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à quelque néceffité de nature, & peu après, fai-
foit entrer fon frère en fa place, qüi étoit des re-
gardans ; lequel relevoit & gagnoit la partie* fans
que nul, ni des joueurs, ni de ceux qui réfïdoient
a Ja galerie, jr connuffent rien d if changement.
L autre, que s’étant, le fîeur d’O rigny, voué a la
recherche de la vicomteffe d’Efclavole, belle,
riche &'vertueufe dame, pour l’époufer; cette
meme dévotion entra auffi-tôt en l'ame de Scîffo-
me, qui ne favoit que fon f&ère s'y fût engagé}
mais en ayant eu avis, changea de propos au profit
&avantage de d’Origny, qui l ’époufa. Auffi les
mêmes accidens qui arrivèrent à l'un pendant le
cours de fa vie, arrivèrent à l’autre5 mêmes maladies,
mêmes bleffures à même inftant, en mêmes
endroits de leurs corps ; & Iprfque Sciffome
tomba malade de la maladie dont il mourut,: au
trentième amde fon âge, le feigneur d’Origny Te
trouva au meme-temps atteint de même maladie;
vrai eft qu’il en réchappa par Tinduftrie de fon
me'decin. L’autre, maltraité par le lien, étant allé
de vie à trépas, & le feigneur d’Origny en ayant
eu la nouvelle, tomba en telle fyncope, qu’on
eftimoit qu’il fut mort ; toutefois il en réchappa.
Un bon peintre les repréfenta tous deux dans un
tableau tels qu’ils étaient, c’eft-à-dire, très-fem-
blables de corpulence & de vifage ».
Des courtîfans de l’empereur Augufte, lui, pré-
fentèrent un jeune grec qui lui reffembloit traits
pour traits. On rapporte, à ce fujet, que l’empereur,
après l’avoir long-temps examiné, lui
demanda en plaifantant, fi fa mère étoit venu à
;Rome? Non , feigneur, lui répondit le jeune
grec , qui fentit où tendoit la queftion, mais mon
père y eft venu plufieurs fois.
Il y a quelques années que l’on vit à Rome deux
jumeaux d’environ douze ans, dont la taille, le:
teint, lès traits, & toute la figure paroiffoienti
exa&ement les mêmes. On prenoit plaifirà leurs*
faire porter des habits de la même forme & de lai
même couleur, ce qui donnoit fouvent lieu à
des; aventures fingulières §pj divertîffantes. Ils
avoient reçu la même éducation ; & plufieurs
perfonnes qui les ont obfervés, témoignent qu’ils
faifoient à peu-près les mêmes réponfes aux mêmes
queftions ; d’où l’on concluoit que leur façon d’en- ;
vifager les objets étoit la même, & qu’ils ne fe
reffembloient pas moins dans-leur manière de
reffentir & de concevoir, que dans les traits du
corps qui formoient leur Tejfemblan.ee extérieure.
Deux frères qui logeoient enfemble fe reffem-
bloient parfaitement, & portoientle même nom.Un
homme demande à .parler à l’un des deux. Lequel
voulez-vous .voir, dit Je portier?... celui qui eft
çonfeillefè . . . ils le font tous deux . . . Celui qui
eft marié? ... ils le font tous deux ? ... Celui qui a ]
une jolie femme ? ... ils en ont tous deux... Eh I
bien! c’ éft donc celui qui eft Coçu...Ma f o i , 1
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monfîeur, je crois qu’ils le font tous deux . , s
Voilà dit l’homme, deux frères, bien diftinésà
fe reffembler. ' *
R E T Z , (Jean François Paul de Gondi cardinal
de) né en 1613 , mert à Paris le 24 août 167a,
- On a de la peine à comprendre, dit M. le pré-
fident Hénault, comment un homme qui paffa fa
vie à. cabaler, n’eût jamais de véritable objet. Il
aimoit l’intrigue pour intriguer ; efprit hardi, délié
, valle^ & un peu romanefque, fachant tirer
parti de 1 autorité que fon état lui donnoit fur le
peuple, & faifant fervir la religion à fa politique;
cherchant quelquefois à fe faire un mérite de ce
qu il ne devoit qu’au hafard, & ajuftant fouvent
après coup les moyens aux évènemens. Il fit la
guerre au roi 5 mais le perfonnage de rebelle étoit
ce qui le flattait le plus dans fa rébellion; magnifique
, bel efprit, turbulent, ayant plus de faillies
que de fuite, plus de chimères que de vyies ;
déplacé dans une monarchie, & n’ayânt pas ce
qu’il falloit pour être républicain, parce qu’il n’&
toit ni fujet fidèle, ni bon citoyen 5 auffi vain,
plus hardi & moins honnête homme que Cicéron ;
enfin plus d’efprit, moins grand & moins méchant
que Catilina. Ses mémoires font très agréables à
lire j mais conçoit-on qu’un homme ait le courage,
ou plutôt la folie de dire de lui-même plus
de mal que n’en eût pu dire fon plus grand .ennemi.
Ce qui eft étonnant, c’eft que ce même
homme, fur la fin de fa v ie , n’étoit plus rien
cle tout cela, & qu’il devint doux, paifible , fans
intrigue & l’amour de tous les honnêtes gens de
fon temps, comme fi toute fon ambition d’ autrefois
n’avoit été qu’urie débauche d’efprit, & des
tours de jeuneffe.dont on fe corrige avec l’âge:
ce qui prouve bien qu’en effet il n’y avoit en lui
aucune paffion réelle.
Paul de Gondi coadjuteur de fon oncle premier
archévêque de Paris, lui Tuccéda dans fon archevêché
,. & fut nommé cardinal.
On lui reprochok un jour qu’il faifoit trop de
dépenfe ; ce^ qui n’étoit que trop vrai, car il h
faifoit exceffive ; il répondit fort étourdiment :
cc J ai bien fupputé ; Céfar à mon âge devoit fix
fois plus que moi ». Cette parole, très-imprudente
en tout fensp fut rapportée au cardinal
Mazarin qui s en moqua , & il avoit raifon.
Le coadjuteur joua un des principaux rôles
dans la guerre de la Fronde. Il leva même un régiment
à fes dépens qu’on nomma le régiment de
Corinthe, parce que ce prélat étoit archevêque
titulaire de Corinthe. Ce régiment ayant été battu
par un petit détachement de l’armée royale, on
appela cet échec la première aux corinthiens.
C ’eft ainfi .que dans ces temps de.trouble on joi-
gnoit l’efprit de révolte à celui-de plaifanterie.
Un jou£ que ce même prélat yint prendre féance
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â'u parlement àvec un poignard dans fa poche *
quelqu’un en apperçut la poignée & s’écria : « V oilà
le bréviaire de notre archevêque », •.
Le chapeau de cardinal, que le coadjuteur par
la fuite arracha en quelque forte des mains de la
régente, fembla fati-sfaire fon ambition, mais
diminua la confiance que. le peuple avoir en lui;
On le crut raccomodé avec la cour, qui néanmoins
craignoit:toujours fes intrigues, & fe faifit
de l’occafion qui fe préfenta de fe rendre maître
de fa perfonne. On le fit d’abord conduire au
château de Vincennes, Peu après l’archevêque de
Paris étant mort, les amis du coadjuteur intr.o-
duifirent dans l ’affemblée du chapitre un homme
chargé de fa. procuration, pour prendre poffeffion
en. fon nom de l’archevêché: de Paris dont on
Vouloit qu’il fé démit. Cette démarche ne Tervit
qu’à aigrir de plus en plus la cour contre le coadjuteur.
On le transféra au château d e v a n te s ,
d’où il trouva le moyen de fe fauver, & il fe
retira à Rome. En 1661 , le cardinal Mazarin »
fon plus grand ennemi, étant venu à mourirs* le
cardinal- de Ret\3 ennuyé de la vie errante qu’il
menoit, accablé d’ ailleurs de chagrin & de dettes’*
follicita fon rappel : mais pour y parvenir, il faL
lut fe réfoüdre à donner une démiffion de fon archevêché.
Ce ne fut qu’à cette condition qu’il eut
la liberté de rentrer dans le royaume. Lorfqu’ après
que cette .grâce lui Tut accordée , il vint fe„j.etter
aux-pieds du rpi :« Monfîeur le cardinal, lui dit
le roi en le relevant , Vous avez les cheveux
blancs ». Sirey lui répondit le cardinal, on blanchit*
aifêmtnt lorfqu on a le malheur d’êtrè dans la
difgrace de votre majefié.
Ce cardinal, dans les dernières années de fa
vie, parut fi dégoûté du monde & de fes vanités
, qu’il voulut remettre au pape fon chapeau
de'Cardinal. Il s’etoit réduit à une dépenfe très-
médiocre , afin de pouvoir, acquitter plus de
trois millions de dettes qu'ihpaya avant,fa mort.
Le grand prince ; de . Gondé pana également fes
derniers jours dans la retraite à Chantilli. Il avoit
accordé dans un coin de Ton parc un .petit her-
mitage à D. Lopin, d’une bonne famille de Dijon,
&.qui avoit toujours été attaché à la maifon de
Condé. Ce religieux s’occupoit à cultiver des
fleurs. Un jour que,le cardinal de Ret% étoit allé
à Chantilli, M. le prince le mena vers, l’habitation
de D. Lopin. Ils voulurent pour s’amufer
éprouver la patience [de ce religieux, 8c feignant
de parler de choies qui les intéreffoient beaucoup.^
ils marchaient à droite & à gauche furies
fleurs^ de l’hermnagç. D . Lopin parut; d’ahord
chagrin de voir foulées aux pieds des "fleurs, qu’il
avait pris tant de foin -à cultiver.- Il fut tenté
plufieurs fois d’en faire, fes plaintes”, mais le ref-
pe<ft le retendit toujours. A la fin là "patience lui
«happs. Il ayoit apperpu à un CHiaifl je ft s §i. à
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un certain fourire que c ’étôit un complot formé
entre le prince & le cardinal. « E h , meffeigneurs,
s’écria t- il, c’eft bien le temps d’être d’accord
entre vous quand il s’agit de faire de la peine à
un pauvre religieux? Il falloit l’être autrefois
pour le bien de la France & pour le vôtre »..
Ces mots, ou plutôt ces réflexions du bon religieux
en firent faire de très-profondes au prince
& au cardinal, qui né, purent s’empêcher de fe
rappeler avec amertume le fouvenir des troubles
paffés.
Le cardinal de Ret^ compofa les mémoires que
noys avons de lui dans fa retraite de CommercL
Il avoit eu la foibleffe .d’y parler de fes aventures
galantes. Quelques rçligieufes à. qui il confia fon
manuferit original, retranchèrent en le copiant?
tous les traits-qui deshonoroient les moeurs de ce
cardinal, & c’eft fur une de ces copies que fut faite
la première édition des mémoires, où l’on trouve
en effet plufieurs lacunes.
Jamais grand feigneur n’a fart tant dé dépenfe r‘.
n’ a tant emprunté , ni fi bien rendu que M* le
cardinal de Ret^. La dernière fois qu'il partit
pour Rome, il fit affembler Tes créanciers : &
examinant ce qu’il leur devoit, il leur témoigna
i qu'il n’avoit qu’une fomme à leur donner dans un
certain temps; & que M...., qui étoit préfent,
en vouloit bien être caution. Tous les créanciers
fe retirèrent là-deffus , & lui dirent qu’ils ne
venoient pas lui demander de l’argent, qu’ils en
avoient encore à fon fervice, & entre autres une
dame fe leva en lui offrant cinquante mille écus ,
qu’ elle le prioit d’ accepter pour les befoins de
fon voyage , & des affaires qu’il pourroit avoir à
Rome. Le cardinal confus de la générofité de tant
de .gens, leur témoigna fa reconnoiffance. Et fe
tournant vers' un marchand qui étoit là :i l y a ,
dit-il, ce pauvre chapelier à qui je dois beaucoup,
je rougis de ne pouvoir le fatisfaire comme
je_ voudrois , comme il le mérité. M o i, mon-
feignèur-, îépondit le chapelier , il eft vrai que je
fuis pauvre, mais je n’ ai pas moins de coeur que
les autres, ni moins d’attachement pour votre
perfonne, je ne vous demande rien voilà encore
trois chapeaux,rouges que je prie votre éminence
d’emporter avec. elle. Tout le monde fut
furpris d’une bonté d’ame fi fingulière dans un
artifan , & monfîeur le cardinal ne put s’empêcher^
de pleurer & de remercier D ieu , qui
tournoit fi favorablement pour lui les coeurs de
tant de diffrentes perfonnes. On a exécuté depuis
avec une fidélité fans exemple, toutes les intentions
du, cardinal après fa mort, & aucun créancier n*a
rien perdu : on. lui fit cette épitaphe :
. llle inquietus hic qui efcit Gondi us, ■
R£YENAN5, Sain-. Louis fut S édifié au réciî