
raifon, conclut Taùteur, le rire peut-il fuccéder
dans la comédie à des fentimens touchans? f
Voici l’épigramme ou plutôt la charade de
Piron contre la Chauffée :
Sur l’ air : de Joconde.
Connoiffèz-vous fur l ’Hélicon
L'une & l ’autre Thalie?
L’une eft chauffée, & l’autre non ;
Mais c’eft la .plus jolie.
L’une a le rire de Vénus ;
L’autre eft froide & pincée :
Salut à la belle aux pieds nuds >
Nargue de .sa Chaussée.
CH A U V E . Les chauves étoient parmi les Romains
l’objet de la raillerie. De tous les honneurs
décernés à Jules-Céfar , il n’y en eut aücun qui
lui fut plus agréable, que la permiifion de porter
perpétuellement une couronne de laurier , parce
qu’il pouvoir, cacher par - là qu’ fl étoit chauve.
Martial dit plaifamment à un homme chauve , qui
avoit toujours, la tête enveloppée de linge, 8c qui
feignoit d’avoir mal aux oreilles :
Non aures tibi 3 fed dolent capilli.
Ne dis pas que tu as mal aux oreilles 3 dis
plutôt que tu as mal aux cheveux.
CH AU V E L IN . ( Philippe de ) , abbé, né
en 1720, mourut en 1770 } ce fut ce confeiller
au parlement de Paris qui contribua le plus à
la profeription des jéfuites.
Il étoit petit, boïTu & fort laid* un jour un
enfant s’ étant mis à pleurer de frayeur en le
Voyant > I l me prend fans 'doute pour un diable 3
dit l ’abbé de Chauvelin en s’adreffant à la mère,
*> en ce cas , répondit la dame, il fe trompe-
» roit très-fort,' puifque les diables n’ont jamais
» eu de plus grands ennemis que vous.
.O n lui fit cette épitaphe :
Des puiflances du monde admirez le néant »
Cit g ît un nain qui vainquit un géant.
' CHEF D ’ARMEE. Après la bataille de la
Boyne où Jacques II fut défait en Irlande par
Guillaume I I I , un foldat anglois fier de la victoire,
tenoit des difeours pleins de vanité. Mais
un foldat Irlandois qui avoit combattu dans l’armée
ennemie, s’ennuya d’entendre fes rodomontades
: camarade, lui dit-il, Vous faites grand
bruit de vos troupes, mais troquons feulement
de chef, & nous voilà prêts, ajouta-t-il avec
un ferment militaire, à recommencer la bataillé.
CHÉRON. ( Elifabeth-Sophie ) , née à Paris
en 1648,' morte en I711 .
Mademoifelle Chéron s’tft diftinguée dans la
peinture; la gravure, la mufique, & la poëfie.
L ’académie des Ricovrati de Padoue voulut fe
l’afiocier , & lui donna le furoom d’ Erato.
Mademoifelle Chéron apprit même l’hébreu ,
afin de mieux entendre le fens 8c les beautés des
pfeaumes, dont elle a donné des paraphrafes en
vers françois.
Le Brun, admirateur des talens de cette mufe
univerfelle, la préfenta lui-même à l’académie
de peinture, qui la reçut au rang de fes membres ,
avec unç diftinétion très-marquée.
, Mais , après la mort de Mademoifelle Chéron ,
l’académie décida qu’ elle ne recevroit plus de
femme dans fon corps 5 réglement dont elle s’eft
cependant écartée piufieurs fois avec juftice.
Pendant un grand nombre d’années, mademoir
felle Chéron , voulant économifer pour l’avenir,
remit^ à fa mère tout l’argent que lui piocuroic
fon pinceau. Elle defira,enfin de s’expliquer avec
fa dépolitaire j & voici la réponfe qu’elle en
eut : ce tout ce que vous m’avez confié juf-
» qu’ à pr-éfent m’appartient, par les droits que
» la nature me donne fur vous. »»
L’humanité , la bienfaifance de mademoifelle'
Chéron, ne fauroient être trop admirées. Cette
femme eftimable apprend que l’âge 8c les infirmités
onf réduit fon maître de mufique à la dernière
indigence 5 elle lui donne aufli-tôt un afyle
dans fa maifon, le nourrit, & a foin de prévenir
tous fes befoins , jufqu’à ce que la mort ait
terminé fa vie.
Les ingrats qu’elle trouva fouvent, ne l’empêchèrent
point de fe faire toute fa vie un plaifir
d’obliger. L’abbé Zumbo , fameux fculpteur ,
dont les figures en cire coloriée, font autant de
chef-d’oeuvres, eut lieu de connoître la bonté
de fon coeur. Cet abbé, qui menoit une vie
peu] aifée en Italie, vint à Paris, dans Tempérance
d’une meilleure fortune. Mademoifelle Chéron
admire fes ouvrages, & démêle dans l’air abattu
de Tartifte , les chagrins que lui fait éprouver
l’indigence. Elle fe doute qu’il a befoin de prompts
fecours : afin de lui fauver la honte de les accepter,
elle lui demande une tête en cire 5 & ,
pour arrhes, lui prëfente fur le champ fix louis
d’or. Les autres bienfaits dont elle le. combla
par la fuite méritèrent à mademoifelle’ Chéron la
plus vive reconnoiflance de la part de l’abbé
Zumbo , qui, en mourant, lui laiflà tous fes
ouvrages.
Cette femme illuftre fe plaifoit à peindre les
portraits desperfannès qui compoloient fa fociété,
ou pour leur en faire préfent, ou. peur les placer
dans
■ dans fon cabinet : — cc même en leur abfence,
» difoit-elle, j ’ai le plaifir de m’entretenir avec
» mes amis ».. ;
Une dame extrêmement coquette , s’ étant fait
peindre par mademoifelle Chéron , lui demanda .
cinq copies de fon portrait : 1 » E h , mon
» Dieu ! ( s’écria quelqu’un que i’artille infor-
rnoit de l’ouvrage dont elle étoit chargée. ) ,
» pourquoi cette femme multiplie-t-ejle tant fon
*» portrait » ? 0 Mademoifelle. Chéron répondit
par ce vérfet dés pfeaumes : quoniam multiplient
«, funt iniquitates ejus.
L ’abbé Bofquillon fit les vers fuivans pour fon
portrait.
De deux talens exquis l ’aflemblage nouveau
Rendront toujours Chéron l’ornement de la France,
Rien ne peut de fa plume égaler l ’excellence
Que les grâces de fon pinceau.
CHESTERFIELD. (le comte d e ) . Le lord
Chefterfield, né à Londres en 1694, mort en
1773. Célèbre parles agrémens & la fineffe de
■ fon efprit il, a confervé jufqu’ à fes derniers momens
fon ton de gaîté & de plaifanterie. Quelques
jours avant fa mort, il fortit en carofle pour fe
promener > quelqu’un lui dit au retour : ce milord
» vous avez été prendre l’ air? — N o n , répon-
3» dit-il, j’ai, été faire une répétition de mon
» enterrement ».• On a de ce lord divers ouvrages
de morale, de philofophie 8c de politique. Un
des plus piquants eft fon bramine infpiré qui a
été traduit en françois.
CHEVELURE. Clodomir fils de Clovis ,
ayant été tué dans une bataille contre les bourguignons,
ils reconnurent ce prince parmi les'
morts à fa longue chevelure. C ’étoit un ufage
établi chez les rois de France de laifler croître
leurs cheveux dès l’enfance , & de ne les jamais
couper. Ils fe les partàgeoient également des deux
côtés fur le haut du front 8c les laiffoient flotter
fur les épaules. Cette forte de chevelure étoit
regardée comme une prérogative attachée à la
famille royale.
Les francs ne pouvoient porter les cheveux
épars. Ils fe les coupoient tout au tour de la ’
tete en confervant ceux du fommet fur lequel
ils les nouoient, 8c les rattachoient de fàçon que
le bout du toupet ombrageoit le front en forme
d’ aigrette.
Les gaulois portoient les cheveux courts 5 les
ferfs avoient la tête rafe, les eccléfiaftiques pour
marquer leur fervitude fpiritue.lle, fe rafoient entièrement
la tête 8c ne conférvoient qu’un petit
cercle dt,cheveux.
On juroit anciennement fur les cheveux comme
on jure aujourd’hui fur fon honneur ; les. couper
à quelqu’ un c’ étpit le dégrader, c’étoit le flétrir.
Encyclçpédiana.
On obligëoit ceux qui avoient trempé dans une
même conlpiration, de fe les couper les uns aux
autres. «
Frèdegonde coupa les cheveux à une maîtrelTe
de fon beau-fils 8c lès fit attacher à la porté de
l’appartement du prince. L ’aétion parut horrible.
En faluant quelqu’un , rfen n’ëtoit plus poli
que de s’arracher un cheveu 8c de le lui préfenter.
Clovis s’arracha un cheveu 8c le donna à Saint-
Germier , pour lui marquer à quel point il l’ho-
noroit; aufli-tôt chaque courtifan s’en arracha un
&.Ie préfent a. à ce vertueux évêque qui s’en retourna
dans fon diocèfe, enchanté des politefles
de la cour.
CHEVER T. ( françois de ) , né à Verdun fur
Meufe, le 21 février s’éleva du pofte
de fimple foldat, au grade de lieutenant général.
Il dut tout à fon mérite 8c rien à la faveur ni
à l’intrigue j tout le monde cbnnoît la retraite
de Prague par le maréchal de Belle-île j Chevert
qu’il y laifla avec dix-huit cents hommes, preffé
de fe rendre par la famine , par les habitans ,
8c par une armée nombreufe , prend les otages
de & v ille, les enferme dans fa propre maifon 8c
met dans les caves des tonneaux de poudre , ré-
folu de fe faire fauter avec eux , fi lés bourgeois
veulent lui faire violence, 8c par cette fermeté
obtint de fortir avec tous les honneurs de la
guerre. Le prince Lobkowitz lui accorda deux
pièces de canon. Chevert avoit le talent précieux
d’infpirer aux foldats une confiance fans bornes ;
dans une occafion où il s’agiflbit de s’emparer d’un
fort , il appelle un brave grenadier : « vas
» droit à ce fort , lui dit - il on te criera ,
qui va là , tu ne répondras rien 5 on te le diras
encore, tu avanceras toujours fans répondre}
à la troifième fois on tirera fur toi,, on tè manquera
, tu fauteras fur la fentinèlle 8c je fuis là
pour te foutenir «. Le grenadier partit à l'inftant,
8c tout arriva comme Chevert l’avoit defiré.
A la journée d’Hamftembeck, aü plus fort du
feu , les officiers du régiment de Picardie firent
prier M. de Chevert de prendre fa cuiraffe , il
répondit en montrant les grenadiers : ce 8c cés
>j braves gens-là en ©nt-ils « ? Chevert mourût
le 24 janvier 1-769, âgé dê 74 ans ; voici T épitaphe
qü’on voit fur fa tombe à Saint-Euftache
à Paris. « Sans aïeux, fans fortune, fans appui,
orphelin dès T enfance, il entra au fer vice à jl’âge
de 11 ans ; il s’ éleva malgré l’envie à force de
mérite , 8c chaque grade mt le prix d’une aéliôn
d’éclat} le féul titre de maréchal de France a
manqué, non pas à fa gloire , mais^ a 1 exemple
de ceux qui le prendront pour modèle ».
CH E V R E AU . ( Urbain ) , né- à Loudun en
1613, fecrétairê descommandemens de Chriftine,
reine de Suède, mort en 1701.
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