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W/cherley eft un des plus célèbres poètes conq
ues deP Angleterre. Il avoit beaucoup d’efprit
& un goûr décidé pour les plaifirs > c’eft ce qui
lui n£ dè bonne heure abandonner l’étude sèche
des loix pour fe livrer à des occupations plus agréables
& plus à la mode. Il fe fit connoître dans le
monde par une comédie intitulée : l'Amour dans
un bois, & le fuccès de cette pièce lui donna pour
amis les plus beaux efprits de la cour & de la
ville.
^Un jour cme Wycherley alloit en carrofle du
tuC?i ^a*^ ^ arnes s ü rencontra près de Pall-
Mall la duché (Ter de Cléyeland dans fa voiture,
qui * mettant la tête hors de la portière, lui cria
tout haut : <« Vous Wycherley, vous êtes un fils
5?e P/ * ; * y " & eh même-temps e'ie fe cacha, &
fe mit à rire de toute fa force. Wycherley fut
d abord un peu furpris de ce compliment, mais il
comprit bien qu’il faifoit allufion a un .endroit de
fa comédie, où il dit : « Quand les parens font ef-
ciaves , leurs enfans fuivent leur deftinée : les
beaux génies ont toujours des p - . . pour mères.»
Wycherley, revenu de fa furprife, ordonna à
fon cocher de fouetter les chevaux & d’atteindre
le carroffe de la ducheffe ; en l'abordant : « Madame
, lui dit-il, vous m'avez donné un nom qui
appartient généralement aux gens heureux. Votre
grandeur youdroit-elle fe trouver ce foir à la comédie
de Wycherley. Eh bien, reprit-elle, fi je
m'y trouvé, que lui arrivera-t-il d’heureux? C'eft,
répondit lè poète, que j’anrai l’honneur de vous
y faire ma cour, quoiqu’en même-temps je manque
à une belle perfonne, qui m’a donné rendez-
vous ailleurs. Quoi! dit la ducheffe, vous avez
rinfidélité de manquer à une belle femme qui vous
a favorifé à ce point, pour une autre qui ne l’a
point fait, & qui n'y fonge pas ? O u i, reprit Wy-
cherley, dès que celle qui ne m’a point favorifé,
eft la plus belle des deux ; mais quiconque, con-
tfinua-t i l , demeurera conftamment attaché à votre
grandeur, jufqu’ à ce qu’il en ait trouvé une
plus belle, eft sûr de mourir votre captif ». La
ducheffe de Gléveland rougit, & ordonna à fon
cocher d'avancer.
Le foir, la ducheffe fe trouva à la comédie : elle
fe plaça, fulyant fa coutume, dans la loge du roi.
Wycherley fe mit directement au-deffous d'elle, &
l'entretint pendant tout le temps du fpeétacle.Tel
fut le commencement d’un commerce qui fit dans
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la fuite beaucoup de bruit. C e qu’il y a de plus
fingulier dans cette aventure, c’eft qu’ elle obtint
au poète les bonnes grâces du duc de Buckingham,
qui aimoit infruélueufement cette dame, & qui
étoit perfuadé que Wycherley étoit l’amant favo-
nfe. Le duc défefpéré d’adorer une ingrate, qui
étoit fa coufine, la fit efpionner, & nomma publiquement
tous ceux qffil crut être fes rivaux,
fans oublier le poète. Wycherley averti à temps,
& voyant qu’il étoit perdu, fi ce bruit parvenoit
aux oreilles du roi, fit repréfenter au duc le tort
extrême qu’il allo’t faire à un homme qui n’avoit
pas l’honneur d’être connu de lui, qui le refpec-
toit & qui ne l’avoit jamais offenfé. Le duc , lçrf-
que les amis du poète voulurent commencer fa
juftification, s’écria: « Ce n’eft point Wycherley
que je blâme, c'eft ma coufine »>. Cepehdant il fe
laifta fléchir , & confentit qu’on lui amenât le
poète, & le retint à fouper. Il fut fi charmé de
fon efprit, que dans une efpèce d’enthoufiafme 3
il dit : Ma coufine a raifion , & depuis ce moment
il fe déclara le prote&eur & l’ami du poète qu’il
avoit voulu perdre. Wycherley devint fous-lieutenant
de la compagnie du duc & un des fous-
écuyers , .emplois qui luirapportoient au-delà de
trente-fix mille livres de rente de notre monnoie.
Wycherley reçut de grandes marques de faveur
du roi Charles I I , jufques-là que ce prince lui
rendit vifire dans Une maladie,, & lui confeilta
d’ aller paffer l’hiver à Montpellier^ confeil qu’il
accompagna d’un préfent de cinq cents livres fter-
ling, pour le défrayer. Dans la fuite, il fe brouilla
avec le roi, aü fujet d’un mariage qu’il contracta
avec la comteffe Drogheda, qui lui fit donation
de tout fon bien ; mais cette donation fut contestée
& annullée, &c. Wycherley, ruiné par ce
coup, fut mis en prifon à la requête de fes créanciers
; il y refta fept ans, & n'en fortit que par la
générofitéde Jacques I I , qui, ayant affilié à la
repréfentation de fon Mifanthrope, (Plain dealer)
en fut fi fatisfait, qu’il paya les dettes de l’auteur.
Le comte de Rochefter difoit du lord Dorfet,
«« que c'étoît le meilleur homme avec la mufe la
plus maligne, » & l'on peut app'iq>er ce bon mot
a Wycherley. Il étoit doux, humain, o'Tgeant
tout le monde , & ne voulant de mal à perfon- e j
mais il fn ndoit les vices a vec une âcre té q i pour-
roit faire penfer qu’ il en vouloit moins aux défauts
qu'aux hommes qui les laiffoient paroître.
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X.
X É N O P t JO N , capitaine & hiftorien grec,
diftiple de Socrate, ne a Athènes, mort vers
l ’an 360 avant Jélus Chriit, à l’âge’ de 90 ans.
Xénophon fut un capitaine brave, courageux,
fertile en expédiens. I. joignoit auialent de commander
des nommes libres, & qui pouvoient être
un jour fes juges, l'art non moins nec^ flaire de
les perfuader : m.a:s Xénophon nous int refie encore
plus ccmme hiftorien. Les rhéteu s ont loué
la pureté & 1 élégance deTon ftyL î le d aleéte at-
tique qu’il emploie, a;outent-i s , r, fpire une douceur
fi aimabe , qu'on d roit que l.s grâces même
conduifoient fa plume. On l’a fu; nommé \‘Abeille
grecque , & la Mufe athénienne. Les philofophcS
admireront avec plus de raifon dans Xénophon la
fageffé de fes maximes pol tiques & militaires. Sa
Cyropéaie, par exemple, offre les vues les plus
importantes fur l'éducation nationale. Le difciple
de Sccrate y enfeigne l'art de créer la valeur &
de l’entretenir. Sa retraite des dix mille apprend
aux militâmes plus que des manoeuvres : e lc peut
même être utile à tous ceux que leur état appelle à
manier les efprits de la multitude, & à calculer la
valeur des nations. Aux yeux de ce génie profond,
ainfî qu’on le peut voir dans tous fes écrits politiques
, la fcience du gouvernement n'eft point l’art
fi ordinaire de prendre les hommes tels qu’ils font,
mais l'art plus difficile, plus important de les fariner
tels que l'on vêtit qu'ils (oient.
Lorfque Socrate le vit pour la première fois, • il
fut frappé de la candeur qui régnoit fur fa phyfio-
nomie, & réfolut dès ee moment de le mettre
au rang de fes difciples. Il s’informa d'abord de
lui ou fie vendoient plufieurs denrées nècejfaires a la
v ie ; le jeune homme ayant répondu fort férieu-
fement à cette demande , le philofophe lui fit
cette nouvelle queflion, oit fe formoient les gens
vertueux ? Xénophon héfita de répondre ; alors
Socrate lui dit : Suiver-moi, & vene[ l'apprendre.
Xénophon étudia avec Platon fous ce grand maître,
& il régna entre ces deux célèbres difciples de
Socrate, une rivalité qui n'a pas peu contribué à
la perfection de leurs ouvrages*
Xénophon avoit embraffé le parti des armes. Il
alla au fecours de Cirus le jeune dans fon expédition
contre fon fière Artaxercès. C e jeune prince
ayant été tué dai s un combat, les Grecs, qui
avoient marché à fon fecours, & qui étoient éloi- i
gnés de la Grèce de plus de cinq cens lieues, pré- i
férèrent néanmoins de retourner dans leur patrie, ;
ou de mourir libres, aux établiffemens les plus
avantageux qu'ils pouvoient efpérer en Perfe. Ces
Grecs étoient au nombre de dix mille. Xénophon
& fes collègues les ramenèrent en Grèce à travers
des pays inconnus, malgré les plus grands obfta-
cle s, & après avoir remporté autant de .viCto res
qu’ils rencontrèrent de peuples différens fur leur
route. Les anciens ne pouvoient fe laffer d’admirer
cette fameufe retraite > & long temps après, Antoine
pourfuivi par les Parthes, à-peu-près dans
un pareil danger, s ’écria, plein d’admiration pour
un courage fi invincible : O retraite des dix mille l
Xénophon, de retour en Grèce, fe mit au fer-
vice d’Agéfilas, roi de Lacédémone. Ceprir.ce,
qui fe connoifloit parfaitement en rr.éiite, eut
pour le capitaine athénien une confidéraiion particulière.
Il lui fit partager fes viéloires en Alïe.
Rappellé par l'ordre des Ephores au fecours de
Sparte, en guerre contre les Thébains, il con-
duilit avec lui Xénophon, qui fe diltingua également
par fa prudence & par fon courage. Lorique
la guerre fut terminée, il fe retira avec deux fils
qui.lui reftoient à Scyllonte , ville d’Elide, près
de celle d'Olympie. Ce guerrier philofophe y,pafla
le refte de fes jours dans l’exercice des vertus &:
dans les doux loifirs des mufes. Les Thébains
ayant déclaré une nouvelle guerre aux Lacédémoniens,
les Athéniens embrafsèrent te parti de ces
derniers, & Xénophon envoya auflî-jtôt fes deux
fils à Athènes 5 pour feivir dans fes armées. Gryl-
lus, fon fils aîné, fe diftingqa d’une manière particulière
dans la bataille de Mantinée, & fi l’on
en croit Paufànias, ce fut lui qui porta le coup
mortel au célèbre Epammondas ? général des
Thébains. Mais Gryllus ne furvécut pas à une
aéhon fi glotieufe, il fut tué dans le combat. La
nouvelle en fut portée à fon père, dans le t.mps
qu’il offroit un facrifice. Il ôta alors la couronne
de fleurs qu’ il avoit fur la tête 5 mais lorfque le
Courier eut ajouté que ce jeune homme étrit mort
glorieufement les armes à la main , il prit auftr-tqc
cette couronne > & continuant fon facr.fice, il
dit tranquillement : w Je favois bien que mon fils
étoit mortel «.
X E R C È S , roi de Perfe, monta fur le trône
l’an 485 ayant Jéfus Chritt.
Xerchs écriyit à Léonidas, roi de Lacédémone:
« Rends les armes.— Viens les prendre, répondit
le fier Spartiate ». Après la défaite des Pei Às aux
Thermopyles, Xercés s’en jetouïnant en Afie, &
fe trouvant fur mer dans un grand péril, à caufe
d’une tempête i épouvanté de ce danger, il demanda
au pilote s’ il y avo t quelqu’appaience de
fe fauver ; il lui répondit qu’il n’y en avoit point,
fi l’on ne déchargeoit le vaifléau de quelques uns
de ceux qui étoient dedans. Xercés parla aufii tôt