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Sully» «l«1' fe félicita, & lui montra le château ,
en lui difant : J ai eu grande peur de vous recevoir
ici d une autre maniéré .que je ne le fais ; votre prudence
me fauve ce dèfagrémeru , & je m'en réjouis
avec vous.
r D ‘Aubigné dans fa jeuneffe rechercha en ma-
riagè .Diane de Talcy. Contant un jour au pète de
fa maîtrefle fes malheurs, & les befoins d’argent
qui l’empêchoient de Ce rendre à la Rochelle où
les proteftans le demandoient, le ’ vieillard lui
dit : « Les originaux de l’ entreprife d’Amboife.
« fon t dans votre maifon. Dans l'une de ces piè-
=» ces fe trouve le feing du chancelier de l’Hopi-
» tal, aujourd’hui retiré de la cour, inutile à
31 tout le monde, infidèle à votre parti. Si vous
» voulez que je l’envoie avertir que vous avez ce
” Çapier entre .les mains , je m’engage à vous
” faire donner vingt mille écus , foït par lu i, foit
” Par ceux qui- voudroient s’en fervir pour le
” perdre ». Sur le champ d’Aubignc alla chercher
fes papiers, & le s jettaau feu enpréfencede
Talcy. «Je fuis pauvre, lui d it- il, je pourrois
» fuccomber à la tentation : brûlons-les de peur
» qu’ils*ne me brûlent». T a lc y , frappé de cet
aéle de vertu , lui accorda âuffl-tôt fa fille. Mais
l’oncle de cette demoifelle s’ étant oppofé à ce
mariage, à caufe de la différence de religion,
à'Aub'gné époufa par la fuite mademoifelle de
Lez ai.
On frit que l’ingratitude n’étoît pas le vice
de Henri XV i mais ,ce prince , oblige de fe concilier
, par fes bienfaits , les fèigneurs catholiques,
fe voyait fouvent forcé depriver fes plus anciens
ferviteurs des récompenfes qu’ils méritoient.
X)'Aubigné en faifoit quelquefois des plaintes.
C e gentilhomme couchant dans la garderobe du
roi , dit un foir a la Force qui dormoit à côÆ de
lui la Force, notre maître eft le plus ingrat
» mortel qu’il y ait fur la terre». La Force qui
fommeilloit , lui demanda ce qu’il difoit :
» Sourd que tu es , cria le roi , que l’on croyoit
» bien endormi , il te dit que je fuis- le plus in-
” grat des hommes ». Dorme^, pre . répondit
d'Aubigné, nous en avons ekccre bien d'autres à
dire. « Le lendemain , dit d’Aub gné dans fon
» hiftoira , le roi ne me fit pas plus mauvais vi-
K fage > mais aufli il ne me donna point un foi'de
» plus ».
Ségur , chef du confeil de H en r ilV , rapporta
à ce prince plufieurs propos libres de A’Aubigné.
II fut queftion de l’exiler. Cependant . A'Aubigné
eut la confiance de fe préfenter devant Henri &
de lui dire : « Mon maître, je fuis venu pour
» favoir quel eft mon crime ; ik fi vous voulez
».payer mes fervtces en bon prince ou en vrai
» tyran. Vous lavez bien , lui répondit le roi,
» que je vous aime : mais Ségur eft irrité contre
» vous } réconciliez-vous avec lui ». D 'Aubigné
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l’alla trouver , & Feffraya fi fort par fes reproches
menaçans, que Ségur courut dire au roi : « Sire,
1“ M. d’Aubigné eft plus homme de bien que vous
» & moi ».
Henri étoit fi fur de la fidélité d’Aubigné que,
nonobftant que ce gentilhomme eût refufé de le
fuivre au fiège de Paris 3 ce prince mit en fa garde
le cardinal de Bourbon, reconnu roi de
France par la ligue. En vain. Dupleflis-Mornav
allégua les fujets de plainte que a Aubigné avoit
contre la cour. La -parole de a Aubigné mécontent
3 répliqua le roi, vaut la recojinoijfance d‘un
autre.
La ducheffe de Retz efïaya de corrompre fa
fidélité 3 & lui dépêcha un gentilhomme italien
qui lui offrit de fa part un don de deux cents mille
ecus, ou bien le gouvemement'de Belle-Ifle aveo
cinquante mille éçus , s’il vouloit fermer les yeux
fur Tévafion de fon prifonnier. •« Belle-Ifle , ré-
» pondit ÜAubigné 3 me conviendroit mieux
» pour manger en fureté le pain de mon infidé-
»'îité mais ma confidence qui me fuit par-touc
» de très-près s’embarqueroit avec moi quand je
■ » pafferois dans cet afyle ; partez donc , & foyez
» affuré que fi vous ne m’aviez furpris un fauf-
» conduit, je' vous enverrais pieds & mains liés
» au roi mon maître ».
Henri IV lui reprochant un jour de ce qu’il fe-
montroit l’ami du feigneur de fa Tremoille dif-
gracié & exilé de la cour : «Sire, lui répondit
» d*Aubigné 3 M. de la Tremoill© eft affezmal-
>* heureux ^ puifqu’il a perdu la faveur de fon
» maître ; j’ ai cru ne devoir point l’abandonner
; » dans le temps qu’il avoit le plus, befoin de. moi*
• » amitié ».
Trois filles de la reine-, mefdemoffelles de Bour-
deilles, de Beaulieu & de Terme, qui faifcient
[bien entr’elles cent quarante ans, regardant
;.M. d‘Aubigné avec mépris, îuî dirent d’ un ton
moqueur : que contemplez-vous la 3 monfieur? les
antiquités de la cour , mçfdames répondit-il d«
même ton.
Y?Aubigné eft l’auteur de la confejpon de Semcy ;
& du Divorce fatyrique , qui traite des amours de
Marguerite, première femme de Henri IV ; i!
étoit lieutenant-général des armées du roi & grand
écuyer fous Henri III. Comme il étoit huguenot ,
tl fe retira à Genève, où il fe mafia à l’âge de
foixantê-douze ans, à une demoifelle fort jeune.
Comme c’ eft la coutume chez les calviniftes, de
faire les mariages devant ou après la prédication
. il arriva que le miniftie prk pouf « fon texte ces
paroles de l’Evangile :• Seigneur , .pardonne^ leur
ils ne pavent ce qu’ils f o n t 8^ ce fut par un pur
hafard i cependant d’Aubigné le prit pour- M , &
; s’en fâcha fi fo r t, qu’il s’en plaignit, au fénat ct$
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Genève , qui obligeante miniftre de lui en aller faire
des exeufes.
xyAubigné s’étant rendu à Genève, penfa épou-
fer en fécondés noces une veuve d une naiflance
diftinguée. Pour éprouver fon courage, dans le
temps qu’il la recherchoit, il lui annonça quil
avait été cpndamné à avoir lé cou coupe par un
arrêt qui avoit été rendu en France. «Je m^lti-
» merai fort heureufe, lui d it - e ll, de partager
»votre deftinée.-L’homme ne féparera point ce
» que Dieu aura joint ».
AUBRIOT ( Hugues ) /intendant des finances
&'prévôt de Paris fous Charles V , étoit de Dijon;
il décora Paris de plufieurs édifices pour Futilité &
l’agrément. En 13692 il IN bâtir la Baftille polir
fervir de fortereffe contre les, angloi^ , le pont
Saint-Michel, le petit Châtelet, les murs ^ la
porte Saint-Antoine, &c. Aubriot fut la victime
de fon zèle poüiT’ordre public. Ayant fait arrêter
des écoliers infôlens, l’Univerfite , dont les
privilèges étoient alors exceflifs , fe déchaîna
contre lui, & avec l’appui du duc de Berri , elle lui
fit faire fon procès, fous.prétexte d’héréfie, & le fit
renfermer à ,1a Baftille. Des féditieux furnommes
Maillotins , l’en tirèrent en 1381 , pour le mettre
à leur tête} mais Aubriot les. ayant quitte des le
foir même, préféra la patrie aux cabales. Il mourut
l’année fuivante.
AUBIGNAC ( l’Abbéd’ ) , néàParisen 1604,
joua dans le monde une forte de rôle ; mais principalement
dans le monde favant. Point dé genre
de littérature 'qu’il n’ ait embràfTé. Il fut tour a
tour grammairien, humanifte, poète, antiquaire,
prédicateur & romancier. Il avoit du feu dans
{’imagination ; mais plus encore dans le caraétere.
Malheur à quiconque n’adoptoitpas fes idées, &
refufoit de reconnoître les .lo.ix qu il vouloit établir
fur le Parnafte. L ’abbé d’Aubignac fe croyoit
fait pour y régner féul. Jamais homme de lettres
ne mt d’une humeur plus altière, d’une vanité
plus ridicule, d’ un commercé plus difficile & plus
infupportable.
Le cardinal de Richelieu avoit chargé'l’abbé
d’Aübigitac de l’éducation du duc de Fronfac. Le
.précepteur fut fi bien gagner les. bonnes grâces de
fon élève, que , ' dès qu’il fut majeur , il lui dônna
une penfiôn viagère de quatre mille livres a prendre
fuv tous fes biens. Apres la mort prématurée
de ce j :une feigneuf , l ’abbé d’Aubignac fut obligé,
pour être payé de cette' penfion , d’avoir un
procès avec-le prince de Condé, feul heritier du
duc I oui refufoit de la continuer. Ce procès fut
termine par une favante requête que- l’ abbe
d’Aubigp.ac adreffa à {d- je prince , Ù par laquelle
il le'fît feul juge de leur çohtéftâtion, Cét:e action
de générofité excita, celle du prince , qjù,
jlprè? ^vpijr lil la rçqtjêpé, ordoijna que le'p,rqçès
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dèmeurerolt fini, 8c fe condimna. lui-même à payer
la penfion.
' L ’abbé d’Aubignac avoit compofé, pour finf-
trudîon de fon élève, le jeune duc de Fronfac,
l ’infipide roman de Macarife ou la Reine des
ijles fortunées. Cet abbé, qui defiroit de paner
pour un romancier du premier ordre, quêtott
des éloges par-tout. Ses amis lui en donnèrent.
Quelques-uns firent des vers à la louange de Ma-
carifé, & d’Aubignac mit ces vers à la tête de
fon roman. Boileau lui-même en compofa comme
les autres , mais heureufement, dit-il dans une de
fes lettres, je portai tépigramme trop tard, &
- elle n’y fut pas mife : Dieu en foit loué. Richelet ,
un des amis de l’abbé, fit un éloge afifez mince
de l’ouvrage. Il en eft des louanges médiocres
qu’on donne, dit un homme d’efprk comme
des confidences* faites à demi. L’ air de réferve
bleffe toujours. D ’Aubignac s’ én plaignit. Richei
let s’en moqua, & lui fit cette reponfe épigram-
: matique :
Hédelin, c’eft à.tqrt que tu te plains de moi .
N'ai-je pas loué ton ouvrage ?
Pouvois-je plus faire pour toi
Que dé rendre un faux témoignage?
L ’abbe d’Aublgnac eut aufîi des querelles avec
Ménage, parce que celui-ci n*avoit pas pour _Te-
rence cette admiration aveugle que d Aubignac
! exigeoit. Il fe brouilla également avec mademoi^
r Telle Scudéri, qui fe plaignit que l’abbé x dans
1 fon Royaume de coquetterie, n’avoit fait que co- i pier & étendre fes idées de fa Carte de Tendre. Il
pardonna encore moins à Corneille, qui n’avoir
1 pas cité la Pratique du théâtre dans Lexamen dé
I fes tragédies. .
D’Aubignac, pour confirmer les règles qu’il
avoit preferites dans fa Pratiqué du théâtre , corn-
. pofa la tragédie enprofe de Zénobie. Jamaispiècé
n’ennuya plus méthodiquement ; elle ne fervit
qu’ à prouver que les .connoiffances ne fuppléent
point aux talens. Comrhe cependant il fe vantoit
d’avoir feul, entre tous nos auteurs , exactement
' fuivi les règles d’Ariftote : « Je fais bon gré à
» l’abbé d’Aubignac , difoit le grand Condé ,
- » d’avoir fuivi les règles. d’Ariftotç ; mais je ne
» pardonne pas aux règles. d’Ariftote d’avoir fait
» faire à l’abb6 à?Aubignac une fi mauvaife tràr
gédie ».
AU B IÇN Y ("M. d’ ) , qui étoit de la maifon
de Stuar, étoit réfugié en France durant lefe
troubles de fon pays. M. le cardinal lui donna
une petite abbaye. M . d’Àub g-;y , pendant les
troubles de Pâtis', fit tout ce qu'il put faire dè,
mal l ' Mv-ie cardinal ; 8e CÔmmë ôfi lui demandait
pourquoi il étoit fi animé contrefôîV éminencê: tttt9