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craferoit fans l’étonner. C ’eft là le vrai philofo-
. phe j tous les autres ne font que des difcoureurs
& de beaux efprits. Qu’on trouve , ajoute-t-il ,
un exemple de philofophie , pareil à celui d’un de'
nos generaux , qui dans le fort d’une • bataille ,
demande une prife de tabac à un de fes lieute-
nans , & qui , voyant celui-ci emporté d’un boulet
de canon dans le moment qu’il , lui préfentoit-
fa tabatière, fe retourne froidemenr de l’ autre côte
^ & dit à un autre officier : « C e fera donc vous
” qui m’en donnerez , puifqu’il a emporté la ta-
» batière avec lui ».
L ’efprit eft un miroir : c’eft là fon vrai point
de comparaifon ; le propre & fpécifique caractère
du miroir , eft., fans aucune trace phyfîque & corporelle
, dç repréfenter tous les objets quelconques
, avec' la même diftindtion qu’ils ont en eux-
mêmes , fans qu’aucun de ces objets fafie obftacle
i l’ autre , ou nuife à fa repréfentation. Il y en a
Une raifon optique , toute géométrique. Deux
objets préfens à un miroir ne peuvent être repré-
Tentés à un oeil , que dans des points différens ,-
ou dans un même point par des rayons différens ,
les incidences des rayons étant alors fous différens
angles. La différence du miroir & de l’efprit
eft , que l’efprit eft un miroir aétif qui fe repré-.
fente à lui-même , & que le miroir eft paffif, &
ne repréfente qu’ à l’oeil d’autrui.
Notre langue n’a point d’a cce rt, fi ce n’eft
dans les provinces éloignées , dont on fe moque
à Paris. Notre langue eft comme l’eau, fans goût
marqué, ou comme le blanc , germé de toutes.
les couleurs, fans être couleur lui-même.
Lès italiens peignent plus que nous , finon
mieuxj & ils parlent,comme on d it, la bouche
ouverte , plus que nous qui ne parlons qu’à de-
mi-mot & du bout des lèvres, copnme nous rions
en fîmple fonds. La touche italienne eft plus
forte, plus hardie, plus grande , comme leur coup
d’archet. Leur peinture, leur mufique , leur déclamation
eft d’appareil , théâtrale , coloffale
prefque. Notre mufique eft plus de commerce,
& d’un ufage plus journalier. Nous manions mieux
les' paillons ordinaires. Dans le médiocre, nous
fommes excellens. L’italien eft admirable par tout
où il faut forcer d’expreftion.
Une demi-vérité eft, la plupart du tems, une
erreur > & une demi-fcience eft pire que l’ignorance.
Rien n’eft mieux dit, ajoute le père Cafiel,
que ce que difoit un je ne fais quel ancien : « que
:=» ce n’eft rien que de trouver la vérité , fi on
ne la reconnaît pour ce qu’elle eft ». Un coq
trouve une perle dans un fumier , & il l’y laiffe j
un efprit groilïer ne trouve fouvent la vérité que
pour la combattre & pour la défigurer : il mangue
à la plupart des fàvans , de favoir qu’ils, fa-
vent une chofe ; faute de cette fciencé réfléchie,
ils ne favent rien j 8c ©n peut dire que le favoir
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n’eft rien, fi on ne fait foi - même qu’on fait les
chofes.
Un prince habile difoit : Le tems & moi,
nous en valons deux. Et il avoit raifon. Il n’ eft
rien dont on ne vienne à bout avec le tems ; le
roitelet, mis fur les aîles de l’aigle, atteint juf-
ques aux nues j un homme mis fur les aîles du
tems , élève fes travaux jufqu’à la hauteur des
montagnes 5 plufieurs hommes , entés les uns
fur les autres , font des géans 5 & puifque la nature
ne travaille qu’avec le tems, fucceffivement
& affez lentement, on peut en quelque forte ,
& fous le bon plaifir de dieu, parier avec elle,
& entreprendre de ruiner fes travaux, ou de
réédifier ce qu’elle détruit.
Notre philofophe a étendu fes réflexions fur
plufieurs autres objets, & fes écrits ont cet avantage
, que les erreurs même qui s’y trouvent, apprennent
à penfer.
Le père Cafiel s’eft principalement fait connoî-
tre par fon clavecin oculaire , inftriiment à touches,
analogue au clavecin auriculaire , & deftiné
à donner à l’ame, par les yeux , les mêmes fen-
fations agréables" de mélodie & diharmonie de
couleurs , que celles de mélodie’& d’harmonie de
i fons que le clavecin ordinaire lui communique par
l ’oreille. Il y a des différences importantes ob-
fervées entre ces deux clavecins. Quoiqu’il y ait
fur le- clavecin ordinaire un grand intervalle
entre la première & la dernière touche, l’oreille
; cependant n’apperçoit point de difeontinuité en-
\ r e les fons 5 ils font liés pour l’ouie comme fi les
touches étoient toutes voifines , au lieu que les
■ couleurs font nécêffairement diftantes & d i s jointes
à la vue. Dans les , airs de mouvement
& dans les' battèries de couleurs, le fpedlateür
ne pourra par conséquent faifir que quelque notes
éparfes, ou il : fe tourmentera fi fort pour les
faifir toutes qu’il en aura bientôt la brelue, & adieu
la mélodie 8c l’harmonie. Comment d’ailleurs
retenir un air de couleurs, comme on retient .un
air de - fons.
Le père Cafiel s’étoit retiré du grand monde ,
plufieurs années avant fa mort. Il vivoit au milieu
de fes livres, de fes écrits & de fon attelier pour
-le clavecin oculaire. Cet inftrument étoit une belle;
chimère qui flattoit fon imagination.
C AST IL LO , ( Antoine de ,) né à C or-
doüe , l’an 1605, mort en 1667.
C e t artifte travailloit avec fatisfadlion > lôrf-
qu’il vit quelques tableaux de fon compatriote
Murillo : furpris de la beauté de leur coloris ,
& des grâces qui règnoient dans leur compofî-
tîon, il s’ écria avec douleur : « Cafiillo peut
» mourir à préfent, car il n’a que trop vécu »...
Le regret de fe voir furpaffer , & d’être trop
vieux pour fe perfectionner dans la peinture, le.
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fit tomber, en effet, dans une mélancolie profonde
qui le conduifit au tombeau.
C ATH ER IN E D E MEDICIS étoit née à Florence,
en 15*95 elle mourut en 1589.
Catherine de Médicis , efclave de la fuperftkion ,
confulta les devins jufqu à fa mort. Un 1 avoit
avertie qu’un Saint-Germain la verroit mourir:
elle ne voulut jamais demeurer à Saint Germain-
en-Laye , & on dit qu’elle n’y coucha jamais
depuis. Mais un nommé Saint - Germain, docteur
en théologie , l’ayant affiliée à l’heure de fa
mort, on regarda la prédiction accomplie.
Voici fon portrait fi bien peint par le prélident
Hénault.
C ’eft un efprit vafte & profond, une ame ferme
& indomptable, 8c qui , maigre fa roideur , fait
le plier , 8c prendre toutes les formes qui lui
font utiles : elle a toutes les qualités de toutes ^
les fituations où elle fe trouve, & 1 ambition de
tous les états. Quand elle vint en France, ou
elle n’avoit autre chofe a faire que de plaire a
fon beau-père, François I : elle arrivoit'dans une
cour' brillante , dont la galanterie faifoit la principale
occupation : nulle fcrrçme ne 1 égala dans
l’art de plaire , 8c d’en imaginer les moyens 3
art fatal qui ne périt plus, & qui nefait que fe
perfectionner, des qu’une fois il a été inventé.
François I aimoit la chaffe : nulle dame de la
cour ne manioit mieux un cheval qut Catherine.
Il fe plaifoit aùx tournois : ellç en eut difputé
le prix aux feigneurs de la cour , lés plus adroits
8c les plus exercés. Il aimoit le bal 8c la danfe :
elle n’y connoiffoit.point d’^égale< Henri devint
roi, il a une maîtrene plus âgée que fon amant ,
8c qui I’avoit fubjugué par une efpèce d’enchantement
: Catherine , incapable' de jalôufie, quoiqu’elle
aimât fon mari, devient l’amie, la confidente
} 8c peut-être même la complàifantè de
Diane de Poitiers, fa rivale . . . . . La mort fu-
nefte du roi vient de mettre Catherine à la tête
des affaires , vous l’allez voir appliquée, férieu-
fe , abfolue, jaloufe de l’autorité , haute ou affable
, félon les, befoins , renfermée dans elle
feule, ayant l'air de fe livrer, 8c écbapant tout-
à-coup. Catherine n’aimoit effentiellement que
l’autorité: 8c la^alanterie, fi elle en a e u , n’é-
toit qu’un hafard ou un amufement dans fa vie ,
• & jamais une paflion.
C A T fN A T fNico la s.d e), naquit le Ier Déc.
16^7 , de Pierre de Catinat, doyen des confeillers
au parlement de Paris, & de Catherine Poifie.
Ses ancêtres avoient toujours été d'ftingués par
leurs vertus 8e par leur défintéreffement. 11s étoient
originaires du Perche 8e y avoient occupé pendant
long-temps les principales charges de la magif-
trature. Un Catinat fut envoyé' par cette pro-
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vince aux états-généraux de T ou rs , pour défendre
Tes privilèges, & on l3a vue fe réunir toute
entière pour acheter à un autre une charge de
confeiller au parlement ; afin , dit l'hiftorien 3 qu il
y eut dans ce corps un homme incorruptible &
éclairé qui pût repréfenter fes befoins.
Là première éducation de Catinat fut celle d un
homme deftiné au barreau. Il fe fit recevoir avo- .
cat; & en exerça la fomftion pendant quelques-
tems. On fait qu'il quitta cete profeflion parce
qu'il lui arriva de perdre une caufe qu il croyoït
jufte.
Il fut d'abord lieutenant dans le régiment de
fournille. Louis X IV , témoin d'une belle aftion
qu'il fit au fiége de Lille, lui donna une, fous-
lieutenance au régiment des Gardes, ce qui croit
alors une-grande faveur, parce que ce corps étoit
l'objet de, fon affeétion particulièrè. Catinat fit dans
le régiment des Gardes les campagnes de 1672,
1S72, 1674 & 167?. il s’y diftingua en plufieurs
occafions. i l fut bleffé à Maftrecht & à la journée
de Senef. Le Grand Condé fut apprécier fon mérite,
& lui écrivit après la bataille *. Personne ne
pnhd plus àe fart que moi à votre blejfure ; il y a
j i peu de f'tns comme vous ,* que Ion perd trop quand
on les perd. -
En 1Û76 , Louis X IV le nomma lui-même &
fans follicitations, major-général de 1 Armée qui
devoit agir fur la Mozelle , aux ordres du maréchal
de Rochefort. M de Catinat fut charge du
même emploi pendant plufieurs campagnes, & il
l’auroit exercé plus longtemps,fi l'ayerfion que le
duc de la Feuillade avoit pour lui n eut fauve fes
taîens de cet écueil, en l’empêchant de devenir
major du régiment des Gardes, & par^conféquent,
toujours major-général de l’ armée. Cependant ce
même duc de "la Feuillade ne put s’empêcher
d’en parler au roi avec le plus grand eloge. Sjre ,
lui difoit-il, on peut également,.faire de lui un
chancelier, un minifire, un ambajfacleur, un ge- .
néral dJarmée , mais non un major du régiment des
Gardes.
Les années fuîvantes, M. de Catinat eut le
commandement des troupes de S_. Guillain, celui
de Cateau-Cambrefîs, 8c à la paix, il fe trouva
commandant à Dunkerque avec le grade de brigadier.
M. de Lauvois voulut aufli s’en fervir en
qualité de négociateur j il l’envoya à Lignerai
pour traiter avec le duc de Mantoue de 1 entree
; des troupes françoifes dans,-la ville de Cafal. Cette
négociation ayant manqué par la trahifon d^ un
fecrétaire du duc, le roi le nomma infpeéleur d in-
. fanterie.
Le Duc de Mantoue confentit enfin à livrer Cafal
aux françois : M. de Louvois envoya fur le champ-
à M. de Catinat lin brevet de maréchal de camp,
avec ordre de quitter fon gouvernement de Flaa