
font pas encore payés. Tibère ayant appris cette
fcène fit venir le bouffon devant lui > il lui donna
ce qui lui étoit dû* & renvoyant tout de fuite
au fupplice : Aileç , dites a Augufle que vous
êtes payé du legs au il avoit fait en votre faveur,
Le bouffon de la reine Elifabeth ayant été longtemps
fans ofer paroître devant elle* à eaufe
de fes paroles piquantes & hardies * eut enfin
permiflion de venir vers cette princeffe , qui lui
dit en le voyant : « Eh bien * ne nous venez-vous
pas encore reprocher nos fautes » ? Non * Madame
* répondit le bouffon , ce n’eft pas ma coutume
de difcourir des chofes dont tout le monde
parle.
Triboulet, fou de François I . , ayant appris
que Charles \Ldevoit paffer en France* écrivit
fur des tablettes que l’empereur étoit fou de s’ex-
pofer ainfi à la menci -de les ennemis. Si je le-l'aille
paffer fans lui rien faire * dit le roi * que diras-tu de
moi ? Je ne fais pas ce que je dirai * répondit
Triboulet * mais je fais bien ce que je ferai. Eh
bien * que feras-tu, reprit François I. C e que je
ferai, répondit le fou, j’effacerai fon nom, &
j’y placerai le vôtre.
BOUFLERS ( Louis de ) , né en 1 534. Loifél,
dans fes mémoires du Beauvoifis , dit que ce noble
picard fut furnommé 1 t Robufte , parce qu’il égaloit
la force de Milon de Crotone.
Il rompoit avec les doigts un fer de cheval j
un homme ne pôuvoit le faire avancer d’un feul
pas lorfqu’il fe tenoit ferme fur fes pieds. Il en-
levoit un cheval fur fes bras , & le portoit à
une grande diftance. Il tuoit d’un coup de pierre
les quadrupèdes dans leur courfe , & les oifeaux
dans leur vol. Il fautoit tout armé en felle , fans
mettre le pied à l’ étrier. Il devançoit à la courfe
le cheval le plus agile.
BOUFLERS ( Louis François ) , duc & pair ,
& maréchal de France, né en 16 44, m°rt en
1711. Il étoit de la même famille ae Louis de
Bouflers. Il fe diftingua dans le commandement
des armées, & fur-tout à la fameufe défenfe de
Lille. Je fuis fort glorieux , lui dit le prince Eugène
, d'avoir pris Lille , mais jaimerois mieux
encore l'avoir défendu comm'e vous.
Pendant le fiège de cette place , un partifan
vint lui dire qu’il pourroit tuer le prince Eugène.
Je 'vous le défends , répartit Bouflers 3 votre fortune
eft sûre , f i vous pouveç le prendre *prifonnier *•
mais vous fere% puni ds mort f i vous attente£ à fes
jours.
Le roi Guillaume ayant pris .Namur en 169$-,
arrêta Bouflers prifonnier contre la foi des conventions.
Le maréchal s’en plaignit j on lui obferva
qu’on en agiïfijit ainfi par repréfailles de la garnifon
de Dixmude « de Deinfe, que les françois âVoient
retenue malgré les capitulations. Si cela eft, dit
Bouflers 3 on doit arrêter la garnifon & non moi.
Monfieur 3 lui répondit-on , l'on vous efiime plus
que dix mille hommes.
^ BOUHOURS (Dominique). Le père Bouhours 3
jéfuite, étoit né à Paris en 1628 , & mourut dan3
la même ville en 1702.
C ’étoit un homme poli, dit l’abbé de Lon-
guerue, ne condamnant perfonne & cherchant
à excfufer tout le monde. Il a écrit avec pureté &
avec élégance. Il enfeigne aux jeunes gens , dans
la plupart de fes écrits , à éviter l’enflure ,1’ôbfcur
& le recherché, & lui-même donne dans une affectation
ridicule : auffi l’Abbé de la Chambre
appelloit Bouhours , Vempefeur des mufes.
Quelqu’un a dit alfez plaifamment qu’il ne
manquoit au père Bouhours , pour écrire parfaitement,
que de favoir penfer. En effet, ce bel
efprit paroît plus s’appliquer aux paroles qu’ aux
chofes. Dans le temple du g oû t, il eft derrière les
grands hommes, occupé à marquer fur des tablettes
toutes les fautes de langage , & toute« les négligences
qui échappent au génie.
La nation allemande fut fort choquée de ce
qu’il avoit ofé mettre en queftion dans fes Entretiens
d'Arifte & d'Eugène 3 qui parurent en 1671,
f i un allemand peut être un bel-efprit. Un allemand
demanda à fon tour,y? unfran fois pouvoit avoir du.
jugement.
On lui reprocha un jour de ce que, fachant fi
bien fa langue , il avoit dit rabaiffement des mon-
noies , au lieu de rabais des monnoies j il dit, pour
s’excufer : « R n’eft pas étrange qu’ un religieux ,
» qui a fait voeu de pauvreté , ignore les termes
» des monnoies ».
Ce bel - efprit fe plaifoit à faire voir dans les
anciens les origines des penfées des modernes $ il
en montroit même le progrès $ il appelloit cela la»
généalogie des penfées.
Il fe plaignoit à Boileau Defpréaux de quelques
critiques imprimées contre fa traduction du nouveau
teflament , & lui difoit : ce Je fais d’où elles
» partent : je connois mes ennemis : je faurai me
» venger d’eux. Gardez-vous-en bien , mon père,
» reprit Defpréaux j ce feroit alors qu’ils auroient
» raifon de dire que vous n’avez pas entendu
» le fens de votre original, qui ne prêche par-
» tout que le pardon des ennemis ».
C e poète s’étoit plaint au Jéfuite de ce qu’il ne
l’avoit pas cité afifez fouvent'dans la manière de
bien penfer. Le père Bouhours , pour réparer cette
omiffion , le cita prefque à chaque page des penfées
ingénieufes. Ce jéfuite dit un jour avec com-
plaifance au fatyrique : ce Je ne vous ai pas oublié
>> dans mon nouveau livre». I l eft vrai, répartit
féchement Defpréaüx ; mais vous m aveç mis en
ajfe[ mauvaife compagnie.
Nous avons du père Bouhours une vie de faint
Ignace, où il raconte gravement que quand'
Ignace écolier étoit dans la claffe , fon efprit.
s'envoloit au c iel, & q u e c ’étoit la raifon pour
laquelle il n’apprenoit rien. Mais il faut lui pardonner
ces hiftoriettes & autres femblables a caufe
de l ’habit qu’il portoit.
: Lorfque Defpréaux eut adreffé une épître à fon
jardinier d’Auteuil, la plupart des perfonnes qui
alloient voir l'auteur, félicitoient maître Antoine
de l’honneur que ion maître lui avoit fa it, & tous
lui envioient une diftinétion fi glorieufe. Le père
Bouhours lui en fit compliment Comme les autres :
JsPeJÏ-il pas vraiy maître -Antoine, lui dit-il d un
air railleur , que 1‘épître que votre maître vous
adrejfée , ift là plus belle de toutes fes pièces ? Nenni
du, mon p ire, répondit maître.Antoine , c’eft celle
de l'amour de Dieu.
Le pere Bouhours , toujours grammairien , Tentant
approcher fa fin, dit a ceux qui etoient autour
de fon lit : « Je vas, ou je vais bientôt
h mourir y car l’un ou l’autre fe dit ».
BOULAINVILLIERS (Henricomte d e ) ,n é
en i é f 8 , mort en 17ZZ. Malgré fon grand favoir
& fa philofophie, il avoit le foible de l’aftro-
logie judiciaire, ce qui faifoit dire au cardinal de
Fleury, que fes connoiffances l 'avoient conduit a
ignorer le paffé, le préfent & l’ avenir.
BOULEN (Anne de) , morte en i j 36. Elle
éproüva toutes les vicifïitudes de la fortune.
Fille d’un gentilhomme anglois, elle pafîa en France
avec Marie, femme de Louis XII. Elle fut nommée
fille d’honneur de la reine Claude, qui la
donna enfuite à la ducheffe d’Alençon, depuis
reine de Navarre.
Etant de retour en Angleterre , elléy porta un
goût v if pour le plaifir & la coquetterie. On dit
qu’elle avoit fix doigts à la main droite, une tumeur
à la gorge, & une furdent ; cependant l’agrément
de fa perfonne, fon enjouement. & fon efprit fé-
duifirent Henri V I I I , roi d’Angleterre , qui l’épou-
fa fecrettement en iyî.2 , & étant devenue enceinte,
elle lut déclarée femme & reine en 1583.
Elle fut accufée d'avoir un commerce de galanterie
avec fon frère, & plufieurs de ü s domef-
tiques. Henri VIII y amoureux de Jeanne de
Seymour : profita de ces bruits pour la répudier
& la condamner à la mort que fes amans ou fes
complices avoient déjà fubié. ' Anne de Boulen
foutint qu’ elle pouvoit être, coupable de quelques
propos libres & de légéretë ; mais que fa conduite
étoit innocente. On ne l’ écouta point, &
prête à monter fur l’échafaud, elle écrivit au roi
fon époux : Henri, vous m'aveç toujours eleve
par degrés , de fimple demoifelle vous me fîtes mar~-
quife , de marquife reine ; 6? de reine vous voulez
aujourd'hui me faire fainte.
Elle continua jufqu'au bout (es proteftations
d’innocence, & reçut la mort avec intrépidité.
Quelques heures avant fon fupplice, elle dit que ce
qui la corifoloit,' c’etoit que le bourreau etottfort
adroit , 0’ quelle avoit le cou fort petit.
On prétend que François I & plufieurs cour-
tifans avoient eu fes faveurs en France avant
qu'elle pafllt à Londres : on l’appelloit, dit-on ,
la mule du roi, & \zhaquenée dé Angleterre. _
BOURBON (N ico la s ), mort en 1644 J 7°-
ans. Il excella dans la poéfie latine : il fit en 1 honneur
de Henri IV ces deux vers placés fur 1»
porte de l’arfenal à Paris :
Ætna hue Henrico-Vuleania tela miniftrat
Tela giganteos debellatura furores.
Bourbon qui aimoit le bon vin, & qui n eftimoit
que les vers latins, difoit que hrfquil lifoit des
vers frahfois 3 i l lui fembloit qu il buvoit de l eau.
BOURDALOUE. Louis Bourdaloue , né à
Bourges en 1631, prit l'habit de jéfuite en 16^8 ,
fon. éloquence lui fit en très-peu de temps une réputation
fi brillante , que Louis X IV defîra 1 entendre
prêcher, & le père Bourdaloue prêcha devant
le monarque, plufieurs carêmes & plufieurs!
avems, avec un fuccès étonnant. On le nommoit
à la cour le prédicateur des rois & le roi des prédicateurs.
Souvent Bourdaloue quittoit la chaire,,
où il annonçOlt des vérités fublimes aux princes
& aux grands du royaume ; pour aller
dans les priions ou aux lits dès malades pour les
confoler & leur faire fupporter leurs maux. Un
auteur eftimé difoit : la conduite de Bourdaloue
ell la meilleure réponfe qu’on ait faite aux lettres
provinciales. Bourdaloue mourut en 1704 > âge
de 7 1 ans.
Une dame de la cour demandant au père Bourdaloue,
fi elle faifoit mal d’aller à la comédie;
ceft à vous de me le dire, lui répondit le jéfuite.
BO URD ON . Sébaftien Bourdon , peintre &
graveur, naquit à Montpellier en 16 >6. ^Après
avoir voyagé en Italie, il revint en France a 1 âge
de 17 ans, & fe fit connoître par fon tableau du
martyre de S. Pierre, qu’on voit à Notre-Dame
de Paris. Il pafia enfuite en Suède, revint en
France, & donna de nouvelles preuves^ de fon
talent. Il peignoit avec tant de facilité qu’ il fit un
jour gageure qu’il peindroit en un jour douze
I têtes d’après nature & de grandeur naturelle. Il ga- 1 I . r J