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v ifjge un coup de poing qui Tuiv fit entrer le
fifflet jufqu’au milieu du gofier. Au moyen de
ces petites exécutions , les acteurs jouèrent tranquillement
j 8c nous avions tout lieu de nous
flatter que nous aurions déformais le fuccès le
plus paiùble, lorsqu'un incident nous obligea de
dîfcontinuer ».
*» Il fut queftîon ^e l’éleétion d’un membre
du parlement pour la ville de Wcft-minfter. Mÿ-
lord Trent.... d’une des meilleures maifon d’Angleterre,
étoit fur de prefque tous les fuffrages; on
lui demanda en pleine affcmblée, s’il n’étoit pas du
nombre de ceux qui avoient fouferit pour l’ét-a-
büflement d’une comédie françoife a Londres.
Il protella qu’il n’en étoit rien : on exigea fon
ferment ; il le fit & le répéta même pour plus
grande nototiété. Un apothicaire prit la parole,
flç jura que non - feulement milord étoit un des
fouferipteurs, mais encore q u ill’avoit vu mettre
l’ épée a la main contre fes compatriotes, 8c s’étpit
lui-même trouvé dans lamêlee. Il n’en fa’luc pas
davantage pour irriter tous les efprits : un murmure
infultant s’ éleva dans l’affemblée ; le bruit
de l’a&ion de milord & de fen prétendu faux
ferment fe répandit dans toute la ville. Le peuple
rempliffoit les rues, criant à haute voix : « Point
» de parjure, point de comédiens françois ». Ces
mots devinrent le-" refrein de mil’e chanfons ; on
inféra dans les papiers publics la copie d’ un adte
du parlement, qui condamne les parjures au pilori.
Cet a&e fut affiché dans tous les carrefours -,
& à la porte de milord Trent...
» Enfin on lui fufeita un concurrent , 8c le
peuple.fe rendit en foule à la maifon d’un homme
qui ne s’attendoit pas à l’honneur qu’on vouloit
lui faire; auffi fut - il furpiis de la proportion,
qu’il rejetta d'abord, fondant fon refus fur la
médiocrité de* w fortune, qui ne lui permettoit'
pas de régaler ceux qui donnoient leur voix au
candidat. Tout le monde battit des mains , &
l ’air retentit dç mille cris de joie.' Les chefs de
cette populac^tnnoncèrent qu’il ne lui en coûte-
roit pas une obole, qu’ils ouvriroient les tavernes
à .leurs frais, & faifoient voir par là leur défin-
téreffement. Ils fe répandirent dans toute la ville,
& fe mirent à crier : <* Point de milord Trent...»
Les fpe&acles publics étoient interrompus par les
mêmes clameurs , & l’ on ne fouffroit point que
l’on commençât une comédie, qu’auparavant les
fpe&ateurs euflent répété ces mêmes cris. On
jettoit des loges dans le parterre une foule d’imprimés,
qu’on s’arrachoit, 8c qui faifoient rire
aux dépens de milord. Son rival, au contraire,
qui ne manquoit pas de fe faire voir dans la loge
la plus difiinguée, étoit reçu au bruit des applau-
dîffemens. La tempête cefla enfin, les •flots fe
calmèrent, & milord, par des largeffes , vint à
bout de regagner les v o ix , & fut élu unanimement.
Le peuple fe contenu de la chute de
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i notre théâtre, & nous fumes feuls les viéümes
de l’antipathie nationale ».
Dans une dernière féance du parlement d’An-
! g1« erre, du 27 mai 17 78, on fit übrtir tout le
| monde de la galerie, à l’exception d’une perfonne.
| M. Henri Lun'eft Lutret demanda pourquoi on
! avoir fait cette difrindbon ? M. Biirke répon-
; dit, « qu’elle avoit été pour M. Garrik , à
| » qui tout ce qu’il y a voit d’orateurs dans le
. » fénat britannique dévoient leurs talens, ayant été
» formés à fon école; 8c qu’en qualité "de leur
: » mJtrç, il avoir bien le droit; d'aflifter , comme
; » juge, à leurs combats ». Ce fuffrage emporta
les applaudiffemens de toute la chambre-, & Jav
mais peut-être 1 art de comédien-^ta reçu un plus
magnifique éloge.
Nelly,- comédienne anglo’fe , autrement, Helène
Guyn, née dans une vile taverne, n’eut aucune
forte d’ éducation. Elle commença pat vendre du
poiffon ; enfuite, comme elle avoit la voix agréai
b le , elle a’ioit chanter dans les caba ets. Une
célèbre appareilleufe ( madame Rofs ) s’en empara,
& parvint à la polir un peu. Elle fut âd-
| mife, en 1667 , au théâtre royal, & appartint
fucceffiveme t à plufieurs aéfceurs. Buchurfi étoit
fon amant lorfque Charles II en devint épris. Ce
prince fe débarraffa de fon rival , en le chargeant
de quelque commiffion en France ; 8c c’elt de ce
moment que Burnet,& les autres hiftoriens ont
parlé de cette aélrice. Charles II prit du goût
pour elle en 16 7 1 , en lui entendant réciter l’épilogue
de l'amour tyrannique, que Dryden avoit
fait exprès pour elle. Elle étoit l ’a&rice favorite
de ce .poète, & il compofoit des rôles particuliers
pour la. faire briller. f/
Un a&eur d’un autre théâtre ayant paru avec
un chapeau fort large, le public, engoué de ce
chapeau , s’avifa de protéger une méchante pièce.
Dryden, p qué de ce ridicule fuccès, fit faire
un chapeau large comme, une roue de carroffe,
Sc le donna à mademoifcÜe Guyn/, qui étoit une
beauté mignonne & piquante. Cette plaifanterie
prit extraordinairement' ; les aéteurs eux-mêmes
ne pouvoieny s’empêcher d’en rire : Charles II ,
le prince le plus gai que l'Angleterre ait eu, fut
enchanté du chapeau, 8c. ne fu^ pas celui qui en
rit le moins. Madame Hélène ( ainfi l’appeloit-on
depuis qu’elle étoit la maîtreffe du roi ) n’étoit
pas excellente a&rice pour la tragédie, 8c elle
jouoit rarement. Dans le comique,- elle n’étoit pas
non plus comparable aux Q,uin, Davenfpprt, Mars-
hall y Bowtell, Betterton ïJ*Lees; mais àvec beaucoup
d’enjoûment, de vivacité, de coquetterie ,
elle avoit de grands talens pouf te chant 8c pour
la' danfe.
Il faut croire qu’elle auroit joué un rôle plus
brillant & plus décens dans le monde, fi fa- naif-
fancc avoit été moins balle, ou fi elle, avoit eu
plus d’éducation. Mais les rues 8c les cabarets de
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Londres étoient une école qui auroit dû la conduire
à la plus miférable crapule, & il y a lieu
de s’étonner qu’elle ait fait les délices d’un monarque.
Au furplus, elle avoit d’excellentes qualités
, 8c elle etoit extrêmement gméreufe. Re-
connoiflfante envers Dryden, elle ne rougit point
de faire éclater les fentimens qu’elle lui devoir.
Dans- fa plus grande profpéritç , elle ne négligea
aucune de fts çonnoiffaHces de théâtre, ni ceux
qui lui avoient fait du bien dans l’état,obfcur où
elle avoit d’abord vécu. Elle fit des libéralités à
plufieurs hommes de lettres, 8c eatr’ autres à Lee
Sc à Ottway ; elle les , étendit même jufqu’à des
eceléfiaftiques, quoiqu’alors ce ne fût pas la mode
à la,ca;ur.
U» jour qu’ën fupërbe équipagè, elle paflfoit
danst les fues de Londres, elle vit traîner en prifon
un miniftre honnête homme, dont la milère ne
provenoit que de cirçonftaaces imprévues : elle
paya fur 1er champ fes dettes , & lui procura de
l ’emploi. Ç ’eftla feule de,s maîtrelfes de Charles II
qui lui ait été fidelle. Âpres la mort de ce Prince,
elle ne fe rélâcha point fur fa conduite; ëlîè ne
fit la cour1 à perfonne, 8c fut éviter avec foin de
dépendre d’aucun miaiftre. C ’eft auffi de toutes
les maîtrelfes du roi-, celle qui étoit la plus
agréable au peuple. Un jour le , peuple s’étant.
affemblé près de la boutique d’un orfèvre , qui
faifoit un très-^beau fervice d’argent pour la ■ du-
cheffe.de Portfmouth, à qui le roi Lavoie def
tiné, il éclata en murmures, 8c en accablant de
malédictions la duchelfe. Il regrettoit que ce pré- ,
fent ne fût b^s plutôt deftiné pour madame Hé- :
lène. Les portraits de cette favorite, faits par'
Lély & par d’autres peintres, la repréfentent
très-belle: elle.étoit cependant de petite taille,
& on l’accufoit d’affeCter un peu trop de négligence
dans fa parure : rare défaut, fouvent heureux.
COMMER CE . Parcourez toutes les: contrées
de la.terre, & par tout où vous ne trouverez
aucune facilité de com m e rc e d’ une cité à un bourg,
d’un bourg à un village, d’un village à un hameau,
prononcez que les pénales font barbares,
& vous ne vous tromperez que du plus ou du
moins.
COM M ER ÇAN T ; Tout le mondé eft- comm
e rçan t j Iq prédicateur vend fes fermons, le prêtre
K>n affiltance', l’avocat fes plaidoyers & fes écritures,
le marchand fes denrées !, la'fille charitable
fes appas , le juge fes vacations & fes rappprts,
le banquier foa argent , le médecin fes yifites p i
fes confiiltations ; le militaire .eft celui de'r;tpftsi
qui donne fpn . fervicç à meilleur marché,,' parce *
que l'honneur le dédommage^ ’
.11, n’y a pas , de .membres plus utiles à la fo-l
«iété que les commerçant ; ils réuoifieat les hommes •
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par un trafic mutuel, ils diftribuent les dons, de
la nature, ils occupent les pauvres, remplilfenc
les defirs des riches, 8c fu^pléënt à la magnifia
' cence 8c aux befoins des empires. 1
L’erapereur Charlequint ayant projette une ex-
péditiôn contre Tunis, fe trouva dans le plus
grand embarras pour ramaffer les femmes necef-
faires pour mettre à fin une auffi grande entre-
prife. Une feule iamille de négocians-, à Augs-
boürg , s’ offrit de les lui fournir. L’empereur accepta
la prepofition, 8c leur donna fon obligation
par écrit. Un jour qu’il fe promenoit dans leur voi-
Îirîage pour prendre l’air, ils le,prièrent de vouloir
bien leur fa re l’honneur d’accepter-la collation
chez eux. II fe rendit à leur invitation. Auffi-
tôt ils lui préparèrent un feu compofé entièrement
de bois de canelle , prétendant qué lé bois or-
•dinaj'e n’ttoit pas digne de chauffer un auffi1 grand
prince. L ’empereur les- alfura que c’éfoit .la première
fuis de fa vie qu’il fe feroit chauffé a im
feu auffi cher* Ge n’eft encore rien , lui répliquèrent
ils , en comparaifon de la pièce avec laquelle
nous allons l ’allumer ; 8c dans l’inftant,
l’un d'entre eux tirant de Ton fein l’obligation de
l’empereur, en alluma le feu , tandis que toute
la famille en choeur fe mit à chanter : T h u s b r ig h t
a n d f r a g r a n t i s C h a r le s 's N om e .
Dans la crainte que Louis X IV ne fe vît obligé,
au congrès de Gertrüydenberg , d'acquiefcer aux
demandes des nvn'ftres d'Allemagne, d’Angleterre
8c de Hollande, qui exigeaient que fon petit-fils.,
Philippe V , alors roi d’ üfpagne,.renonçât à cette
couronne, Sles marcha o ds de- Saint-Malo cédèrent
aux colonies Espagnoles de l’Amérique tous les
profits" de leur’ commerce, 8c , au même- inftant,
fournirent encoie au roi trente-deux millions en
efpèces.
En 1578, un nommé Thomas Sutton, négociant
Anglo-rs, très-habile 8c d’une. tres-grandc
réputation, ayant eu affez d’adreffe 8c d’influence
à Genève pour y fajre;protefter toutes les traites
Efpagnçles 3< trouva par. ce moyen! î§£ fecret de
retarder, pendant un an entier, le départ de la
célèbre flotte 1’.A rm a d a ,; ce qui ne contribua pas
pèu à la ruine de cette formidable entreprife.
Un négociant d’Amfterdam avança une fois
deux millibns de florins au prince d’Orange 3 pour
: fa ^célèbre expédition contre l’Angleterre ; accompagnés
du compliment fuivartt : r« La caufe que
» vous entreprenez èfhhuïWaine 8c glorieufe. Si
» vous rébfliffez , je fuis- bien certain que vous
» me payerez ; fi vous ne réuffiflfez pas, la perte
» elî pour moi ».
-, Un. marchand ..avoit parcouru tout le jour la
ville, dé Montpellier ; il avoit été voir tous fes
^çorrefpondans , accompagné de l'un d’eux, qui,
J m le foir 3 lui dit : «Nous aVons affez couru,