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« impuiffance qui eft pour eux une faveur des
» Pieux »,
Créfus, dont l ’orgueil ne pouvoît reconnaître
ç y érité cey difcours , en, parut eftimer moins
; & le célèbre Efope qui étoit à la cour de
Lydie, ayant pris le fage de Grèce eh particulier,
lui dit : » Solon, il ne faut ou ne jamais approcher
des rois, ou bien né leur dire que des chofes agréables
». Dis ;plutôt, reprit Solon , qnil faut ou ne
us pas approcher , ou leur dire des chofes qui leur
foient utiles.
Cependant Créfus ayant été vaincu & fait prî-
fopnier par Cyrus, reconnut lui-même la vérité
des maximes de Solon. Au milieu des tourmens
qde lui faifoit fouffrir ,fon barbare vainqueur, il
s écria fouvent : 0 Solon, Solon ! Cyrus furpris
Uiï envoya demander quel dieu ou quel homme il
inyoquoit. Créfus lui rapporta les difcours du
phiiofophe de Grèce. Des maximes fi pleines de
lâgeffe, & qui etoient confirmées par un auflî
gïaiid exemple , touchèrent le roi de Pcrfe qui,
prenant des femimens plus humains,, confola fon
malheureux prifonnier, &; lui donna un rang dans
la çour.
Solon répétoit fouvent qu’un empire eft chan- !
celant, fi le magiftrat n’obéit aux lois, & le peuple
au magiftrat IL ajoutoit que les loix reffem-
bloient aux toiles d’araignées qui n’arrêtent que
Içs mouches.
Solon voyant un de fes amis plongé dans la
douleur, & ne pouvant Je confoler, le condujfit
ait haut de la citadelle d Athènes. Quand ils y
furent arrivés, il Lui dit de jet-rer les yeux fur
toutes les maifons qu’on découvroit.à l'entour :
*c v°hge z j ajouta-ti; enfuite, quels foucis déyo-
rans , quelles peines .cruelles, quel$; chagrins,
quels maux habitent fous, ces..toitsÔi fuppçrtez.
rfes malheurs q.ue. vous partagez avec, tant d’autres
'
Solon,avoit toujours refufé de fe prêter aulx vues
d,e Pififtrate} qui s etoit emparé du gouvernement
d Athènes. On 1 avertit un jour qu’il avoit tout à
craindre du tyran ; & comme on lui demandoit fur
cfuoi il fe raiîuroit : Sur.ma vieiUeffe, répondit-il.
Ceci rappelle une pareille réponfe de Caftricîusi
magiftrat de Plaifance du temps de Sylla. Ij ne
vouloit pas. permettre qu’on donnât des otages au
conful Cneïus Carbon qui crut l’ intimider, en lui
difant qu’il avoit beaucoup d’épéès ; & moi beaucoupd‘
années , répondit Çaftricius.
; SOMNAMBULES. Un gentilhomme François
aVoic çouturh£ de fe lever la nuit en dormant, &
de faire voler fon faucon. Un foir , couchant dans
une hôtellerie, il avertit un cocher, qui étoit
dans lamiêm.e chambre, que cela pourroit bien Iui
arriver. Le cocher, qui étoit un malin drôle, lui
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dit qu’ il étoit dans le même cas, & qu’il fe le voit
fouvent la nuit pour fouetter fes chevaux a mute
outrance, croyant les dégager d’un bouibier. Le
gentilhomme fe lève en chélnife, prend fon faucon,
&'le jette en criant 'très-fortement : Hapafa,
hapafa, hapa ! Le cocher fe faillît aulfirtôt de
fon fouet, & d’en décharger les coups les plus
ferrés fur le gentilhomme, en criant comme s’il
etoit embourbé : il maltraita exceflivement ce
pauvre fomnambule3 mais il le guérit pour toute
fa vie. Ce remède, à ce que l’on affûte, a eu un
pareil fuccès dans de femblables occalions.
t Henri de Heer avoit connu un homme qui
etoit fomnambule dès fa jeuneffe. Quand il u'avoit
pu venir , à bout pendant la journée dé quelques
vers auxquels il travadloit, il fe levo:t dans le
fommeil, ouvroit fon bureau, fe mettoit à écrire,
& l.foit à haute voix ce qu’il avoit écrit ; enfuite
il fe mettoit à rire de joie d’avoir fi bien réuffi,
& il vouloit que quelqu’un, qui couchoit dans
: la meme chtmbre, rît avec lui. Après cela , il
enfermoit fes papiers, fe remsttoit au lit, conti-
nuoit à dormir, & le lendemain ne fachant rien de
tout ce qui s’étoit paffé, il étoit fort* furpris de
trouver fes vers achevés de fa propre main; &
1 ami, qui avoit été témoin de ce manège, avoit
beaucoup de peine à lui perfuader ce qu’il avoit
vu. Le même homme fe maria, & continua à être
fomnambule. Etant endormi, il emportoit quelquefois
fon enfant hors du berceau, & le promen
â t par toute la maifon. Lorsqu’il étoit dans cet
état,, fa femme pouvoir tirer de lui tous’ fes fe-
crçts ; il avoit les yeux ouverts., mais il proteftoit
aptes Con réveil que les, objets n’avoient fait aucune
imprelfion fin- lui. Etant devenu vieux , il
ceffa d’être fomnambule,•
L ’écolier dont parle Clauderus, fe levoit dans
le fommeil , faifoit fes devoirs fe remèttoit au
lit, & treuvoit le les demain cette befogne faite,
fans fe fouvenir de rien.
M. Mufitani dit avoir eu un ami fomnambule 3
a qui il a vu faiie L s chofes fuivahtes. Au milieu
de la nuit,, il fe leyoit de fon li t , & aljoit dans une
maifon-voifine qui étoit ruinée, & où il n!y avait
que les gros murs & quelques poutres mal affu-
rées. ll 'montôit au plus haut de-,cettè malfch,
fautoit d’une poutre à l’autre, quoiqu’ il y eût
au-deffous un profond abîme. Une certaine nuit,
qu’il faifoit clair de lune, M. Mufit .ni ayant ap-
perçu fon ami.qui coùrôit ainfi , d attendit au retour,
& fitôt qu’il fut rentré il lë> fouetta rudement.
Il réitéra ce remède quelqu’autres nuits de
fuite, & par ce moyenjguérit fon ami.
J’ai entendu parler, dit. le père de faint Ro->
muald, feuillant, .d’une fille qui s’alloit baigner
toutes les nuits dans la Seine en rêvant 5 .ce qu’elle
continua jufqu’ à ce que fon père, eiv étant averti,
l’attendit une fois fur le chemin,' & la fouettai
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bien, pôuriui faire perdre cette coutume, qu’ elle
s’éveilla fort furprife de fe voir nue au milieu de
la rue.
SONGES. Il n'eft que trop ordinaire de trouver
des perfonnes qui ajoutent foi aux rêves > &
on cite en leur faveur plufieur fonges qui o-nt reçu
leur açcompljffe.ment 5 mais il feroirbien plus étonnant,
fi.l’on ne poùvoit point en citer, vu le
grand nombre de ceux qui rêvent.
On lit ce fonge dans le livre des hiftoiies mémorables
de Sinjon Goulard.
Un jeune homme de Dordrecht, en Hollande,
avant diflipé tout fon bien, ne favoitplus de quel
côté tourner pour vivre. Comme il fongeoit (ou-
vent à fa mauvaife conduite , il fit un rêve fingu-
l:er : il fongea, qu’étant à fe promener feul aux
environs de la ville, il fut abordé par un homme
qui lui dit qu’il connoiffqic le mauvais état de fes
affaires j mais que s’il vouloit fuivre fon confeil,
il lui procureroit un moyen de fortir de l ’embarras
ou il étoit; que pour cet effet, il devoit aller à
Kemper , & qu’il’trouveroit dans cette ville la fin
de fes peines, fans lui fpécifier autre chofe. Ce
jeune homme ne fut pas plutôt éveillé, que ce
rêve & ce voyage fe préfémèient à lui & quoi-
cju’il n’ajoutât pas beaucoup de foi à la prééiftibn,
il prit le parti d’aller dans cette ville. Il ne fut pas
plutôt arrivé à Kemper, que ne fachantà qui s’a-
drêffer, & ne connoiffant perfonne, il fe repen-
toit dé;à du voyage, Iorfqu’il fut abordé par un
homme, qui lui demanda la caufe du chagrin qui
paroiffoit fur fon vifage. C e jeune homme, quoique
honteux, lui raconta fon hiftoire & fon rêve j
à quoi l’autre répondit, que s’il falloit ajouter foi
à toutes les idées qui nous paffent dans l’imagination,
il devroit auifi voyager , & aller à Dordrecht
pour réparer fés affaires ; que dans cette
ville, il devroit chercher un jardin, dans lequel
il trouveroit un tréfor caché fous un églantier j &
comme il défigna l’endroit où étoit la maifon, ce
■ jeune homme reconnut'que c’étoit la fienne même,
feul bien qui lui reftoit de fon père, & qui
. e'toit même un peu endetté.
Il ne fit pas femblant de s’arrêter à tout ce que
cet homme difoit ; il l’applaudit même fur fa façon
de penfer-, & changeant de propos ,, il fe retira,
après l’avoir remercié de fes conféils. Il ne
fut pas plutôt arrivé dans fa ville, qu’il creufa
dans fon jardin fous l’églantier, où il trouva en
effet une groffe femme, qui lui fervit à payer
toutes fes,dettes, & à racheter tous les biens qu’il
avoit aliénés.
Grotius , dans, fes lettres , rapporte qu’un certain
homme, qui ne favoit pas un mot de grec ,
vint voir M. Saumaife le père , qui étoit confeiller
au parlement de Dijon , & lui montra de certains
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mots qu’il avoit entendus la nuit en rêvant, &
qu’ il avoir écrits en caractères François à fon réveil.
Il demanda à M. Saumaife s’il ne favoit pas ce
qu’ ils indiquoient. Saumaife lui répondit que cela
fignifioit : Vas-t’en , ne vois-ta pas la mort qui te
menace? Cet homme quitte auifi tôt fa maifon,
& elle tomba la huit fuivante.
Peirefc, favant amiquaire, rêva une nuit qu’il
étofcàNîmes, cù un orfèvre lui préfentoit une
médaillé d’or de Juies-Céfar, dent il lui demandoit
quatre écris. S e tant éveillé, il s’en alla à N îmes,
& con.me il fe promenoir par la ville, il
rencontra un orfèvre, à qui il demanda s’il n’a-
voit point quelques curiofités. L ’orfèvre lui dit
qu’il avoit une médaille de Jules-Céfar; interrogé
fur le prix , il demanda quatre écus , que M. Peirefc
lui donna, voyant ainfi, avec pla.fir, fon
rêve accompli.
Quand Amilcar, capitaine des Carthaginois,
eut aflïégé Syiaeufe, il fe perfuada avoir entendu
une voix en dormant, qui faillira qu’il foipe-
rok en ladite ville le jour fuivant. A fon réveil,
il fait donner l'affaut, efpérant fe rendre maître
de la ville, pour y fou per félon l’oracle de fon
fonge : il y foupa véritablement, mais comme captif
& non comme vainqueur, ayant été pris pri-
fonnier dans la chaleur du combat.
La pefte ayant gagné dans l’armée de Çhades-
Quint, ce prince apprit en fenge que le meilleur
remède étoit la décoCtion d’une eîpèce de chardon
nain qui croît dans les montagnes, & que l’ on
appella depuis chardon caroi.n.
S O P H O C L E , poète tragique grec , né à
Athènes , l’an 49y avant Jeïus-Chrift, mort en
406 , âgé de 85 ans.
Sophocle eut pour élève & pour rival, le tendre,
le touchant Euripide. On accufoit celui-ci d’en
vouloir à toutes les femmes, depuis qu’ il avoit
éprouvé l’infidélité de la fienne, & de n’avoir
laiffé échapper dans fes drames aucune oecafion
de médire du beau fexe. Mais Sophocle penfcit-il
mieux des femmes ? On lui diioit un jour , que
celles qu’il introduifôit fur la ftène , éroient fage s
& honnêtes, au lieu qu’Euripide dor.noit à lès
perfonnages de femmes , les caraélères les , plus
méchans. » Euripide , répondit, m aligné mec t
Sophocle , repréferte les femmes comme elles-font,
& moi comme el es doivent être ».
Cet illuftre trag'que conferva fon génie -jufques
dans un âge avancé. Des .enfans ingrats osèrent
néanmoins l’accu fer d’être tombé eh en Lancé. Ils
le déférèrent aux magillrats comme incapable'de
régir fes biens'.,Pour toute défenfe il lut à1 fes juges
quelques morceaux de Y OEdipe d C o lo n n equ’il
compofoit alors > les juges & ie peuple le ramenèrent
chez lui en triomphe.
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