
f70d M Y S
elle tira de fa main fa plus belle bague, 8c la
mit elle-même au doigt de ce nouvel Amphion.
Ce^ fait ra-ppek-ra fans doute , aux- leéteurs inf-
truits , ce qu on lit dans l’hiftoire de racadémie
de Paris , au fujet d'un muficien qui fut guéri
d'une violente fièvre par un concert exécuté dans
fa chambre-
L'évêque de Bellay difoit d’un muficien , qui fe
piquoit d’êtie en même temps poète, peintre &
aftrologue : Cet homme eft Un fo u a quatre parties.
MY STERE. Un peintre qui avoit fait un paradis
pour la représentation d’un myftere, dit à
ceux qui admiroient ce paradis : « Voilà bien le
plus beau paradis que vous vîtes jamais., ni que
vous verrez ».
« C'eft aux italiens, dit M. de Voltaire dans
fes Quejlions fu r l'Encyclodie, qu'on doit ce mal
heureux genre de drame, appelé myftere. I's
commencèrent dès le treizième fiècle, & peut'
être auparavant, par des farces, tirées de l’ancien
8c du nouveau Teftament ~ indigne abus, qui
paffa bientôt en-Efpagne & en France! C ’étoit
une imitation vicieufe des effais que S. Grégoire
de Naziance avoit . faits en ce genre, pour op
pofer un théâtre chrétien au théâtre païen, de
Sophocle 8c d'Euripide. Saint Grégoire de Na-
ziancé mit quelque éloquence &~quelque dignité
dans ces pièces ; les italiens & leurs imitateurs
n'y mirent que des platitudes 5c des bouffonneries
».
« Les Autos-Sacramentales ont déshonoré J’Ef-
pagne beaucoup plus long-temps, que les Myfteres
de la paffion , les Aéles des faints, nos Moralités,
la Mère fotte n'ont flétri la France. Ces Autos-
Sacramentales fe repréfentoient encore à Madrid,
il y a très-peu d'années ; Caldéron en avoit fait
pour fa part plus de deux cents.. Une de fes plus
fameufes pièces eft la Dévotion de la Mijfa. Les
aéteurs font un' roi de Cordoue, mahométan, un
ange chrétien, une fille de joie, deux foldats
bouffons, & le diable. L'un de'ces deux bouffons
eft un nommé Pafcal Vivas, amoureux d'Amirita.
Il a pour rival L é lio , foldat mahométan. Le diable
& Lélio veulent tuer Vivas, & croient en avoir
bon marché, parce qu'il eft en péché mortel :
mais Pafcal prend le parti de faire dire une
meffe fur le théâtre & de la fervir. Le diable
perd alors toute fa puiffance fur lui. Pendant la
meflie, la bataille fe donne ; & le diable eft tout
étonné de voir Pafcal au milieu du combat, dans
le même temps qu’il fert la meffe O h , o h , dit
i l , je fais bien qu'un corps ne peut fe trouver
dans deux endroits à la fo is , excepté dans le
facrement auquel le drôle a tant de dévotion :
mais le diable ne favoit pas que l’ange chrétien
avoit pris la figure du bon Pafcal Vivas, & qu'il
avoit combattu pour lui pendant l’office divin.
M Y S
Le roi de Cordoue eft battu, comme on peut bien
le croire. Pafcal époufe fit vivandière5 & la pièce
finit par l'éloge de la méfié ».
« Dans un autre aéte facramental , Je fus Chrlft
en perruque qu.arrée > & le diable en bonnet à
deux cornes , difputent fur fa controverfe , fe
battent à coups de poing, & finirent par dur,fer
enfemble une farabande. Plufîeur's pièces de ce
genre fe terminent par ces mots : Ite ; comedia eft.
Dtautres pièces, en très grand nombre, r.e font
point facramentales : ce font des tragi- comédies,
& même des tragédies. L'une eft la Création du
Mondes l’autre les Cheveux d’Abfalon. On a joué
le Soleil fournis à l'Homme Dieu, bon payeur,
le Maître-d’Hôtel de Dieu , la Dévotion aux
Trépaffés >. 8c toutes ces pièces font intitulées,
La Famofa Comedia
Dans la tragédie d’Efchyle, la religdn des
grecs étoit jouée comme la religion chrétienne
le fut en France, en Italie 8c en Efpagne. « Qu’elî-
ce en e ffe t, demande ,M. de Voltaire, que ce
Vulcain enchaînant Promethée fur un rocher par
ordre de Jupiter? Qu’eft-ce que la forcé 8c la
vaillance qui fervent de garçons-bourreaux à V ul-
cain, finon arn Auto-Sacramentale grec ? Si Caldéron
a introduit tant de diables fur le théâtre
de Madrd , Efchyîe n'a-t-il pas mis dés furies
fur le théâtre d’Athènes? Si Pafcal Vivas- fert la
meffe, ne voit-on pas une vieille Pythoniffe, qui
fait toutes les cérémonies facrées dans la. tragédie
des Euménides »..
- « Les fujets tragiques n'ont pas été traités autrement
chez les efpagnols, que leurs aéles Sa-
cramentaux. C'cft la même irrégularité, la même
indécence , la même extravagance. Il y a toujours
eu un ou deux bouffons dans les pièces dont le fujet
eft le plus tragique. On en voit iufques dans le
C id ; il n'eft pas étonnant que Corneille les ait
retranchés. On connoît l ’HéracJius de Caldéron,
intitulé : Toute la vie eft un Menfonge, & tout
eft une vérité, qu’on croit antérieur à ITIéra-
clius de Corneille. L'énorme démence .de cette
pièce n'empêche pas qu'elle ne foit femée de plusieurs
morceaux éloquèns, & de quelques traits
de la plus grande beauté ».
« Non feulement Lopez de Véga avoit précédé
Caldéron dans toutes les extravagances d'un
théâtre groffier & abfurde ; mais il les avoit
trouvées établies. Lopez de Véga étoit indigné
de cette barbarie; & cependant il s’y foumet-
toit. Son but étoit de plaire a un peuple, .ignorant
, amateur du faux merveilleux , quj youloit
qu'on parlât à fes yeux plus qu’à fon ame.
Voici comme Véga s'en explique lui-même dans
(on nouvel art de faire des comédies de ffin
temps ».
M Y S
Les vandales, les goths, dans leurs écrits bizarres,.
Dédaignèrent le goût des grecs'& des romains.
Nos aïeux ont marché dans ces nouveaux chemins :
Nos aïeux étoient des barbares,
j L’abus règne, l’arc tombe & la raifon s’enfuit.
. Qui veut écrire-avec décence,
Avec art, avec g o û t, n’en recueille aucun fruit;
Il vit dans le mépiis, & meurt dans l’indigence.
Je me vois obligé de fervir l’ignorance.
D’enfermer fous quatre verroux
Sophocle, Euripide & Térence.
J’écris en infenfé; mais j’écris pour des fous.
« La bouffonnerie fut jointe à l'horreur fur le
théâtre anglois. Toute la vie d'un homme fut le
fujet d'une tragédie. Les aéteurs paffoient de Rome
à Wnife,r en C bvpre, &c. La plus vile-canaille
paroiffoit fur le théâtre ave-ç des princes, & les
princes parloîent fouvent comme la canaille. Lifez
la belle tragédie du Maure de Venife ; vous trouverez
à la première fcène, que la fille du fenateur
fait'la bête à deux dos avec le Maure , & qu’il
naîtra de cet accouplement des chevaux de Barbarie.
C 'e ft ainfi qu'on parloit alors fur le théâtre
tragique de' Londres ».
Moralité. Lî moralité étoit une^ petite .
pièce que l’on jouoit anciennement pour faire rire,
apres les myfteres.
a Je ne vous avois onques puis v u , dit Pa-
nurge dans Rabelais , que jouâtes à Montpellier ,
avec rms antiques amis, la- morale comédie de
celui qui avoit époufé une femme muette. Le
bon mari voulut qu’elle parlât.: elle parla par l’art
du médecin 8c du chirurgien ; qui lui. coupèrent
un encyliglotte qu’elle avoit fous la langue. La
parole recouvrée ; elle parla tant 8c tant, que
fon mari retourna au médecin pour remède delà
faire taire. Le médecin répondit, en fon art,
bien avoir des remèdes pour faire parler les
femmes, n’en avoir point pour les faire taire.
Remède unique être furdité du mari contre celui
interminable parlement defemme. Le paillard devint
fourd, par ne fais quels charmes qu’ ils firent;puis,
le médecin demandant fon falaire, le mari ré
pondit qu’il étoit vraiment fourd, & qu'il n’en-
tendoit f»demande. Je ne ris ©ncques tant, que je
fis à ce patelinage ».
Le fujet d’une moralité intitulée le Mirouer &
Vexemple des enfans ingrats , eft fingulkr. Un père
8c une mère, éliminant leur fils unique, lui abandonnent
généralement tous leurs biens , fans fe
rien réferver. Ils tombent bientôt après dans la
plus grande misère, & ont recours à ce fils à qui
ils ont tout donné; mais celui-ci pour n’être pas
obligé de les fecourir, feint de ne les pas con-
noitre, 8c.les fait chaffer de fa m'aifon. Peu de
temps après, il fe fent une grande envie de manger
un pâté de yenaifoïi ; il le fait faire; on le lui ap-
M Y S 707
porte, 8c il l’ouvre avec empreffement:. Auffi-tôt
il en fort un gros crapaud qui lui laute au vifage
8c s'y attache. Sa femme, fes domeftiques font
de vains efforts pour l’en arracher. Rien ne peut
faire démordre cet animal. L’on foupçonne alors
que ce pourroit bien être là une permiffion divine.
On le mer.e chez le curé, q u i, inftruit de fa
conduite envers fes père & mère, trouve le cas
trop grave pour en connaître, & le renvoie à
l’Evêque. Celui-ci, informé de l’ excès de fon
ingratitude, juge qu’il n”y a que le pape qui puiffe
l’abfoudre, 8c lui conferlle de l’ aller trouverai!
obéit. Dès qu’il eft arrivé, il fe confeffe au Paint
père, qui lui fait un beau fermon, pour lui faire
fentir toute l’énorhiiré de fon crime ; 8c voyant la
fincérité de fon repentir, il lui donne l’abfolution.
A l’inftant le crapaud tombe du vifage de ce jeune
homme, qui, fuivant l’ordre du pape, vient fe
jeter aux pieds de fon père 8c de fa mère pour leur
demander pardon , 8c il l’obtient.
Un autre moralité, intitulée Battre quelqu’un en
diable & demi , peut être ur.e allufion à ce qui fe
pratiquoit anciennement aux pièces de la p iffion.
Plufieurs diables y parorfioient fur la fcène, lesquels
Lucifer leur prince faifoit battre & tourmenter
cruellement, lorfqu'ils ne s’ étoient pas
bien acquittés des commiffions qu’il leur avoit
données.
On repréfentoit encore autrefois, à plus otl
moins de perfonnages , des pièces de dévotion ,
dans iefquelles on faiioit paroître d’ord.naire les
diables qui dévoient un jour tourmenter éternellement
les pécheurs endurcis. Ces repvéftntations
s'appelaient petite vie, grande diablerie; petite,
quand il y avoir moins de quatre diables ; grande,
quand il y en avoit quatre. D ’où eft venu le proverbe
1 Faire le diable a quatre.
Dans le prologue d'une diablerie , l’auteur déclare
le but de fon ouvrage. C e prologue eft de
la grande diablerie d'Amerva!, ouvrage connu' &
cité par de Bure. Un jour, dit-F, étant cou hé
feül dans ma chambre, il me fembla qu'on me
tranfportoit aux portes des enfers, 8c que j’en-
tendois fatan,-qui convertit familièremtnr avec
lucifer, 8c lui racontoit toutes les rufes qu’il em-
ployot pour tenter les chrétiens; car pour les
hérétiques 8c les infidèles, difoit le diable, comme
ils me font dévoués, je ne m'en embarrafie guère.
; Le diable, croyant n’être entendu de perlonne*
décauvroit à fon maître toutes fes rufes, fans
déguifement ; 8c lorfque je fus de retour^ chez
moi, je pris promptement une plume, de l’encre
8c du papier} 8c m’étant mis à écrire, je couchai
fur le papier, non tout ce que j'avois entendui
mais feulement ce que ma foible mémoire a\oit
pu retenir ; afin que les chrétiens, irflr its des
tours de fatan , puffent les prévenir 8c lçfr
éviter;
V Y V Y 2(