6 C ï
horreur à tous les honnêtes, gens : La Pajfion (te
Nôtre-Seigneur , en vers burlefques.
SCIP IO N l'africain (Publius Cornélius } fus-
aomme l'ancien „. mort l’an 1% , avanl notre Ere
chrétienne.
Scipion l’africain étoit fils J | Pubüus- Cornélius
Scip.on, c on fui dans la fécondé guerre punique..
Il n'a voie point encore dix-huit ans que, par
une action de la plus grande bravoure , il fauvà
la vie à fompère à la bataille du Tefin. Il fe porta
au milieu d'un gros d'ennemis dont fbn.père étoit
cnveioppe* & 1 epee a la main , écarta tout ce
qui le ptefloit. Il le dégagea de cette forte dans
le tems. qu'il alloit être pris- ou tué. On voulut
lui donner la couronne civique en mémoire de
çe qu il avait fauve la vie à un citoyen , & même
a^fon general >. mais comme ce- généra! étoit fon
gere, il ne voulut pas être récompenfé pour avoir
Satisfait à. un devoir indifpenfable^
._ Lorfqa Annibal eut remporté lafimeufe bataille |
ce Cannes., plufieurs officiers romains qui.-avoient
échappé au carnage , à la tête defqueis étoient Ceci- ;
Eus Metçllus, défefpérant du fàlut de larépubli- J
qtie, avoient pris la réfoluuonde quitter l’Italie, & I
de s embarquer fur les premiers vaiffieaux qu'ils
trouveroknt pour fe retirer chez quelque roi ami
des romains. Scipion, encore jeune, & à. qui la
gloire de terminer cette guerre étoit réfervée ,
b eut pas plutôt appris ce funefle deffein, que tirant
£on epee: que ceux qui aiment Là république ^ s'écria-
mefàivent. Il court auffi-tot vers la tente où
ces officiers étaient affemblés, & leur présentant
la pointe de fon épée : » Je juçe le premier ,
du-il *. que j.e.n'abandpnnêrai point la république,
& que je ne fouffiirai pas qu'aucuns autre l’abandonne:.
Grand Jupiter !. je vous prends à témoin
de mon. ferment, & je confens, fi je manque
à 1 executer,. que vous me faffiez mourir moi/&
miens , de la- mort là plus cruelle. Faites lb
tnême ferment que. moi, Cecilius ; & vous tous
qui et.es ici affemblés. Quiconquerefuferad'obéir,
perdra-, fur la champ la vie ». IJs jurèrent tous’,
& le courage patriotique d'un feul homme fauva,
peut-être la république.
« Scipion fut créé édile à l'âge de vingt-un ans.
Gn ne pouvoit cependant alors entrer en charge
qu a yingt-fept ans. Auiîî lorfque. Scipion.Ce pré-
fenta pour demander l’édlité eurule, des tribuns
du peuple, s'opposèrent à fà nomination.,, apportant
pour raifon qu il n avoit pas l'âge compétent
poür 1 ex-ercei1. « Mais fï tous les citoyens veulent
me nomme*, répondit-Scipion. 3 j’aiaffez d’âge ».
Sur le champ toutes les tribus luhdonnèrent leurs
fuffrages avec tant de zèle & d'unanimité, que
les tribuns fe défilèrent auffi-tot de leurs pré- :
tendons. - ■
&11 pète & fon oncle ayant percki 1^ yie. en ,
S C I
combattant contre les Carthaginois H fut envoyé
en Efpagne à l'âge de vingt-quatre ans. Il en fit 1»;
conquête en moins de quatre années, battit l'armée
ennnenve, & prit Carthage la neuve en un
feuLjour. Scipion, pour infpirer d é jà confiance
àvfes troupes.,, avoit, à. l’exemple d’Alexandre lé
G ran d fe in t un commerce avec là divinité donc
U préter.doit tirer fon origine î raai-s ç'étok principalement
par fes vertus que ce grand homme-
pouvo-ît efpére-E de faire croire aux gens figes.'
q-u’il y avpit en lui quelque chofe de divin. Parmi
les prisonniers que les Romains firent à la prife de
cette v il'e , fe trouvoitune vierge efpagnoh, dont
la rare beauté furpaffoit l’éclat de fa naiffance*
Elle etoit éperduement aimée d’un prince c-elti-
bérien , nommé Allucius, auquel elle étoit fiancée.
Scipion vit lia belle prifonnière, & l’admira..
Il étoit alors jeune,, fans engagement & victorieux
: & juvenis & ccelebs, & viéior,. comme le
| remarque un hiftorien, Valère - Maxime. Mais
! Scipion favo.t- également vaincre les ennemis des
Romains & fes propres paffions. Il fit-vepir devant
lui Allucius, l'amant chéri de la belle Espagnole
« Nous femmes jeunes vous & moi, luf dit Sci-
pionÿ ce qui fait que j-e purs vous parler avec plus»
de liberté-Ceux des* miens qui m’ont amené votre
époufe future, m’ont en même-temps affuré que
vous l’aimiez-: avec tendreffe : & fa beauté ne,m’a
; 1 aille aucun lieu d’en douter. S:îcomme vous, je
■ fongeôis à prendre un engagement, je fouhaiterois»
que 1 on favorisât une pafllon fi honnête & fi légitime.
Je me trouvé heureux d'e pouvoir ,. dans la
; conjoncture préfente „ vous rendre un pareil fer-
vice. Celle quç. vous devez- époufer., a été'parmi
r. nous.:, comme elle auroit pu être dans^ la maifom
de fës père & mère : je voüs l’âi réfervée pour
vous en faire un préfent digne de vous & de moi.
La feule reconnoiflanc© que. j ’exige dé vous pour
| ce don, c’eft- que vous {oyez. ami du peuple ro- I
main ». Allucius* pénétré, de joie & de recom
noiffançe,, embrafioit les- genoux, de Scipion, &
implorok lés dieux de récompenfèr- un fi grand
bienfait, puifque lui-même il n’étoit pas en état
1 de le. faire autant qu’il l’àurojt fouhaité, & qué
; Le meritoic fon bienfaiteur. Scipion fit enfuité venir
\ les père & mère &.les autres parens de-la jeune
efpagnole. Ils avoient apporté une grande fomme
d’argent pour la racheter- § mais quand ils Virent;
qu’ils la leur rendoient fans rançon, ils le conjurèrent,
avec de grandes infiances, de recevoir
, d’eux cette fomme comme un préfent,.. & témoi-
. gnèrent que, par cette nouvelle grâce, il mettroit
le comblé à leur joie & à leur reconnoifîance. Sci-
. pion ne pouvant réfifier à.des prières fi vives & fe
prefiantes, leur dit qu'il acceptait ce don , & le.
- fit mettre à fes pieds. Alors s’adrefiant à Allucius :
« J ajoute,. lui dit-jl, â la dot que vous devez
'recevoir de votre beau-père, cette fomme que je:
• vous prie d àccepter-comme un préfent de noces».
4 fîr?s.tant. de. bienfaits*. Allucius crut, devoir fe
S G I
vouer entièrement au fetviçe des Romains. Il vint
trouver Scipion avec un c-0;.ps de -quatorze cents
cavalers. Pour rendre ehcofé plus durables les
marques de fj reconnoifiance^ il.fit g cuver, fur-un
bjuclier d’argent l’aéi.on de & lui eh fit
préfent. Ce, bouclier, que ce gehérâl emporta avec’
lui en retouinant à Rome, fut englouti par les
eaux au pafiage du Rhbrie, avec une partie <iu
hag.ige. Il* étoit' demeuré dans ce fleuve jufqu’en
3 que quelques-pêcheurs le trouvèrent. 11 efi
.aujourti hui dans le cabinet' du roi de France.
Scipion y après a voir mis fin a la guerre d’Efpa-
gne, par une grande bataille qu’il donna dans la
Bétique^ porta la guerre en Afrique. Il-battit Han-
non , un des meilleurs généraux carthaginois,
vainquit S.phax , roi dp Numidie, & le fit prifon-
'®kr. Défi heureux fuccès engagèrent les Carthaginois
à rappéller en Afrique'leur général Arlnibal
que la fortune abandonno.it en Italie. Les deux
généraux eurent une entrevue qui fut inutile,
Scipion n’ayant pas voulu entrer dans aucune
négociation j c’ efi pourquoi les deux armées étant
proches, on en vint bientôt aux ma ns. Après un.
long & fangLnc combat, où Annibal & Scipion/
firent des prodiges de valeur, la viélorre fe déclara
pour Rotfre, qui diéta à fa rivale les conditions
qui lui plurent.. Scipion fut honoré du triomphe,
& reçut alors le furnom d'Africain.
Cet i'luftre citoyen ayant été élu oonful une
■ fec^a^g io is , pafia en. A fie , où ., de concert avec
fonrrere, il défit Antiochus l’an 189 avant Jéfus-
Chrift. Ce ro i, avant le combat qui décida de
fon fort, avoit fait propofer à Scipion de lui rendre
fans rançon fon fils encore jeune p:is au coin-,
mencernent de cette guerre, & lui offrort de .par-
tager avec lui les revenus de fort royaume. Mais
le général romain, infenfible à tout intérêt per-
foiintl » avoit rejetté ces offres avec une fierté
vraiment romaine. Cependant, lorfqu’ il f-us dé
retour à Rome, il trouva l’ envie acharnée contre
lui. On l ’âccufa d’avoir détourné à fon ufage une
portion du butin fait en Afie , & d’avoir entretenu
de fecrètes correfpondàncës avec Antiochus.
Il fallut que le vainqueur d'Annibal, de Syphax
•& de Carthage, qu’un homme, à qui les Romains
avoient offert le^ confulat & la di&ature perpétuelle,
fe réduisît à foutenir le tnfte rôle d’accufé.
ïl le fit avec cette grandeur d’ame qui caraôtétifoit
toutes fes adtions. Comme fes açcufateurs, frute
èé preuves, fe répandoienr en reproches contre
lui, il fe contenta le premier jour de faire le récit
èe fes exploits & de fes fervices, défenfe ordinaire
aux illuttres accufés. Elle fut reçue avec un
applaudiffement unîverfel. Le fécond jour fut encore
plus glorieux pour lui. Les tribuns du peuple
etoient montés dès le matin dans la tribune aux
harangues; L’accufé étant appelle, perça la foule,
& fe préfenta accompagné d’une grande multitude
S Ç Ü S w
de cliens & d’amis, &-dès qu’on -eût fait fiiencè-
" pour d'entendre : «Tribuns du peuple, die il,
v-pus.., citoyens, c'.tff à pareil jour que j'ai vaincu
Ann-.b«il & les Carthaginois} venez, Romains,
allons dans les temples rendre aux dieux de fo.cm-
n elle s aéfrons de grâces ». On le fui vît en effet au
•capitole., & les .tribuns relièrent /euls avec, les
crieurs qu'ils avoient amenés pour f’aceufer.
Un certain Petilius avoir été fufeiré par Caton
pour kir faire Tendre compte de l’ argent qu'il
avoit reçu dans la province d’ Antioche y Scipiort
fe préfenta au fénat avec fon’ régi lire, & die qué
ce iivre contenoit la îëcette & la dépenfe. On lui
.demanda qu'il déposât ce regifîre. Auffi-tôt Scipion
le prend & le déchire en mil le pièces devant
le fénat.
Scipion y las de combattre l’ingratitude des hommes,
s’éteie retiré 'fur la fin de les jours à fe
maifon de campagne â Literne, où , à l ’exemple
des anciens Romains, il cultivoit la terre de fes
mains vi&orieufes.
Scipion avoït une valeur réfléchie, & étoit per-
fuadé qu'il eft du devoir d’ un général de ne ha-
zarder fa vie que dans une -aétion décifîvéi-Quel-
je voyant agir en conféquence,* luj difoit
qu'il n’étoit poiht foldatj non > dk-il , niais capitaine.
On a reproché à Scipion d'être grand* dormeur,
non pour autre raifon, dit Montagne, finon qu'il
fâchoit aux hommes qu’en lui feul il n’y eût aucune
chofe à redire: « Parmi tant; d’admirables
aélions Az Scipion, personnage digne de l’opinion
d’une géniture célelte, ajoute le même auteur,
il n ell rien qui lui dorme plus de grâce que de le
voir nonchalamment & puérilement 'baguenaudait
à ama(Ter& choilïr des coquilles, & jouer à ci rni-
chon, va devant, le long de la marine avec Læl us ;
& s’ il fa doit mauvais temps , s’amufant & fe chatouillant
à repréfenter pair écrit en comédies les
plus populaires & baffes aâions des hommes; &
pleine de cette mérveilleufe entreprife d’Annibal
& d’Afrique, vifitant les- écoles en Sicile, & fe
trouvant aux leçons de la philofoplnY, jufqu’en
avoir armé les dents de l’aveugle envie dé fes ennemis
à Rome ».
Les comédies dont parle Montasne dans ce
partage , font fans doute celles de Tértnce, auxquelles
Scipion & Lælius, fuivant Suétone, fuirent
beaucoup de part. On a révoqué en doute
cette anecdote de Suétone; mais e’ie plaifoit à
Montagne, & ce phdofophe déclare expreffé-
ment dans fes ouvrages qu’ on lui feroit déplailîr de
le déloger de.cette créance.
S CU D E R I , (Georges) né l’an i é o ; , mort
:en 1667.
Scudcn étoit généreux quoiquè peu fortuné.
Q q q <1 q i