
ment le balle , en faifant toujours mes affaires plutôt
que celles de mon maître & de mes voîfins. » Le
* diable ne m'emporte , die Louis, (c'étoit fon
» ferment ordinaire ) ta raifon eit bonne } car en
» agiffant ainfi , & en te levant matin , tu ne pou-
» vois manquer de devenir riche ».
Ses différends avec le pape Jules II I’indifpo-
fèrent long-temps contre la cour de Rome. Ayant
appris que Jules a voit dellein de l'excommunier :
Ek quoi y dit-il , -ce fon emploi de maudire l
Louis a fait voir plus d'une fois qu'il fe con-
noiffoit en hommes. Il difoit du célèbre Charles
de Bourbon, », qu’il aimoit ce prince; mais qu’il
» eût déliré en lui un caractère plus ouvert, plus
» g a i, moins taciturne. Rien n'eft pire, ajou-
» toit-il, que l’eau qui dort ». La défertion de
ce prince qui a caufé tant de maux à la France,
n'a que trop juftifié les craintes de Louis.
C ’eft encore Louis X I I qui voyant le penchant
de François I , alors duc de Valois, pour les plai-
firs , diloit en foupirant : Ah nous travaillons en
vain y xe gros garçon gâtera tout.
Louis , avant de monter fur le trône, avoit ete
marié à Jeanne fille de Louis X I. C e prince def
potique la lui avoit fait époufer malgré lui. Jeanne
étoit une princeffe toute contrefa t e , peu fpiri-
tueile & hors d’état d'avoir jamais des entaos.
Louis obtint d'Alexandre VI que fon mariage fûc
déclaré nul ; & fur l’affirmation que fit Louis X I I
qu'il n'aVoit eu aucun commerce avec Jeanne , la
nullité fut prononcée. Jeanne fe retira a Bourges
où elle fonda l'ordre des Annonçiades. Elle n eft
pas encore canonifée > mais elle eft au rang des
oienheureufes, & tous les ans on prononce^ fon
panégyrique à Bourges. On a retenu la divifion
d’un de ces éloges à caufe de fa Angularité.*
» Jeanne, difoit le prédicateurétoit fi laide ,
» qu’elle fut répudiée par le roi fon mari; elle
» étoit fi belle, qu’elle devint lepoufe de Jefus-
» Chrifh La laideur & la beauté de Jeanne , voilà
» les deux points de mon drfeours ».
Louis X I I époufa en fécondés noces Anne de
Bretagne, veuve de fon prédéceffeur Charles VIII,
pour laquelle il avoit toujours eu une tendre inclination.
Cependant il ne fut pas heureux avec
elle. Cette princeffe étoit d’une vertu févèrej
mais d’une humeur chagrine, acariâtre, impé-
ffeufe. Les ferviteurs du roi les plus fidèles
©fèrent un jour lui repréfenter que la reine prenoit
trop d’autorité fur lui. » Que voulez vous, di-
* foit Louis ? Il faut bien fouffrir quelque chofe
» d'une femme quand elle aime fon mari & fon
» honneur ».
Anne de Bretagne mourut le 9 Janvier 1513,
fitns avoir donné d’enfans au roi. Brantôme qui a
fait fon é lége, dit que, »> cette reine Anne "de
»^France ducheffe de Bou,rbonnois., avoit fi ver-
» tueufement extirpe l'Jtnpudicité, & planté l’hon-
» neur au coeur des dames, damoifelles, fem-
» mes de villes , & toutes autres fortes de fem-
» mes Françoifes, que celles qu’ on pouvoit favoir
» avoir offenfé leur honneur, étoient II ahonties
» & mifés hors des rangs, que les femmes de
» bien euffent penfé faire tort à letrr réputation ,
« fi elles les euffent fouffertes en leur, compa-
» gnie».
C e fut la reine Anne de Bretagne qui fonda les
bons-hommes. Elle avoiç établi eii faveur des dames
Xordre de la Cordelière , dont lé cordon n’é-
toit donné qu’ à celles qui avoîent confervé leur
honneur exempt de. toute tache & de.tout foup-
j çon. Le collier étoit le cordon de faint-François.
: Cet ordre ne fubfifta que pendant la vie de ,|a
I reine. On trouva , ajoute un hiftorien, qu’il étoit
trop difficile de faire fes preuves../
Louis X I I avoit réfolu de pleurer toujours Anne
de Bretagne , & de ne la remplacer jamais. Il
avoit alors cinquante-deux ans, & fqn tempéra-?
ment étoit affoibli par les infirmités. Mais Henri
V I I I , flatté dé placer pour la première fois une
princeffe Angloife fur le trône de Francepropofa
de cimenter l’union des deux peuples par le mariage
de Marie fa foeur, princeffe de dix fèpt ans ,
avec le roi de France. Louis ne put fe refufer
à une paix néceffaire à fon peuple furtout lorfqu’il
ne falloit qu’époufer une jeune femme aimable.
Le mariage fe fit ; & Louis fçnfible à l'efpoir de
donner un héritier au trône , oublia bientôt fon
âge & fes infirmités auprès de fa nouvelle époufe ;
mais il y trouva la mort au bout de deux mois &
demi de mariage. C ’eft lui qui avoit dit le premier
eue l'amour efi le tyran des vieillards & le
roi des jeunes gens i & il en étoit la preuve. Outre
qu’il avoit changé pour Marie toute fà manière dé
vivre, il avoit voulu, y dit1 Fleuranges, faire du
gentil compagnon avec fa femme ,* mais i l iïétoit
plus homme pour le faire , car' de longtemps i l étoit
fort malade.
LOUIS X I I I 3 Roi de France, furnommé le
Juflty né en 1601 > mort en 1643.
Louis X I I I étoit d’un cara&ère un peu fau-
vage; fl craignôit la repréfentation ^ excepté dans
les cérémonies , qu’il aimait beaucoup.
Il marqua dès fon enfance du dégoût pour la
Ieélure, dégoût qu’il conferva jufqu'à la fin de
fa vie. Peut-être étoit-ce la faute de fes gouverneurs
qui n’avoient pas affez étudié les inclina?
tions de ce prince, & même celles de fon âge. Ils
lui faifoient un devoir d’apprendre l’hiftoire dé
fes prédéceffeurs dans les antiquités de Fauchet,
ouvrage écrit d’un ftyle mauffade, & rempli d’ailleurs
de difeuffious capables de rebuter l'érudit le
plus zélé. La reine mère, dans le deffein de vaincre
l'ayerfion de fon fils pour l'étude, lui fit
un jour donner le fouet par M. de Souvré fon
gouverneur. Le petit prince réfifta d’abord » puis il
dit : « Je vois bien qu'il faut en paffer par-là ; mais,
» ajouta-t-il en sWreffant à fon gouverneur,
» M. deSouvré allez y doucement, je vous en
prie. » Lé lendemain il alla voir la reine fa
mère. Cette princeffe fe leva & lui fit une profonde
révérence. A h , madame , lui dit-il ,
» faites moi moins de révérences , & 11e me faites
» point donner le fouet. »
On étoit encore infatué au commencement de
fon règne de l'aftrologie judiciaire; & un aftro-
Ipgqe nommé Mot'*1 ayant prédit que tel jour le
roi'étoit menacé de quelque malheur, on refpec-
ta affez la prédiction de ce vifionnaire pour recommander
au roi de ne pas fortir. Il garda effectivement
l’appartement toute la matinée; mais
s’en îuyant l’après midi il voulut prendre l’air &
tomba. » Qu’on ne parle pas de cela à Morin, -
» dit le prince ; cet accident le rendroic trop
» glorieux. »
! Gafton de France, duc d’Orléans , frère du roi
étoit fort jaloux des droits atttache's à fon rang. '
Un jour qu'il étoit monté en çarroffe avec le roi |
des princes fe préfentèrent aux portières pour
leur parler. Ils étoient nu têtes & quoiqu’ils
fuffent.expofés à unfoleil très-ardent, Gafton les
retint iong-terhps fans leur dire de fe couvrir. Ce"
fut Je roi qui s’appercevant de l’incommodité
que ces princes fouffroient, leur dit avec bonté :
« Couvrez-vous», meffieurs, mon frère le veut
» bien. »
Louis aimoit la guerre, fe plaifoit aux travaux
& aux dangers d’un fiége , & faffoit paroître là
plus grande intrépidité dans une tranchée. -Au
liège de Royan en 1622, il fit trembler plus d’une >
fois pour fa vie- Un jour qu’ il fortoitde làtran- '
ch te , un boulet lui paffa deux pieds au-deffus
de la tête. Mon Dieu, fre , s’écria Baiîompierre., '
ce boulet a failli vous tuer ! » Non pas moi, ré-
» pondit le roi tranquillement, tnaisM. d’ Eper-
» jio(i. » Et voyant des gens de fa fuite qui s e -.1
çartoient pour éviter le coup : » Gomment, leur
» dip-il, vous avez peur que cette pièce tire ? Ne
» favez-vous pas qu’il faut auparavant que l’on
» charge de nouveau » ? Louis continua de donner,
dans çetee journée des preuves de fa bravoure avec
tant pe rifque pour fa perfônne que fon armée
crut devoir lui faire faire des repréfentatio’ns à
ce fujet. » Tous vos officiers , lui dit Lachaü,
» fon premier aumônier , feront enfin obligés ,
» lire, de vous faire la prière que les capitaines
M de David lui firent autrefois: -»Vous ne, étendrez
plus a la guerre avec nous 3 de peur que la lumière
<£ Ifra'èl ne s* éteigne avec vous. dê Louis
X I I I par* Bernard, f
Lorfque ce prince prit les armes contre les pra»
teftans du Languedoc & les Rochelois, il prononça
ces paroles remarquables : » Je fouhaiterois
» qu’il n’y eût de places fortifiées que fur lès
» frontières de mon royaume, afin que le coeur &
» la fidélité de mes fujets ferviffent de citadelle
;»> & de garde à ma perfônne. » Richelieu en affer-
miffant.l’autorité royale par l’extinâion des petits ,
tyrans qui défoloient la France , procura à Louis
X IV l'accompliffement du voeu que formoit alors ,
Louis X III.
Lorfque Négrcpelliffe, petite ville Calvinifte du
Querci, fe fut révoltée en 1622 , Louis fe mit
en marche pour la punir. Malgré fon jufte reffen-
timent, il étoit prêt néanmoins de pardonner aux
malheureux habitans qui imploroient fa clémence.
Mais le prince de Condé étant entré dans le mc-
ment chez le roi, prend un bréviaire qui étoit '
auprès du monarque , l’ouvre & fait remarquer'
que dans les leçons du. jour tirées du vieux tefta-
ment,-le prophète Samuel reproche à Saül d’avoir
épargné les Atnalécites, Cet rargumenr décida
du fore deNégrepehffe. (Hijl.'de Louis X Î I1
par Bernard. )
Ce prince s’étoit fait une peine extiême de la
loi qui rendoit efdaves les Nègres de les colonies
t mais quand on lui eut bien mis dans l’ef-
prit que c ’étoit la voie la. plus fûre pour les convertir
, il y confent t. ( Êfprit des loix. )
Louis ne fut pas feulement jaloux de fon, pre-
? mier minillre, mais encore du connétable de Luynes
i & de tous ceuxqui-obtenoient une grande faveur à
fa cour , bu beaucoup d'autorité dans fes armées.
Après le fiége de Saint Jean-d'Angely en 1621 ,
le connétable de Luynes venoit chez le roi, précédé
de fes gardes & fuivi des premiers officiers
de l’armée. Louis XIII. l’apperçoit & dit à Baf-
► fompiene : « Voyez , Baffompierre, c ’eft le roi
| j q u i entre.-—- Vous me pardonnerez, fire, c’eft
. » un connétable favorifé de fon .maître qui fou-
» tient votre grandeur, & qui étale vos bienfaits
» aux yeux de tout le monde.— Vous ne le con-
» noiffez pas , reprend le prince, il croit que je lui
» en dois de refte & veut faire le roi; mais je
» l’en empêcherai bien tant que je ferai en vie.
» — Sire, répond Baffompierre, vous êtes bien
» à plaindre de vous mettre ces fantaifies dans
» la tête ; le connétable l’eft bien auffi, de ce
» que vous prenez ces ombrages de lui ; & moi
» je le fuis encore davantage de ce que vous me
» les .avez découvertes > car un de ces jours vous
» vous querellerez enfemble : enfuite vous vous
» appaiferez, & yous ferez comme les maris
» & les femmes, qui chaffent les valets auxquels
» ils ont confié la mauvaife volonté qu'ils avoient
» l'un contre l’autre : vous ne manquerez-pas de
» dire au connétable que vous m’avez fait part
J » ,4es mécontentemens que vous avez de lu i ,