
de pauvres, Fhovnme de Rofs îeut y diftribue
le pain de la Semaine. C'eft lui qui fournie au fou-
tien d'une -mai fon de charité : on n y découvre
aucun fafte ; la fimplicité & là propreté en font
tout l'ornement. Voyez à-la porte le vieillard &
l'indigent , le vifage riant & l'ame contente. Les
filles quil a dotées, les orphelins qu’il a mis en
appre.ntiffage j le comblent de bénédictions, ainli
que le- jeune homme qui laboure & que le vieillard
qui fe repaie. Y a-t-il quelqu'un de malade ?
l'homme de Rofs fe hâte de le fecourir i il en prend
foin , preferit ce qu'il faut faite, compofe &
donne les remèdes. Y à-1-il quelque demele? que
l ’on paffe feulement le feuil de la porte, les cours
judiciaires n'ont plus rien à faire, & toute con-
teftation ceffe. Les empiriquesau défefpôtr ,
s'enfuient'eu le maudlffant, ik les vils procureurs
ne font plui qu'une race inutile,
i » Oh 1 qui ne s’ écrie à ce récit, trois fois heureux
l'homme à qui fes faculte's permettent ce que tout
le monde voudroit, mais ne fauroit faire ? Quelle
mine foütient cette charité > fans bornes ? Sans
dette, Sr toutes taxes payées, fans femme RK
fans ehfar.s, cèt homme ponède cinq cents guinees
de rente. Que la grandeur rougitfe 1 que le faux
• éclat des ..cours orgueilleufes difparoifle ! Petits
aftrés , dérobez-vous à la vue ae vqs rayons
ternis. .*
„ Eh quoi ! cet hemme n’a aucun monument,
point d'infcripttoti ! Sa famille, fa figure, fon nom,
font prefqu inconnus 1 Celui qui bâtit un temple a.
Dieu , & non à la renommée, ne fera jamais graver
fon nom fur le marbre. Allez vous ipftrùire dans
les regiftres de la vie & dé la mort ou commence
& finît, l'hiftoire du riche & du pauvre. Il lui
fuffit que la vertu ait rempli 1 efpaee de ces deux
termes, & qu'il ait prouvé avoir été en répondant
aux fins de l'exigence ».
Un homme d’efprit & d'une' ame fenfible, z
publié en i j 6ï , un drame, intitulé YHumanite3)
dont le fujet eft tiré d une aventure réelle arrivée
à Paris, & que Bourfauît raconte ainfi dans une
de fes lettres. « En 16^2, il y eut une longue &
cruelle famine à Paris. Un foir des grands jours
d eté que M. de Salo, confeil'er au parlement,
venait de fe promener fuivi feulement d un laquais^
un homme l’aborda, lui préfenta un pifto-
le t , & lui demanda la bourfe, mais en tremblant,
& en homme qui n'étoit pas expert dans le metiér
qu'il faifoit. Vous vous adreffez mal, lui dit M. de
Salo, je ne vous, ferai giières riche : je n'^i que
trois pîftolesi'que je vous donne fort Volontiers.
Il les prit, & s'en alla, fans lui rien demander
davantage. Suis adroitement cet hommè-là, dit
M. de Salo à fon laquais ; obferve, le mieux qu’il
te fera poffible, où il fe retirera, & ne manque
pas de venir me le dire. Il fit ’ce que Ton maître
lui commanda, fuivit lé. voleur dans: trois ou quatre
petites rue s,& le vit entrer chez unLoulàr.ger, cû
il acheta un pai» de fêpt ou huit livres, & changea
une des piftoles qu’il avoit. A dix ou douze rpaifons
de-lâ, il entra dans une allée, monta à un quatrième
étage, & en arrivant chez lui, où l'on ne
voyo’t clair qu'à la faveur de la lune, jet ta fo:i
pain au milieu de la chambre , & dit, en pleurant,
.a fa femme & à-fes enfans.: mangez, voilà un pain
'qui me coûte cher 5 rafTafiiez-vous-en, & ne rue
tourmentez plus comme vous faites; un de cés
jours, je ferai pendu, & vous en.ferez^ la caufe.
Sa femme, qui pleuroit, l'ayant appalfé le mieux
qu'elle put, rama fia le pain^ & en donna à quatre
pauvres enfans qui langui ffbïent de faim. Quand le
laquais lut tout.ee qu’il vouloit favoir, il defeendic
aufll doucement qu'il étoit monté, & rendit un
compte fidèle à fon maître de tout ce qu'il avoit
vu & entendu. As tu bien remarqué où il demeure,
lui demanda M. de Salo, & pourras tu m y conduire
demain matin ? Oui, monfieur, lui répondit-
il ; c'eft dans une telle rue, & je vous y mènerai
fort aifément. Le lendemain, dès cinq heures du
mat;n , ’ M . de Salo fut où fon laquais le conduifît,
& trouva deux fervantes voifines qui balayotenc
déjà la rue. 11 demanda àl’une, qui étoit un homme
qui demeuroit dans la maifon que le laquais lui
montra, & qui occupoit une chambre au quatrième?
C'eft , monfieur, répondit-elle, un cordonnier,
bon hommé & bien fervi.able, mais charge
d’une groffe famille, & fi pauvre qu’on ne peut
l’être davantage. Il fit la même demande à l’autre
qui lui fit à-peu-près une fêrnblablë réponfe ; en-
fuite de quoi il monta chez l’homme qu’il cher-
choit, & heurta à la porte. Ce malheureux, après
.avoir- mis de méchantes c h a u ffe s la -lui ouvrit
lui même, & le reconnut d'abord pour celui qu'il
avoit. volé le ,foir précédent. Il nîeft pas necef-
faire de dire quelle fut fa furprife. Il fe jet ta à fes
pieds, lui demanda pardon ,\ & le fuppüa de ne
. point le perdre. Ne faites pas de bruit * lui dit
M. de Salo ; je ne viens point ici dans ce deffein-îà.
Vous faites, continua-t-iL un méchant métier
& , pour peu que vous le faffiez encore,- il^fuftîra
pour vous perdre-fans que perfonne s'en mêle. Je
fais que vous êtes cordonnier : tenez , voilà trente
1 pi fioles que je vous donne; achetez du cuir;, travaillez
à gagner la vie à vos enfansi Que cette
aCtion eft belle, généreufe, attendriffante !
‘ HYPOCRISIE: Molière a joué fur le théâtre
Yhypocrifie de dévotion & de vertu ; mais aucun
auteur dramatique n'a point encore caraélérifé
Yhypocrifie d'honneur. Un trait fort piaffant ,
rapporté par Dufrefny, dans fes Amufemens fiêrjtux
& comiques, pourroït fervir à peindre Yhypocrifie
de pudeur. Une fille, étant dans une affemblée
avec fa cadette qui fortoit du couvent, quelqu'un
conta une aventure galante ; mais il; la conta en
termes fi obfcurs , qu'une fille fans expérience'
n'y pouvoit rien comprendre. Plus le* récit étoit
obfcur, plus cette cadette étoit attentive , & elle
marquoit naïvement fa curiofité. L'aînée, voulant
témoigner qu'éfte avoit plus de pudeur que fa
cadette, s'écria : H é , fi l mafoeur, pouvez-vous
entendre, fans rougir, ce que ces meilleurs difenc?
Hélas! répondit naïvement la cadette, je ne fais
pas encore quand, il faut rougir.
L'kypocrJfie plaça Cromwell fur le trône d’Angleterre
;. & pendant fon ufurpation tyrannique,
fes courtifans furent fourbes comme leur maître,
mais beaucoup moins adroits.
Le protecteur avoit un chapelain,homme hardi,
ambitieux & capable de tout entreprendre pour
s'élever. On le nommoit Jérôme Whitrite. Soit
amour, foit politique, ce favori ofa afpirer à la
main de Françoife, fille cadette de Cromwell. Il
étoit jeune, bien fait, éloquent, & l'étroite intelligence
de ces deux amans n'échappa pas aux regards
curieux du tyran de l’Angleterre. Il renferme
fa colère; il n’ofe éclater encore fur des foupçons
qui paroi{fent légers, & fait éclairer la conduite
du chapelain & de fa fille par fes plus fidèles
domeftiques. Un jôtir on vient lui dire que Jérôme
.Whitrite eft chez fa mai.trefie; il y courut, plein
de rage, & trouve le chapelain aux genoux de
Françoife, la bouche collée fur fa main. Sans doute
Cromwell aHoit envoyer le téméraire au fuppliee,
mais l’amant audacieux ne fe déconcerte pas : cc O
33 Cromwell, s’écrie-t-il, vous, le génie tutélaire
33 de la Grande-Bretagne, daignez vous joindre
» à moi, & fléchiftez, s'il fe peut, la princefte
33 votre fille. Je fuis à fes genoux, 8e j'ai juré de ne
>3 pas me lever qu'elle ne m'ait accordé Mifs*M***
» fa jeune fuivante, que je demande en mariage
Cromwell fut certainement furpris du difeours de
fon chapelain ; mais il connoiüoit trop parfaitement
tous,les reftorts de la fourberie pour en être
. la dupe. Il feignit de le croire, & ordonna fur.le
champ à fa fille de ne plus s’oppofer aux voeux
de Whitrite. Un miniftre fut mandé, on fit venir
Mifs M * -* * , & le mariage fut célébré fous les
yeux du protecteur. En faveur de cette union ,
Cromwell fit préfent aux époux d’ une fômrne de
cinq cents livres fterlings, & dans la fuite il eut
foin de leur fortune. Le tyran feignit d’être dé-
fabufé. Whitrite obtint ce qu'il n’avoit jamais déliré,
& tous deux fë trompèrent mutuellement,
bien certains qu'ils n'étoient pas dupes l ’un de
l'autre.