
sï voir «. I l eft inutile de dire que la princefle 1
feifla dans ce réduit des marques de fa généro-
fité.
On vint dire à Henri IV que fes troupes avoiçnt
pillé quelques maifons de payfans en'Champagne.
« Meilleurs , dit-il aux officiers qui l’entouroient ,
»»partez, en diligence, donnez-y\ordre , vous
» m'en répondrez. Quoi ! fi on ruine mon peu-
v pie , qui me nourrira ? qui foutiendra les char-
» ges de l’Etat ? qui paiera vos penfions j mef-
« fleurs ? Vive-dieu , s’en prendre à mon peuple,
» c’eft s’en prendre à moi ».
Henri IV ne voulo.it pour courtifans que fes'
braves, & pour favoris que fon peuple. Quand il
écrivoit aux gouverneurs des provinces , il finif-
foit prefque toujours fes lettres par ces paroles :
»> ayez foin de mon peuple, ce font mes enfans ;
» Dieu m’en a commis la garde , j’en fuis refpon-
» fable ».
C e bon prince, quelque teins avant fa mort,
difoit à Sully, fon miniftre : « Si Dieu me fait la
a» grâce de vivre encore deux ans , je veux qu’il
n’y ait pas un payfart dans mon royaume qui ne
mette le dimanche une poule dans fon pot.
Menin eft attaquée par les françois en 1744:
on dit à Louis X V qu’en rifquant une attaque qui
.coûtera quelques hommes, on fera quatre jours
plutôt dans la ville : « Eh bien , dit ce roi bien-
» aimé , prenons - là quatre jours plus tard 5
■ a» j’ aime - mieux perdre quatre jours devant une
?3 place qu’ un feul de mes fujets »»,
BORDELON (L aurent), né en 16y3 , mort
en 1736. Il eft auteur de plufieurs ouvrages bi-
farres , écrits d’un ftyle infipide > tel eft entr’ autres
fon kiftoire des- imaginations extravagantes de
M. Oufie. Cet auteur ayant dit un jour dans une
fociété que fes ouvrages, êtoient fes péchés mortels ,
on lui répliqua auffi-tôt que le public en faifoit
pénitence.
BORDEU ( Théophile de ) , né en 1722, mort
en 1776. C e médecin célèbre ne put jamais fe
délivrer d’une mélancolie profonde, qui jointe à
une goutte vague, l’emporta au tombeau. Il eut
des amis, mais il eut aufli, même parmi fes con-.
freres , des ennemis .cruels. Un d’eux lui fufcita
un procès deshonorant , & apprenant fa mort,
dit : Je n aurais pas cru qu'il fût mort horizontalement.
Une dame dit au contraire , en faifant l’éloge
de fon médecin, que la mort le craignoit fi for t,
qu’elle l’avoit pris en dormant.
C e médecin defîroit que parmi le nombre de
cours qui s’affichent de toutes parts fur toutes
fortes de. matières j on établît aufli un cours de
bon fenÇ)
BORNES DE L'ESPRIT HUMAIN. On de-
mandoit un jour à Newton pourquoi il marche ic
quand il en avoit envie, & comment fon bras
& fa main fe remuoient à fa volonté ? Il répondit
bravement qu’il n’en favoit rien. Mais du moins ,
lui dit-on, vous qui connoifiez fi bien la gravitation
des planètes , vous me direz par quelle
raifon elles tournent dans un fens plutôt que dans
un autre , & il avoua encore qu’il n’en favoit
rien.
Ceux qui enfeignèrent que l’Océan étoit falé , de
peur qu’il ne fe' corrompît, & que les marées
étoient faites pour conduire nos vaifleaux dans
nos ports , furent un peu honteux quand on leur
répliqua que la Méditerranée a des ports & point
de reflux. Mulchembroek lui-même eft tombé dans
cette inadvertance. .
Quelqu’un a-t-il jamais pu dire précifément com-
ment une bûche' fe change dans fon foyer en charbon
ardent, & par quelle mécanique la chaux s’enflamme
avec de l’eau fraîche ?
Le premier principe du mouvement du coeur
dans les animaux eft-il bien connu ? Sait-on bien
nettement comment la génération s’opère ? A-t-on
deviné ce qui nous donne les fenfations , les idées ,
la mémoire ? Nous ne connoiifons pas plus l’ef-
1 fence de la matière que les enfans qui en touchent
la fuperficie.
Qui nous apprendra par quelle mécanique ce
grain de bled que nous jettons en terre fe relève
pour produire un tuyau chargé d’un épi 5' & comment
le même fol produit une pomme au haut
de cet arbre, & une châtaigne à l’ arbre voifîn ?
Plufieurs doéteurs ,ont dit, que ne fais-je pas ?
Montagne difoit : que fais-je ! ( V o l ta ir e ).
BOSSUS , BORGNES & BOITEUX. Nous
réunifions fous un même article trois clafîes d’hommes
marqués à la même lettre. On a en général
bonne opinion de gens marqués au B. On leur
reconnoît habituellement de l’efprit, de la finefle
& delà gaieté.. Les traits fuivans en font preuve.
Un bojfu plein d’enjouement & de gaieté avoit
le bon efprit d’être le premier à plaifanter fur
fa bojfe. Un jour entr’ autres,, dans un cercle de
.vingt perfonnes où il étoit, arrive un homme
qui avoit, comme lui, le malheur d’être affligé
d’une bojfe confidérable , mais devant lequel il étoit
! dangereux de traiter ce point délicat. A peine il
| le voit entrer , qu’il avance deux pas à fa rencontre
, le regarde de la tête aux pieds avec un
air de furprife, & fe rapprochant de fon voifin ,
lui dit à l’oreille, d’un ton affez élevé pour être
entendu de tout le monde « Ah ! mon ami, quelle
bojfe » ! Le voifîn, qui ne s’ attendoit à rien moins ,
part d’ un éclat de rire. Cet éclat fe communique ,
on fe retourne , on fe mord les lèvres, on veut
fe retenir, il n’y a pas moyen. Le nouveau venu
déconcerté, jette fur l’homme à l’exclamation un
regard de travers. Celui-ci, fans s’émouvoir,
haufie les .épaules, & répond, avec un fouris de
pitié : « Ah ! Monfieûr , Quelle bojfe ! —— Mon-
33 fleur, vous m’infultez , dit l’autre , à qui le feu
» monte au vifage, & je veux en avoir raifon ,
33 fortons. — Eh ! monfieûr, répliqua le premier,
33 quand nous fortirions, en feriez-vous moins
33 bojfu ? — Ah ! ç’en eft trop , s’écria le petit
33 homme. En même-temps il tire fon épée &
veut en percer fon ennemi. — Oh ! oh ! tu te
»3 fâches, lui répond froidement fon confrère ,
33 en lui tournant le dos, eh bien, frappe , fi tu
33 l’ofes ».
Un prédicateur prouvoit en chaire que tout ce
que dieu a fait eft bien fait. Voilà, difoit en lui-
même un bojfu qui l’écoutoit attentivement, une
chofe bien difficile à croire ; il attend le prédica.-
teur à la porte de l’églife & lui dit : « Monfieûr,
33 vous avez * prêché que dieu avoit bien fait
33 toutes c ho fes , voyez comme je fuis bâti v.
Mon ami, lui répondit le prédicateur , en le
regardant, il ne vous manque rien , vous êtes bien
fa it pour un bojfu.
Autrefois on eftimoit beaucoup en France un
grand pied 5 & la longueur des fouliers , fur-tout
dans le 14e. fiècle , étoit la mefure de la diftine-
tion. Les fouliers d’un prince ^voient deux pieds
& demi de long j ceux d’un hautbaron, deux pieds.
Le fimple chevalier étoit réduit à un pied & demi.
M. de Saint-Foix. penfe que c’eft d é jà que nous
eft reftée l’expreffion , i l eft fur un grand pied, dans
le monde. Cette expreflion , quelle que foit fon
origine, a fouvent fait naître des plaifanteries.
Un bojfu y qui favoit l’hiftoire apparemment, voulut
un jour faire ufage de ce proverbe contre un
homme qui avoit un pied très-grand , mais fans
aucune prétention à la noblefle. I l faut avouer,
lui dit-il, que vous êtes , Monfieûr , fur un grand
pied. dans le monde. L’homme au grand pied fe
contenta de lui répondre froidement : i l eft vrai ,
Monfieûr, que la fortune ne ma pas tourné le dos,
D ’Alençon étoit fils d’un huifiier au parlement
de Paris , & avoit été reçu dans la même charge.
Il étoit bojfu, & dévoré de la manie de pafier
pour homme d’efprit, quoiqu’il n’en eut que
médiocrement j aufli l’abbé de Pons , autre bojfu ,
qui avoit beaucoup de mérite, difoit de lui, avec
une efpèce d’indignation : 3» Cet animal là deshonore
le corps des bojfws n.
Un jeune homme qui étoit bojfu, en prétendant
ne l’être pas , fut en députation , avec plufieurs
de fes confrères, chez un ancien d’ une compagnie
où il venoit- d’être admis. Cet ancien étoit
bojfu aufli, mais perfonnage facétieux 8c plaifan-
tant le premier de fa bojfe. Àppercevant le jeune
homme , il alla aufli-tôt l’ embrafier & lui dit : « Eh !
bonjour, mon double confrère 3?, Ce propos offenfa
celuî-ci. « C ’eft à tort, reprit-il, que vous m’ap-
» peliez votre double confrère. — Je le vois
30 bien, répliqua l’ancien , pour être de la compa-
» gnie des bojfus il faut avoir de l’efprit 33.
Louis X I comparoit un homme qui avoit une
belle bibliothèque, & qui n’ en faifoit aucun ufage ,
à un bojfu qui porte fa bofîe derrière le dos ,
& qui jamais ne la voit. On dit ordinairement
qu’il 11’y a pas de comparaifon qui ne cloche >
celle-ci paroït aflez jufte.
Galiot de Narni, bofl’u par le devant,
Et d’une bifarre figure ,
Dans la ville de Sienne entroit fur fa monture ;
Un citadin mauvais plaifant
. Lui dit pour le railler : les autres d’ordinaire
Portent leur paquet par-derriere :
Pourquoi portez-vous donc le vôtre par-devant?
C'eft, répondit Galiot, qu’en pays de filoux
On agit de cette manière.
Jëan du Pont-Alais ou du Pont-AlJetz, qui
fut en 15 10, ou environ , auteur, aéteur ou entrepreneur
de repréfentations de myfteres pour les
entrées folemnèlles, étoit bojfu-, & malgré cela
bien reçu à la cour, à caufe de fes bons mots.
Il-approchoit fouvent Louis XII & François I.
Il aborda un jour un cardinal qui étoit bojfu comme
lui, & eut la malice de fe placer près fon éminence,;
de manière que les deux bofles fe touchèrent.
Le cardinal s’en formalifant, Pont-Alais.
lui dit : «* Monfeigneur, nous voici* en état de prouver
que deux montagnes, aufli bien que deux
hommes , peuvent fe rencontrer , en dépit du
proverbe qui dit le contraire 33.
L E B O S S U , conte.
Guillot, boffu par-devant, par-derrière,
Et goguenard ( tous les bofl’us le fon t),
Pour fe baigner, au bord de la rivière,
Mit fes habits, comme tant d’autres font.
Or un voleur à les embler fut prompt.
Mais quand Guillot eut fait fon tripotage,
Et décraflé fon fale parchemin,
11 regagna l’infidèle rivage ,
Bien rafraîchi, mais nud commela main.
, Lors dè plus près avifant fon dommage,
I l le fupporte en empereur romain.
De fouhaiter que le diable t’emporte,
Maudit larron de mon feul vêtement,
Seroit, dit-il , vengeance un peu trop forte.
Pour un tel cas, je voudrois feulement
Pour te punir, du moin s, vaille que vaille ,
Que cet habit acquis fürtivement -
Pût te fervir, & fût jufte à ta taille.
Un homme de la plus haute taille fe promenoit