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ladie prit au malade, & en quelle partie du corps
étpit fon mal v ftc conféquepjipent dé. tous les
effets. & lignes de la maladie ; & pendant que
le méffager répondoit aux interrogations, le mt-
decin écoutoit tout , & puis fortoit par une porte
de derrière j & refitYoit par la porte de devant,
par où le méffager le voyoit venir. Lors la dame
lufd I fo itv o ilà ’môn mari ,~parlez-lui. Ledit porteur
n’avoit pas ü-rôt prcfenté l’urine ,’ que M. le
médecin* la regardoit avec fort belle confiance ,
& après il faifoit un difcours fur la maladie , fui-
varit ce qti'il avoir entçndu du^meffager par fon
étude} & quand le meffager étoic retourné au logis
du malade , il contoit comme un grand miracle
je favoir du médecin , qui avoit connu toute la maladie
, foudain qu’il avoit vu d’ urine, & par ce
moyen, le ,bruit de ce médecin, augmentoit de jour
en Jour , ” .
La rufe du médecin Colin a été utile depuis
à bien d'autres charlatans , qui ont fu , comme
lu i, en cachant leur fecrèt, duper le public.
Vçrs,la fin dp fïècle dernier , les médecins you-
lant que la chirutgiç fut entièrement affujétie à la
médecine, exigèrent .qu’aucun chirurgien ne fai-
gnât un malade , fans être muni de l’ordonnance
d’un médecin. Us pourfuivirent en juftice les chirurgiens,
à l’effet de les foumetcre à cette loi tyrannique.
Le Sueur (O , chirurgien, alla avecplu-
fieurs de fes confrères , la veille du jugement que
devoit rendre à ce fujet le parlement, trouver
M. de Novion, qui étoit alors premier préfident ;
Ee afin que l’audience ne fût pas refufée,, il fe fit
arinoncér , comme ayant à communiquer au premier
préfident, une affaire dans laquelle il avoit
lui-même le plus grand intérêt.
M . de Novion éto't encore au lit; il fe leva
promptement, & parut en robe de chambre.
Lorfqu’il vit tant de monde , il dit : Qu’ allez-
vous dite , myilieurs , de voir un premier préfident
donner audience en robe dè chambre ? mon-
feigneur, répondit lë Sueur, vous devez être en
robe ; vous y êtes ; il n’y a de différence que
dans la 'couleur; il ne nous appartient pas de
chicaner notre juge là-deffus ; daignez-féulement
nous écouter.
Le Sueur, après avoir expliqué fon affaire, finit
par dire : fiippofohs, monfeignéur, que vous fojrez
fubi’ement attaqué.d’une apoplexie; dieu néanmoins
vous en prêfecvë -, mais cet accident peut
vous arriver comme à tout autre ; votre médecin
demeure au.marais , votre chirurgien eft dans la
cour du pilais, à côté de chez vous', ne courra-
-t-on pas d’abord au chirurgien ? mais fi la pré-
( , ) 11 y a a p p a re n c e q u ’ i l n ’ é t o i t q u e p r i v i l é g i é ;
c a r D e v a u x n ’a fa i t ‘au cu n e m e r ft io n .d e ’lu i .dans fo n
Xndcx furiercus ; il n’eft d’ailleurs connu que par l ’anecdote
que nous rapportons.
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tentfon des médecins a lieu, & eft: autorifée par
un arrêt, le chirurgien en vain fe préfentera > il
aura les mains liées 5 il n’ofera vons faigner ; il
faudra courir après le médecin , & pendant ce
temps-là monfeigneur paiffera la barque à Caron.
Cet éloquent & court plaidoyer frappa virement
le magiftrat. Le lendemain * l'affairé fut rap*
portée , & d’une voix unanime la prétention des.
médecins fut rejettée, & les chirurgiens furent
autorifés à faigner dans les cas urgens, lorfqu’ils
le jugeroient néceffaire.
L ’épigramme fui vante eft de Piron , & imprimée
dans fçs OEuvres :
Dans un bon corps nature & maladie
Etoient aux mains. Une aveugle vient-là :
C’eft médecine; une aveugle étouroie
Qui c r o it, par fo r c e , y-mettre le holà.
A droite, à gauche, ainfi donc la voilà
Sans favoir où, qui frappe à l’aventure
Sur celui-ci, comme fur celle-là,
Tant qu'une enfin céda. Ce fut natnre.
MEMOIRE. Le pape Clément VI n’oublioîc
jamais rien de ce qu’ il avoit lu ou oüi-j & ce
qui paroît un paradoxe, c’eft que cette grande
mémoire lui vint après un coup qu’il avoit reçu
derrière la tête.
Un homme voulant palier une rivière à cheval,
y tomba. La peur & le froid lui caufèrent une
fièvre qui fut accompagnée d’une perte entière
de mémoire 3 jufques-Ià qu’ il ne fe fouvenoit plus
du nom de fa femme & de fes enfans : la mê~
moire revint pourtant dans, la fuite.
On a vu à Paris le fieur Marçet qui di&oit en
même temps à dix perfonnes eh fix ou fept différentes
langues, & fur des matières férieufes 5
qui faifoit faire l’exercice à un bataillon dans
toutes les évolutions militaires, nommant tous
les foldats par les noms qu’ils avoient pris , en
défilant une fois devant lu i, & qui fe démêloit
heureufement fans autre fecours que celui de la
mémoire, d’une règle d'arithmétique, fut-elle de
trente figures.
C y ru s , roi de Perfe , l’empereur Adrien, &
Scipion l’afiatique, appelaient par leurs noms
tous les foldats de leurs armées , qui étoient très-
nombreufes ; on a dit qu’un pareil avantage éleva
Othon à l’empire.
Crébillon n’écrivoit jamais fes pièces-que quand
il les falloit donner au théâtre. Sa mémoire étoit
excellente ; il difoit afièz communément : « lorf-
qu’on faifoit une cenfure de mes ouvrages , l’endroit
que je fupprimois s’ effaçoit totalement de
ma tête j & il n’y reftoit plus que la correc-
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Le pêre^Meneftrier, jéfuite, avoit une mémoire
des plus heureufes. La reine de Suède paf-
fant à L yon, en voulut faire une épreuve. Elle
fit écrire & prononcer trois cents mots les plus
bizarres & les plus extraordinaires qu’on put imaginer.
Il les répéta tous, d’abord dans l’ordre
qu'ils avoient été écrits, & ensuite en tel ordre
gc tel arrangement, qu’on voulut lui propofer.
Vittorio Roffi rapporte ,: que Lipfe favoit toute
l’hiftoire de Tacite par coeur, & qu'il s’obligeoit
à réciter mot pour mot tous les endroits de cet.
ouvrage qu’on lui marqueroit, confentant qu’on
fe tînt auprès de lui avec un poignard à la main,
& qu’on l’enfonçât dans fon corps , en cas qu’il
ne fapportâr pas fidèlement les paroles de l’auteur.
( Teijfîer ). ■
Nicolas Bourbon , de l’oratoire, récîtoit par
coeur l’hiftoire de M. de Thou , & les'éloges
de Paul J o v e , qu’ il aimoit beaucoup.
Jofeph Scaliger apprit en vingt-un jours l’Iliade
& l’.Odyffée d’Homère.
Georges Vagan, d’Arezzo en Tofcane, à l’âge
de dix neuf ans, favoit par coeur toute l'Enéide
de Virgile.
Muret raconte qu’ il dicta un jour à un jeune
Corfe un nombre infini d e . mots grecs ,
latins & barbares , dont les uns avoient un fens,
les autres n’en, avoient point, & tous étoient
détachés les uns des autres. Quand il fut las de
ciîéter y le Corfé les récita fans héfiter dans l’ordre
qu’ils avoient été diétés, & les répéta en
renverfant l’ordre , & en commençant par le dernier.
Il lui affura, qu’il lui leroit aifé d’en répéter
de la forte' jufqu’ à trente-fîx mille. Il fit plus ; il
entreprit d’enfeigner fon art à un jeune Vénitien ,
qui fe"plaignoit de fa mémoirej en effet, en lîx
jôurs d’exercice, il l’accoutuma à retenir cinq
cents vers. (D . v. Leçon ) .
Un breton étant venu à Paris', alla «voir M.
de S * * , fon compatriote, auquel il demanda,
par occafion , un écu de fix francs quil lui avoit
prêté il y avoit environ une quinzaine d’années.
M. S * * appelle fon laquais : « Labrie , lui dit-
il j voyez dans cette armoire fi vous n'y trouverez
pas un livre? le domeilique obéit, & remit
à fon maître un bouquin à demi rongé des rats ,
& couvert de pouftière. M. de S * * le préfence
à fon créancier qui ouvroit de grands yeux :
« Prenez, mon fieur , lui dit-il, prenez ; c’eft un
prix de mémoire que j’ai remporté dans ma jeu-
neffe, vous le méritez mieux que moi
^ Mithridate, qui corr.ptoit fous fa domination
YJngt-deux nations différentes , les haranguait
Lncyclopédiunu.
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chacune dans leur langue , & appelloit tous les
foldats chacun par leurs noms.
Hortenfius, l’un des plus célèbres orateurs de
l’ancienne Rome, avoir une mémoire fi su re ,
qu’après avoir médité en lui même un difcours ,
fans écrire un feul mot, il le rendoit dans les
mêmes termes dans lefquels il l’avoit préparé. •
Rien ne lui échappoît : ce qu’il avoit arrange;
dans fon efprit, ce qu’il avoit écrit, ce qu a-
voient dit les adverfaires , tout lui étoit prefent.
Cette faculté alloit en lui jufqu’au ^prodige ; &
l’on rapporte, qu’en coméquence d’une gageure
faite avec un de fes concitoyens , appelle Sifcnna ,
il paffa un jour entier à une vente ; & lorfqu elle
fut finie, il rendit compte de toutes les thofes
qui avoient été vendues , du prix de chacune ,
dp nom des acheteurs , & cela par ordre, fans
fe tromper dans la moindre circonftance:, comme
il fut vérifié par-lffiuiffier-prifeur , qui le fu.voit
fur ’ fon livre à mefure qu’il parloit.
Un abbé de petite taille , grand parleur &
plein de vanité , n’ayant pu achever , par un
défaut de mémoire, un fer mon qu’il avoit commencé
, donna lieu à un poète de f^ire ces vers
à fa louange.
petit homme vain ,
Qui jafe fans fin,
Pour te faire taire,
Malgré ton caquec, ■
Le plus court fecret
Eft de te mettre en chairé.
M EN AG E , ("Gilles) né en 1613 î mort en
I^92*
Ménage fut obligé de prendre les provifions
d’avocat du roi à Angers, que fon père lui céda.
Il ne tarda pas à s’en défaire; & parce que
cela occafionna une brouillene , il difoit qu’il
étoit mai avec fort, père , parce qu’il lui avoir
rendu un mauvais office.
Ménage, d’abord avocat, enfuite abbé , s’exerça
dans tous les genres.de littérature. Il étoit
grammairien, phiiofophe, iurifconfulte , hifto-
rien , poète , antiquaire , critique , ou plutôt que*
n’étoit-il pas? il avoit.une mémoire prodigieufe
& enrichie-de quantité de faits, de bons mots
& de particularités qui rendoient fa cenverfation
auffi utile qu’agréable. Il aimoit à parler: Peut-
être étoit-il trop entêté du mérite de fes productions
; c’eft du moins par ce côté ridicule que
Molière l’a expofé à la rifée dans fa comédie
des Femmes favantes.
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