes fervices : mais on doit lui pardonner ce
foible de fon caraélère, en faveur de fes talens
fublimes, 8e des vertus éminentes qu’il fit pa-
roître pendant tout le temps de là màgiftrature.
Hift. de Cicéron.
Cicéron, encore jeune, quitta Rome 8c fe rendit
à Athènes, pour s’y perfectionner fous les plus
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