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f jamais fenti : Le repas frugal qü’il avoir fait lui
procura un fommeil légêr & tranquille. Le mâtin,
il fe leva "frais & joyeux. Le doux fentiment du
plaifir de la- veille affeétoit encore? délicieufement
l'on coeur j & par hafard , ayant rencontré Platon :
« Vos repas / lu i dit-il, ne font pas feulement
agréables pour le moment, ils le font encore pour
le lendemain ».
Cicéron avoit fi bonne opinion des fentimens
de Platon, qu’il difoit : « J ’aimerois mieux me
tromper avec Platon, que de rencontrer la vérité
avee -les autres philofophes ».
PLINE L 'AN C IEN § ( ç Plinius fecundus)
phyficien & natiîral-fte. Il \i\oit fous Vefpafien &
T i t e , qui l’honorèrent de leur eftime, & mourut
vers Tan 79 de Jefus - Chrift,*à l'âge de
ans.
Son ouvragé , tout auffi varié que la nature ,
la peint toujours en beau j c ’eft, fi l’on veut, une
compilation de tout ce qui avoit été écrit avant
lu i, une copie de tout ce qui avoit été fait d’excellent
& d’ utile à favoir ; mais cette copie a de
fi grands traits, cette compilation contient des
chofes raffemblées d’une manière fi neuve, qu’elle
eft préférable à la plupart des ouvrages originaux
qui traitent des mêmes matières.
C e favant naturalifte, ainfi que Pline le jeune
fon n e v e u n o u s l’apprend,' m e n o i t une vie fimple
& frugale , d o r m o i t -peu & mettoit tout le temps
à profit. On lifoit à fa table ; & dans fes lavantes
courfes il avoit toujours à fès côtés fon livre ,
fes tablettes & fon copifte ; car il ne lifoit rien
dont il ne fit des extraits.
Il n’y a peut-être pas d’exemple plus fingulier
de l’afiidijité à là leéture & au travail. Un jour
celui qui lifoit pendant le repas ayant mal prononcé
quelques mots, un des amis de Pline l’arrêta
& l’obligea de recommencer. Pline dit à cet
ami : « V qus aviez"pourtant entendu. Et celui-ci
en étant convenu , »pourquoi donc, ajoutePline 3
avez-ydus fait recommencer le leéteur ? Votre in-
terrupt'on nous a fait perdre plus de dix lignes»..
Dans une autre occafion, ’ voyant fon neveu fe
promener fins livre., il lui dit : cç Vous pouviez
ne pas perdre ce temps».
- « Je donne tout* le jour aux affaires, écrit-il
agréablement à Tite , & je me réferve la nuit afin
de l’employer à la leéture & à la compofition. Ne
ferois-je pas trop heureux encore quand cette conduite
ne me procureroit d’autre avantage que celui
de vivre plus long-temps? Le fommeil emporte
la moitié de la vie ; & c’eft un g a i n * plus sûr &
plus légitime que tous les autres,que de lui 4é- j
j<?ber le plus dç temps qu’il eft poffible », |
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Pline mourut par un accident bien trifte, dont
on trouve le détail dans une lettre que fon neveu
adrefle à Tacite l’hiftorien. Il étoit à Nîmes où il
commandoit une efeadre des romains. Ayant ap-
perçu un nuage d’une grandeur & d’une figure Extraordinaire
qui fortoit du mont Véfuve, il fe hâta
d’approcher pour examiner les différentes formes
que prenoit lucceflivement le phénomène terrible
qu’il vouloit obferver. Il diéta fes obfervations
avec la même liberté d’efprit que s’il n’y avoit
aucun péril à craindre. Cependant une cendre plus
épaiffe & plus chaude commençoitLà voler fur fes
vaiflfeaux à melure qu’ils avançoient. Des pierres
calcinées & des cailloux tout noirs , tout brûlés,
-tout pulvérifés par la violence du feu, tomboient
autour d’eux. Pline délibéra quelques momens s’il
ne s’en retourneroit pas, & le pilote l’y exhor-
r toit; mais un defir infatiable de favoir & de s'instruire
lui fit rejetter ce'confeil timide.« La fortune,
; s’écria-t-il, favorife les hommes courageux. Allons
à Stabies où eft actuellement Pomponianus ». C ’é-
toit un de fes amis qu’il trouva fort occupé à
faire les préparatifs nèceffaires pour s’échapper
par la fuite an péril qui le menaçoit., dès que le
vent qui étoit contraire auroit changé de direction.
Pline l’embraffe, l’encourage ; pour diminuer
la crainte de fon ami par l’exemple de fa
fécurité, if prend le bain ; après le bain il fe met
à table & foupe gaîment, ou du moins*avec toutes
les apparences de la gaîté. Le repas fini, il fe couche
& dort d'un profond fommeil. Cependant l’approche
du danger obligea de l’éveijler«. La cour de
la maifon fe rempliffoic de cendres. & de pierres ,
& la maifon étoit tellement ébranlée par les fré-
quens tremblemens de terre que l’on auroit dit
qu’elle étoit arrachée de fes fondemçns. Les murs
menaçoient à tout moment d’une chute prochaine.
D ’un autre côté il y avoit lieu d’appréhender dans
la plaine campagne d’être écrafé par les pierres
que le goufre lançoit. On fe détermina néanmoins
à fortir, & pour fe garantir des pierres , chacun
fe mit fur la tête des couffins attachés avec des
cordons noués fous les "bras. Déjà le jour com-
mençoit à paroître ; mais autour de P line < circuloit
une vapeur fombre & épaiffe qu’il falloit vaincre
par la lumière des flambeaux. IÎ parut -abfolument
néceffaire de s’éloigner, & on gagna le rivage pour
voir fi la mer feroit navigable; elle étoit plus fu-
rieufe que jamais. Pline fe jetta fur un drap que
l’on étendit par terre. Là , il demanda fucceffive-
ment deux verres d’eau fro/de qu’ilb u t . Dans le
moment fe répand une odeur de fouffre ; & la
flamme fuivit de prés. Tout le monde fe fauve,
Pline fe lève appuyé fur deux efclaves, & dans
l ’inftant tombe mo# , étouffé fans doute par l’air
brûlant qu’jl refpfrà. Deux jours après, fon corps
fat retrouvé entier, fans aucune bleffure , avec les
habits : on eût penfé qu’il étoit Amplement endormi.
PLINE le jeune, ( Coecilius Plinius Secundus )
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réveil & fils adoptif du précédent, né à en
Italie. Il fut difciple de Quintillen. *
Il s’ éleva par fon mérite jusqu'aux premières
charges fous l’empire de Trajan, & fut même ,
honoré du confulat.
Pline commença à fréquenter le^barreau à .l’âge
de dix-neuf ans. Il ne plaida jamais que pour l’intérêt
public , pour fes amis ou pour ceux que leur
iflauvaife fortune laifloit fans appui.
La gloire de fe rendre le défenfeur des gens de
bien étoit fa feule récompenfe. Les autres avocats
au contraire vendoient leur éloquence à quiconque
vouloit la payer. * ,
L’empereur Trajan rendit un décret pour faire
ceffer ce, trafic.
Pline dut s’applaudit alors de ne s’être pas feulement
abftenu *de faire aucun traité pour les
caufes dont il s’étoit chargé, mais encore d’ayoir
toujours réfuté toutes fortes de préfens, & juf-
qu’à des étrennes.
Il eft vrai , écrit-il dans une de. fesJettres,
que tout ce qui n’a pas l’air honnête doit
s’éviter * non comme défendu, mais comme
honteux.
Il y a néanmoins, continue-t-il, je ne fais quelle
fatisfa&ion à voir publiquement défendre ce qu’dn
ne s’eft jamais permis.
L ’empereur Domitîen avoit chaffé de Rome &
de l’Italie tous les philofophes. Artémidore, ami
de PUne, étoit de ce nombre.
, Il s’étoit retiré dans une maifon qu’il avoit aux
portes de la ville^« J’allai l’y trouver, dit Pline ,
dans une conjoncture où ma vifite étoit plus
remarquable & plus dangereufe. J ’étois préteur »
« Il ne pouvoit qu’avec Une grofle fomme acquitter
les dettes contractées pour des chofes utiles.
Quelques-uns de fes amis les plus^puiffans & les
plus riches, ne voulurent point s’appercevoir de
fon embarras : moi, j’empruntai la fomme, & je lui
en fis don ».
» J’avois pourtant.alors fujetde trembler pour
moi-même. On venoit de faire mourir ou d’envoyer
en exil fept de mes amis ».
« La foudre tombée autour .de moi tant de
fois, & encore fumante, fembloit me préfager
évidemment un. femblable fort : mais il s’en faut
bien que je croie avoir pour cela mérité, toute la
gloire que me donne Artémidore. Je n’ai fait qu’éviter
l ’infamie ».
P L I 16T,
Après la mort de Dioclétien, Pline éleva fa voix
dans \& fénat & fe porta accufateur contre un des
plus illuftres favoris de ce prince.
Comme on craignoit queNerva, fucceffeSr de
Dioclétien, ne fût offenfé de cette accufation, tous
ceux qui s’intéreffoient au fort de Pline trembloient
pour lui. •
Un confulaire de fe£ amis s’approcha de lui &
le prefîa de fe défifter de cette accufation.
Il ajouta même qu’il fe rendoit par là redoutable
aux empereurs à venir. Tant mieux, répondit
Pline , pourvu que■ ce foit aux médians empereurs.
Comme on*infiftoit encore, j ’ ai toutpefé, ’j*ai tout
prévu , ajouta-t-il ,6* je ne refuje pas, s‘il le fattt ,
d’être puni pour avoir poursuivi La vengeance d’une
lâche & indigne cruauté.
Nerva'empêcha que cette affaire fût remife-à
la délibération du fénat ; mais ce corps augufte
n’en rendit pas moins juftice à la courageufe fermeté
de Pline.
Trajan qui avoit fuccédêà Ne rva, proclama
lui - même Pline, conful “ après avoir fait fon
. éloge.
Pline l ’en remercia par un difeours folemnel
& ce fut dans cette occafion que par ordre du fénat
& au nom.de tout l’empire il prononça le panégyrique
de ce prince. « Si Ie.fouverain bonheur ,
difoit Pline à Trajan , confifte à pouvoir faire tout
le bien qu’on veut* c’eft le comblé de la grandeur
que de vouloir faire tout le bien qu’on
peut »;
Pline fut envoyé par ce prince pour gouverner
le pont & la Bithinie, en qualité de proconful.
Une violente perfécution s’étant allumée dans
ces provinces contre les chrétiens, que Trajan
regardoit comme dangereux par leur nombre,
& comme ennemis déclarés-de toutes religions!
Pline ofa plaider leur caufe auprès de l’empereur.
Il écrivit à ce prince que le commerce des chrétiens
%ntr’eux étoit exempt de tout crime ; que le
principal objet de leur culte étoit d’adorer leur
Chrift comme un Dieu ; que leurs -moeurs étoient
la plus belle leçon qu’on pût donner aux hommes,
& qu’ils s’obligeoi.ent par ferment de s’abftenir de
tout vice.
Trajan touché des raifor.s que ce "magiftrat
philofophe lui expofa , défendit de faire aucune
recherche des chrétiens, mais il ordonna c.ü’on
punit de moit. ceux qui, au mépris des loix de
A*