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O r , félon les plus experts dans eette matière,
toute la maffe du fang, contenu dans le corps d'un
homme, ne va ordinairement qu'à vingt-quatre
livres. Ainfi, en divifànt fix cens par vingt-quatre ,
on trouvera que toute la maffe du fang , paffe par
le coeur vingt-cinq fois par heure, & par confèr
e n t fix cens fois par jour.
Le coeur, qui eft le plus important de nos muf-
cles , a befoin , pour faire un feul mouvement de
contradfion, d'une force équivalente à plusieurs :
milliers de livres ; car c'eft ainlî qu'on évalue- en
méchanique les forces mouvantes.
Par exemple, pour pouffer le fang dans la
grande artère, le coeur a befoin d’une force de*
cent mille livres pefant-Pour foutenir avec le bras .
étendu un poids de cinquante-cinq livres, fuf-i
pendu à fa jointure avec le coude , on a befoin
•d une force de foixante mille. Si un homme qui
pèfe cent cinquante livres, veut fauter à la hauteur
feulement de deux pieds, il a befoin d'une
force deux mille fois plus grande que fon poids,
c eft-à-dire, d'une force de trois cens mille pe-
fant.
Ç ’a été à l’aide de l’expérience, de fa raifon &
de fes le&ures, que le célèbre Harvée découvrit
la plus importante de toutes les fonctions ,, celle
de laquelle émanent toutes les autres, la circula-,
tion du fang; quelques anatomiftes l'avoient Amplement
entrevue, d'une manière même très-con-
fufe & très-vague 5 elle n'eft plus, grâces à Har-
v é e , un être de raifon. Il a allumé le flambeau de
la conviction qui éclaire les efprits les moins crédules.
Voici ce que dit à ce fujet l’auteur d'un
poëme intitulé, Y Inoculation, qui a paru il y a
quelques années.
Harvée, environné d’expériences sûres,
Pénètre de nos corps le dédale incertain,
Perce de nos vaiffeaux les profondeurs obfcures :
I l découvre aux mortels qu’ils portent dans leur fein
Mille ruiflèaux de fang divifés dans lèur courfe,
Et par divers canaux remontant vers leur Source.
Là leurs flots comprimés dans un double baflin
S’en échappent encore, & reprennent fans ceffe
Le cours que leur traça l’éternelle Sageflè.
Nous admirions Harvée, & fes lâches rivaux
Contre lui de la haine, allumoient les flambeaux.
SANG-FROID. Plufieurs de ceux qui-vont à la
guerre, dit le Speétateur anglois , s'accoutument
a ne point réfléchir. Ils envifagent la mort avec
tant d'indîfference, qu'ils confervent le même
fang-froid au milieii des actions les plus chaudes.
Témoin ce que dit un officier françois, qui n'a-
voit pas trop bonne opinion de fon général, &
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qui, après avoir reçu un coûp mortel dans une
bataille, s'écria : Je voudrois bien vivre une heure
de plus, pour voir comment cet étourdi le tirera
„d'affaire.
L ’abbé Privât de Moüères, grand parrifan des
tourbillons de Defcartes, n’en étoit pas moins un
homme d'un mérite diftingué. Peu favorifé de la
fortune, il travailloit l'hiver dans fon lit, & fè
garantiffoif par là des rigueurs de la faifon. Ifold
dansfa; chambre, au collège royal, où il pro-
feffoit la philofdphie, un voleur vint un jour frapper
à ; fa- porte : l'abbé ouvre 5 le coquin entre
hardiment, & demande la bourfe à notre philo-
fophe. C elu i-ci, plus attaché à fon travail qu’à
fon argent, dit avec fon fang -froid ordinaire :
ec Ouvrez un des tiroirs de mon bureau ,, & pre*.
nez ce que vous trouverez [ij Le voleur fe trompant
de tiroir, mêloit les manufcrits qui y étoicnt
renfermés. Privât de Moüères s’appercevant du
défordre que ce malheureux lui çaufoit , lui dit
gravement : « Eh ! moniteur, vousHous trompez
de tiroir, & vous m'al'ez donner bien du travail».
Le voleur plus avide d’argent que de papiers, fe
failit du petit pécule de l’abbé, & s’en va fans
fermer la porte. Notre favant lui crie : « Monfieur
le voleur, foyez aù moins honnête, fermez donc
la porte». Privât de Molières,étoit de l’académié'
des fciences. On a fu qu’il donnoit aux gens qui
fervent la compagnie, des étrennes plus confiée*
râbles que les membres les plus riches II n’avoit
pourtant pour tout revenu que les honoraires de fa
chaire & fes meffes, & ce qu’il pouvoit retirer
du papier marbré, auquel il travailloit quand il
étoit las de méditer.
Jean Frédéric, éledfeur de Saxe, étant tombé
entre les mains de Charles Quint, répondit géné?
reufement à ce prince qui le menàçoit de lui faire
couper la tête : « Votre majefté impériale peut
1 faire de moi tout ce qu’elle voudra, mais elle ne
me fera jamais peur. En effet, il le montra bien
lorfqu’on vînt lui annoncer fon arrêt de mort, car
il en fut fi peu troublé, qu'il dit au'duc Erneft
de Brunfwick, avec qui il jouoit aux échecs:
Achevons notre partie.
Un efpagnol qui n’avoit qu’un oe il, & qui étoit
dans la galerie d’un jeu de paume, à voir jouer,
eut l’autre oeil crevé d’ un coup de balle. Sans s’émouvoir,
il ota fon chapehu à la compagnie , &
ne fit que dire buenas noches , c’eft-à-dire, bon
foir.
M. le Prince, peintre célèbre, dont les tableaux
peuvent être placés à côté des meilleurs, de Te-
niers & de Wouvermans, s’étoit embarqué pour
Saint-Pétersbourg. Notre artifte employoit les
momens o’fifs du paffage à fuivre tour^à-tour dans
leurs fondions , Je moufle, le matelot, & le pilote.
Comme il avoit l’heureux don de plaire 3 chacun
fe fàifoit unplaifir de l’inftruire.M-le Prince
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potîr payer fonapprentiffage dans la marine, exé-
çutojr pour tout l’équipage des airs agréables fur
k violon j car il joignoit à fon rare talent un goût \
décidé pour-la mufique. Ses leçons de pilotage :
furent malheureufèment interrompues par l’attaque
d’un corfaire anglois qui s’empara du bâtiment
qu’il montoit. A la veille de perdre fa petite paco* ;
tille, la préfence d’ efprit & le fang froid philofo- ;
phique ne l’abandonnèrent point. 1 a’ndis que ces \
fiers infulaires , d’un air avide & rébarbatif, ;
toifoient les galons de fon habit & de fon chapeau,
pefoientl’or de fa montre, ouvroient 8c ]
bouleyerfoient les malles, il en tira fon violon, ;
& en joua fur le champ. Charmés de l’entendre,
comme les lions & les tigres aux accens de la lyre '
d’Orphée, fes raviffeùrs fourirent, lui laifsèrent j
•la jouiffance de fes effets, & finirent par le prier !
de les faire dan fer le foir même au fon de fon inftru- \
méat, en réjouiffance de leur capture. Leur joie &
l’infortune du peintre ne durèrent pas long-temps.
Au premier port, le navire fut réclamé, & déclaré
n'être pas de bonne piife, & M,- le Prince '
continua fa route.
Tedhmène, après avoir été condamné à la
mort par les Ephores, ne ceffoit de rire j quelqu’un
qui trouvoit ce rire hors de faifon, lui demanda
s'il avoit du mépris pour les loix de Sparte.
« No n , dit-il j mais j'ai de la joie d'avoir été
condamné à une amende que je puis payer moi-
mêmé fans rien emprunter ».
M.'de Montefquieü difputoît fur un fait avec
un confeiller du parlement de Bordeaux, qui.
avoit de l’efprit, mais la tête un peu chaude.
Celui-ci, à la fuite de plufieurs raifonnemens débités
avec fougue, dit : « Monfieur le préfident,
fi cela n'eft pas comme je vous le dis, je vous
donne ma tête. — Je l'accepte, répond froidement
Montefquièu, les petits préfens entretiennent
l'amitié.
Un fou rencontra en 1779 un abbé dans la
rue Vivienne : « J'ai toujours eu envie de tuer un
prêtre, s'écria-t-il en tirant fon épée d'un air
furieux», L'abbé, fans fe déconcerter, lui dit
froidement : « Remettez votre épee dans le four- i
reauj je ne fuis encore que diacre, & vous;
manqueriez votre objet ».
Frédéric Moul travailloit à traduire Libanius, j
lorfqu’on vint lui dire que fa femme , qui languif-j
foit depuis quelque temps, étoit bien malade , & î
qu’elle vouloit lui parler 5 « Un fnftant, un inf-;
tant, Je n’ai.plus.,que deux périodes à traduire, \
& puis j’y cours ». Un fécond commiflionnaire-
vint lui aniiOhcef qü’elle eft ;à l'extrémité :• « Je !
n ai plus que deux mots } j'y volé ». U n ; mo- J
nient après on lui rapporte qu'elle vient de'rendre!
lame ; « Hélas.f j’en- Puis' très-marri, c ’étoit la]
meilleure ferrmé-du mofidèi ». Après Cette courte]
otaifoa ;funèbrè iüicôntinUafoà travail. I •
S A N , $ 0
U o gentilhomme fit un de ces traits qui devrott
être répété dans toutes les hilioires. On lui avoit
propofé un duel •> la loi de Dieu, les loix de l ’état
le lui défendoient, & .il avpit conltammenc refufé.
Son agreffeur, chez qui la paflion étouffoit tout
autre fentiment, & faifoit taire la raifon, réfolut
de l’y engager malgré lui. Un jour il fe trouve dans
une rue écartée où devoir paffer le gentilhomme,
8c tirant de fa poche deux piftolets, il lui en pré-
fenta un. Celui-.çi, contraint de défendre fa v ie ,
prend l’arme qu’on lui préfente, & propofe à foa
adverfaire de tirer le premier. Il l’accepte i mais
dans l’agitation étrange où il étoit, il manqua fon
coup. Rechargez, fi vous voulez, & tirez encore,
lui dit le gentilhomme, avec un fang froid
qui auroit pu le défarmer, s’il n’eût été aveuglé
par la paflion. Il ne fe le fit pas dire deux fois, &
tire un fécond coup qui porta dans les habits.
Maintenant ce feroit à mon tour, reprit le gentilhomme
généreux > mais je frémirois d’attenter
à la vie d’un de mes concitoyens : oubliez ce qui
peut vous avoir indifpofé contre moi : j’oublie
volontiers la violence de votre procédé 5 embrafi
fons-nous, & qu’il me foit permis de croire que
vous me comptez au nombre de vos amis. (Jes
paroles ouvrirent enfin les yeux à fon fougueux
agreffeur j il fe jetta à fes pieds, & lui jura un«
amitié dont il ne s’eft jamais départi.
SA N T E R R E , ( Jean-Baptifte ) né en 16j 1 ,
mort en 1717.» ,
Appliqué fans ceffe à chercher des couleurs,
qui puffent faire durer fes ouvrages, & les rendre,
pour ainfi dire, éternels, Santerre avoit toujours
coutume de regarder, en marchant dans les
rues, toutes les enfeignes de* boutiques, afin d«
connoître les couleurs que. le temps détruifoit le
moins.
Un des plus fameux tableaux de ce peintre, eft
celui d’Adam & Eve j & l’on remarque qu’ il les x
représentés fans nombril comme ayant été créés.
Naturellement porté à la galanterie, Santerre
forma une académie de jeunes filles, auxquelles il
enfeignoit fon art, & elles lui feivoient de modèles.
Dans la chapelle du château de Verfailles, on
voit une Sainte-Thérèfe peinte par Santerre ; elle
eft fi belle, & l’expreflion en eft fi v ive , que ce
tableau parbît dangereux aux perfonnes trop fuf-
cèptibles. On prétend même'que plufieurs ecclé-
fiaiiiqües ont évité de dire la meffe à l'autel de
cette Chapelle.
S A N T E U IL , (Jean-Baptifte) né en 16 30,
mort en 1697.
i Quand Santeuil étoit extrêmement content de
-quelqu'une de fes poéfies', il difoit qu’il alloii
p p p p p .