
fait que Ferdinand , jaloux peut-être de l'autorité
que le cardinal acquéroit, avoit écrit à Pierre Na-
varre, général de Ximenes : « Empêchez le boji
homme dé repaffer en Efpagne ; il laut ufer autant
qu'on le pourra fa perfoane & fon argent ».
Ferdinand qui defiroit depuis long - temps de
pourvoir de l'archevêché de Tolède fon fils natu
rel D. Alphonfe d’Arragon, follicita plufieurs fois
Ximenh de lui céder cet archevêché, & de paffer
à celui de Sarragoffe : mais l'inflexible prélat lui
répondit toujours « qu’il ne changeroit point d’é-
poufe i qu'il retourneroit plutôt à fa première vocation
; qu'il reprendroit fans peine la pauvreté &
la retraite d’un religieux, mais qù'il ne laifferoit
la joulffance de fon revenu qu’à fon églife, & aux
pauvres à qui feuls ils appartenoient. »
L'hiftoire fait mention que Ximenls prévoyant
une ftérilité extraordinaire, fit conftruire des greniers
publics à Tolède, à Alcala & àTorrélagula,
& les fit remplir de bled à fes dépens. C e bienfait
fit un telle impreffion fur les coeurs, que pour en
çonferver la mémoire, on en fit graver l ’éloge dans
la falle du fénat de Tolède & dans la place pu-
blique.
Lorlque Ferdinand fentit fa fin s'approcher, il
donna une nouvelle preuve de l’eftime qu'il avoit
pour fon minière en le nommant, par fon teftament,
régent du royaume de Ciftil'e pendant
l'abfeqce de l'ar.hiduc Charles. Le fier ré-ent Lm-
bla oublier l'humilité avec laque e il avo t refufé
autrcfuis l'archevêché d; T le t > il gouverna le
royaume par les princip s deft>otiques adoptés dans
les cloîtrés. Il fe vantoit de ranger avec Ion cordon
tous les gran.ls à leur devoir, & d'écralet leur
fierté fous fes fandales. Les premiers fei^,neurs
d'Efpagne, révoltés d’une telle conduite , lui demandèrent
hautement, de quel droit il gouvernait
le royaume ? En venu du pouvo'r que nia
donné le teftament du feu roi. Mais, ajoutèrent-ils,
Ferdinand n'étar.t qu’adnv.niftrateur du roy ume
pour la r<.fne, n’a yu vous conférer la qualité de
régent. Ximenes les condu fit alors fur un balcon ,
& faifant faire en Lur préfence la décharge d'une
forte batterie de canons qui étoit vis-à v s : Ek
bien ! voilà, leur répondit l'intrépide régent, voilà
mes droits i ofe% vous les contefter ?
Les nobles députèrent en Flandres auprès de
Charles, fucceffeur de Ferdinand, pour fe plaindre
du régent« Ximenes, pour toute juft'fLation,
demanda au prince des pouvoirs fans bornes, &
les obtint. Il s’en fervit pour gouverner avec encore
plus de févérité. Ce cardinal, qui s’étoit con-
fervé dans le miniftère jufqoà l’âge de 86 ans»
mourut néanmoins hors de la faveur.
Y
Y e U X . On dit faire les yeux doux h une
belle, pour exprimer qu’un tel cavalier eft amoureux
d’une demoifelle, qu’il la courtife.
Une dame qui avoit le regard rude, fe trouva
dans un compagnie : un cavalier qui étoit du nombre
, demanda-à fon voifin qui elle étoit; c’eft,
répondit-il, la marquée de.-.. . . . à qui le duc
tic........... a fait les yeux doux : i! y a bien mal
réuflï, répliqua le queftionnéur.
Dans une comédie italienne, on demande à
arlequin comment font les yeux de fa maîtreffe...,
mais.......ils font grands, ils font v ifs , ils font
brillans, cela fait de fort beaux yeux, dit-il, pour
des yeux.
La renne, fi utile en Norwège & dans tout le
Nord pour tirer les traîneaux, a fur les yeux une
efp'èce de membrane, à travers laquelle elle voit,
lors même que pendant la grande chute de la
neige, elle eft obligée de fermer entièrement les
yeux.
Les naturalises accordent au pipillon jufqu’à
346^0 yeux3 & plulieurs ont obfervé dans un feul
oeil de papillon 173 25 eminences taillées à facettes
, qu'ils regardent comme autant de cryftallins.
Il eft bien malheureux pour ces pauvres phalènes
de ne pouvoir avec tant ■ à’yeux diftinguer la lumière
d'une chandelle, à laquelle ils viennent fi
fouvent fe brûler.
Les yeuX' du caméléon ont deux mouvemens
tout-à-fait indépendans l’un de l'autre : l'ün fe
trouve en devant, pendant que l'autre eft tourné
en arrière; l'un regarde en haut, pendant que
l'autre regarde en bas, & ces mouvemens oppo-
fés font en même-temps extrêmes.
Un payfan prétendoit avoir naturel'ement imprimés
autour de fes prunelles ces mots : Sit no-
men Domini benediélum. Ce qu'il y a de plus éton- g
nant, c’eft que tous les autres piyfans les lifoient
dans fes yeux. Le bru:t de cette fingularité fe répandit
bientôt jufqu’ à Paris; & fur ce que l'homme
en quefti n offrit d’y venir pour fatisfaire la curio-
fité du public, on lui_ manda de partir, en lui promettant
même de lui rembourfer les'frais de fon
voyage. Cependant on eut beau attendre, il ne
vint pas ; apparemment que dans l’intervalle l’inf-
cripti.n s’étoit effacée par quelque accident.
Dans une compagnie où étoit une grande fille
dont les yeux étoient fort ronges, affez belle
d'ailleurs, un blo din qui lui faifoit beaucoup la
cour, la cajola fur fes yeux, & alla jufqu’à dire
que c ’étoit un trône, ou l ’amour faifoit fa réfîdence
ordinaire. Parbleu, dit un vieux abbé qui
entendoit cela«* lï l’amour réfide dans ces yeux-là,
il doit donc être en habit de préfident, qui prononce
en robe rouge.
Un poète a envoyé à madame d e * * * ces vert
fur les yeux bleus & les yeux noirs :
Les yeux jaloux du prix de la beauté,
Vantqient entr’eux le pouvoir de leurs armes î
Dans leur langueur les bleus avoient des charmes :
Les noirs piquoient par leur vivacité.
Sans triompher ni les uns ni les autres,
Leur différend partageoit les efprits ;
Mais quand chacun en jugea par les vôtr es,
Ce fut aux bleus que l’on donna le prix.
Si peu content de cette préférence,
Quelqu’un de leurs rivaux prend la défenlê,
Et porte d’eux un autre jugement :
A fes raifons je n’ai rien à répondre.
Charmante Iris, montrez-vous feulement ;
D’un feul regard vous faurez les confondre.
Homère appelle une belle fil'e, une beauté eux
yeux noirs, qui infpirentla tendrejfe. Anacréon veut
qu'on peigne fa maîtreffe avec des yeux noirs, &
Bathylle avec des yeux & des fourcils noirs. Tel
eft aufii le Lycas d'Horace :
Nigris ocuîis nigroque crine décorum.
O d . 29.
Les yeux noirs font tellement eflhnés par les
Grecs aétuels , que les hommes meme en prennent
quelquefois leur furnom. M. Guys, dans fes lettres
fur la G rèce, dit en connoître plufieurs qu'on
appelle Macromati, c'eft-à-dire, en langue vulgaire
, aux yeux noirs.
Il y a dans une brochure intitulée : l'A n d'aimer,
un difeours affez fingulier, prononcé à Florence
dans l'académie des Apathiftes, relatif à la
préférence desyeux bleus fur les noirs. Cette quef-
tion eft agitée avec autant d'intérêt & d'apparat,
que s’il slaglffoit d'un problème de morale ou dé
phyfique très-intéreffanr. Voici enfin la condu-
fion de I auteur : s'il faut abfolument réfoudre ce
problème, dit-il, je le ferai en deux mots. Sans
m arrêter a la couleur des yeux, foit qu'ils foiept
bleus, foit qu'ils foient noirs, ceux qui tourneront
vers moi les regards les plus favorables, auront
la preference.