
qui feroit le faîne di , plutôt que ce qui étoit vrai
le jour qu’il écrivoit. Voici fa lettre :
««•Ma chere femme, après t’avoir fouhaité une
» fante auflï bonne " que la mienne l’eft quant-à-
* préfent , je te dirai que j’ai été pendu, hier,'
33 entre OIîze heures & .midi. J’ai fait, grâces au
ciel j une allez belle mort, & j’ ai eu le plaifir
31 v °ir que toute l’affembiée mè plaignoit. Sou-
05 viens-toi de moi , & fais - en reilauvenir mes
» pauvres enfans „ qui n’ont plus de - père. Ton
M affectionné mari jufqu’à la mort w.
Maigre toutes les précautions de ce bon homme , |
pour écrire au jufte ce qui en étoit, fa nouvelle fe -j
trouva fauffe , car il eut fa grâce. Mais fa femme
n attendit pas qu’un nouveau Courier vînt la tirer
d’erreur : elle fe remaria , & le bon caporal ne
crut pas devoir protefter contre ce'mariage, ayant
fourni lui-meme fou certificat de mort , ligné de
fa propre main.
CÉSAR ( Caïus-Jules ) , illuftre capitaine &
premier empereur romain , né à Rome * l’an 98
avant Jefus-Chrift , & affafliné l’an 43 avant la
même époque, âgé de cinquante - fix ans: Caïus-
Julius Céfar étoit né de l’illuftre famille des Jules,
q ui, comme toutes les grandes maifons,. avoir fa
chimère, en fe vantant de tirer fon origine d’An—
ehife & de Vénus. C ’étoit l’homme de fon tems
le mieux fait ; adroit à toutes fortes d’exercices,
infatigable au travail 3- plein de valeur, le courage
elevé, vafte dans fes delïeins, magnifique- dans la
dépenfe , & libérai jufqu’à la profufion. Son éloquence
infinuante & invincible étoit encore plus
attachée aux charmes de fa perfonne qu’ à la force
« e.fes raifons. Ceux qui étoient affez durs pour
réfifter à l ’imprelfion que faifoient tant d’aimables
qualités , n’échappoient point à fes bienfaits j &
il commença par affujettir les coeurs, comme le
fondement le plus folide de la- domination à. laquelle
il afpirok.
Les anciens hiftoriens , qui nous ont donné'
la defcription de là perfonne, difent qu’il avoit
la taille haute,, le teint blanc, les yeux v ifs , là
tête belle. Il étoit chauve fur le devant de la tête;
défaut qu’il-avoit fn couvrir par une couronne
de laurier.
Le dictateur Syllà prévit de bonne Heure ce
que feroit- un jour Céfàr. Il avoit voulu le mettre
au rang des profcrits : mais les amis du diélateur
îui ayant repréfenté qu’aucun motif ne pouvoit
îe porter à faire périr un enfant li jeuàe , il fe
contenta de leur répondre : « Vous êtes vous-
» mêmes peu fages de né pas vois dans cet enfant
« plulieurs Marias *>».
Caton 3 qui' le connoiffoit bièn_, .dirait « qu’il
» s’appliquait de Lang-froid, & par une méditation
3» Ibm b re à ruiner la. république.
v & fa r , encore jeune, avoit pris le parti d’aller
a Rhodes étudier la rhétorique fous le célèbre
Apollonius j mais il fut pris dans le trajet par des
pirates’, qüi lui demandèrent vingt talens pour fa
rançon. Il fe mit à rire de cette demande, comme
venant de gens qui ne favoient pas quelle capture
ils avoient faite 5 & au lieu de vingt talens , il leur
en promit cinquante. Il fut trente jours parmi ces
hommes féroces „ & les traitoit avec tant de hauteur
& de mépris, que toutes les fois qu’il vou-
loit repofer, il envoyoit leur commander de ne
point taire de bruit. 11 ofa même les menacer de
les faire mettre en croix-quelque jour. Ces cor-
fures regardoient cette menace comme - une fan-
faronade de jeune homme. Cependant, aufli-tôt
que Céfar eut recouvré fa liberté,, il arma quelques
petits bâtimens, furprit les pirates qui étoient
encore a 1 ancre * & leur fit éprouver les fupplices
, dont il les avoit menacés.
■ Céfar répudia fe femme Pompeïa. Voici,, au
rapport de Plutarque, l’anecdote qui y donna lieu.
Les romains, dit-il , ont une divinité qu’ils ado-.
/ous: nom de la bonne déejfe. Sa fête eft ce-,
lébréê par les femmes, dans la maifon d’un des
. principaux magiftrats de la république. Les cérémonies
de cette fête fe font, pour la plupart, pendant
la nuit, au milieu des danfes.Sc des concerta
de mufîque. Tout le tems qu’ elles durent, il n’eft
permis a aucun homme de fe trouver * dans cette
maifon. Céfar, étant préteur, fa maifon fut choifie
pour ces mÿftères, & fa femme y préfidoit. « Clo-
33 dius, fon amant, qui rt’avoit point encore de
»3 barbe, & par ce moyen efpéroit n’ être point
» découvert, fe déguifa de l’accoutrement d’une
13 méneftrière,. pour ce qu’il avoit le vifage affez
. femblable une jeune femme j, &- trouvant les
33 portes ouvertes, fu t, fans être appérçu 3 mis
» au dedans- par; une chambrière qui étoit de l’in—
» teliigenee , & qui s-’encourut devant,, pour
» avertir Pompeïa de fa venue. Elle demeura Ion-
33 guement à retourner 5. & Clodius n’ayant pas
33 11 patience de l’attendre au lieu où elle l’avoir
>> laiffé , s’en alla errant çà & là , dans la maifon
» qui étoit grande & fpacieufe, fuyant toujours.
33 la. lumière. Il fut d’aventure rencontré par l’une
». des fervantes d’Aurélia^. laquelle cuiqant que
” ç’étoit une femme ,.le pria de. jouer : & comme.
” il en fit refus, elle l,e tira en avant,. lui deman-
53 dant qui & d’où elle étoit. Clodius adonç lui
» répondit qu’il attendoit une des femmes de-
33 Pompeïa , qui s’appelait Abra. Ainfi, étant
I I connu à. la voix, la fervante d’Aurélia , s’en-
» courut incontinent la ou étoient les lumières
33 & l^ troupe des dames, crnnt qu’elle avoit:
33 trouvé un homme déguifé en habit de femme..
” De quoi les dames fe trouvant étonnées, Ait-
»» rélia fit aufli-tôt cefifer les cérémonfês du facri-
»».fice, &. cacher ce qu’il y avoit de plus fecret j;
30 & elle-même ^ les portes de la maifon étant
» fermées, alla par-tout avec torches & flam-
» beaux, pour trouver cet homme, lequel fut à 1
»» la fin trouvé dans la chambre^ de la fervante
»» de Pompeïa, avec laquelle il s’y en étoit fu i}
»» & étant reconnu des dames, fut chafle dehors
« de la maifon par les épaules »». fiAmyoC). Le
lendemain,' le bruit fe répandit bientôt dans^ la
ville, que Clodius s’étoic rendu coupable d’un
attentat horrible ; & Céfar, inftruit de cet événement
, répudia aufli-tôt fa femme Pompeïa.
Mais lorfqu’on le cita en jugement, pour venir
dépofer contre Clodius , il fe contenta de répondre
qu’il n’avoit aucune connoiflance de ce qu’on
alléguoit contre l’accule. Et pourquoi donc, lui
demanda-t-on, avez-vous répudié votre femme?
C'efi:, répondit-il, qu'il ne J'uffit pas que la femme
de Céfar foit innocente , il faut encore quelle foit
exempte de tout foupfon.
. 11 avoit été nommé gouverneur en Efpagne. En
traverfant les Alpes, pour fe rendre à fon gouvernement,
il s’arrêta dans un village prefque dé-
fert. Ses amis , qui l’àccompagnoient, lui demandèrent
en riant, s’il n’ y auroit point parmi les
haSitans de ce village, des jalouues & des querelles
pour les premières magiftratures. Pourquoi
non, leur répondit Céfar ? je préférer ois , ajouta-
t-il , d'être ici le premier, que le fécond a Rome,
C e fut en Efpagne que voyant une ftatue d’A lexandre',
il pouffa de grands foupirs & fe mit à
pleurer amèrement. C ’ étoient les larmes d’un conquérant
avide de gloire, qui fe reprochoit de n’ avoir
rien fait à un âge où le roi de Macédoine
avoit déjà fubjugué la plus grande partie de la
■ terre.
Il citoit fouvent ce vers d’Euripide, qui pei-
gnoit bien le caractère de fon coeur : Si la vérité
& la jufiiee doivent être violées, c'efi pour régner.
Toutes fes vues, tous fes defirs fe rapportoient
•;à ce terme.
De retour en Italie, il obtint le gouvernement
des Gaules, & en moins de dix années, il
prit d’affaut plus de huit cents villes , dompta
nombre de nations, tailla en pièces un million
d’hommes , & fit "plus d’ un million de pri-
fonniers.
Céfar voyant dans une déroute, un enfeigne
.qui fuyoit, courut à fa rencontre j & lui tournant
la tête du côté de l’ennemi: Tu te trompes , lui
dit-il 3 c'efi la qu'il faut donner.
' Céfar étoit accoutumé, dans le cours de fes
voyages , à diéter des lettres enx marchant à
cheval.
On l’a vu , dans d’autres occafitms, diéter
quatre lettres importantes à la fois , & occuper
feus lui fept fecrétaires. C ’efi: ce qui a fait dire à
Qnintilien, que Céfar parloit Sc écrivoit avec la
même ardeur qu’il combattoit.
Ses commentaires fur. les guerres des Gaules,
doivent, au rapport de Cicéron , faite tomber la
plume des mains à tous ceux qui entreprendroienc
après lui d’écrire la même hifioirê.
On connoît plufieurs traits de fon genre de vie
fîmple & frugale« » Valerius Léo, un lien hôte,
» lui donnant un jour à fouper dans la ville de
»» Milan , fervit à table des alperges, où on avoit
» mis d’une huile de fentèur, au lieu de bonne
»* huile. Il en mangea Amplement, fans faire fem-
»» blant de rien , & tanfa fes amis, qui s’en of-
V fen foien t,.en leur difant qu’il leur devoit bien
»» fuffire de n’en manger point, fi cela leur faifoit
»» mal au coeur, fans en faire honte à leur hôte,
»» & que celui qui fe plaignoit de telle incivilité,
» étoit bien incivil lui-même.
« Quelqu’ autre fois, en allant par pays, il fut
. » contraint par une groffe tempête , qui fe leva
33 foudainement, de fe héberger en la maifonnette
»• d’un pauvre payfan, où avoir pour tout
logis qu’une feule chambre û petite, qu’il n’y
»3 pouvoit géfir qu’une feule perfonne, encore
33 bien maigrement; Il dit à fes amis , qui l’ ac-
33 compagnoient : il faut céder les lieux hono-
1 33 râbles aux plus grands , & les néceflaires aux
33 plus malades ; fuivant lequel propos il voulut
» qu’Oppius , qui étoit mal difpofé, couchât à'
as couvert au dedans j & lui , avec fes autres
33 amis, coucha fous la couverture de la maifon
33 au dehors 3s.
Céfar délirant de conferver fon gouvernement
des Gaules , avoit envoyé à Rome un officier,
pour demander au fénat que ce gouvernement
lui fut continué au-delà du tems preferit. L’Officier
ayant fait cette demande , attendoit à la
porte du fénat ce qui devoit y être réfolu. Comme
quelqu’ un lui rapporta que la compagnie n’accor-
doit point à Céfar la prolongation qu’il deman-
doit pour fes gouvernemens : Le fénat la lui refufe,
dit-ii ; mais celle-ci la lui donnera, en mettant
la main fur le pommeau de fon épée.
Lorfque Céfar. s’avança pour pafler le Rubicon ,
il s’arrêta un moment fur les bords de cette rivière,
qui fervoit de bornes à fa province : la
traverser, c’étoit lever abfolument l’étendart de
la révolte. La liberté , prête à expirer fous l’effort
de fes armes , coûta encore quelques foupirs à
fon coeur élevé dans le fein d’une république. S i
je dijfére h pàjfer cette rivière, dit-il aux principaux
officiers dont il étoit environné, j e fuis
perdu \ & f i je pajfe , que je vais faire de malheureux
! Mais après avoir réfléchi un moment
fur l’ état de fes affaires , il païfa cette rivière, en
s’écriant, comme on fait dans les entreprifes in-
H h i.