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cjuable par Tes circonftances. Robert fe trouva
lui-même aux mains avec le roi > que fon armure
cachoit à fes regards. Tous deux d’une valeur
égale , combattirent avec intrépidité , jufqu'à ce
que le jeune prince bleffa fon adverfaire au bras,
& le renverfa de deflus fon cheval. Guillaume
appela du fecours; fon fils le reconnut à fa voix.
Frappé de l'horreur du crime qu'il avoit commis,
de celui, plus terrible encore, dont il avoit été
fi prêt de fe rendre coupable, il fe précipita aux
genoux de fon père, implora fa miféricorde, &
offrit d'acheter fon pardon par tout ce qu’il lui
pîairoit d’ordonner de fon fort. La colère de
Guillaume étoit fi enflammée / que loin de ré
pondre à cette marque de repentir av.eclamême
tendrefle, il donna fa .malédiction à Robert, &
fortit de fon camp fur le cheval de ce prince,
qui l'aida lui-même à y monter. Le roi leva le
fiège & marcha avec fon armée en Normandie,
où les bons offices de la reine & de leurs amis
communs achevèrent une réconciliation que Robe: t
avoit déjà préparée par fon aétion généreufe & fes
remords fur fes fautes paflees., Guillaume parut fi
fincèrement réconcilié avec fon fils, qu'il l'emmena
avec lui en Angleterre , où il lui confia le commandement
de fes troupes.
Guillaume fit la gloire & la fureté de l'Angleterre
par fes armes & par fes loix- Deve-n-u—valé- ;
tudinaire & d'un embonpoint exceflif fur la fin j
de fes jours, il quitta l'Angleterre pour aller faire
diette à Rouen. Un autre incommodité l'obligeoit
de garder le lit quelques jours} Philippe,.roi de
France, l'apprit , & demanda en badinant:
« Quand donc ce gros homme relèvera-t i l . de
» fts couches » f Cette raillerie parvint aux oreilles
de Guillaume, qui, piqué du mot, envoya dire
au rd , avec .fon jurement ordinaire : « Par la.
-» réfurre&ion & par la fplendeur de Dieu, quand
» je ferai ,accouché,*j’ irai faire mes relevajlles à
» fainte Geneviève de Paris, & j'offrirai cent
» mi’le lances au lieu de cierges ». L ’effet fuivit
de près la menace : il entra dans le Vexin-François,
y mit tout à feu & à fang, afliégea Mante, prit
cette ville & la réduifit en cendres. Cette a dion
violente termina fa vie & fes projets; une fievre
le fit retourner fur fes pas ; en chemin fon cheval,
s'abbatit fous lui,- & la contufion qu’il en reçut
rendit fon mal incurable. On le vit alors pleurer
le fang qu'il avoit fait répandre pendant fon
règne, & chercher à réparer, par des legs pieux,
les excès de fa dernière expédition furies terres
de France.
C e prince n’eut pas plutôt les yeux fermés, que
tous les feigneurs de fa cour difparurent ; fes officiers
ne penfèrent qu'à piller fon palais. Guillaume,
archevêque de Rouen, & Herloin de Couteville ,
furent les feuls qui s'occupèrent du foin de fa
fépulture. Comme le convoi approchoit de l’églife
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de faint Etienne de C a en , qu'il avoit fait bâtir,
& où il devoit être enterré , un bourgeois de la
ville arrêta le cercueil,-eu criant haro. « La place,
« ajouta-t-il, où vous vous difpofez d'enterrer ce
» corps , m’appartieni. Le roi n'étant encore que
» duc , l’a enlevée à mon,père Artur par vio-
« lence, pour y conllruire ce monafière. C'eft
« pourquoi je la réclame, & je m'oppofe à ce
» que l'ufurpateur y foit inhumé. » On vérifia le
fait, 8c on donna foixante fols à Afcelin pour le
lieu de la fépulture, avec promeffe de le dédommager
du relie de la terre ufurpée à fon père.
GUILLAUME DE N A S SAU , prince d'O-
range, roi d’Angleterre, né en i 6 î ° , mort en
1702.
Ce prince nourriffoit fous le flegme hollandois
une ardeur d'ambition & de gloire qui éclata toujours
depuis dans fa conduite, fans s'échapper
jamais dans fes difeours. Son humeur étoit froide
8c févère ; fon génie aéHf & perçant ; fon courage,
qui ne fe rebutoit jamais,- fit fupporter- à
. fon corps foible & langui fiant des fatigues aii-
delfus de fes forces. Il étoit valeureux fans oilen-
tation ; ambitieux, mais ennemi du farte ; né
avec une opiniâtreté flegmatique faite pour combattre
Lad ver fi té ; aimant les affaires la guerre 5
ne connoiiïant ni les plaifirs attachés à la grandeur,
ni ceux g|e l'humanité ; enfin, prefque tout
l’oppofé de Louis XIV.. Guillaume iaiffa la réputation
d’un grand politique, quoiqu'il n'eut pe int
été populaire ; & d'un général à craindre* quoiqu'il
eût perdu beaucoup de batailles. Toujours
mefuré dans fa conduite, & jamais vif que dans
un jour de combat, il ne régna paifiblerr.ent en
Angleterre , que parce qu’il ne voulut pas y être
abfolu. On Tappeloit lé ftathouder des an g lois &
le roi des hollandois... IL favpit toutes les langues
de l’Europe, & n'en parloit, aucune avec agrément
, ayant beaucoup; plus de réflexion dans
l'efpnt que d’imagination. Il affeftoit de fuir les
éloges & les flatteries , peut-être parce que Louis
X IV fembloit trop les aimer. Sa gloire fut d'un
autre genre que celle du monarque frarçois. Ceux
qui ertiment pins l'avantage d’avoir acquis un
royaume fans aucun droit de la.nature-, de s'y
être maintenu fans .être :a’mé, d’avoir gouverné-
fouverainement la Hollande fans la fubjuguer,
'd'avoir été: l'ame 8c le chef de la moitié.-de !
l’Europe, d'avoir eu les reffoürçes d'un général
& la valeur d'un foldat, de n'avoir jamais perfécuté
perfonne pour la religion, d'avoir me'prifé toutes
les fuperftitions des hommes, d’avoir été fimple
& modefte dans fes moeurs; ceux-là fans doute
donneront le nom de grand à Guillaume plutôt
qu’à Louis. Ceux qui font plus touchés des plaifirs
d'üne cour brillante, de la magnificence, de
la protection donnée aux arSts.:, du zèle-pour Le bien
public, de la paffion pour la gloire, du talent de
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régner, qui font plus frappés de cette hauteur
avec laquelle des mindlres & des generaux ont
ajouté des provinces à la France , fur un ordre
de leur roi, qui s'étonnent davantage d avoir vu
nn feul état réfiiler à tant de puiffançes; ceux qui
ertiment plus un roi de France qui fait donner
l ’Efpagne à.fon.petit fils, qu'un gendre qui dé-
t - ô : : e fon ' beau-père ; enfin , ceux qui admirent
davantage le proteéleur que le perfécuteur du roi
Jacdties, ceux-là donneront à Louis XIV la préférence.
( Voltaire }. \
Lu France 8c l’Angleterre avoient en 1672 déclaré
la guerre à la Hollande, & certe répub ique,
prdïée de tous côtés par les armées françoifes,
crargnoit pour fa 1-beité. Le prince d'Orange, âgé
pour lors de vingt deux ans, profita habilement
de la crainte des hollandois , pour fe faire refti-
tuer l'autorité que fes ancêtres avoient pofîedée.
Il fut élu rtath uder, & déclaré aénéral des armées
hollandoifes. Le duc de Buckignam inrtruit des
vues, & chargé des intérêts ciu roi d'Angleterre
Charles I I , voulut porter le nouveau Stathouder
à faire îles facrifices contraires au bien des Pro-
vinces-Unies. Pour l’y déterminer, il lui fit o b fer-
ver que la république étoit "perdue fans reflource.
« Je vois b:en , dit le prince , qu'el'le eft en grand
» danger ; mais je fais un moyen affuré de ne pas
»* fm-vivre à fa perte ; c'ért de mourir dans le
» dernier retranchement »-.
Le Stathouder , au milieu des malheurs qui
accabU L-nt fa patrie, eut aflez de courage &
de fermeté pour former" le projet d'une guerre
oflvnfive contre la France. Ses premières vues fe
p 'rtèrent fur ChaiLroi. I! étoit en marche pour
l'exécution de ceite entreprife , que perfonne
n’avo:- fou. çonnée, lorfqu’un colonel trop curieux
o fa lui faire des quel: ©ns. « Mais, lui dit le prince
t> d'Orange , fi vous com^iffiez. mes delïeins, ne
» 'es cornmun que 1 z, - vous à perfonne ? Non,
» ajfurément .. répondit le cHon■ 1. Le cielj ré,al -
qua ce prince, m’a aiiffi accordé le don de
» favoir garder un freret »*.
' Le prince d’Orarge fut obligé de V-ver le fiège
de Charlei.oi. Qudqu s années après, en.?677,
il attaqua pour la fécondé fort certe place, &
en leva pour h rtc nde fo's le fiège. Un fe r
gneur auglois diroir à cette oc c .fion : « Le prince
» d’Orange peut fe vanter d une chofe , c'eft
» qu’ 1 n’y a point .!e général qui, à fon âge , ait
», levé plus de lièges & perdu plus de batailles
» que lui ».
On d foit de ce prince qu’avec de grandes armées,,
d faifoit adn irabletnent la perte guerre,
comme T u- et me fa foit fupérieurement la grande
avec de petites armées.
Un premier traité pour parvenir à la paix de
Nimègue, de 16 78, venoit d'être figné avec, la
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Hollande, le 10 Août de la même année. Lee
prince d’Orange qui feignit, dît-on, de l'ignorer,
fondit fur ie maréchal de Luxembourg, tranquille
dans fon quartier à faint Denis , près Mons. U
engagea un combat long, fanglant & opiniâtre,
qui ne produifit d’autre fruit que la mort de deux
mille hollandois & d'autant dé français. On
ajoute qu'un officier témoignant fa furprife d une
pareille attaque , faite contre toutes les lo'x
de la guerre , le prince d'Orange lui répondit
qu'il n avoit pu fe refufer cette derniere leçon de
fon métier.
Un prince fi prodigue du fang humain devoit
être moins fcrupuleux à féconder les anglois dans
leur révolte contre, leur légitime roi Jacques II.
Le prince d'Orange avoit époufé la fille de ce
monarque, & ce fut pour ce Stathouder un moyen
de plus, pour parvenir à mettre fur fa tête la
couronne d’Angleterre. Le prrnee d'Orange, qui
n’étoit qu'un particulier Martre qui jouiffoit à
peine de cent mille florins de rente, fut fe procurer
une flotte 8c une armée confidérable , 8c
conduifit fon entreprife avec une fi profonde
politique & tant de bravoure » qu’il fe vit en peu
de temps élevé fur le trône de fon beau-père,
réfugié en France. Pour mieux s'affurer ce trône,
il s'appliqua à féconder les. efforts de fes alliés
contre la France, qui vonloit le rétablifloment
du roi détrôné. Mais fi fes armes n’eurent pas au
dehors tout le fuccès çu'i-J pouvoir dtfirer, la
fortune l'accompagna roujouis dans fa principale
entreprife-, 8c l’Angleterre entière le reconnut en
1689 pour fon roi , fous le nom de Guillaume III.
L'Irlande tenoit encore pour Jacques. Guillaume
avant pris les mefures convenables pour empêcher
que rien ne remuât en Angleterre pendant
fon abfence, paflà en Irlande. Le lendemain de
f n débarquement, il a Ailla au fervice divin. Le
doét.ur Roufe, qui prêchoit devant lui, prit pour
fon texte ces paroles de l'épître aux h ’breux :
Par la fo i ils ont fubjugué les royaumes. Au for tu:
de l'églife, le roi dit : « Mon chapelain a fort bien
» ouvert la campagne »3.
Les lieutenans de Guillaume l'exhortèrent à fon
arrivée en Irlande à prendre quelque rt> n de fa
confervation. Il les écout 1 paifiblt ment & fe contenta
de Lur répondre : « Je ne fuis pas v nu. en
» Irlande pour lailfer croître l’herbe fous mes
». pieds ; & un royaume où le fourrage eft
» au.ffi bon & suffi abondant .qu'en Flan ires ,
?> vaut bien la peine jqu'on fe batte pour le
» conquérir ».
En effet, peu de temps après, il attaqua, fur
les rives de la Boyne, les partifans de Jacqups II.
Dans la chaleur du combat, Henri Hubdart, qui
étoit auprès de Guillaume , entendant un bouLt
de canon fiffler autour de fes orelles, i! plia &
ferra les épaules comme un homme qui n'étoit pa9
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