
8o S R A C
Cvéquî dît que Pyrrhus aime trop fa maîtrefle,
D’Olone, quJAudromaque aime trop fou mari.
Racine a voit un oncle chanoine-* régulier
d’Uzez , qui lui >efîgna fon bénéfice : mais comme
il différa trop long-temps à prendre l'habit'de cet
ordre , un régulier lui difputa ce bénéfice & Remporta.
La pe.te de fon procès le détermina à
corripofér fa comédie des Plaideurs. Alix deux
premières repréfentations, les aéleuis furent pref-
que fi filés , & n'ofèrent hafarder la troiiîème.
Molière, qui éfoit alors broui lé avec Racine, ne
fe laiffa pas entraîner au jugrment de la multitude
, & d t en Torta-x, que ceux qui fe mo-
quoient de cette pièce méritoierït qu’on fe moquât
d'eux. Un mois après^, les comédiens é-ant à la
coiir, & ne fachant quelle petite pièce donner a
la fuite d'une tragédie , rifquèrent les Plaideurs.
Louis X IV qui étoit Pès-férieux, en fut frappé, y
fit même de grands éclats de lire, & la cour n’eut
pas befoin de compîaifance pour l'imiter. Les
comédiens partis de Saint-Germain en trois car-
roffes à onze heures du -foir, allèrent porter cette
bonne nouvelle à Racine, qui logeoit à l'hôtel des
Urfins. Trois carrofîls après minuit & dans un lieu
où il ne s'en étoit jamais tant vu enfemble, re-.
veillèrent tout le voifinnge. On fe mit aux fenêtres.,
& comme oif vit que les carxoffes étoient à la
porte de Racine, & qu'il s'agilïoit des Plaideurs,
les bourgeois fe perfua ièrent qu’on venoit l'èrile-
ver pour avoir mal parlé des juges. Tout Paris crut
l ’auteur à la conciergerie fe lendemain 5 & ce qui
donna lieu à une vifion fi ridicule, c'eft qu’effec-
tivement un vieux confeiRer avoit fait grand bruit
au palais fur cette comédie.
Le tôle de Néron dans Britannicus, fut joué
par Floridor, le meilleur comédien de fon fîècle:
mats comme c'étoit un a&eur fort aimé du public
, tout le monde fouffroit de lui voir repré-
fenter Néron , & d'être obligé de lui vouloir du
mal. Cela fut caufe que l'on donna le rôle à un
aèteur moins chéri , & la pièce s’en trouva
mieux.
On demanda au grand Condé ce qu’ il penfoit
de Bérénice, qu’on jouoit depuis long-temps. Il
répondit, par cçs deux vers, où Titus parle de fa
maitrefTe.
Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois ,
Et crois toujours la voir pour la première fois.
Ce jugement eft bien différent de celui que lui
attribue un écrivain. Il prétend que Racine avant
demandé à ce prince ,c è qu’il penfoit de Bérénice,
le grand Condé fe mit à charker ce refrain de
chanfon : Marion pleure , Marion crie, Marion
veut qu'on la marie. I! palfe pour conftant
aifljowd'bm que cette réponfe eft de Chapelle.
R A C
Un- j ur que 'Racine, Iifoit une de fes pièces
devant les comédiens, Biron s'avifa de lui faire
quelques repréfentations fur la coupe des fcènes;
“ Baron, lui dit notre Euripide, ce ne font
point vos conf.üs que je vous demande. Je fuis
ici pour vous apprendre comment il faut réciter
mes rôles ».
Racine avoit beaucoup déprimé la tragédie d'Àf
par, de Fontenelle; On connoît l’épigramme mordante
qu'il fit contre cette pièce. L'auteur d’un
des éloges préfentés. à l'académie en 1785 , dit à
cette occafion : » Racine auroit du oublie? que
l’auteur de cette Afpar étoit neveu de Corneille,
ou plutôç il auroit dû s'en fouvenir.
Corneille étant auprès de Ségraîs à une repré-
fentation de Bajazet, lui dit : Je me garderois bien
de le dire à d’autres qu'à vous, parce qu'on difoic
que je n’en parlerois que par jaloùfîe; mais pre-
nez-y garde, il 11'y a pas unjeul perfonnage dans
Bajazet qui ait les fentimens qu'on doit avoir &
qu’on a à Conftantinople.
Dans le temps que Racine faifoit fa tragédie
de Mithridate» il alloit tous les matins aux Thui-
leries , où travailîoient alors toutes fortes d’ouvriers.
Là récitant fes vers à haute v oix , fans
s'appercevoir feulement qu’ il y eût perfonne dans
le jardin, tout d’un coup il fe trouva environné
de tous ces ouvriers. Ils avoient quitté le travail
pour le fuivre, le prenant pour ùn homme qui,
par défefpoir , alloit Te jetter dans le bafiin.
Racine a donné à MithrJdate un caractère fort
élevé. Aufti de toutes les tragédies que Charles XII
lut dans fon loifir de Bender; aucune ne lui plai-
foit autant que celle-là; & il montroit avec le
doigt à un de fes miniftres tous les endroits qui
y frappoient.
Dans le temps que Racine donna fon Iphigénie,
Coras & Leclerc, en donnèrent une autre
qui n’ eft guère connue que par l'épigramme fui-
vante, attribuée à-Racine.'^
Encre Leclerc & fon ami Coras,
Tous deux auteuss rimant de compagnie,
N’a pas long-temps s’ourdirent de grands débats.
Sur le propos de leur Iphigénie.
Coras lui dit, la pièce eft de mon crû :
Leclerc répond : elle eft mienne & non vôtre.
Mais ayffi-tôt que l'ouvrage a paru,
Plus n’ont voulu l’avoir fait, l’un ni l’autre.
Le fameux Arnauîd n'avoit lu de toutes les tragédies
de Racine que Phèdre. Après l'avoir lue, il
dit à l'auteur : Pourquoi avez-vous fait Hippolytc
amoureux ? Eh ! fans cela, monfîeur, répartit Racine%
qu’auroîent dit nos petits-maîtres?
R A M 807
répondit - elle , que la raifon me
R A I
Athalie fut d’abord mal reçue. On difoît que
c’étoit un fujet de dévotion deitiné à amufer des
enfans: un prêtre *& un enfant en étoient, d.foit-
on , les principaux objets. Defpréaux tint bon. Il
ofa foucenirqu'Athalie étoit le chef-d'oeuvre &
du poète & de la tragédie , & que le public tôt
ou tard y reyiendroit. Il fut feul de fon avis, &
malgré fa prédiéLon , Racine mourut perfuadé
quoi avoit manqué fon fujet, parce que la froideur
du publ c pour cette tragédie lui fit croire qu’il
n'avoit pas fu la rendre intérefiante. Cette pièce
faite pour Saint-Cyr, n'avoit jamais été jouée par
les comédiens. M. le duc d'Orléans-, régent du
royaume, voulut conncître quel effet elle produirait
fur le théâtre, & malgré la daufe inférée
dans le privilège , ordonna aux comédiens de
l'exécuter. Le fuccès fut étonnant, & les premières
repréfentations faites à la cour, donnoient
un nouveau prix à cette pièce, parce que le roi
Louis X V étoit à peu près dé l'âge de Joas.
Racine aimoit tendrement Defpréaux il lui
dit la dernière fois qu’il l’embraffa : Je regarde
comme un bonheur pour moi de mourir avant
vous.
Racine tourmenté dans fa dernière maladie,
pendant trois femaines, d'une cruelle fécherefle
de langue & de gofier, fe contentoit de dire :
J'offre à Dieu cette peine : puiffe-t elle expier
le plaifîr que j'ai trouvé fou vent à la table des
grands !
Monfîeur de Voltaire écrit à M. le marquis
Scipion Maffei : Ne croyez pas que la coutume
d’accabler nos pièces d'un épifode inutile de galanterie
foit due à Racine, comme on le lui reproche
en Italie. C ’eft lui.au contraire qui â fait
ce qu'il a pu pour réformer en cela le goût de la
nation. Jamais chez lui la paflion de l’amour
n’eft ép'fodique, elle eft le fondement de toutes
fes pièces , elle en forme le principal intérêt. C'eft
la paflion la plus théâtrale de toutes, la plus
fertile en fentimens, la plus variée. Elle doit être
Rame d'un ouvrage de théâtre, eu en être entièrement
bannie.; fi l’amour n’eft pas'tragique, il eft
infipide , & s'il eft tragique il doit régner feul : il
n’eft pas fait pour la fécondé place. C'eft Rotrou,
c’eft Corne.lle qui, en formant notre théâtre,Tont
prefque toujours défiguré par ces amours de commande
, 8c voi'à pourquoi on joue fi peu les pièces
de Corneille.
RAISON. La raifon ne procure pas le bon-?
heur, mais accoutume à nous en palier, &
comme on dit, à prendre patience, & à faire de
néceffité vertu.
d ’ e f p r i t d e g r â c e s , p a r o i f T o i t t r i f t e d e p u i
q u e l q u e s j o u r s . S a t a n t e q u i l ' a i m e b e a u c o u p
lui d e m a n d e l a c a u f e d e T o n c h a g i i n : « C ' e f t
je crois ,
vient ».
M-Duclos, en parlant du chien enragé, conte
en profe de Piron, difoit : « J’aime le morceau
du ch’en enragé ; il y a de l’efprit & point de raifonj
voilà- ce qui fait les bons ouvrages ».
M. de Sa nc-Foix vint un foir dans le foyer de
de la comédie fe placer à côté d’une aètrice ,
& lui d it; « mademoifelle, j'entendois raifonner
faux, mais avec beaucoup d'efprit ; j'ai cru que
c'étoit vous ».
R a ison de se mariner. Les femmes font
nos mamelles dans la jeuneffe, nos compagnes
dans l'âge mûr, ik nos nourrices dans la vieil-
lefle. On a donc, à tout âge , des raifons de fe
marier.
R AM E AU , ( Jean Philippe ) né le 25 feptembre
1683.
Cet illuftre muficien exerça d'abord fes talens
comme organifte dans différentes églîfes. Il avoit
en cette qualité paffé un bail avec le chapitre de
la cathédrale de Clermont en Auvergne; mais il
ne tarda point à fe trouver à l ’étroit dans cette
ville. Le fentiment de fes forces lui faifoit defirer
de fe montrer dans la. capitale. Il réclama envain
plufieurs fois fa . liberté 3 la fupériorité de fes
talens le rendoit trop précieux au chapitre, pour
qu’il confentît à fes demandes. Cette réfiftanee
força Rameau à recourir à un moyen extraordinaire,
qui produifit l'effet qu'il en efpéroir. Le
famedi, dans l’ottave de la Fête-Dieu, au falut
du matin , étant monté à l’orgue, Rameau mit
Amplement la main fur le clavier au premier &
au fécond couplet;>enfuite.il fe retira & ferma les
portes avec fracas : on crut que le fouffleur man-
quoit, & cela ne fit aucune impreflîon : mais au
Salve du foir, il ne fut pas poflible de prendre
le change, & l’on vit qu’il avoit ré fol u de témoigner
fon mécontenrement par celui qu’il alloit
donner aux autrès. Il tira tous les jeux d'orgue
les plus défagréables, & il y joignit toutes les
diffonances pofiibks. Envain lui donna-t-on le
fîgnal ordinaire pour l'obliger à ceffer de toucher ;
on fe vit forcé de lui envoyer un enfant de choeur ;
dès qu'il parut , Rameau quitta le clavier, &
fortit de leghie. Il avoit mis tant d’art dans le
mélange des jeux & dans TaiTemblage des diffonances
les plus tranchantes, que les connoif-
feurs avouoient que Rameau feul étoit capable
de jouer aufti défaeréablement. Le chapitre lui
fit faire des reproches ; mais fa réponfe fut qu'il
ne joueroit jamais autrement, fi l'on perfiftoit à
lui refufer la liberté. On fentit qu’on ne le dé-
termineroit pas à abandonner le parti qu'il avoit
pris. On fe rendit; le bail fut réfolu ; & le jour
I fuivant il témoigna fa faûsfaètion & fa recon